Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 28 JUIN 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/05576 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFPFR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 20/06530
APPELANTS
Monsieur [G] [O]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Madame [S] [E] épouse [O]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
INTIMEE
S.A. CREDIT LOGEMENT
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Denis LANCEREAU de l’AARPI Cabinet TOCQUEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : R050
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M.Marc BAILLY, Président de chambre,
M.Vincent BRAUD, Président,
MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M.Marc BAILLY, Président de chambre, et par Mme Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 15 mars 2022, M. [G] [O] et Mme [S] [E] épouse [O] ont interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 25 janvier 2022, rendu dans l’instance les opposant à la société Crédit Logement, et dont le dispositif est rédigé en ces termes :
‘Condamne solidairement M. [G] [O] et Mme [S] [O] née [E] à payer à la SA Crédit logement la somme de 84 328,67 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2019 ;
Déboute M. [G] [O] et Mme [S] [O] née [E] de leur demande de dommages et intérêts ;
Condamne in solidum M. [G] [O] et Mme [S] [O] née [E] à payer à la SA Crédit Logement la somme de 1 100 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière ;
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne in solidum M. [G] [O] et Mme [S] [O] née [E] aux dépens, qui ne comprennent pas les frais d’hypothèque judiciaire provisoire et d’hypothèque judiciaire définitive,
Ordonne l’exécution provisoire.’
****
À l’issue de la procédure d’appel clôturée le 9 mai 2023 les moyens et prétentions des parties s’exposent de la manière suivante.
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 5 mai 2023 les appelants
présentent ainsi leurs prétentions :
‘Il est demandé à la Cour de :
– Recevoir les époux [O] en leur appel et les y déclarer bien fondés,
– Infirmer la décision rendue en ce qu’elle a :
‘ condamné solidairement Monsieur [G] [O] et Madame [S] [E] épouse [O] à payer à la société CREDIT LOGEMENT la somme de 84 328,67 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2019,
‘ débouté Monsieur [G] [O] et Madame [S] [E] épouse [O] de leur demande de dommages et intérêts,
‘ condamné in solidum Monsieur [G] [O] et Madame [S] [E] épouse [O] à payer à la société CREDIT LOGEMENT la somme de 1 100 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,
‘ rejeté le surplus des demandes,
‘ condamné in solidum Monsieur [G] [O] et Madame [S] [E] épouse [O] aux dépens,
‘ ordonné l’exécution provisoire,
Et statuant à nouveau,
À titre principal,
Vu les dispositions des articles 122 et suivants du code de procédure civile,
Vu les dispositions des articles 2224 et 2309 du code civil dans la rédaction applicable en l’espèce antérieure à l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 entrée en vigueur le 1er janvier 2022,
Déclarer la société CREDIT LOGEMENT prescrite en son action,
À titre subsidiaire,
Vu les dispositions des articles 2305, 2308, 2313 et 2314 du code civil dans la rédaction applicable en l’espèce antérieure à l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 entrée en vigueur 1er janvier 2022,
Débouter la société CREDIT LOGEMENT de toutes ses demandes, fins et conclusions,
À défaut,
Vu les dispositions de l’article 1382 ancien du code civil,
Condamner la société CREDIT LOGEMENT à régler à Monsieur et Madame [O] à titre de dommages et intérêts, une somme équivalente à celle qu’ils seraient condamnés à régler à la caution,
En tout état de cause,
Condamner la société CREDIT LOGEMENT à régler à Monsieur et Madame [O] une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamner la société CREDIT LOGEMENT à régler à Monsieur et Madame [O] une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société CREDIT LOGEMENT aux entiers dépens de première instance et d’appel qui pour ces derniers seront recouvrés par Maître Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL ASSOCIES.’
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 mai 2023 l’intimé
demande à la cour de :
‘Déclarer irrecevable le moyen tiré de la prétendue prescription de l’action de la société CREDIT LOGEMENT,
Débouter les époux [O] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
Vu l’article 2305 du code civil dans sa rédaction applicable,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamner solidairement Monsieur et Madame [O] à payer une indemnité de 3 000 euros en application de l’article 700 du CPC à la société CREDIT LOGEMENT ainsi qu’aux entiers dépens.’
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Suivant offre préalable de prêt acceptée le 5 septembre 2005 par les emprunteurs, la société BNP Paribas a consenti à M. [G] [O] et Mme [S] [E], son épouse, co-emprunteurs solidaires, un prêt immobilier d’un montant de 120 520 euros remboursable au taux révisable de 3,65 % l’an, et d’une durée totale de 22 ans (24 mois de période d’utilisation, 12 mois de différé, et 228 mois d’amortissement) destiné à financer l’acquisition d’un bien à usage locatif sis à [Localité 6].
Par acte sous seing privé en date du 17 mars 2006, annulant et remplaçant celui du 22 août 2005, la société Crédit Logement a donné son accord de cautionnement en garantie du remboursement de ce prêt.
Toutefois, les emprunteurs s’étant montrés défaillants dans le réglement de leurs mensualités, sur le fondement de son engagement de caution la société Crédit Logement a réglé à la société BNP Paribas – selon quittance du 18 décembre 2019, pièce 5 – à leurs lieu et place, la somme de 83 968,41 euros correspondant aux capital restant dû (59 299,89 euros), échéances impayées (24 486,96 euros) et pénalités de retard (181,56 euros).
Pour sûreté de sa créance, la société Crédit Logement a été autorisée, par ordonnance du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris en date du 27 juin 2020, à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur les biens et droits immobiliers dont MMme [O] sont propriétaires, formant les lots numéro 47 et 189 de l’état descriptif de division d’un ensemble immobilier sis à [Localité 6], cadastré section AR n°[Cadastre 1]. Ladite inscription a été prise le 7 juillet 2020 et dénoncée à MMme [O].
Par acte d’huissier daté du 15 juillet 2020 la société Crédit Logement a fait assigner MMme [O] pour obtenir au visa de l’article 2305 du code civil leur condamnation solidaire au paiement de la somme totale de 84 328 67 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2019.
Précédemment, les emprunteurs s’étant montrés défaillants dans le réglement de leurs mensualités, sur le fondement de son engagement de caution la société Crédit Logement avait réglé à la société BNP Paribas, à leurs lieu et place, la somme de 15 382,94 euros correspondant aux échéances impayées du 10 mai 2014 au 10 février 2016 soit 20 mensualités de 757,78 euros chacune, et pénalités de retard sur ces indemnités impayées pour un montant de 227,34 euros – selon quittance du 4 novembre 2016, pièce 18. Assignés en paiement de cette somme par la société Crédit Logement sur le fondement de l’article 2305 du code civil, MMme [O], qui avaient opposé les dispositions de l’article 2308 du code civil, ont été déboutés de leurs prétentions et condamnés en paiement, par jugement du 28 mai 2019.
1- En premier lieu MMme [O] font valoir un moyen tiré de la prescription de l’action en paiement de la société Crédit Logement à leur encontre, et par conséquent concluent à son irrecevabilité.
En droit, l’action récursoire de l’organisme de caution qui a réglé au lieu et place du débiteur principal ayant souscrit un emprunt immobilier, engagée contre ce dernier, est une action en paiement régie par l’article L. 137-2 du code de la consommation, dès lors que le cautionnement ainsi consenti est un service fourni par un professionnel à un consommateur.
C’est d’ailleurs sur ce fondement de l’article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation, que MMme [O] soutiennent que l’action en paiement exercée à leur encontre par la société Crédit Logement est prescrite, au motif qu’à la date du paiement par la caution l’action du créancier principal à leur endroit était elle-même frappée de prescription.
La société Crédit Logement, qui ne conteste pas que son action soit soumise à la prescription biennale de l’article précité, répond avoir fait assigner MMme [O] par acte d’huissier du 17 juillet 2020, soit dans les deux ans du paiement qu’elle a effectué au profit du créancier principal, le 18 décembre 2019, qui constitue le point de départ de la prescription. Surtout, la société Crédit Logement considère que les développements des appelants relatifs au recours subrogatoire sont inopérants à caractériser une prétendue prescription et n’ont pas à être examinés à ce stade, puisque la société Crédit Logement exerce son recours personnel de l’article 2305 du code civil et non le recours subrogatoire de l’article 2306 du même code, ce à quoi les appelants répliquent que l’action est prescrite en tout état de cause, qu’elle soit fondée sur l’article 2305 ou sur l’article 2306, du code civil.
Il n’est pas non plus discuté un point de départ de la prescription biennale au jour de la déchéance du terme. Mais, celle-ci a selon les appelants été prononcée de manière univoque le 18 mai 2015, alors que selon la société Crédit Logement, défendant que la banque à renoncé à se prévaloir de la première, en raison du paiement de l’arriéré des échéances par la caution, le 4 novembre 2016, la déchéance du terme n’est intervenue que le 8 février 2019.
Sur ce, il s’avère que l’assignation délivrée à MMme [O] étant du 15 juillet 2020, l’action récursoire de la société Crédit Logement, fondée sur l’article 2305 du code civil, a été initiée dans le délai de deux ans courant à compter de la quittance subrogative, dont la date est réputée constituer le point de départ de la prescription, en l’espèce le 18 décembre 2019. Aucune prescription de l’action en paiement propre à la caution n’est donc encourue.
2- En tout état de cause les arguments que MMme [O] développent relativement à la prescription de l’action de la société Crédit Logement relèvent de l’appréciation du juge du fond, comme cela ressort d’ailleurs de la décision du conseiller en charge de la mise en état saisi de cette fin de non recevoir et qui a joint l’incident au fond, puisqu’il s’agit en réalité d’une des conditions de l’application des dispositions de l’article 2308 alinéa 2 ancien du code civil, sur lesquelles MMme [O] fondent subsidiairement leurs prétentions.
En vertu de l’article 2305 du code civil, la caution qui a payé a recours contre le débiteur principal, que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur.
L’action exercée sur le fondement de l’article 2305 est un recours personnel, de sorte que la caution agissant sur ce fondement ne peut se voir opposer les fautes du prêteur dans la conclusion ou l’exécution du contrat de prêt.
En conséquence, MMme [O] ne peuvent opposer à la société Crédit Logement, pour faire obstacle au recours exercé par cette dernière, les exceptions et moyens dont elle aurait pu disposer contre le créancier originaire, la société BNP Paribas sauf à ce que soit invoquées avec succès les dispositions de l’article 2308 du code civil, en vertu desquelles [alinéa 1er:] ‘La caution qui a payé une première fois, n’a point de recours contre le débiteur principal qui a payé une seconde fois lorsqu’elle ne l’a point averti du paiement par elle fait ; sauf son action en répétition contre le créancier [alinéa 2:] ‘Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte’.
Ainsi, aux termes de l’article 2308 alinéa 2, la perte par la caution de son recours est soumise à la réunion de trois conditions, cumulatives :
– la caution a payé sans être poursuivie,
– la caution n’a pas averti le débiteur principal,
– au moment du paiement le débiteur avait des moyens pour faire déclarer la dette éteinte.
MMme [O] soutiennent en premier lieu que la société Crédit Logement ne justifie ni d’une poursuite de la banque, ni avoir averti MMme [O] préalablement à son paiement.
Or, la société Crédit Logement, pour caractériser avoir été appelée en exécution de son engagement de caution par la banque prêteur de fonds, en sus de produire les quittances subrogatives justifie de ce que la BNP Paribas Personal Finance l’a appelée en paiement en lui adressant, concomitamment à l’envoi aux emprunteurs de la mise en demeure du 8 février 2019 à laquelle était jointe la même pièce, la situation des échéances, à laquelle correspondra exactement, la quittance subrogative ensuite établie par la banque.
La première des conditions posées par l’article 2308 alinéa 2 du code civil n’étant pas remplie, et ces conditions étant cumulatives, de ce seul fait la société Crédit Logement ne saurait être privée de son recours à l’encontre de MMme [O].
Au surplus, la société Crédit Logement justifie avoir averti les débiteurs de ce qu’elle allait être amenée à régler en leurs lieu et place les sommes dues au créancier principal, comme cela ressort des termes mêmes de ses courriers du 2 avril 2019 (pièces 6 et 7) dont il n’est pas contesté qu’ils ont été envoyés à une adresse valable, quand bien même MMme [O] ont indiqué en première instance ne pas les avoir réceptionnés. La deuxième condition n’est donc pas mieux remplie que la première.
Enfin il sera rappelé, surabondamment, qu’il revient aux emprunteurs de démontrer qu’au moment du paiement par la caution, c’est à dire au 18 décembre 2019, ils avaient les moyens de faire déclarer la dette éteinte. Le premier juge a relevé que tel n’était pas le cas, et effectivement ce n’est qu’en cause d’appel que MMme [O] se fondent sur la prescription comme cause d’extinction de leur dette à l’égard de la banque prêteur de fonds. Ceci étant, la discussion engagée sur ce point est superfétatoire, puisque les deux premières conditions d’application de l’article 2308 alinéa 2 du code civil ne sont pas remplies.
Le jugement déféré est donc confirmé en toutes ses dispositions.
Compte tenu du sens de la présente décision, MMme [O] ne peuvent qu’être déboutés de leurs demandes indemnitaires.
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Sur les dépens et les frais irrépétibles
MMme [O] qui échouent dans leurs demandes, supporteront la charge des dépens et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l’équité il y a lieu de faire droit à la demande de la société Crédit logement formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l’appel,
Dit que le moyen que M. [G] [O] et Mme [S] [E] épouse [O] tirent de la prescription de l’action en paiement de la société Crédit Logement relève de l’appréciation du fond du droit ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Et y ajoutant,
Déboute M. [G] [O] et Mme [S] [E] épouse [O] de leur demande tendant à voir ‘Condamner la société CREDIT LOGEMENT à régler à Monsieur et Madame [O] à titre de dommages et intérêts, une somme équivalente à celle qu’ils seraient condamnés à régler à la caution’,
Condamne M. [G] [O] et Mme [S] [E] épouse [O] à payer à la société Crédit Logement la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;
Déboute M. [G] [O] et Mme [S] [E] épouse [O] de leur propre demande formulée sur ce même fondement ;
Condamne M. [G] [O] et Mme [S] [E] épouse [O] aux entiers dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,