27/06/2023
ARRÊT N° 421/2023
N° RG 22/02642 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O4V2
EV/CD
Décision déférée du 05 Juillet 2022 – Juge de l’exécution de MONTAUBAN ( 22/00346)
M. [H]
[G] [E] épouse [J]
C/
S.C.I. DES TUILERIES
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
Madame [G] [E] épouse [J]
[Adresse 1]
lieu-dit « [Adresse 1] »
[Localité 2]
Représentée par Me Thierry EGEA de la SELARL LEVI – EGEA – LEVI, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
INTIMÉE
S.C.I. DES TUILERIES
SCI au capital de 385.580 €, inscrite au RCS de Montauban sous le n° 523 877 637, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,
Lieudit ‘[Adresse 5]’
[Localité 2]
Représentée par Me Arnaud GONZALEZ de l’ASSOCIATION CABINET DECHARME, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant E.VET, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre
Par ordonnance de référé du 2 décembre 2021, signifiée le 13 décembre 2021, Mme [G] [E] épouse [J] a été condamnée à enlever tout obstacle et à libérer totalement les accès aux parcelles de la SCI des Tuileries sur la commune d'[Localité 2] cadastrées section A n° [Cadastre 3] [Cadastre 4] sous astreinte de 50 € par jour à l’expiration d’un délai de huit jours suivant la signification de la décision et pendant une durée de deux mois.
Par acte du 22 avril 2022, la SCI des Tuileries a fait assigner Mme [G] [J] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Montauban aux fins de liquidation de l’astreinte.
Par jugement du 5 juillet 2022, le juge de l’exécution de Montauban a :
‘ liquidé l’astreinte provisoire à la somme de 3 100 €,
‘ condamné en conséquence Mme [G] [J] à payer à la SCI des Tuileries la somme de 3 100 €,
‘ ordonné la prorogation de l’astreinte provisoire de 50 € par jour du 23 février au jour du jugement,
‘ assorti l’ordonnance de référé du 2 décembre 2021 d’une astreinte définitive de 80 € par jour à compter de la signification du jugement et pour une durée de six mois,
‘ condamné Mme [G] [J] à payer à la SCI des Tuileries la somme de 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamner Mme [G] [J] aux dépens avec application de l’article 699.
Par déclaration du 13 juillet 2022, Mme [G] [J] a formé appel de la décision en ce qu’elle: «rejette la demande de sursis à statuer, liquide l’astreinte provisoire à la somme de 3 100 €, condamne en conséquence [G] [J] à payer à la SCI des Tuileries la somme de 3 100€, ordonne la prorogation de l’astreinte provisoire de 50 € par jour du 23 février 2022 au jour du présent jugement, assortit l’ordonnance de référé du 2 décembre 2021 d’une astreinte définitive de 80 € par jour à compter de la signification du présent jugement et ce pour une durée de six mois, condamne [G] [J] à payer à la SCI des Tuileries la somme de 1 000 € en application de l’article 700, 1° du code de procédure civile, condamne [G] [J] aux dépens et accorde le droit de recouvrement direct à Me Morel Nauges Gonzalez conformément à l’article 699 du code de procédure civile».
Par dernières conclusions du 3 mai 2023, Mme [G] [J] demande à la cour de :
‘ réformer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande de sursis à statuer et liquidé l’astreinte provisoire à la somme de 3 100 €,
‘ condamner en conséquence Mme [G] [J] à payer à la SCI des Tuileries la somme de 3 100 €.
‘ ordonner la prorogation de l’astreinte provisoire de 50 € par jour du 23 février 2022 au jour du présent jugement assortie l’exécution de l’ordonnance des référés du 2 décembre 2021 d’une astreinte définitive de 80 par jour à compter de la signification du présent jugement et ce pour une durée de 6 mois.
‘ condamner Mme [G] [J] à payer à la SCI des Tuileries la somme de 1000 € en application de l’article 700-1 du Code de Procédure Civile,
‘ condamner Mme [G] aux dépens et accorder le droit de recouvrement direct à Maître Morel Nauges Gonzalez conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile.
‘ rappeler que le présent jugement est exécutoire de droit.
Statuant à nouveau,
‘ ordonner «le statut à statut» en attendant la décision à intervenir opposant Mme [J] à la SCI des Tuileries devant le Tribunal Judiciaire de Montauban relativement à la propriété de la parcelle, objet du litige,
‘ juger que l’astreinte ordonnée par le juge des référés ne concerne que la mise en place des chaînes par Mme [J] pour prévenir tout risque d’effondrement de la bâtisse de la SCI des Tuileries,
‘ juger que Mme [J] qui fait référence à l’ordonnance des référés en procédant au retrait des chaînes dès le 27 décembre,
‘ juger n’y avoir lieu à astreinte provisoire,
‘ juger n’y avoir lieu à astreinte définitive,
‘ condamner la SCI des Tuileries au paiement de la somme de 3 000 € en
application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’Instance .
Par dernières conclusions du 10 octobre 2022, la SCI des Tuileries demande à la cour de :
‘ confirmer le jugement entrepris par le juge de l’exécution près le Tribunal Judiciaire de Montauban en date du 05 juillet 2022 dans toutes ses dispositions,
‘ débouter Mme [G] [E] épouse [J] de l’intégralité de ses demandes,
‘ condamner Mme [G] [E] épouse [J] au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 1° du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
La clôture de l’instruction est intervenue le 9 mai 2023.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS
Mme [J] rappelle que l’ordonnance du 2 décembre 2021 qui l’a condamnée à retirer des chaînes en matière plastique dont la SCI des Tuileries affirmait qu’elles interdisaient le libre accès à sa propriété. Elle précise avoir placé ces chaînes pour prévenir tout risque en raison du mauvais état de l’immeuble de la la SCI des Tuileries.
Elle explique avoir saisi le tribunal judiciaire de Montauban afin que soit fixée la propriété de la parcelle dont elle a été condamnée à laisser le libre accès à la SCI des Tuileries puisque si elle en est propriétaire la société se trouve privée de tout droit de passage et que l’astreinte est sans objet.
Elle fait valoir que pendant 30 ans elle a pu accéder à sa maison et stationner avec son véhicule et celui de son mari sans difficulté mais que lorsque la SCI des Tuileries a acquis la parcelle contiguë à la sienne, elle a aussi tenté de mettre un terme à son propre accès et stationnement. Elle considère que le fait qu’elle ait signé un plan de bornage ne la prive pas de la possibilité d’en contester judiciairement les termes pour peu qu’elle démontre une erreur conformément aux dispositions de l’article 1130 du Code civil.
Elle fait valoir que les témoignages communiqués par son adversaire émanent de membres du conseil municipal et d’une quatrième personne qu’elle ne connaît pas et concernent un problème de stationnement qui n’a jamais été examiné par le juge des référés.
Mme [J] affirme qu’il résulte des nombreuses attestations qu’elle communique qu’elle gare son véhicule depuis de nombreuses années « à l’endroit où elle se trouvait au moment où l’huissier a établi son constat le 8 avril 2022 », et que les parcelles dont elle est propriétaire ne permettent pas d’autre zone de stationnement.
Elle invoque enfin la nécessité d’un rapport raisonnable et de proportionnalité entre le montant de la liquidation de l’astreinte et l’enjeu du litige.
La SCI des Tuileries oppose qu’après avoir acquis sa propriété voisine du fonds de Mme [J], elle a constaté que celle-ci avait installé une chaîne en empêchant l’accès.
Elle souligne que Mme [J] n’a jamais fait état de l’existence d’un droit de propriété sur les parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 4] et qu’elle n’a pas relevé appel de l’ordonnance de référé qui l’a condamnée alors qu’elle prétend avoir acquis le chemin situé sur ces parcelles depuis le 24 mai 1993.
Elle rappelle que selon procès-verbal de bornage contradictoire établi le 7 décembre 2020 le chemin d’accès litigieux est bien situé sur sa propriété. Ainsi, en signant ce procès-verbal de bornage Mme [J] a reconnu que le chemin d’accès n’était pas sur l’assiette de sa propriété.
Elle considère que l’astreinte n’est pas été limitée à la seule obligation de retrait des chaînes mais vise tout obstacle pouvant être installé par Mme [J] et soutient que le fait qu’elle puisse bénéficier d’un autre accès est inopérant et ne saurait justifier une violation de son droit de propriété alors que le chemin est inclus dans son projet de création de logements et doit constituer un accès à part entière Mme [J] empêchant la réalisation des travaux de réhabilitation qu’elle a engagés.
‘ sur le sursis à statuer :
Ainsi que l’a relevé le premier juge l’ordonnance de référé qui interdit à Mme [J] d’entraver le passage de la parcelle est immédiatement exécutoire et s’impose en application de l’article 835 du code de procédure civile, peu importe que la propriété de la parcelle soit ou non contestée.
En effet, aux termes de ce texte le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dès lors l’engagement d’une action au fond par Mme [J] est sans incidence.
Au surplus, Mme [J], qui a été assignée par la SCI des Tuileries devant le juge des référés aux fins de libération de l’accès à des parcelles par acte du 15 octobre 2021, n’a pas contesté en appel l’ordonnance de référé qui l’a condamnée sous astreinte et sollicite qu’il soit sursis à statuer dans l’attente que la question des droits des parties sur les parcelles discutées soit tranchée, sans même justifier de la saisine du tribunal judiciaire puisque la pièce 1 qu’elle verse comme justifiant de cette saisine est l’assignation en référé qui lui a été délivrée le 15 octobre 2021et que sa pièce n°10 ne correspond pas comme annoncé à son bordereau de pièces aux conclusions devant le tribunal judiciaire pour l’audience de mise en état du 15 novembre 2022, mais à l’acte de vente du 26 août 1993, les conclusions annoncées ne figurant pas dans le dossier de plaidoirie.
En tout état de cause, peu importe qu’une instance ait été diligentée devant le tribunal judiciaire, l’ordonnance de référé devant recevoir exécution immédiate s’agissant de la libération de l’accès à ses parcelles par un propriétaire. Il n’y a donc pas lieu de surseoir à statuer.
‘ sur l’astreinte :
Conformément dispositions de l’article L. 131-4 du même code, l’astreinte est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.
Elle peut être supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient en tout ou partie d’une cause étrangère.
De plus, l’astreinte, en ce qu’elle impose, au stade de sa liquidation, une condamnation pécuniaire du débiteur de l’obligation, est de nature à porter atteinte à un intérêt substantiel de celui-ci.
Le juge qui statue sur la liquidation d’une astreinte provisoire doit donc apprécier le caractère proportionné de l’atteinte qu’elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu’elle poursuit et non seulement tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour l’exécuter et de sa volonté de se conformer à l’injonction, mais aussi d’apprécier, de manière concrète, s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l’astreinte et l’enjeu du litige.
En l’espèce, il convient tout d’abord de préciser que l’ordonnance de référé a condamné Mme [J] « à enlever tout obstacle et libérer totalement les accès aux parcelles de la SCI des Tuileries sur la commune d'[Localité 2] cadastrée section A n° [Cadastre 3] et n°[Cadastre 4] ». Ainsi, le juge n’a pas exclusivement visé la chaîne que Mme [J] ne contestait pas avoir placée et elle ne peut prétendre avoir cru que le débat judiciaire était circonscrit à la présence de chaînes au regard des termes clairs du dispositif de cette décision.
Ainsi, le non-respect de l’ordonnance du juge des référés est constitué quelque soit la nature de l’obstacle à l’accès aux parcelles.
Or, la SCI des Tuileries produit :
‘ un procès-verbal de constat établi le 5 janvier 2022 comportant six photographies duquel il résulte que la chaîne barrant le passage était toujours présente et qu’au surplus des véhicules barraient le passage,
‘ un procès-verbal du 8 avril 2022 comportant six photographies relevant que la chaîne empêche le passage ainsi que deux véhicules,
‘ un procès-verbal de constat du 28 septembre 2022 comportant huit photographies relevant la présence d’un véhicule à l’entrée du chemin ainsi qu’un pied d’échafaudage et une palette, le tout empêchant le passage,
‘ des photographies datées du 2 novembre 2021 et des 8 et, 27 janvier et 2 février 2022 révélant la présence de véhicules stationnés, la chaîne étant installée sur celle du 2 novembre 2021 exclusivement,
‘ des courriers établis par MM. [I] [U], conseiller, [F] [N], premier adjoint à la mairie, [R] [O], maire de la commune et M. [T] ayant pu constater des voitures stationnées sur le passage objet du litige, la présence de la chaîne étant relevée par certains. Si ces documents ne sont pas des attestations au sens de l’article 202 du code de procédure civile, leurs auteurs sont parfaitement identifiables. De plus, elles sont suffisamment précises pour pouvoir être retenues alors qu’elles sont au surplus conformes aux constatations établies par les trois procès-verbaux établis à la demande de la SCI des Tuileries.
Mme [J] produit un procès-verbal de constat établi le 23 février 2022 qui mentionne que la requérante (Mme [J]) demande que soit constatée l’absence de barrières/chaînes bloquant l’accès sur la parcelle. Cependant, les constatations de l’huissier concernent exclusivement le mauvais état de la bâtisse appartenant à la SCI des Tuileries, étant constaté que ce procès-verbal n’est produit que partiellement pour sa première page avec deux photographies alors que 44 sont évoquées. Ainsi, contrairement à ce qu’indique Mme [J], les pages produites du procès-verbal ne constatent pas le retrait des chaînes en tout état de cause, s’agissant d’une chaîne légère pouvant être retirée et remise facilement, le constat de son retrait le 23 février 2022 ne faisait pas obstacle à ce qu’elle soit réinstallée ainsi qu’il a été constaté par huissier.
Au surplus, si le constat relève le mauvais état du bien, aucun danger n’est démontré et en tout état de cause la SCI des Tuileries sollicite l’accès à ce bien afin de le réhabiliter.
Enfin, quand bien Mme [J] aurait toujours eu pour habitude de se garer sur le passage objet du litige, il lui appartenait de contester l’ordonnance de référé que le juge de l’exécution a exclusivement pour fonction de faire exécuter.
Il est ainsi établi que Mme [J] n’a pas, comme il lui était ordonné en référé enlevé tout obstacle et libéré totalement l’accès aux parcelles huit jours après la signification de l’ordonnance du 2 décembre 2021, les constatations de cette absence de respect ayant persisté postérieurement au délai de deux mois fixé par le juge des référés.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il n’existe pas de disproportion manifeste entre la liquidation de l’astreinte telle qu’elle a été effectuée par le premier juge et le bénéfice attendu du respect par Mme [J] de ses obligations telles qu’elles résultent de l’ordonnance de référé.
Ainsi, c’est à bon droit que le premier juge a liquidé l’astreinte provisoire pour la période du 22 décembre 2021 au 22 février 2022 à la somme de 50X62 soit 3 100 €.
Enfin, force est de constater qu’il résulte des pièces versées par la SCI des Tuileries que Mme [J] persiste à faire obstacle à la libération de l’accès aux parcelles à ses parcelles puisque les derniers manquements constatés remontent au 28 septembre 2022.
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a prorogé l’astreinte provisoire de 50 € par jour du 23 février 2022 au jour de son prononcé et assorti l’ordonnance de référé d’une astreinte définitive de 80 € par jour à compter de sa signification et ce pour une durée de six mois.
Sur les demandes annexes :
L’équité commande de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a octroyé à la SCI des Tuileries 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et de faire droit à sa demande en cause d’appel pour le même montant.
Enfin, Mme [J] doit être condamnée aux dépens de première instance par confirmation du jugement déféré et d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine :
Confirme le jugement déféré,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [G] [E] épouse [J] à verser à la SCI des Tuileries la somme de 1000 €,
Condamne Mme [G] [E] épouse [J] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. BUTEL C. BENEIX-BACHER