Saisine du juge de l’exécution : 29 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/11235

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Saisine du juge de l’exécution : 29 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/11235

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2023

N° 2023/479

Rôle N° RG 22/11235 N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ3TJ

[P] [C]

C/

[Z] [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Romain CALLEN

Me Cyrille LA BALME

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de TOULON en date du 19 Juillet 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/04842.

APPELANTE

Madame [P] [W] épouse [C]

née le 03 Février 1947 à [Localité 4]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Romain CALLEN de la SELARL ROMAIN CALLEN, avocat au barreau de TOULON

INTIME

Monsieur [Z] [M]

né le 21 Juillet 1939 à [Localité 3] (ALGÉRIE),

demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté par Me Cyrille LA BALME de la SELARL CABINET LA BALME, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 10 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier présent lors du prononcé.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

Le juge de l’exécution de Toulon par décision du 19 juillet 2022 a liquidé une astreinte mise à la charge de madame [W] veuve [C], pour la contraindre à démolir une palissade édifiée en limite de la terrasse de son voisin, monsieur [M], sur la commune du Pradet, à la somme de 68 500 euros qu’elle a été condamnée à lui payer, outre 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette astreinte avait été fixée par une décision du 21 août 2020 rendue par le tribunal de grande instance de Toulon, à 100 euros par jour de retard, passé le délai d’un mois à compter de la signification de la décision, laquelle est intervenue le 14 septembre 2020, dans les termes suivants : ‘Condamne Madame [P] [W] épouse [C] à supprimer la palissade qu’elle a installée sur le mur séparatif entre sa propriété et la propriété de Monsieur [Z] [M] et à remettre en état ce mur séparatif, sous astreinte de la somme de 100 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision…’

Madame [C] a fait appel de la décision du juge de l’exécution par déclaration au greffe le 3 août 2022.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 14 septembre 2022 auxquelles il est renvoyé, elle demande à la cour de :

– la recevoir en son appel et la déclarer bien fondée,

– infirmer en toutes ses dispositions la décision déférée,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Vu l’article L.131-4 alinéa 3 du Code des Procédures Civiles d’Exécution,

– débouter monsieur [M] de ses demandes et notamment de sa demande en liquidation de l’astreinte provisoire en raison de la caractérisation de la cause étrangère justifiant de l’inexécution ou de son retard ;

Subsidiairement,

Vu l’article L.131-4 alinéa 1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution,

Vu l’article 1er du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

– liquider l’astreinte provisoire sur la période demandée à la somme de 1 € eu égard aux diligences de la débitrice de l’obligation de faire, aux difficultés rencontrées, et également eu égard au nécessaire rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel est liquidé

l’astreinte et l’enjeu du litige ;

En tout état de cause,

– ordonner la suppression pour l’avenir de l’astreinte provisoire prévue par le jugement du Tribunal Judiciaire de Toulon du 21 août 2020,

– débouter monsieur [M] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

– condamner monsieur [M] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, distraits au profit de maître Romain Callen, avocat constitué.

Elle affirme avoir supprimé la palissade dès le 3 septembre 2020, donc avant même la signification de la décision qui fixe l’astreinte, ce que son adversaire ne contesterait pas. La difficulté qui lui est opposée est uniquement quant à la remise en état du mur séparatif des propriétés. Or, il ne peut être refait car, monsieur [M] a commis un empiétement, il a refusé que les travaux soient réalisés, ceux ci étant réglementés en période estivale, et les travaux quoiqu’il en soit, exigent un confortement de la falaise comme le préconise un ingénieur béton. Tout cela constitue une cause étrangère qui doit motiver également pour l’avenir, la suppression de l’astreinte. Il convient également de vérifier qu’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant de la liquidation d’astreinte et l’enjeu du litige. Il ne s’agit en l’espèce que de la suppression d’une palissade et de travaux sur un muret qui séparent deux résidences secondaires de bord de mer. La disproportion est manifeste.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 30 septembre 2022 aux quelles il est ici renvoyé, monsieur [M] demande à la cour de :

Vu les articles L 131-3 et suivants du Code des Procédures Civiles d’Exécution,

Vu l’article R 121-2 alinéa 1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution,

Vu le Jugement rendu le 21 août 2020 par le Tribunal Judiciaire de Toulon,

Vu la signification du Jugement rendu le 14 septembre 2021,

Vu l’ordonnance d’incident du 16 février 2021,

Vu les pièces versées aux débats,

– Débouter madame [P] [W] veuve [C] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– Confirmer le Jugement rendu le 19 juillet 2022 par madame le Juge de l’Exécution du Tribunal Judiciaire de Toulon en toutes ses dispositions.

– Condamner madame [P] [W] veuve [C] à lui payer la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

– Condamner madame [P] [W] veuve [C] aux entiers dépens.

Le cabanon qu’il a acheté en 1973 constitue sa résidence principale, au sein d’une SCI Les Calanques du Pin de Galle dont le règlement intérieur prohibe sur les terrasses, les structures en matériaux durs. Ce pourquoi, il a agi à l’encontre de madame [C] qui avait édifié une palissade en bois, masquant la vue sur la mer, la plage et qui en plus, avait surélevé son terrain de 2 m. Il expose que l’attestation de monsieur [E] doit être écartée des débats car non conforme aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile. Le bornage amiable n’a aucun intérêt dans le présent litige. La motivation du jugement déféré est totalement adaptée et pertinente, madame [W] veuve [C] n’exécute toujours pas la remise en état qui lui incombe de sorte que les arrêts de la Cour de cassation du 20 janvier 2022 sur la proportionnalité ne sont pas applicables à la présente affaire.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 mai 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

L’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie, s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.

Il résulte des débats que madame [W] veuve [C] a été condamnée sous astreinte à remettre en état la terrasse dont elle est propriétaire et sur laquelle elle avait installé une palissade en bois avec remise en état du mur sur lequel cet ouvrage avait été posé. La décision prononcée lui a été signifiée le 14 septembre 2020 et elle disposait d’un délai d’un mois pour faire les modifications ordonnées si elle souhaitait échapper à la sanction financière.

Le jugement qui constitue le titre exécutoire dont la mise en oeuvre doit être assurée par la cour statuant actuellement dans les limites et pouvoirs d’un juge de l’exécution, a ordonné la suppression des travaux réalisés sans autorisation, par la pose d’une grande palissade en bois, sur toute la largeur du mur séparatif des fonds, constituant un écran imposant à la vue mer dont disposait jusqu’alors monsieur [M].

Le constat dressé à la demande de monsieur [M] le 21 octobre 2015 illustre l’initiative téméraire de madame [C] par rapport au règlement intérieur de la SCI Les Calanques du Pin de Galle. On peut observer également la détérioration du socle ciment de la palissade qui constitue le mur séparatif dont la base est en pierres assemblées et le réhaussement de la terrasse sur une ancienne photographie communiquée à l’huissier de justice, Me [H] ou diverses photographies en particulier la pièce n°14 du dossier [M], illustrant l’état initial de la séparation, constituée de simples croisillons verts servant de support à des plantations.

La charge de la preuve de l’exécution de l’obligation de faire, repose sur madame [C].

Une, certaine contradiction existe quant à ses dires, puisque dans un constat du 25 août 2016 antérieur au titre du 21 août 2020, elle a affirmé à Me [X], huissier de justice, avoir retiré la palissade litigieuse (pièce 5) ce qu’il a constaté… mais dans ses conclusions actuelles devant la cour elle indique ‘dès le 3 septembre 2020″ avoir supprimé la palissade, visant une pièce 8, photographie de Var Matin datée du 3 septembre 2020 non suffisante à prendre connaissance de l’état des lieux en raison du flou de l’image en arrière plan, ce que le premier juge a déjà retenu dans sa motivation dont l’appelante n’a pas tiré profit pour modifier son dossier probatoire.

Elle affirme que l’enlèvement de la palissade a été réalisé, ce que son voisin ne contesterait pas dans les conclusions devant la cour. Les écritures de monsieur [M] qui comportent 23 pages de rappel de procédure et la reprise textuelle des conclusions des parties aux différents stades du litige, de même que la motivation d’ordonnances et décisions judiciaires, n’apportent guère à la discussion actuelle sauf une certaine confusion. De la même manière, il reprend la motivation du jugement actuellement soumis à la cour, en page 24 et 25 de ses écritures, pour affirmer que le jugement est parfaitement motivé en fait et en droit, axant cependant ses explications sur la non remise en état du mur séparatif, ce qui implicitement serait admettre la réalisation de l’enlèvement de la palissade. Il sollicite toutefois la liquidation de l’astreinte au 17 mai 2022 à son montant nominal sur 685 jours…et indique en page 28, que le jugement du 19 juillet 2022 a parfaitement répondu à l’argumentation soulevée par madame [C] en constatant ‘qu’aucun procès verbal de constat ne vient justifier la réalité de la suppression de la palissade ni les difficultés rencontrées …pour y procéder’.

La cour ne peut donc admettre qu’il y a là reconnaissance par monsieur [M] de l’enlèvement de la palissade en bois, comme le considère madame [C], lequel n’est au contraire, pas expressément admis.

Madame [C] ne démontre pas davantage une cause étrangère l’ayant empêchée d’exécuter cet enlèvement de palissade.

Mais il est justifié, compte tenu de l’enjeu du litige, du fait que les constructions sont des cabanons de bord de mer, de conserver un rapport raisonnable de proportionnalité avec la sanction financière, arrêtée au 17 mai 2022, pour la fixer à la somme de 30 000 euros d’autant que l’astreinte n’est pas limitée dans le temps, et qu’il n’y a pas lieu de la supprimer en l’état du dossier probatoire présenté par l’appelante au vu duquel la mise en conformité n’est pas réalisée.

Il est inéquitable de laisser à la charge de monsieur [M] les frais irrépétibles engagés dans l’instance, une somme de 3 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d’appel seront laissés à la charge de madame [C] qui succombe en l’essentiel de ses prétentions.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,

CONFIRME la décision déférée, sauf concernant le quantum de l’astreinte,

Statuant à nouveau de ce chef,

LIQUIDE l’astreinte à la somme de 30 000 euros au 17 mai 2022,

CONDAMNE madame [W] veuve [C] à payer cette somme à monsieur [Z] [M],

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à supprimer l’astreinte pour l’avenir,

CONDAMNE madame [W] veuve [C] à payer 3 000 € à monsieur [Z] [M] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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