28/06/2023
ARRÊT N°232
N° RG 21/00727 – N° Portalis DBVI-V-B7F-N7L5
FP/CO
Décision déférée du 20 Janvier 2021 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE ( 2017J00735)
M.CHEFDEBIEN
S.A. BANQUE CIC SUD OUEST
C/
[V] [J]
[G] [Z]
infirmation
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A. BANQUE CIC SUD OUEST
[Adresse 1]
[Localité 4] / FRANCE
Représentée par Me Vincent ROBERT de la SELARL DESARNAUTS HORNY ROBERT DESPIERRES, avocat au barreau de TOULOUSE
Assistée de Me Stéphane ASENCIO de la SELARL ABR & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMES
Monsieur [V] [J]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représenté par Me Virginie STEVA-TOUZERY de la SELARL STV AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [G] [Z]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Fabienne MARTINET, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. PENAVAYRE,magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
I.MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère, faisant fonction de présidente
M. NORGUET, conseillère
F. PENAVAYRE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Greffier, lors des débats : C. OULIE
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par I.MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère , en remplacement de la présidente empéchée, , et par C.OULIE greffier de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 3 avril 2014, la banque CIC SUD-OUEST a consenti un prêt professionnel n° 19047 200514 02 d’un montant de 250 000 euros à la SAS LUKO pour financer l’acquisition d’un droit au bail et des travaux d’aménagement d’un salon de thé à l’enseigne « L’annexe » sis [Adresse 2] à [Localité 3].
Le prêt est garanti par le nantissement du fonds de commerce et la caution personnelle et solidaire des deux associés, Messieurs [V] [J] et [G] [Z] à hauteur de 300 000 € pour une durée de 110 mois.
La SAS LUKO a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de Commerce de Toulouse du 27 avril 2017.
La SA BANQUE CIC SUD-OUEST a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire à titre privilégié échu pour la somme de 9954,30 euros correspondant aux échéances impayées du prêt professionnel et à titre privilégié à échoir pour le surplus soit la somme de 165 904,80 euros outre les intérêts au taux de 2,95 % l’an.
Par jugement du 27 juillet 2017, la procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire.
La SA BANQUE CIC SUD-OUEST a actualisé sa créance qui a été déclarée à titre privilégié échu à hauteur de 173 074,65 euros .
Par lettre recommandée du 1er août 2017, la SA BANQUE CIC SUD-OUEST a mis en demeure les cautions d’avoir à lui payer la somme de 173 074,65 euros au titre de leur engagement de caution solidaire.
La banque a été autorisée à prendre une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire sur les biens immobiliers appartenant aux cautions, par ordonnance du juge de l’exécution en date du 15 décembre 2017.
Par arrêt du 28 mars 2018, la cour d’appel de Toulouse a rétracté le jugement du 27 juillet 2017 prononçant la liquidation judiciaire de la société, a enjoint à M. [J] de consigner la somme de 200 000 € en vue d’assurer le redressement de la SAS LUKO et a renvoyé devant la juridiction commerciale pour la suite de la procédure.
Par jugement du 10 janvier 2019, le tribunal de Commerce de Toulouse a ordonné la cession forcée des titres détenus par Monsieur [G] [Z] dans la SAS LUKO au profit de Monsieur [J] qui est devenu l’actionnaire unique.
Par jugement du 25 juillet 2019, le tribunal de Commerce de Toulouse a adopté le plan de continuation de la société prévoyant le paiement de 100 % du passif résiduel sur 9 ans ( en ce compris les échéances du prêt impayé ) et nommé Maître [B] [W] en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Par jugement du 28 janvier 2021, le tribunal de commerce a prolongé le plan d’une durée de deux ans pour le porter à 11 ans et accordé une franchise de paiement de deux ans sur les deux premières années afin de permettre à la société LUKO de conserver son fonds malgré les effets de la crise sanitaire.
Par acte d’huissier du 19 septembre 2019, la SA BANQUE CIC SUD-OUEST a assigné Monsieur [V] [J] et Monsieur [G] [Z] devant le tribunal de Commerce de Toulouse pour obtenir leur condamnation, en qualité de cautions solidaires de la SAS LUKO, à lui payer la somme principale de 173 074,65 euros outre les intérêts de retard.
Par jugement du 20 janvier 2021, le tribunal de Commerce de Toulouse a :
– débouté la SA BANQUE CIC SUD-OUEST de l’ensemble de ses demandes, fins et moyens
-condamné la SA BANQUE CIC SUD-OUEST à payer à Monsieur [G] [Z] la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive
-condamné la SA BANQUE CIC SUD-OUEST à payer la somme de 4000 € à Monsieur [G] [Z] et 1500 € à Monsieur [V] [J] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
-ordonné l’exécution provisoire du jugement
-condamné la banque aux dépens de l’instance.
Le tribunal a considéré que la demande de la banque ne peut prospérer dès lors que la rétractation du jugement prononçant la liquidation judiciaire annule tous les effets en découlant et remet les parties dans leur situation antérieure en sorte que la déchéance du terme du prêt est réputée ne pas avoir eu lieu. Par ailleurs il rejette l’argument de la banque selon lequel elle devait obtenir un titre exécutoire pour valider la saisie conservatoire précédemment pratiquée puisque la créance n’est pas exigible. Par contre, il estime qu’en maintenant la procédure alors que la liquidation judiciaire avait été rétractée , la banque a commis un abus de procédure qui justifie l’allocation de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile.
Par déclaration RPVA enregistrée au greffe le 16 février 2021, la SA BANQUE CIC SUD-OUEST a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de Commerce de Toulouse le 20 janvier 2021 .
Par ordonnance du 28 juillet 2021, le magistrat délégué par le Premier président a débouté la SA BANQUE CIC SUD-OUEST de sa demande de consignation et l’a condamnée aux dépens.
Par arrêt du 7 juillet 2022, la cour d’appel , statuant sur le déféré formé à l’encontre de l’ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 27 janvier 2022, a :
-infirmé l’ordonnance du conseiller de la mise en état
Et statuant à nouveau
-débouté Monsieur [Z] de sa demande d’irrecevabilité de l’appel fondée sur la nullité de la déclaration d’appel du 16 février 2021 (faute de grief )
-déclaré le conseiller de la mise en état incompétent au profit de la cour statuant au fond, pour statuer sur l’effet dévolutif de l’appel en raison de la déclaration d’appel qui ne comporte pas les chefs de jugement critiqués ni le renvoi à l’annexe qui les vise
-renvoyé l’instruction de l’affaire devant le conseiller la mise en état
-rejeté les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile
-condamné Monsieur [Z] aux dépens de l’incident.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 3 février 2023, la BANQUE CIC SUD-OUEST demande à la cour :
-de juger que la déclaration d’appel du 16 février 2021 a opéré son effet dévolutif et que la cour est valablement saisie des chefs de jugement critiqués
-de débouter Monsieur [Z] de sa demande tendant à voir constater l’absence d’effet dévolutif
-de déclarer la banque recevable et bien fondée en ses demandes
-de réformer le jugement du tribunal de commerce du 20 janvier 2021 en l’ensemble de ses dispositions en ce qu’il a :
– débouté la SA BANQUE CIC SUD-OUEST de ses demandes
-condamné la SA BANQUE CIC SUD-OUEST à payer à Monsieur [G] [Z] la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive
-condamné la SA BANQUE CIC SUD-OUEST à payer au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 4000 € à Monsieur [G] [Z] et 1500 € à Monsieur [V] [J]
-ordonné l’exécution provisoire
-condamné la banque aux dépens de l’instance
À titre principal :
-de rejeter les demandes, fins et prétentions adverses
– de condamner Monsieur [G] [Z] et Monsieur [V] [J] en qualité de cautions solidaires de la SAS LUKO au paiement de la somme de 173 074,65 euros outre les intérêts de retard au taux de 2,35 % à compter du 28 juillet 2017 et jusqu’à parfait paiement, au titre du solde du prêt professionnel sous déduction des sommes éventuellement réglées dans le cadre du plan de redressement,
À titre subsidiaire :
-de condamner Monsieur [G] [Z] et Monsieur [V] [J] en qualité de cautions solidaires au paiement de la somme de 19 908,60 euros au titre des échéances impayées du prêt professionnel , sous déduction des sommes éventuellement réglées dans le cadre du plan de redressement
En tout état de cause
– de les condamner chacun au paiement de la somme de 3500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Monsieur [G] [Z] a notifié ses conclusions récapitulatives le 3 février 2023.
Il demande à la cour, rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées
À titre principal :
-de constater l’absence d’effet dévolutif devant la cour d’appel de Toulouse de la déclaration d’appel formée par la BANQUE CIC SUD-OUEST le 16 février 2021
-de juger en conséquence n’y avoir lieu à statuer sur l’appel formé par la banque
À titre subsidiaire :
-de confirmer le jugement du 20 janvier 2021en toutes ses dispositions
À titre infiniment subsidiaire :
-de débouter la BANQUE CIC SUD-OUEST de la totalité de ses demandes
-de juger que toute condamnation prononcée à son encontre en qualité de caution de la société LUKO sera neutralisée dans la production de ses effets pendant toute la durée du plan et ne permettra que l’inscription d’une garantie hypothécaire
-de juger qu’il n’y aura lieu à exécution d’une hypothétique condamnation tant que les créances invoquées par la BANQUE CIC SUD-OUEST au titre du prêt seront réglées dans le cadre du plan de continuation
-de juger que la BANQUE CIC SUD-OUEST sera irrecevable à exiger un quelconque paiement à l’égard des cautions pendant toute la durée du plan de continuation
-de dire en conséquence que seule la résolution du plan permettra à la BANQUE CIC SUD-OUEST de se prévaloir de la décision à intervenir
-de prononcer toute éventuelle condamnation des cautions en deniers ou quittance sans considération des paiements effectués et à intervenir à la charge de la société LUKO;
En tout état de cause :
-de condamner la BANQUE CIC SUD-OUEST à lui payer la somme complémentaire de 6000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en ce compris les dépens de première instance et d’appel.
Monsieur [V] [J] a conclu le 22 juillet 2021 .
Il demande, au visa des dispositions de l’article L 622-29 du code de commerce :
-de confirmer le jugement du tribunal de Commerce de Toulouse du 20 janvier 2021
-de débouter la BANQUE CIC SUD-OUEST de l’intégralité de ses demandes
-de condamner la BANQUE CIC SUD-OUEST à lui payer une indemnité de 4000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l’instance.
Il y a lieu de se reporter expressément aux conclusions susvisées plus ample informé sur les faits de la cause, moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est en date du 6 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’effet dévolutif d’une déclaration d’appel ne comportant pas les chefs expressément critiqués du jugement :
Conformément à l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs du jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
La déclaration d’appel formée par la banque porte la mention suivante : « appel limité aux chefs du jugement expressément critiqués » sans autre précision. Elle a été déposée avec une annexe qui explicite les chefs du jugement auxquels son appel est limité . Cet acte a été notifié par le greffe en même temps que la déclaration d’appel. Il n’est pas fait renvoi à l’annexe dans l’acte d’appel .
M. [G] [Z] soutient que la cour n’est saisie d’aucun chef du jugement de première instance car la déclaration d’appel n’est pas conforme aux exigences des articles 562 et 901 du code de procédure civile et ne fait aucun en renvoi exprès à son annexe qui seule précise les chefs du jugement expressément critiqués.Il demande en conséquence de dire que la déclaration d’appel du 16 février 2021 est privée de tout effet dévolutif.
Le décret n°2022- 245 du 22 février 2022 a complété l’article 901 du code de procédure civile lequel indique que « la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant outre les mentions prescrites par les 2°et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :
—
4°les chefs du jugement expressément critiqués auxquels est limité son appel, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige et indivisible ».
Par ailleurs l’arrêté du 25 février 2022 a ajouté à l’article 3 de l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, un deuxième alinéa selon lequel « lorsque le fichier est une déclaration d’appel, il comprend obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l’article 901 du code de procédure civile. En cas de contradiction, ces mentions prévalent sur celles mentionnées dans le document fichier au format PDF visé à l’ article 4 ».
Selon l’article 4 « lorsqu’un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Ce document est communiqué sous la forme d’un fichier séparé du fichier visé à l’article 3. Ce document est un fichier au format PDF’. ».
L’ensemble de ces dispositions sont entrées en application le lendemain du jour de la publication du décret et sont immédiatement applicables aux instances en cours ( article 6 du décret) et partant, à l’acte qui a saisi la cour dans le présent litige dès lors qu’ il n’a pas été annulé par l’arrêt de la cour d’appel du 7 juillet 2022 statuant sur déféré de l’ordonnance du conseiller de la mise en état.
Elles visent à régulariser les déclarations d’appel antérieures lorsque les chefs expressément critiqués sont reproduits dans un fichier distinct .
Par avis du 8 juillet 2022 ( 2° chambre civile n° 22-70. 005), la Cour de cassation a dit qu’une déclaration d’appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l’acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l’absence d’empêchement technique.
L’ annexe s’incorporant à l’acte qui saisit la cour, il n’est pas besoin pour l’appelant de démontrer l’existence d’une condition d’utilisation de l’annexe, telle qu’une contrainte technique liée au dépassement du nombre de caractères maximum prévus par le RPVA.
Reste à déterminer s’il doit être fait renvoi exprès à l’annexe dans la déclaration d’appel ainsi que le soutiennent les intimés en se référant à l’article 4 de l’arrêté du 25 février 2022, la banque faisant valoir à cet égard qu’on ne peut lui reprocher de ne pas avoir satisfait à des exigences édictées postérieurement à son appel.
Le décret du 22 février 2022 a instauré un véritable statut pour l’annexe dont il consacre l’utilisation par les professionnels du droit. Il a été complété par un arrêté du même jour modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 précédemment édicté. Si ce dernier prévoit en son article 4 que« lorsqu’un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document », aucune sanction n’est attachée au non-respect de cette prescription.
L’ arrêté du 25 février 2022 a une vocation technique en matière de communication électronique et ne peut imposer à l’appelant une exigence procédurale nouvelle qui n’est pas expressément prévue par l’article 901 du code de procédure civile.
Dès lors peu importe que la déclaration d’appel ne fasse pas renvoi exprès à l’ annexe dès lors qu’elles ont été enregistrées au greffe de la cour le 16 février 2021 ainsi qu’il est justifié aux débats (pièces 19 et 20) et portées à la connaissance de l’intimé par les soins du greffe le 17 février 2022.
Le défaut de renvoi n’emporte en lui-même aucune conséquence pour l’intimé puisqu’il a eu connaissance de l’étendue de l’appel dès la saisie de la cour .
En tout état de cause,Monsieur [Z] ne démontre pas à quel titre l’absence de renvoi dans la déclaration d’appel à l’annexe jointe aurait porté une quelconque atteinte à l’exercice de ses droits.
Dès lors il sera dit que la déclaration d’appel et l’ annexe qui fait corps avec elle et contient les chefs du jugement expressément critiqués a valablement saisi la cour.
Monsieur [Z] sera débouté de ses prétentions contraires.
Sur les poursuites engagées à l’encontre des cautions :
À la suite du Jugement du 27 juillet 2017 qui a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, la banque a actualisé sa créance et déclaré une somme de 173 074,60 euros à titre privilégié échu (dont 6 échéances mensuelles pour la période du 5 février 2017 au 5 juillet 2017 à hauteur de 19 908,60 euros).
La cour d’appel ayant rétracté, par arrêt du 28 mars 2018, le jugement du tribunal de Commerce du 27 juillet 2017, un plan de continuation de la société LUKO a été adopté le 25 juillet 2019 qui reprend 100 % du passif de la société en ce compris les échéances impayées du prêt.
La créance de la banque qui n’a pas été contestée, est opposable aux cautions personnelles et solidaires.
Dans le cadre de la présente procédure, la banque réclame aux cautions l’intégralité du prêt et à titre subsidiaire, le paiement des seules échéances impayées depuis l’ouverture de la procédure.
Elle fait valoir qu’elle est fondée à poursuivre les cautions après l’adoption du plan de redressement puisqu’elles ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan, conformément à l’article L631-20 du code de commerce, et que le prêt est devenu entièrement exigible, non pas du fait de l’ouverture de la procédure , mais en vertu des dispositions contractuelles du contrat de prêt et des actes de caution aux termes desquelles la déchéance est prononcée en raison des échéances impayées.
Les cautions font valoir pour leur part que la déchéance du terme ne peut résulter ni du jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire puisqu’il a été invalidé par l’arrêt de la cour d’appel, ni des dispositions contractuelles , lesquelles en tout état de cause doivent être réputées non écrites. En conséquence si la déchéance du terme n’est pas encourue par le débiteur principal, elle n’est pas non plus encourue par les cautions qui ne peuvent être poursuivies par le créancier qui n’a pas d’intérêt à agir contre elles.
En application de l’article L631-20 du code de commerce et par dérogation à l’article L626-11, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan. Les intimés ne peuvent donc se prévaloir des délais accordés au débiteur principal dans le cadre du plan de redressement et le créancier est recevable à agir à leur encontre pour les sommes devenues exigibles à l’encontre du débiteur principal.
L’article L622-29 stipule que le jugement d’ouverture ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé et que toute clause contraire est réputée non écrite.
Il résulte de la combinaison de ces deux textes que si la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan de redressement arrêté à l’égard du débiteur principal, elle ne peut être traitée plus durement que le débiteur principal en vertu du caractère accessoire du contrat de cautionnement et des dispositions de l’article 2290 du Code civil, en l’absence de déchéance du terme atteignant le débiteur principal.
En l’espèce il est constant que la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt en se prévalant du jugement du tribunal de Commerce de Toulouse qui a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire ainsi qu’il résulte de la mise en demeure qu’elle a adressée aux cautions le 1er août 2017 (soit en se fondant sur l’article L643-1 alinéa 1er du code).
La liquidation judiciaire ayant été rétractée par l’arrêt de la cour d’appel , la déchéance du terme qui n’était pas acquise au jour du jugement d’ouverture du 27 avril 2017 ne peut plus être prononcée à l’encontre du débiteur principal qui bénéficie d’un plan de redressement pour les dettes antérieures.
Contrairement à ce que la banque soutient, elle n’est pas acquise non plus du seul fait des dispositions contractuelles qui lui permettent, « sans formalité ni mise en demeure préalable, de rendre immédiatement exigibles les sommes dues au titre du contrat, nonobstant les termes et délais fixés’. en cas de retard de plus de 30 jours dans le paiement partiel ou total d’une échéance en principal, intérêts ou accessoires » dès lors qu’aucune déchéance du terme n’a été prononcée avant le jugement d’ouverture et que ce dernier empêche désormais son acquisition par le seul fait du redressement judiciaire.
Il en résulte que si le débiteur principal n’a pas encouru la déchéance du terme au jour du jugement d’ouverture, la caution n’a pas encouru davantage la déchéance du terme et ne peut être tenue qu’au paiement de la partie exigible de la dette cautionnée (Cassation commerciale 15 décembre 2009 n° 08-19 949).
Le maintien du terme à l’égard du débiteur principal doit profiter à la caution et cette dernière ne peut être poursuivie qu’à hauteur des sommes exigibles en application de l’échéancier contractuel.
En conséquence, toutes les sommes échues et impayées avant le jugement d’ouverture, pendant la période d’observation et depuis l’adoption du plan peuvent lui être immédiatement réclamées.
Il y a lieu d’infirmer le jugement déféré à la cour et de condamner solidairement Messieurs [J] et [Z] à payer à la BANQUE CIC SUD-OUEST la somme de 19 908,60 euros au titre des 6 échéances mensuelles impayées pour la période du 5 février 2017 au 5 juillet 2017, sous déduction des sommes éventuellement réglées dans le cadre du plan de redressement.
En revanche, il y a lieu de rejeter la demande de la banque tendant à obtenir la condamnation des cautions à lui payer la somme principale de 173 074,65 euros outre les intérêts de retard à compter du 28 juillet 2017 jusqu’à parfait règlement.
Sur les autres demandes :
Il résulte de ce qui précède qu’aucune procédure abusive n’est caractérisée à l’encontre de l’action engagée par la BANQUE CIC SUD-OUEST dès lors qu’en application des articles R622-26 alinéa 2 et L 622-28 alinéa 3 du même code , les créanciers bénéficiaires de sûretés personnelles peuvent pratiquer des mesures conservatoires en application de l’article R511-1 et suivants du code de procédure civile et plus particulièrement de l’article R511-7 qui leur fait obligation d’obtenir un titre exécutoire dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, faute de quoi elles deviennent caduques.
Compte tenu des circonstances, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu’elles ont exposés pour assurer leur représentation en justice.
La partie qui succombe doit supporter les frais de l’instance.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après en avoir délibéré,
Dit que la déclaration d’appel du 16 février 2021complétée par l’annexe qui liste les chefs du jugement expressément critiqués a valablement saisi la cour ,
Infirme le jugement du tribunal de Commerce de Toulouse du 20 janvier 2021 en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Condamne solidairement Monsieur [G] [Z] et Monsieur [V] [J] à payer à la BANQUE CIC SUD-OUEST en leur qualité de cautions solidaires de la société LUKO, la somme de 19 908,60 euros au titre des échéances impayées du prêt professionnel, sous déduction des sommes éventuellement réglées dans le cadre du plan de redressement,
Déboute les parties de leurs autres demandes ou prétentions contraires,
Dit n’y avoir lieu application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties
Condamne Messieurs [G] [Z] et [V] [J] in solidum aux entiers dépens de l’instance.
Le greffier P/la présidente empêchée.