VCF/LL
[K] [L]
C/
MONSIEUR LE COMPTABLE DES FINANCES PUBLIQUES
[J] [R] épouse [F]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 27 JUIN 2023
N° RG 22/01347 – N° Portalis DBVF-V-B7G-GBYN
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 11 octobre 2022,
rendue par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Dijon – RG : 21/01687
APPELANT :
Monsieur [K] [L]
né le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 8] (21)
[Adresse 9]
[Localité 3]
représenté par Me Anne-Line CUNIN, membre de la SELARL DU PARC – CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91
INTIMÉ :
MONSIEUR LE COMPTABLE DES FINANCES PUBLIQUES CHARGE DU POLE RECOUVREMENT SPECIALISE DU NORD
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par Me Delphine HERITIER, membre de la SCP LDH AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 16
PARTIE INTERVENANTE :
Madame [J] [R] épouse [F]
née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 10] (62)
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée par Me Anne-Line CUNIN, membre de la SELARL DU PARC – CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 28 mars 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, ayant fait le rapport
Sophie DUMURGIER, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT,
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 30 Mai 2023 pour être prorogée au 13 Juin puis au 27 Juin 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte sous seings privés du 28 juillet 2006, Mme [J] [F] et Mme [H] [Y] ont chacune cédé 450 actions de la SAS Nord Signalisation, respectivement à la SCI du Pré aux lions et à M. [K] [L].
Par acte du même jour, les cessionnaires ont inscrit les actions cédées sur un compte-titres et ont, en application de l’article L. 211-20 du code monétaire et financier, consenti à Mme [F] un nantissement sur ce compte-titres.
Par jugement du tribunal correctionnel de Lille du 29 novembre 2013, M. [L] a éte déclaré coupable de faits commis en 2009 et 2010 qualifiés de fraude fiscale et dit qu’il sera solidairement tenu avec la SARL Nord Signalisation, société en liquidation judiciaire redevable légal de l’impôt, au paiement des impôts fraudés et des majorations fiscales y afférentes.
Le 26 mars 2021, le pôle de recouvrement spécialisé (PRS) du Nord a vainement mis M. [L] en demeure de payer, au titre de la TVA de l’année 2009, la somme globale de 847 566 euros, soit 605 404 euros de droits et 242 162 euros de pénalités.
Poursuivant le recouvrement de cette somme, le PRS du Nord a, par acte du 1er juillet 2021, fait pratiquer entre les mains de la SAS Nord Signalisation une saisie des droits d’associé et valeurs mobilières de M. [L].
Cette saisie a été dénoncée à M. [L] par acte du 5 juillet 2021.
Par acte du 4 août 2021, M. [L] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Dijon aux fins d’obtenir essentiellement l’annulation de cette saisie.
Pour mémoire, par acte du 27 juillet 2021, Mme [Y] a saisi le tribunal de commerce de Dijon d’une action en résolution de la cession d’actions consentie le 28 juillet 2006 à M. [L], au motif qu’il n’avait pas payé le prix de cession de 6 300 euros.
Par jugement réputé contradictoire du 27 janvier 2022, elle a été déboutée de sa demande.
Elle a interjeté appel de ce jugement, l’affaire enrôlée sous le n°RG 22/619 étant pendante devant la deuxième chambre civile de la présente cour.
Par jugement du 11 octobre 2022, exécutoire de droit par provision, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Dijon a :
– dit que les dispositions des articles R.232-6 2° et R. 232-7 du code des procédures civiles d’exécution ont été respectées,
– constaté la recevabilité en la forme de la contestation de la seule saisissabilité des biens saisis,
En conséquence,
– déclaré irrecevable en la forme le surplus de la contestation formulée par M. [L] sans recours administratif préalable,
– déclaré irrecevables les demandes de sursis à statuer et d’annulation du procès-verbal de saisie du 1er juillet 2021 formulées par M. [L],
– dit que la cause de la convention de nantissement de compte-titre est illicite,
En conséquence,
– dit que la convention de nantissement de compte-titres est nulle et de nul effet
– dit que le compte-titres est saisissable,
– rejeté la contestation de l’insaisissabilité des biens saisis et les demandes subséquentes d’annulation du procès-verbal de saisie du 1er juillet 2021 et de mainlevée de cette saisie,
– condamné M. [L] aux dépens et à payer au comptable public du PRS du Nord la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [L] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 octobre 2022.
Aux termes du dispositif des conclusions d’appelant n°2, notifiées le 6 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien des prétentions, M. [L] et Mme [F] intervenante volontaire demandent à la cour de :
‘ déclarer M. [L] recevable et bien fondé en son appel
‘ déclarer Mme [F] recevable et bien fondée en son intervention volontaire,
‘ infirmer le jugement dont appel, sauf en ce qu’il a dit que les dispositions des articles R.232-6 2° et R. 232-7 du code des procédures civiles d’exécution ont été respectées,
‘ statuant à nouveau, au visa des articles 330 et 378 et suivants du code de procédure civile, des articles L. 257-0 A et suivants du livre des procédures fiscales, des articles R. 232-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution et L. 211-20 du code monétaire et financier,
‘ déclarer recevables l’ensemble de leurs demandes relativement à la contestation du procès-verbal de saisie du 1er juillet 2021 et à la dénonciation de cet acte par acte du 5 juillet 2021,
‘ déclarer irrecevables les demandes formées par le comptable des finances publiques en cause d’appel contestant la recevabilité en la forme de la contestation de la saisissabilité des biens, faute d’appel interjeté en ce sens,
‘ en conséquence, surseoir à statuer le temps que la cour statue de manière définitive sur le litige opposant Mme [Y] à M. [L] et à la SAS Nord Signalisation,
‘ à défaut de sursis à statuer, sur le fond,
‘ déclarer que Mme [F] n’a pas été partie au jugement prononçant la nullité de la convention de nantissement de compte-titres ; infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a dit que la cause de cette convention est illicite et dit que cette convention est nulle et de nul effet en l’absence et donc en violation des droits de Mme [F] et des autres parties à la convention,
‘ déclarer que les actions de M. [L] ne peuvent faire l’objet de la saisie litigieuse de droit d’associé et de valeurs mobilières en application du nantissement du compte-titres consenti au bénéfice de Mme [F],
‘ déclarer que les actions de M. [L] ne peuvent faire l’objet de la saisie litigieuse de droit d’associé et de valeurs mobilières en l’absence de justification du titre exécutoire à l’appui de la saisie, et à tout le moins de l’imprécision du titre exécutoire à l’appui des opérations de saisie,
En conséquence,
‘ déclarer insaisissables les actions, objet du procès-verbal de saisie du 1er juillet 2021, dénoncé le 5 juillet 2021,
‘ juger nul et de nul effet et donc annuler le procès-verbal de saisie du 1er juillet et l’acte de dénonciation de cette saisie du 5 juillet 2021,
‘ en toute hypothèse,
‘ débouter le comptable public chargé du recouvrement de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
‘ le condamner aux entiers frais et dépens et à payer la somme de 3 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de ses conclusions d’appel n°2, notifiées le 24 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien des prétentions, le comptable des finances publiques du PRS du Nord demande à la cour de :
‘ confirmer le jugement déféré,
‘ 1. La contestation de la saisie
‘ confirmer le jugement,
‘ déclarer d’abord M. [L] irrecevable en sa contestation de la saisie, notamment pour ne pas avoir présenté de recours préalable auprès du chef de service,
‘ subsidiairement, déclarer M. [L] et Mme [F] infondés en leur demande d’annulation de la saisie ou du procès-verbal
‘ les débouter et y ajouter
‘ 2. Les biens saisis
‘ confirmer le jugement,
‘ le déclarer d’abord irrecevable en sa prétention d’insaisissabilité des biens saisis à défaut d’intérêt personnel,
‘ le déclarer forclos, le bénéficiaire du nantissement n’ayant pas exercé de recours à temps,
‘ annuler subsidiairement le nantissement,
‘ débouter en tout état de cause M. [L] de son exception d’insaisissabilité
‘ 3. Les accessoires
‘ confirmer le jugement,
‘ y ajoutant, condamner in solidum M. [L] et Mme [F] aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture est intervenue le 28 mars 2023 avant l’ouverture des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la contestation de la saisie par M. [L]
Les dispositions du jugement déféré ayant déclaré que les formalités des articles R.232-6 2° et R. 232-7 du code des procédures civiles d’exécution ont été respectées et ayant déclaré la contestation recevable a minima en ce qu’elle porte sur la saisissabilité des actions ne sont pas soumises à la cour, l’intimé n’ayant pas formé d’appel incident sur ce point.
La contestation de M. [L] n’est toutefois pas limitée à la seule saisissabilité des actions. En ce qu’elle excède cette question, elle a été déclarée irrecevable.
Or, il soutient ne pas avoir été précisément informé des modalités et des délais de recours dans les termes prévus au BOFIP (BOI-REC-FORCE-20-40) selon lesquels l’acte de dénonciation doit contenir à peine de nullité notamment la mention que les réclamations relatives à l’acte doivent faire l’objet d’un mémoire préalable devant le directeur départemental des Finances publiques (DDFIP) ou le directeur régional des finances publiques (DRFIP) dans le délai de deux mois suivant la signification de l’acte (LPF, art. L. 281 et LPF, art. R*. 281-1 et suivants) (BOI-REC-EVTS-20-10).
Il invoque la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle Si les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques, dont la perception incombe aux comptables publics, doivent être adressées, dans un délai défini, à l’administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites, et ce, avant toute saisine de la juridiction compétente pour en connaître, à peine d’irrecevabilité de la demande présentée à celle-ci, cette irrecevabilité n’est opposable au demandeur qu’à la condition qu’il ait été précisément informé, par l’acte de poursuite, des modalités et des délais de recours, ainsi que des dispositions des articles R. 281-4 et R. 281-5 du livre des procédures fiscales : Com 4 juin 2002 n° 98-19.511 – Com 9 décembre 2014 n°13-24.365 – Civ 2ème 12 octobre 2006 n°05-14.726.
Il en déduit qu’aucune fin de non-recevoir tirée du non-respect des modalités et délais de recours ne peut lui être opposée.
Il convient de reprendre les mentions de la dénonciation de la saisie en date du 5 juillet 2021.
Au recto de l’acte, il est indiqué en caractères majuscules que ‘toute contestation relative au présent acte doit être présentée dans les conditions prévues au verso du présent acte et que le délai de contestation expirera :
– contestation de la saisissabilité des titres le 5 août 2021
– contestations du présent acte le 6 septembre 2021″, ces dates étant manuscrites.
Au verso de l’acte, il est indiqué qu’en cas de contestation, il convient de saisir :
* le chef du service du département, dont l’adresse est indiquée, pour toute contestation relative au présent acte, à compter de sa signification, dans un délai de deux mois pour les impôts et taxes assimilées (article R. 281-1 et suivants du Livre de procédures fiscales), étant observé qu’est jointe à l’acte une feuille reproduisant les articles L. 281 et R. 281-1 et suivants du livre des procédures fiscales
* le juge de l’exécution dont l’adresse est également indiquée, dans le délai d’un mois pour toute contestation relative à la saisissabilité des biens compris dans la présente saisie et ne remettant pas en cause leur propriété, quelle que soit la nature de la créance réclamée.
Il ressort clairement de ces mentions que tant le délai du recours que la personne devant laquelle il devait être formé différaient selon que la contestation portait sur la saisissabilité des titres ou biens saisis ou selon qu’elle portait sur l’acte lui-même ou la propriété des biens saisis.
En conséquence, même si les mots ‘mémoire préalable’ ne figurent pas expressément dans l’acte du 5 juillet 2021, M. [L] ne peut pas sérieusement prétendre ne pas avoir été précisément informé des modalités et des délais de recours, au regard d’une part des mentions de cet acte et d’autre part des dispositions des articles du livre des procédures fiscales jointes à cet acte, parmi lesquels les articles R. 281-4 et R. 281-5.
Le jugement dont appel doit donc être confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable la contestation de M. [L] en ce qu’elle porte sur d’autres points que la saisissabilité des titres, notamment sur la propriété de ceux-ci, si bien qu’il n’y pas lieu d’examiner la demande de sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la deuxième chambre civile de la présente cour à intervenir dans l’affaire enrôlée sous le n°RG 22 / 619.
Sur la saisissabilité des actions du fait du nantissement du compte-titres sur lequel elles sont inscrites
A titre liminaire, ainsi que le relève l’appelant en page 13 de ses conclusions, le premier juge ne pouvait pas d’office et alors que les parties à la convention de nantissement du compte-titres n’étaient pas parties à l’instance, dire que la cause de cette convention est illicite et que cette convention est nulle et de nul effet.
Ce sont ces dispositions du jugement dont appel qui ont motivé l’intervention volontaire à itre accessoire de Mme [F], intervention dont la recevabilité n’est ni discutée, ni discutable eu égard aux dispositions des articles 554 et 330 du code de procédure civile.
La cour doit annuler ces dispositions.
Dès lors que le jugement dont appel a rejeté au fond la contestation de l’insaisissabilité des biens saisis et que l’administration fiscale n’est pas appelante incidente de ce jugement dont elle demande la confirmation, la cour ne peut pas être valablement saisie par les conclusions de l’intimée de fins de non-recevoir de cette contestation tirée du défaut d’intérêt ou de la forclusion.
L’article L. 112-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose que seuls les biens que la loi rend insaisissables ou incessibles ne sont pas saisissables.
Le nantissement est une sûreté judiciaire, dépourvue d’effet attributif au profit du créancier nanti. Il constitue seulement une garantie de paiement de sa créance, étant observé qu’en l’espèce la créance détenue par Mme [F] sur M. [L] reste à préciser tant dans son principe que dans son montant actuel.
Le nantissement ne rend donc pas insaisissables les biens sur lesquels il porte, même quand il relève des dispositions de l’article L. 211-20 du code monétaire et financier.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [L] de sa contestation relative à la saisissabilité des actions de la SAS Nord Signalisation.
Sur les frais de procès
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d’appel doivent être supportés par M. [L].
Les conditions d’application de l’article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu’en faveur de l’administration fiscale à laquelle la cour alloue la somme de 2 000 euros, en sus de celle de 2 000 euros déjà obtenue en première instance, au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable l’intervention volontaire de Mme [J] [F],
Confirme le jugement déféré SAUF en ce qu’il a dit que :
– la cause de la convention de nantissement de compte-titres est illicite,
– la convention de nantissement de compte-titres est nulle et de nul effet,
Statuant à nouveau, annule ces deux dispositions,
Ajoutant au jugement,
Condamne M. [K] [L] :
– aux dépens d’appel,
– à payer au comptable public du pôle de recouvrement spécialisé du Nord la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Le Greffier, Le Président,