ARRET N°313
CL/KP
N° RG 22/02768 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GVJM
[F] [P]
C/
[Adresse 7]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 27 JUIN 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02768 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GVJM
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 18 octobre 2022 rendu(e) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de la [Localité 8] sur Yon.
APPELANT :
Monsieur [D] [L]
né le 15 Juillet 1983 à TATAOUINE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Ayant pour avocat plaidant Me Mehdi ABDALLAH de l’AARPI TRAINEAU & ABDALLAH, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON.
INTIMEE :
Madame [G] [H] veuve [Z]
née le 25 Mars 1941 à FOSSONG-WENTCHENG (Cameroun)
[Adresse 6]
[Localité 4]
Ayant pour avocat plaidant Me Philippe CHALOPIN de la SELARL ATLANTIC-JURIS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Par acte notarié en date du 14 juin 2004, Madame [G] [H] veuve [Z] (Madame [Z]) a donné à bail commercial à la société à responsabilité limitée Brasserie des Moulins un local situé [Adresse 5].
Le 29 mars 2021, cette dernière a cédé le fonds de commerce exploité dans le local de Madame [Z] à Monsieur [D] [L].
Le 3 juin 2022, Madame [Z] a fait délivrer au preneur un commandement de payer les loyers commerciaux pour la somme totale de 6.436,20 euros.
Le 6 juillet 2022, Madame [Z] a mis en mise en demeure Monsieur [F] [P] de procéder au paiement des sommes restant dues.
Le 12 août 2022, Madame [Z] a attrait Monsieur [F] [P] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon.
Dans le dernier état de ses demandes, Madame [Z] a demandé de:
– constater la résiliation du bail par l’effet d’une clause résolutoire à la suite du défaut de paiement des loyers et défaut d’assurance ;
– ordonner l’expulsion de Monsieur [F] [P] sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
– condamner Monsieur [F] [P] à lui payer une provision de 3.137,97 euros à valoir sur loyers impayés ;
– condamner Monsieur [F] [P] à lui payer une indemnité d’occupation à compter du mois de juin 2022 d’un montant de 1.099,01 euros;
– condamner Monsieur [F] [P] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.
En dernier lieu, Monsieur [F] [P] a sollicité des délais de paiement sur 2 mois, avec la suspension des effets de la clause résolutoire, et a demandé le rejet des autres prétentions de Madame [Z].
Par ordonnance contradictoire en date du 18 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon a :
– condamné Monsieur [F] [P] à payer à Madame [Z] la somme provisionnelle de 5.335,92 euros correspondant aux loyers échus impayés de mars à juillet 2022, arrêtée au 6 juillet 2022 ;
– constaté la résiliation du bail ;
– ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l’expulsion de Monsieur [F] [P] ou de tous occupants de son chef des locaux situés au [Adresse 2] ;
– dit qu’en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seraient remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et à défaut, seraient laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l’expiration duquel il serait procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, et ce conformément à ce que prévoyaient les dispositions du code des procédures civiles d’exécution ;
– condamné Monsieur [F] [P] à payer à Madame [Z] une indemnité d’occupation depuis le 1er août 2002 et ce, jusqu’à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmenté des charges et taxes afférents, à savoir la somme de 1.099,01 euros,
– condamné Monsieur [F] à payer à Madame [Z] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.
Le 3 novembre 2022, Monsieur [F] [P] a relevé appel de ce jugement, en intimant Madame [Z].
Le 2 mai 2023, l’appelant a sollicité un report de l’ordonnance de clôture au motif d’un changement de conseil daté du 14 mars 2023.
Le 12 mai 2023, Monsieur [F] [P] a demandé l’infirmer intégralement l’ordonnance entreprise, et statuant à nouveau, de :
– dire qu’il était à jour de l’intégralité de ses loyers auprès de Madame [Z] ;
– dire n’y avoir lieu à appliquer la clause résolutoire litigieuse en application de l’article L. 145-41 du code de commerce et compte tenu du contexte de sa signification et ses suites, et notamment des manquements de Madame [Z] à ses obligations contractuelles ;
– débouter Madame [Z] de l’ensemble de ses demandes ;
– dire n’y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles.
Le 14 mars 2023, Madame [Z] a demandé de :
– confirmer en tous points l’ordonnance déférée ;
– débouter Monsieur [F] [P] de l’intégralité de ses demandes ;
– condamner Monsieur [F] [P] à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 3.137,97 euros au titre des causes du commandement de payer du 3 juin 2022, correspondant aux loyers de mars, avril et mai 2022 ;
– condamner Monsieur [F] [P] à lui payer la somme de 1.099,01 euros au titre du loyer dû au mois de juin 2022 ;
– condamner Monsieur [F] [P] à s’acquitter à titre provisionnel d’une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer, outre indexation ultérieure éventuelle, à savoir la somme de 1 099,01 euros par mois, à compter du 3 juillet 2022 et ce jusqu’à la complète libération des lieux et la remise des clefs ;
– condamner Monsieur [F] [P] à lui régler en cause d’appel, une indemnité de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles ;
– condamner Monsieur [F] [P] aux entiers dépens de première instance et d’appel qui comprendraient les frais de commandement et de sommation.
Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures des parties déposées aux dates susdites.
Le 15 mai 2023, a été ordonnée la clôture de l’instruction de l’affaire.
MOTIVATION :
Sur les demandes en paiement et la clause résolutoire:
Selon l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
L’article 835 alinéa 2 du même code ajoute que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Le juge des référés n’est pas tenu de caractériser l’urgence pour constater l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail, ni pour allouer des provisions au titre des loyers et charges impayés, ou pour l’indemnité d’occupation.
L’article L.145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail, prévoyant sa résiliation de plein droit, ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement, à peine de nullité, doit mentionner ce délai.
Selon l’article 1343-5 du Code civil, le juge peut, compte de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux ans, le paiement des sommes dues; la décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier; les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Selon l’article L. 145-41 alinéa 2 du code de commerce, les juges, saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la résiliation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée; la clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Dans le contrat de bail litigieux, avait été insérée une clause résolutoire, notamment après commandement de payer ou mise en demeure restée sans effet pendant un mois.
Pour solliciter l’octroi de délais de paiements de 2 mois avec la suspension des effets de la clause résolutoire, Monsieur [F] [P] soutient s’être libéré de la dette visée au commandement de payer.
Au préalable, il sera relevé que le preneur n’a présenté aucune élément sur la situation personnelle, de nature à appuyer sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire.
Le commandement de payer qui lui a été signifié le 3 juin 2022 a porté sur les loyers de décembre 2021, à mai 2022 inclus (d’un montant mensuel de 1045,99 euros), pour un total de 6275,94 euros, outre les frais de l’acte.
Par la suite, il est justifié, que le preneur a adressé à la bailleresse 3 règlements de 1046 euros.
Mais il n’en demeurait pas moins qu’au 6 juillet 2022, date de la nouvelle mise en demeure qui lui avait été adressée, et sans nouveau paiement, le solde dû au 3 juillet 2022 demeurait de 5335,92 euros, au titre des loyers de mars à juillet 2022 (compte tenu de la révision du montant des loyers et charges, passant, pour l’échéance de juin de 1045,99 euros à 1099,01 euros).
Ainsi, plus d’un mois après la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire, le preneur n’avait pas réglé les loyers des mois de mars, avril et mai 2022 énoncés dans cet acte.
Ce n’est que par la suite que le preneur a adressé à la bailleresse 3 chèques, portant les dates des 5 août 2022, 7 septembre 2022 et 8 octobre 2022, chacun d’un montant correspondant au loyer réactualisé le 1099,01 euros, qui ont été affecté aux impayés les plus anciens, soit pour les mois de mars, avril et mai 2022 visés dans le commandement.
La bailleresse avance que ces règlements lui ont été communiqués au début du mois de novembre 2022, sans que le locataire ne démontre un quelconque paiement antérieur.
Il s’en déduira qu’à la date d’envoi de ces 3 chèques, les loyers ou indemnités d’occupation des mois de juin, juillet, août, septembre, octobre et novembre 2022 n’avaient pas été honorés à bonne date.
Le 25 janvier 2023, la bailleresse a fait signifier au preneur un nouveau commandement de payer, pour un total de 2834,10 euros, incluant notamment les indemnités des mois de décembre et janvier 2023, dont la cour observe le bien fondé.
Il ressort ainsi de ces éléments la récurrence des retards de paiements de Monsieur [F] [P], y compris après la délivrance du commandement de payer du 3 juillet 2022.
Monsieur [F] soutient s’être libéré de l’arriéré, et même avoir acquitté les loyers avec un mois d’avance jusqu’au 30 juin 2023.
Il se borne à produire une liste des chèques débités sur son compte, sans que la liste y afférente puisse être sourcée et attribuée à son établissement bancaire, plutôt qu’à lui-même.
Il a également produit copie des chèques correspondants ou des talons de son carnet chèques remplis de manière manuscrite.
Mais ces pièces ne démontrent pas le paiement de l’intéressé, alors que la bailleresse ne le reconnaît pas.
Et l’intéressé n’apporte aucune élément sur sa situation économique et ses perspectives d’évolution, qui permettrait d’envisager avec une probabilité non négligeable un retour à meilleure fortune permettant tout à la fois d’apurer sa dette dans le délai qu’il sollicite, tout en continuant à s’acquitter de la contrepartie de l’occupation des locaux initialement donnés à bail.
Sa demande de délai de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire sera rejetée.
Il y aura donc lieu de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a.
– constaté la résiliation du bail ;
– ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l’expulsion de Monsieur [F] [P] ou de tous occupants de son chef des locaux situés au [Adresse 2] ;
– dit qu’en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seraient remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et à défaut, seraient laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l’expiration duquel il serait procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, et ce conformément à ce que prévoyait les dispositions du code des procédures civiles d’exécution.
Il y sera ajouté pour débouter Monsieur [F] [P] de sa demande de délais de paiement.
Sur la condamnation à paiement à titre provisionnel :
La bailleresse sollicite la condamnation à titre provisionnel du preneur à lui payer la somme de 3137,97 euros, au titre des causes du commandement de payer du 3 juin 2022, correspondant aux loyers de mars, avril et mai 2022.
Mais il ressort des décomptes de la bailleresse et des paiements du preneur qu’ensuite des sommes reçues par ce dernier début novembre 2022, l’intégralité des causes du commandement de payer du 3 juin 2022 a été apurée.
La bailleresse sera donc déboutée de cette demande.
La bailleresse sollicite la condamnation à titre provisionnel du preneur à lui payer la somme de 1099,01 euros, au titre du loyer de juin 2022.
Mais il ressort du décompte de la bailleresse, ainsi que de ses propres explications sur l’affectation des paiements reçus par chèques en novembre 2022, que le loyer du mois de juin 2022 a été réglé.
La bailleresse sera donc déboutée de cette autre demande.
L’ordonnance a condamné le preneur à payer à titre provisionnel à la bailleresse la somme de 5335,92 euros, correspondant aux loyers échus de mars à juillet 2022, arrêté au 6 juillet 2022.
Mais il appert du décompte de la bailleresse, des paiements reçus, et de leur imputation, et notamment des deux règlements reçus le 23 novembre 2022 (2 x 1099,01 euros), que le loyer de juillet 2022 a été réglé, de telle sorte que l’ordonnance sera infirmée de ce chef.
Il y aura enfin lieu de condamner Monsieur [F] [P] à payer à Madame [Z] une indemnité d’occupation depuis le 3 juillet 2022, date d’acquisition des effets de la clause résolutoire et ce, jusqu’à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmenté des charges et taxes afférents, à savoir la somme de 1.099,01 euros, et l’ordonnance, qui a fixé le point de départ d’une telle condamnation à compter du 1er août 2022, sera infirmée de ce chef.
* * * * *
Il conviendra donc de confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a condamné Monsieur [F] [P] aux entiers dépens de première instance, incluant le coût du commandement de payer délivré le 3 juin 2022, et à payer à Madame [Z] une somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
Il y aura lieu de condamner Monsieur [F] [P] aux entiers dépens d’appel et à payer à Madame [Z] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a:
– condamné Monsieur [D] [L] à payer à Madame [G] [H] veuve [Z] la somme provisionnelle de 5335,92 euros correspondant aux loyers échus impayés de mars à juillet 2022, arrêtée au 6 juillet 2022 ;
– condamné Monsieur [D] [L] à payer à Madame [G] [H] veuve [Z] une indemnité d’occupation depuis le 1er août 2002 et ce, jusqu’à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmenté des charges et taxes afférents, à savoir la somme de 1099,01 euros;
Infirme l’ordonnance de ces deux derniers chefs ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Déboute Monsieur [D] [L] de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire ;
Déboute Madame [G] [H] veuve [Z] de sa demande de condamnation de Monsieur [D] [L] à lui payer à titre provisionnel les sommes de :
– 3137,97 euros au titre des causes du commandement de payer du 3 juin 2022, correspondant aux loyers de mars, avril et mai 2022 ;
– 1099,01 euros au titre du loyer dû au mois de juin 2022 ;
Condamne Monsieur [D] [L] à payer à Madame [G] [H] veuve [Z] une indemnité d’occupation depuis le 3 juillet 2002 et ce, jusqu’à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmenté des charges et taxes afférents, à savoir la somme de 1099,01 euros;
Condamne Monsieur [D] [L] aux entiers dépens d’appel et à payer à Madame [G] [H] veuve [Z] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,