SM/RP
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
– la SCP GERIGNY & ASSOCIES
– la SCP JACQUET LIMONDIN
LE : 27 JUILLET 2023
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 27 JUILLET 2023
N° – Pages
N° RG 22/00818 – N° Portalis DBVD-V-B7G-DPGX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de BOURGES en date du 1er Avril 2022
Ordonnance de rectification d’erreur matérielle du Tribunal Judiciaire de BOURGES en date du 20 mai 2022.
PARTIES EN CAUSE :
I – M. [P] [L]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 6]
[Adresse 4]
[Localité 2]
– Mme [C] [D]
née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentés par la SCP GERIGNY & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES, substituée à l’audience par Me VAIDIE, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANTS suivant déclaration du 01/08/2022
INCIDEMMENT INTIMÉS
II – S.A. CAISSE D’EPARGNE LOIRE CENTRE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 5]
[Localité 7]
N° SIRET : 383 952 470
Représentée par la SCP JACQUET LIMONDIN, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
INTIMÉE
INCIDEMMENT APPELANTE
27 JUILLET 2023
N° /2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Juin 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CLEMENT Présidente de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS
***************
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
**************
EXPOSÉ :
La CAISSE D’EPARGNE LOIRE CENTRE a consenti à [C] [D] et [P] [L] un prêt personnel d’un montant de 40.000 € suivant offre sous seing privé en date du 27 juin 2015 acceptée par eux le même jour, devant être remboursé selon 72 mensualités de 679,73 €.
Les fonds faisant l’objet de ce prêt ont été débloqués le 6 juillet 2015.
Les échéances du prêt ayant été impayées, le prêteur a prononcé la déchéance du terme ensuite de deux courriers recommandés de mise en demeure non suivis d’effet.
Selon ordonnance d’injonction de payer rendue par le tribunal d’instance de Bourges en date du 3 août 2018, il a été fait injonction à [P] [L] et [C] [D] de payer à la CAISSE D’EPARGNE LOIRE CENTRE la somme de 24.366,21 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2018 ainsi que 8,76 euros au titre des frais accessoires.
[P] [L] et [C] [D] ont formé opposition à cette ordonnance et, par jugement rendu le 1er avril 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de Bourges a :
‘ déclaré recevable l’opposition formée par Madame [C] [D] et Monsieur [P] [L] à l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 3 août 2018 par le Tribunal d’Instance de BOURGES,
‘ mis à néant ladite ordonnance d’injonction de payer,
‘ prononcé la déchéance du préteur de son droit à percevoir les intérêts au taux contractuel au titre du contrat de prêt dont s’agit
‘ condamné Madame [C] [D] et Monsieur [P] [L] à payer à la SA CAISSE D’EPARGNE LOIRE CENTRE la somme de 24.366,21 € avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2018 écartant la majoration du taux d’intérêt légal en application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier.
[C] [D] et [P] [L] ont été déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts et de délais de paiement et ont été condamnés in solidum au paiement d’une indemnité de 300 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens.
Par ordonnance de rectification d’erreur matérielle en date du 20 mai 2022, il a été précisé que [C] [D] et [P] [L] étaient solidairement tenus au paiement de la somme de 24.366,21 €.
[C] [D] et [P] [L] ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 1er août 2022 et demandent à la cour, dans leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 13 avril 2023, à la lecture desquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, de :
Dire recevable et bien fondé l’appel formé par Madame [C] [D] et Monsieur [P] [L]
Réformant le jugement rendu le 1 er avril 2022 par le Juge des Contentieux de la Protection de BOURGES ;
Dire que la CAISSE D’EPARGNE CENTRE VAL DE LOIRE a commis une faute en faisant régulariser un prêt personnel à Monsieur [L] et à Madame [D] pour un motif professionnel, et condamner la CAISSE D’EPARGNE CENTRE VAL DE LOIRE à verser à ces derniers la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.
Ordonner la compensation entre ces sommes et les sommes dues par Monsieur [L] et Madame [D].
Accorder à Monsieur [L] et à Madame [D] des délais de paiement dans la limite de deux ans pour s’acquitter des sommes dues, conformément à l’article 1343-5 du code civil.
Condamner la CAISSE D’EPARGNE à verser à Monsieur [L] et à Madame [D] la somme de 2.000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Débouter la CAISSE D’EPARGNE de toutes demandes plus amples ou contraires.
Statuer ce que de droit sur les dépens.
La CAISSE D’EPARGNE LOIRE CENTRE, intimée et appelante à titre incident, demande pour sa part à la cour, dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 23 janvier 2023, à la lecture desquelles il est pareillement renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, de :
Vu l’article R 221-39 COJ,
Vu l’article R 312-35 C.Consomm.
Vu les articles L 311-1, L 312-12 à L 312-40 C.Consomm. et l’article D 312-16 C.Consomm.
Débouter Madame [C] [D] et Monsieur [P] [L] de l’ensemble de leurs prétentions,
Confirmer le jugement du 1er avril 2022 et l’ordonnance rectificative d’erreur matérielle du 20 mai 2022 en ce qu’ils ont été solidairement condamnés au paiement de la somme de 24.366,21 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2018, déboutés de leur demande de dommages-intérêts, déboutés de leur demande de délais de paiement, condamnés au paiement d’une indemnité de 300 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens.
A titre subsidiaire, pour le cas extraordinaire où il serait accordé des délais de paiement aux débiteurs, assortir ces délais d’une clause de déchéance aux termes de laquelle la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit exigible en cas de non-respect d’une seule des échéances rééchelonnées sans que le préteur ait la moindre formalité à accomplir.
Recevant la CAISSE d’EPARGNE ET DE PREVOYANCE LOIRE CENTRE en son appel incident contre le jugement rendu par Madame le Juge des contentieux de la Protection de BOURGES,
INFIRMER le jugement dont appel en ce qu’il a été écarté l’application des dispositions de l’article L. 313-3 du Code Monétaire et financier disposant que le taux d’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiraration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire.
et statuant à nouveau,
Dire n’y avoir lieu à écarter l’application des dispositions de l’article l. 313-3 du Code monétaire et financier et ordonner l’application desdites au taux d’intérêt légal dont est assortie, à compter du 22 février 2018, la condamnation solidaire au paiement de la somme 24.366,21 € prononcée à l’encontre de Madame [C] [D] et Monsieur [P] [L].
Condamner solidairement Madame [C] [D] et Monsieur [P] [L] au paiement de la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile.
Les condamner solidairement aux dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2023.
Sur quoi :
I) sur la demande de [P] [L] et de [C] [D] relative à la faute imputée à la Caisse d’épargne et de prévoyance Loire Centre et la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts :
Les appelants soutiennent que le prêt qui leur a été octroyé selon offre du 27 juin 2015 par la Caisse d’épargne avait, en réalité, pour but d’assurer un soutien financier à l’activité d’entrepreneur individuel de commerce de détail d’équipement du foyer exercée à cette date par [P] [L] sous l’enseigne France Réseau Télésurveillance, tout en évitant les risques pour la banque en cas de procédure collective.
Ils reprochent, en conséquence, à la banque intimée d’avoir réalisé un montage qu’elle savait ne pas correspondre à la réalité de la situation, afin d’éviter tout aléa de recouvrement dans le cadre d’un financement de l’entreprise.
Les appelants font observer, à cet égard, que le conseiller bancaire a contacté [P] [L] sur l’adresse mail professionnelle de celui-ci et n’a pas tenu compte du remboursement des prêts contractés au titre de son entreprise individuelle.
Il doit être remarqué, en premier lieu, que la nature de l’adresse mail utilisée par le conseiller de la Caisse d’épargne pour proposer à [P] [L] un concours financier n’apparaît pas de nature à déterminer la nature du prêt ultérieurement consenti.
D’autre part, il résulte des propres énonciations des appelants (page numéro 3 de leurs dernières écritures) que la somme perçue dans le cadre du prêt litigieux a été versée, dans la proportion non négligeable de 13 000 €, sur le compte personnel de [P] [L], ce qui contredit, ainsi, la nature professionnelle réelle du prêt invoquée par les appelants.
En outre, la banque intimée soutient, sans être contredite sur ce point par les appelants, que la charge des prêts professionnels incombant à [P] [L] a été déduite du bénéfice retiré par celui-ci après remboursement desdits prêts, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de mentionner ces derniers dans les charges personnelles.
Enfin, et ainsi que cela a été observé pertinemment par le premier juge, les appelants demeurent taisants sur la nature du préjudice qu’ils indiquent avoir subi du fait de la faute reprochée à la banque, et dont ils sollicitent l’indemnisation à concurrence de la somme, non justifiée, de 10 000 €.
En conséquence, c’est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par [P] [L] et [C] [D] à l’encontre de la banque.
II) sur la demande tendant à l’octroi d’un délai de paiement :
Selon l’article 1343 ‘ 5 du Code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette (‘) »
Il appartient, en conséquence, à la partie débitrice qui sollicite le bénéfice desdites dispositions, de justifier de sa « situation » financière, afin de permettre à la juridiction saisie d’une telle demande de déterminer si l’octroi d’un tel délai peut s’avérer opportun pour permettre un règlement de la somme due dans le délai de 24 mois ainsi prévu.
Force est de constater, en l’espèce, que les appelants ne produisent aucun élément sur leur situation financière et patrimoniale actuelle, plaçant ainsi la cour dans l’impossibilité d’apprécier une telle opportunité. Il n’est justifié, en particulier, ni de la nature de leur activité professionnelle actuelle, ni du montant des revenus que de telles activités leur procurent, pas plus que du montant des charges habituelles qu’ils doivent assumer.
La seule circonstance que ces derniers aient pu réaliser, depuis la régularisation de leur déclaration d’appel, des versements mensuels de 200 € par mois ‘ qui s’avéreraient en tout état de cause insuffisants pour parvenir à un apurement de la dette dans un délai de 24 mois ‘ ne suffit pas à justifier l’octroi d’un délai sur le fondement des dispositions précitées.
La décision dont appel devra donc également être confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de délai de paiement formée par [P] [L] et [C] [D].
III) sur la sanction de la déchéance du droit aux intérêts :
Il doit être observé que la Caisse d’épargne ‘ qui reconnaît expressément dans ses écritures qu’elle se trouve dans l’impossibilité de justifier qu’elle a bien consulté le fichier des incidents de paiement conformément à l’obligation qui lui était faite par l’article L311 ‘ 9 du code de la consommation ‘ n’a pas interjeté appel incident de la disposition du jugement l’ayant déchue du droit aux intérêts contractuels conformément à l’article L311 ‘ 48 du même code.
La cour n’est donc pas saisie d’un appel formé à l’encontre de cette disposition.
IV) sur l’appel incident formé par la Caisse d’Epargne s’agissant de la majoration du taux d’intérêt légal en application de l’article L313 ‘ 3 du code monétaire et financier :
En application de ce texte, « en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d’adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé. Toutefois, le juge de l’exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant ».
Il convient toutefois de rappeler que la directive n°2008/48/CE du 23 avril 2008 du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de crédit aux consommateurs, tout en laissant le soin aux États membres de définir « le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive », exige que ces sanctions soient « effectives, proportionnées et dissuasives » au nom du principe de coopération loyale qui s’impose aux États membres.
À cet égard, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que la rigueur des sanctions doit être en adéquation avec la gravité des violations qu’elles répriment, notamment en assurant un effet réellement dissuasif, tout en respectant le principe général de proportionnalité (arrêt du 27 mars 2014, LCL Le Crédit Lyonnais, aff. C-565/12, EU:C:2014:190).
Il appartient donc à la juridiction saisie d’une demande sur le fondement de l’article L313 ‘ 3 précité et ayant prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels du prêteur, d’apprécier le caractère dissuasif de cette sanction.
À cet égard, et conformément à la jurisprudence précitée, il doit être retenu que si les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont il aurait pu bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48 du Parlement européen et du Conseil précitée, la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne revêt alors pas de caractère effectif et dissuasif.
Le juge des contentieux de la protection, tenu de statuer à l’aune de la jurisprudence précitée de la Cour de justice de l’Union européenne, a dès lors pertinemment estimé qu’il convenait d’écarter la majoration de cinq points du taux de l’intérêt légal résultant des dispositions de l’article L313 ‘ 3 du code monétaire et financier précité afin d’assurer l’effectivité de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts précédemment prononcée.
La décision devra donc également être confirmée sur ce point.
V) sur les autres demandes :
Le jugement dont appel se trouvant ainsi confirmé en l’intégralité de ses dispositions, les entiers dépens d’appel seront laissés à la charge de [P] [L] et de [C] [D].
Aucune considération d’équité ne commande en l’espèce de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la Caisse d’épargne et de prévoyance Loire Centre, dont l’appel incident se trouve rejeté.
PAR CES MOTIFS :
La cour
‘ Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris
Y ajoutant
‘ Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile
‘ Dit que les entiers dépens d’appel seront à la charge de [P] [L] et de [C] [D].
L’arrêt a été signé par O. CLEMENT, Présidente, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
S. MAGIS O. CLEMENT