Saisine du juge de l’exécution : 28 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 18/03653

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Saisine du juge de l’exécution : 28 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 18/03653

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 18/03653 – N° Portalis DBVL-V-B7C-O4QV

Société [4]

C/

URSSAF BRETAGNE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Avril 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats, après prorogation du délibéré initialement fixé au 14 juin 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 27 Avril 2018

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de RENNES

Références : 214302/579

****

APPELANTE :

SAS [4]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Mathieu GIBAUD de la SAS DELTA AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX substituée par Me Julie CALEN, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

URSSAF BRETAGNE

Service Contentieux

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Madame [Y] [R], en vertu d’un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d’un contrôle de l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires ‘AGS’ relatif à la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Bretagne (l’URSSAF) a notifié à la SAS [4] (la société) une lettre d’observations du 5 juillet 2013 portant réintégration dans l’assiette de cotisations d’avantages en nature voyages et emportant redressement pour un montant de 6 401 euros.

A l’occasion de ce contrôle, l’inspecteur a vérifié la situation de M. [Z] [I], intervenant au sein de la société sous le statut de travailleur indépendant dans le cadre des articles L. 8221-1 et L. 8221- du code du travail.

Une seconde lettre d’observations également en date du 5 juillet 2013 a été adressée à la société, portant redressement pour un montant de 110 100 euros au titre du travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012. Un procès-verbal a été établi et adressé au procureur de la République.

Par lettre du 11 septembre 2013, la société a accepté le redressement opéré dans les suites du contrôle comptable d’assiette mais contesté le redressement du chef de travail dissimulé.

Répondant au redressement contesté, l’inspecteur l’a maintenu.

C’est dans ces circonstances que l’URSSAF notifié deux mises en demeure à la société, la première du 22 octobre 2013 tendant au paiement de la somme de 7 129 euros dont 6 402 euros de cotisations et la seconde du 23 octobre 2013 tendant au paiement de la somme de 135 771 euros, dont 110 100 euros de cotisations.

Contestant le bien-fondé des deux redressements opérés, la société a saisi, par lettre datée du 21 novembre 2013, la commission de recours amiable de l’organisme qui, par décisions du 24 avril 2014 notifiées le 16 mai 2014, a rejeté les recours et confirmé l’intégralité des redressements contestés.

La société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Ille-et-Vilaine les 11 mars et 23 mai 2014.

Ces recours ont été enregistrés au répertoire général sous les numéros respectifs 21400302 et 21400579.

Par jugement du 27 avril 2018, ce tribunal a :

– ordonné la jonction des recours 21400302 et 21400579 ;

– confirmé les mises en demeure des 22 et 23 octobre 2013 ;

– confirmé les redressements opérés pour les sommes principales de respectivement 110 100 euros (travail dissimulé) et 6 401 euros (avantages en nature voyages) ;

– condamné la société au versement d’une somme totale de 64 298 euros (solde des redressements) sans préjudice des majorations de retard complémentaires ;

– condamné la société à payer à l’URSSAF la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté l’ensemble des demandes de la société ;

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration faite par communication électronique au greffe le 6 juin 2018, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié par lettre du 14 mai 2018.

Par ses écritures n° 4 parvenues au greffe par le RPVA le 28 mars 2023, auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, la société demande à la cour :

– de la juger recevable et bien fondée en son appel ;

– d’infirmer en toutes ses dispositions critiquées le jugement entrepris en ce qu’il :

– a confirmé les mises en demeure des 22 et 23 octobre 2013 ;

– a confirmé les redressements opérés pour les sommes principales de 110 100 euros (travail dissimulé) et 6 401 euros (avantages en nature voyages) ;

– l’a condamnée au versement d’une somme totale de 64 298 euros (solde des redressements) sans préjudices des majorations de retard complémentaires ;

– l’a condamnée à payer à l’URSSAF la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– a rejeté l’ensemble des demandes de la société ;

Statuant à nouveau,

Au principal,

– de prononcer la nullité des mises en demeure des 22 et 23 octobre 2013 et d’enjoindre à l’URSSAF d’établir, si elle l’estime opportun, de nouvelles mises en demeure pour que soit saisie une commission de recours amiable légale au visa des dispositions de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat du 4 novembre 2016 ;

Subsidiairement,

– de juger qu’elle ne s’est en aucun cas rendue coupable de travail dissimulé et mettre à néant la mise en demeure du 23 octobre 2013 y afférente de même que la décision de recours amiable qui en est résulté et le redressement notifié,

– de juger qu’elle a justifié des voyages effectués dans l’intérêt de l’entreprise ;

– de juger qu’elle ne peut se voir requalifier les frais professionnels, comme

étant des avantages en nature ;

– de juger mal fondés les redressements relatifs au travail dissimulé et aux avantages en nature ;

– d’annuler les redressements des 22 et 23 octobre 2013 et la décision de la commission de recours amiable du 24 avril 2014 ;

– de condamner l’URSSAF à lui restituer la somme de 135 771 euros qu’elle a versée pour obtenir la délivrance des attestations de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations, dans le cadre de l’accord intervenu en février et mars 2015, sous réserve de la présente procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Ille-et-Vilaine ;

– de condamner l’URSSAF au paiement de 10 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 20 septembre 2021, auxquelles s’est référée et qu’a développées sa représentante à l’audience, l’URSSAF demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

– prendre acte que le montant de la créance est de 28 445 euros et condamner la société au paiement de cette somme ;

– rejeter la demande de remboursement de la somme de 135 771 euros formulée par la société ;

– condamner la société au paiement de la somme supplémentaire de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouter la société de l’ensemble de ses demandes et prétentions.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte des explications des parties que la société est une société par actions simplifiée en activité depuis 33 ans et qu’elle a pour activité la pose de charpente, de tous les éléments en bois et objets de menuiserie, matériaux d’isolation, import/export de tels éléments, commercialisation, fabrication, achat et revente de charpentes.

A l’origine, il s’agissait d’une société anonyme, laquelle a été transformée en société par actions simplifiée lors de l’assemblée générale extraordinaire qui s’est tenue le 30 décembre 2004.

Son président était M. [Z] [I] qui est né en 1950.

Dans le but d’envisager l’avenir de la société et pour sa pérennité, les actionnaires se sont réunis en assemblée générale ordinaire le 31 décembre 2007. M. [Z] [I] a donné sa démission et la collectivité des actionnaires a nommé son fils [D] [I] pour lui succéder.

Parallèlement à cette situation, afin de s’adapter à l’évolution moderne et technique de la pose de charpente, la SAS [4] a décidé d’acquérir des machines modernes, à savoir un logiciel DAO, permettant au travers de centre d’usinage d’effectuer les tracés de charpente via le logiciel, le coût de l’investissement représentant près de 300 000 euros.

M. [Z] [I] a créé la SARL [5] et a signé avec la société appelante une convention de prestation d’assistance technique et informatique, en date du 31 janvier 2008. (Pièces n° 4 et 5 des productions de l’appelante).

Durant cette période, M. [Z] [I] en sa qualité de gérant de la SARL [5] s’est régulièrement acquitté des cotisations dont il était redevable auprès du RSI.

C’est dans ce contexte que l’URSSAF a effectué une vérification de l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires (AGS) auprès de la société.

1. Sur la régularité de la procédure

La société rappelle que la Cour de cassation considère qu’il appartient au juge de se prononcer sur le fond du litige sans tenir compte de l’irrégularité de la décision rendue par la commission de recours amiable ; que toutefois la cour ne peut faire l’impasse préalable de la question de savoir si oui ou non la mise en demeure qui constitue une formalité substantielle obligatoire et préalable à la saisine de la commission de recours amiable peut faire l’objet d’une contestation en indiquant une voie de recours à l’encontre d’une commission manifestement irrégulière et illégale comme l’a jugé le Conseil d’Etat dans l’arrêt précité.

Il est exact que la Cour de cassation a toujours considéré que si la saisine de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale n’était recevable qu’à la condition qu’elle ait été précédée d’une réclamation amiable devant la commission de recours amiable, les conditions dans lesquelles cette réclamation avait été instruite, examinée et tranchée par cette commission sont sans incidence sur l’examen au fond du litige opposant l’usager à l’organisme (par exemple : Soc., 26 novembre 1998, pourvoi n° 97-10.957, Bull. 1998, V, n° 525 ; Soc., 11 mai 2000, pourvoi n° 98-21.755, Bull. 2000, V, n° 178 ; 2e Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 15-13.202, Bull. 2016, II, n° 48).

Le moyen soulevé par l’appelant et tiré de la nullité des mises en demeure motif pris de l’irrégularité de la composition de la commission de recours amiable est donc inopérant.

L’appelante ajoute que pour autant la Cour de cassation ne tranche pas un point fondamental à savoir celui de la validité de la mise en demeure préalable.

Au cas particulier, il convient de relever que la première mise en demeure du 22 octobre 2013 fait expressément référence au contrôle, aux chefs de redressement notifiés le 9 juillet 2013 et à l’article R. 243- 59 du code de la sécurité sociale.

Elle mentionne, outre le délai d’un mois pour s’acquitter des sommes réclamées, que la société reste redevable pour chaque période de référence, (années 2010, 2011, 2012) de cotisations pour respectivement 458 euros, 2 788 euros, 3 156 euros et des majorations de retard pour respectivement 83 euros, 373 euros, 273 euros, soit un montant total de 7129 euros.

Hormis l’erreur de un euro sur le report des cotisations de l’année 2012 (pour un montant total de 3156 euros au lieu de 3155 euros selon la lettre d’observations), les montants mis en recouvrement correspondent aux montants redressés dans la lettre d’observations, auxquels s’ajoutent les majorations de retard.

La seconde mise en demeure du 23 octobre 2013 fait expressément référence au contrôle, aux chefs de redressement notifiés le 9 juillet 2013 et à l’article R. 243- 59 du code de la sécurité sociale.

Elle mentionne, outre le délai d’un mois pour s’acquitter des sommes réclamées, que la société reste redevable pour chaque période de référence, (années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012) de cotisations pour respectivement 21’812 euros, 25’123 euros, 19’294 euros, 21’728, 22 143 euros et des majorations de retard pour respectivement 7 153 euros, 7 034 euros, 4 476 euros, 4 976 euros, 3 997 euros, 3 011 euros, soit un montant total de 135’771 euros.

Force est de constater que ces mentions précises et complètes permettent au cotisant de connaître la cause, la nature et l’étendue de ses obligations.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté l’intimée de sa demande de nullité des mises en demeure. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a validé ces deux mises en demeure.

2. Sur le bien fondé du redressement opéré du chef de travail dissimulé

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d’un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail. (2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n° 19-16.606 ; 2e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 20-19.493).

Selon l’article L. 311-11, alinéa 1, du code de sécurité sociale, les personnes physiques mentionnées à l’article L. 8221-6, I, du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date d’exigibilité des cotisations litigieuses, ne relèvent du régime général de la sécurité sociale que s’il est établi que leur activité les place dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard d’un donneur d’ordre.

Dès lors, il appartient à l’organisme du recouvrement qui entend procéder à la réintégration des sommes versées par un donneur d’ordre à une personne physique bénéficiant de la présomption de non-salariat, de rapporter la preuve de ce lien de subordination juridique (2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 20-13.944).

Il est exact que l’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle.

Si le lien de subordination est l’élément décisif et s’il appartient au juge de le détecter à la lumière des pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction mis en oeuvre par l’employeur, la seule intégration à un service organisé est impropre à caractériser l’existence d’un lien de subordination s’il n’apparaît pas que le travailleur indépendant est soumis par ailleurs au pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de l’employeur prétendu.

Au cas particulier, l’inspecteur a fondé son redressement sur les constatations suivantes :

M. [Z] [I] était présent lors de son contrôle, dans un bureau mis à disposition par la société ;

la société et M. [I] ont signé le 31 janvier 2008, pour un début d’activité au 1er janvier 2008, une convention de prestation d’assistance technique et informatique ;

M. [I] est l’ancien président de la société ; il a démissionné le 31 décembre 2007 de ses fonctions ;

son fils [D] lui a succédé ;

l’article 1 de la convention décrit les missions essentielles de M. [Z] [I] :

assistance du bénéficiaire ou réalisation pour le compte de ce dernier des documents techniques, plans, relevés, métrages’relevant d’une technicité spécifique ou présentant des éléments requérant un savoir-faire particulier ;

conseil lors de la rédaction des devis, des conventions de mission et des cahiers des charges, ainsi que de tous documents techniques ou professionnels entrant dans le cadre de l’activité du bénéficiaire ;

mise en place, optimisation, suivi régulier, modification des paramétrages techniques et informatiques des matériels et installations du bénéficiaire, notamment le centre d’usinage ;

conseil quant au développement et à la mise en place de programmes, procédures ou logiciels adaptés à l’activité du bénéficiaire ;

assistance du bénéficiaire lors de l’acquisition, du renouvellement, de la maintenance ou de la réparation des matériels et installations de celui-ci.

l’article 3 alinéa 3 « Rémunérations – remboursement de frais » indique que M. [Z] [I] percevra une rémunération forfaitaire mensuelle de 2 000 euros hors taxes et qu’une régularisation interviendra sur la base des prestations effectivement réalisées ;

l’article 4 indique que la convention est conclue pour une durée indéterminée.

Analyse des faits :

à compter du 1er janvier 2008, M. [Z] [I] effectue ces activités sous le statut de travailleur indépendant. Ces activités correspondent à une partie de celles qu’il effectuait avant de démissionner de son poste de président ;

M. [Z] [I] s’est inscrit en qualité de travailleur indépendant à la date de signature de la convention ; ainsi, il poursuit une partie de ses activités sous le statut de travailleur indépendant alors même qu’il percevait des rémunérations soumises à cotisations et contributions pour les mêmes fonctions lorsqu’il était président de la structure ;

de plus, la société met à sa disposition un bureau au sein de la structure ainsi que l’ensemble des équipements nécessaires à la réalisation de ses tâches ;

M. [Z] [I] représente également la société auprès des partenaires ; il a été relevé en comptabilité un séjour en Crète organisé par un fournisseur ; Mme [I] [W], directrice déléguée et M. [Z] [I] représentaient la société lors de ce séjour ;

il est donc démontré que M. [I] poursuit partiellement son activité pour laquelle il percevait des rémunérations soumises à cotisations et contributions au titre de ses fonctions de président, sous le statut de travailleur indépendant.

Conclusion : M. [Z] [I] effectuant les mêmes tâches que lorsqu’il occupait les fonctions de président, la situation de travail correspond à une situation de salariat. M. [D] [I] ne pouvant ignorer la situation, ce dernier aurait dû déclarer les sommes versées comme des salaires. Les sommes relevées en comptabilité doivent donc être intégrées à l’assiette des cotisations et contributions. Ces sommes ont été reconstituées en brut.

En réponse aux observations que la société lui a adressées le 11 septembre 2013, l’inspecteur a maintenu le redressement en précisant que l’existence d’un lien de subordination résulte d’un faisceau de critères dont le cumul n’est pas indispensable à la caractérisation du lien de subordination :

– situation de dépendance économique ou dépendance juridique (absence d’autonomie, respect des directives, soumission à des contrôles) ;

– intégration dans le cadre d’un service organisé, laquelle s’apprécie par différents facteurs : détermination des horaires par l’employeur ; mise à disposition des locaux, du matériel ou du personnel de l’employeur ; absence de choix de la clientèle ; gestion administrative de la clientèle par l’employeur ; compte rendu relatif à la prestation fournie ; existence d’une rémunération fixe régulière’

– activité profitable à l’entreprise ;

– absence de risque économique pour l’intervenant.

Il a ajouté que le caractère intentionnel est démontré par l’usage abusif du statut de travailleur indépendant pour cette activité, M. [Z] [I], agissant, à compter du 1er janvier 2008 dans le cadre d’un service organisé : mise à disposition des locaux par la société, rémunération forfaitaire donc absence de risque économique.

Au soutien de sa demande de confirmation de la décision entreprise, l’URSSAF fait valoir que la volonté des parties a été de débuter leur collaboration dès la cessation d’activité de M. [Z] [I] ; que la SARL [5] dont il est le gérant est régulièrement immatriculée pour une activité de «promotion immobilière de logement » et non pour une activité d’assistance technique et informatique, activité pour laquelle la société a fait appel à M. [I].

Toutefois, si l’activité déployée par M. [Z] [I] auprès de la société contrôlée excède l’objet social de la SARL [5], cette circonstance ne pose que la question de savoir si la SARL a été valablement engagée dans ses relations avec ce tiers et n’est pas de nature à démontrer qu’il a été recouru à un montage juridique artificiel dans le dessein de se soustraire au paiement des charges sociales. Et il est admis que M. [Z] [I] s’est régulièrement acquitté des cotisations sociales dont il était personnellement redevable en sa qualité de gérant de la SARL [5].

S’il est exact que la démonstration de l’intention frauduleuse n’est pas requise au cas particulier, aucune autorité de chose jugée ne peut résulter du rappel à la loi décerné dans les suites du procès-verbal de travail dissimulé établi.

Certes, M. [Z] [I] avait bien le statut de salarié avant de cesser ses fonctions auprès de la société mais par détermination de la loi en sa qualité de PDG, en sorte qu’aucun lien de subordination antérieur ne peut être retenu, et ce alors qu’il détenait 99,76 % des actions.

S’il est indéniable que M. [Z] [I] a fait profiter la société dont son fils a pris la direction de l’expérience et du savoir fait qu’il avait lui-même acquis au fil des années, et si l’essentiel du chiffre d’affaires réalisé par la SARL est à rechercher dans les honoraires versés par la société (24 000 euros puis 31 550 euros, à l’exception de l’année 2010 avec un chiffre d’affaires de 207 585 euros), force est de constater que les développements de l’inspecteur relayés par l’URSSAF dans ses conclusions sont inopérants s’agissant de démontrer l’exercice d’un travail au sein d’un service organisé selon des conditions déterminées unilatéralement par la société (Soc., 13 avril 2022, n° 20-14.870).

Ils ne permettent pas de retenir que pendant l’exécution de ses missions, la société disposait du pouvoir de contrôler l’exécution de ses directives (lesquelles ne sont pas précisées).

Ils ne permettent pas davantage de savoir en quoi la société avait le pouvoir d’en sanctionner les manquements.

Il s’ensuit que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef de redressement.

3. Sur le bien fondé du redressement opéré au titre de l’avantage en nature « voyages »

Force est de relever que le bien-fondé de ce chef de redressement avait été admis par la société cours de la phase contradictoire.

En tout état de cause, la seule circonstance que ces dépenses ont été engagées dans l’intérêt de la société ne suffit pas à remettre en cause leur qualification d’avantages en nature soumis à cotisations, dès lors que les premiers juges ont exactement retenu, au vu des programmes de voyages, que la part la plus importante des déplacements avait été consacrée aux loisirs et au tourisme, seule une partie accessoire réduite ayant été dédiée à des motifs commerciaux ou professionnels.

Il s’ensuit que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a validé ce chef de redressement.

4. Sur la demande de condamnation de l’URSSAF

L’URSSAF admet que la société s’est acquittée partiellement des causes des redressements dont s’agit en ce qu’elle reconnaît que ne lui reste due que la somme de 28’445 €.

Toutefois, il n’y a pas lieu de la condamner à rembourser les versements déjà effectués nonobstant l’infirmation du jugement entrepris.

D’une part, le redressement est confirmé pour partie, la première mise en demeure du 22 octobre 2013 étant validée.

D’autre part, s’agissant des sommes versées en exécution de la seconde mise en demeure, l’infirmation du jugement vaut titre exécutoire et il appartient à l’URSSAF de restituer les sommes indûment perçues.

Les parties seront donc renvoyées à l’établissement de leurs comptes et à saisir le juge de l’exécution en cas de difficulté.

5. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la société la charge de ses frais irrépétibles.

L’URSSAF qui succombe pour l’essentiel de ses prétentions sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre une indemnité de 3 500 euros.

S’agissant des dépens, l’article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale étant abrogé depuis le 1er janvier 2019, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de l’URSSAF qui pour l’essentiel succombe à l’instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d’Ille-et-Vilaine du 27 avril 2018 sauf en ce qu’il :

– confirme la mise en demeure du 22 octobre 2013 ;

– confirme le redressement opéré pour la somme principale de 6 401 euros (avantages en nature voyages) ;

– condamne la société au versement de la somme de 7 129 euros, sans préjudice des majorations de retard complémentaires ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Annule le redressement opéré au titre du travail dissimulé ;

Annule la mise en demeure du 23 octobre 2013 :

Condamne l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et allocations familiales Bretagne à verser à la SAS [4] une indemnité de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et allocations familiales Bretagne aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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