2ème Chambre
ARRÊT N°249
N° RG 22/03286
N° Portalis DBVL-V-B7G-SY52
M. [P] [W]
Mme [M] [N] épouse [W]
C/
S.A. MMA IARD
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me GARNIER
– Me RIEFFEL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 26 MAI 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 09 Mars 2023
devant Monsieur Jean-François POTHIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Mai 2023, après prorogation, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [P] [W]
[Adresse 6]
[Localité 4]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/004555 du 10/06/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)
Madame [M] [N] épouse [W]
[Adresse 6]
[Localité 4]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/004584 du 10/06/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)
Représentés par Me Lauranne GARNIER de la SELARL SELARL GERARD REHEL – GARNIER, postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
Représentés par Me Bernard JAGOU, plaidant, avocat au barreau de COUTANCES AVRANCHES
INTIMÉE :
S.A. MMA IARD
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Caroline RIEFFEL de la SCP BG ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSE DU LITIGE
Courant 1987, M. [P] [W], armateur-pêcheur, a confié la construction d’un navire de pêche au chantier naval [K].
Atteint de vices le rendant impropre à la navigation et à la pêche, ce navire s’est révélé également économiquement irréparable.
M. [K] ayant été déclaré en liquidation judiciaire, M. [W] a chargé M. [Y], avocat au barreau de Saint-Malo, de poursuivre une procédure engagée par d’autres mandataires devant le tribunal de commerce de cette ville, à l’encontre de la liquidation [K] et de la compagnie d’assurances Elvia, qui garantissait la responsabilité professionnelle du chantier.
Par jugement du 2 juillet 1991, le tribunal de commerce de Saint-Malo a :
prononcé la résolution du contrat de construction aux torts du chantier naval,
fixé la créance de M. [W] au passif de la liquidation judiciaire à la somme de 2 245 750 francs,
dit que M. [W] devra produire au passif de cette liquidation pour le montant de cette créance,
débouté M. [W] de ses demandes dirigées contre la sociéte Elvia, (les vices de construction et de conception relevant de la responsabilité contractuelle, non garantie par l’assureur),
dit que les dépens de cette procédure, liquidés à la somme de 330,65 frs, seront portés en frais privilégiés de liquidation judiciaire et qu’ils comprendront en outre les frais d’expertise,
ordonné l’exécution provisoire pour la somme de 1 000 000 francs.
M. [W] n’a pas relevé appel de ce jugement qui est passé en force de chose jugée.
Estimant avoir été mal conseillé par son avocat qui aurait dû l’inciter à faire appel, M. [W] l’a fait assigner devant le tribunal de grande instance d’Avranches pour voir engager sa responsabilité civile professionnelle.
Par jugement du 5 décembre 1996, le tribunal de grande instance d’Avranches a :
déclaré M. [Y] responsable d’un manquement à son devoir de conseil et, par suite, du préjudice subi par M. [W] et à l’occasion de la procédure poursuivie contre la liquidation judiciaire [K] et la compagnie d’assurance Elvia,
condamné M. [Y] à payer à M. [W] la somme de 4 396 150 francs en réparation de son préjudice, dont 2 345 750 francs avec exécution provisoire.
Par arrêt du 24 juin 1997, la cour d’appel de Caen, infirmant partiellement le jugement du 5 décembre 1996, a limité l’indemnité allouée à M. [W] à somme de 2 500 000 francs, et accordé une indemnité de 8 000 francs, sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur recours de M. [Y], la Cour de cassation a, par arrêt du 4 octobre 2000, cassé l’arrêt rendu le 24 juin 1997 et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Rouen, au motif qu’il avait été mis fin au mandat de M. [Y] avant même l’audience de plaidoirie devant le tribunal de commerce de Saint-Malo et que l’avocat avait fait le nécessaire, au cours de cette audience, pour préserver les intérêts de son ex-client envers lequel il n’était dès lors plus tenu à une obligation de conseil, de sorte que c’était à tort que la cour d’appel de Caen avait jugé que la responsabilité de l’avocat était engagée pour avoir omis de conseiller à M. [W] d’interjeter appel du jugement.
Par arrêt du 14 janvier 2003, la cour d’appel de Rouen, motif pris de ce que l’avocat n’était plus tenu des obligations d’un mandat envers son ex-client, a définitivement débouté M. [W] de ses demandes indemnitaires.
Entre-temps, la société Mutuelles du Mans Assurances (la société MMA), assureur de M. [Y], a réglé, en exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Caen, une somme totale de 393 258,76 euros en principal, intérêts et frais.
L’assureur a alors appris que Mme [M] [N], épouse de M. [W], avait acquis un immeuble le 12 mars 1998 avant de le revendre le 7 février 2003 pour acheter un autre immeuble le 6 mai 2003, puis un autre encore le 14 février 2004, sur lequel elle aurait fait édifier une maison d’habitation.
Estimant que Mme [N], sans profession et dépourvue de revenus personnels, a nécessairement bénéficié d’une donation de la part de son mari en fraude des droits de l’assureur, la société MMA a, par acte du 19 octobre 2005, fait assigner M. [W] et Mme [N] (les époux [W]) devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo en vue d’obtenir, sur le fondement de l’article 1167 du code civil, l’inopposabilité de cette donation et la condamnation solidaire des défendeurs à lui rembourser la somme de 393 258,76 euros.
Par jugement du 19 décembre 2007, le tribunal de grande instance de Saint-Malo a déclaré l’action de la société MMA recevable, mais l’en a déboutée au fond.
Par arrêt du 1er juin 2010 signifié le 2 août 2010, la cour d’appel de Rennes, infirmant ce jugement, a :
déclaré inopposable à la société MMA les donations de deniers consenties en fraude de ses droits par [P] [W] à [M] [N] à concurrence d’une somme de 165 688 euros,
débouté la société MMA de sa demande tendant à la condamnation solidaire des époux [W] à lui payer une somme de 393 258,76 euros,
débouté la société MMA de sa demande tendant au paiement des intérêt au taux légal sur la somme de 393 258,76 euros ainsi qu’à la capitalisation desdits intérêts,
condamné in solidum les époux [W] à payer à la société MMA une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Poursuivant l’exécution de cette décision, la société MMA a fait délivrer à chacun des époux [W], le 27 mai 2020, un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour avoir paiement d’une somme de 243 670 euros en principal, intérêts et frais.
Puis, le 29 mai 2020, la société MMA IARD, agissant tant en son nom, qu’ès-qualités de subrogée dans les droits de feu M. [P] [Y], de Mme [L] [O] et de Mme [R] [Y], en vertu d’un arrêt de la cour d’appel de Caen du 24 juin 1997, d’un arrêt de la la cour d’appel de Rouen du 14 janvier 2003 et d’un arrêt de la cour d’appel de Rennes du 1er juin 2010, a fait délivrer un nouveau commandement à Mme [W] pour avoir paiement d’une somme de 243 668,05 euros en principal, intérêts et frais.
Par acte du même jour, la société MMA IARD, agissant tant en son nom qu’ès-qualités de subrogée dans les droits de feu M. [P] [Y], de Mme [L] [O] et de Mme [R] [Y], et en vertu des mêmes décisions, a fait délivrer un nouveau commandement à M. [W] pour avoir paiement d’une somme de 1 134 839,03 euros en principal, intérêts et frais.
Contestant la validité de ces commandements, les époux [W] ont, par acte du 22 avril 2021, fait assigner la société MMA IARD devant le juge de l’exécution de Saint-Malo en nullité des quatre commandements de payer, et en mainlevée d’une inscription d’hypothèque judiciaire prise sur des immeubles appartenant à Mme [W].
Par jugement avant dire droit du 16 décembre 2021, le juge de l’exécution a :
ordonné la réouverture des débats,
invité la société MMA IARD à produire :
toutes pièces justifiant des règlements qu’elle a effectués dans les affaires en cause et notamment permettant de connaître le montant exact des sommes versées ainsi que la décision exécutée,
un décompte précis des sommes qu’elle réclame, ainsi que le détail des intérêts sollicités (point de départ, éventuelles majorations, taux d’intérêts, montant),
les actes interruptifs de prescription dont elle disposerait.
Par second jugement du 12 mai 2022, le juge de l’exécution a :
déclaré nuls et de nul effet les quatre commandements aux fins de saisie-vente signifiés à M. et Mme [W] les 27 et 29 mai 2020,
débouté les parties de leurs autres demandes,
condamné la société MMA IARD aux dépens.
Les époux [W] ont relevé appel de ce jugement le 24 mai 2022.
La société MMA IARD a également relevé appel de ce jugement le 31 mai 2022.
Par ordonnance du 14 juin 2022, le président de chambre a prononcé la jonction de ces deux procédures.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 1er février 2023, les époux [W] demandent à la cour de
confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré nul et de nul effet les quatre commandements aux fins de saisie signifiés à M. [P] [W] et Mme [W] les 27 et 29 mai 2020 et en ce qu’il a condamné la société MMA IARD aux dépens,
réformer le jugement en ce qu’il a débouté les parties de leurs autres demandes,
dire que l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 1er juin 2010 est frappé par la prescription extinctive de l’article L 111-4 du code des procédures civiles d’exécution,
ordonner en conséquence la mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire définitive inscrite au service de la publicité foncière de Saint-Malo (35) le 7 juillet 2010 en vertu de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 1er juin 2010, par la société MMA IARD, sur les immeubles sis [Adresse 6] à [Localité 4] cadastrés section C n°[Cadastre 1] à [Cadastre 2], appartenant à Madame [M] [N] épouse [W], volume 2010 V n°1443, de son renouvellement le 16 juin 2020 volume 2020 V n°1801 et du rectificatif du 25 juin 2020 volume 2020 V n°1949,
condamner la société MMA à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, lesquels comprendront le coût des procès-verbaux de saisie-vente annulés.
Aux termes de ses dernières conclusions du 15 juillet 2022, la société MMA IARD demande quant à elle à la cour de :
réformer le jugement attaqué en ce qu’il a :
déclaré nuls les commandements signifiés les 27 et 29 mai 2020 à M. [P] [W], d’une part, et à Mme [M] [N] épouse [W], d’autre part,
rejeté sa demande de condamnation de ces derniers à lui régler une indemnité au titre des frais irrépétibles outre les dépens,
condamné la société MMA IARD aux dépens.
confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
débouter les époux [W] de leur appel, en le déclarant mal fondé,
déclarer valables les commandements aux fins de saisie-vente signifiés à M. [P] [W], d’une part, et à Mme [M] [W], d’autre part, les 27 et 29 mai 2020 à la requête de la société MMA IARD,
limiter, au besoin, les commandements aux fins de saisie-vente pratiqués aux sommes visées dans les décomptes produits aux débats par la société MMA IARD, évoqués dans les motifs,
débouter par conséquent et en tout état de cause M. et Mme [W] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
condamner M. [P] [W], in solidum avec Mme [M] [N] épouse [W] au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par la société MMA IARD en première instance et en appel, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée, ainsi qu’aux dernières conclusions déposées par les parties, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 9 février 2023.
EXPOSE DES MOTIFS
Sur la qualité pour agir et la subrogation
Aux termes de l’article L. 121-12 du code des assurances, l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’a concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.
Il n’est pas contestable qu’en exécution d’un jugement prononcé par le tribunal de grande instance d’Avranches le 5 décembre 1996 et d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Caen le 24 juin 1997, la société MMA (devenue MMA IARD) a réglé au conseil de M. [W], ès- qualités d’assureur de feu [P] [Y], les sommes suivantes selon les pièces produites par l’intéressée :
– le 13 février 1997, celle de 2 345 750 francs,
– le 16 octobre 1997, celle de 182 492,10 francs,
– le 13 novembre 1997, celle de 27 834,34 francs,
– le 27 janvier 1999, celle de 23 531,94 francs,
soit un montant total de 2 579 608,38 francs, soit 393 258,76 euros.
En conséquence, la société MMA IARD se trouve subrogée dans les droits des héritiers de son assuré feu [P] [Y] à concurrence du montant des sommes qu’elle a réglées, soit 393 258,76 euros.
Sur les titres exécutoires
Il est de principe que l’arrêt infirmatif constitue un titre exécutoire permettant le recouvrement des sommes versées en vertu de la décision de première instance, sans qu’une mention expresse en ce sens soit nécessaire.
Or, par arrêt du 14 janvier 2003, la cour d’appel de Rouen statuant sur renvoi après cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Caen du 24 juin 1997, a débouté M. [W] de toutes ses demandes à l’encontre de M. [Y].
Partant, et par le seul effet de cette décision du 14 janvier 2003, est née une créance de restitution des sommes perçues au titre de l’arrêt de la cour d’appel de Caen, au bénéfice de la société MMA IARD subrogée dans les droits des héritiers de son assuré feu M. [Y].
Ainsi que l’a exactement analysé le juge de l’exécution, l’arrêt de la cour d’appel de Rouen du 14 janvier 2003, infirmant le jugement rendu le 5 décembre 1996 par le tribunal de grande instance d’Avranches peut être exécuté en restitution des sommes versées à M. [W], ainsi qu’au paiement des dépens comprenant notamment ceux de l’arrêt cassé, en l’occurence celui de la cour d’appel de Caen du 24 juin 1997.
En revanche, l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 1er juin 2010, s’il autorise le créancier poursuivant, dans la limite de la somme de 165 688 euros à échapper aux effets d’une aliénation opérée en fraude de ses droits, il ne constitue cependant à lui seul et isolément invoqué au soutien d’une procédure d’exécution forcée, un titre exécutoire que pour la condamnation in solidum de 3 000 euros prononcée à l’encontre des époux [W] au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’au paiement des dépens.
Le moyen selon lequel l’arrêt du 1er juin 2010, en déboutant la société MMA de sa demande en paiement à l’égard des époux [W] de la somme de 393 258,76 euros, aurait anéanti la créance de restitution née de l’arrêt de la cour d’appel de Rouen du 14 janvier 2003 est inopérant, dès lors qu’il ressort des motifs de l’arrêt du 1er juin 2010 que l’inopposabilité de l’action paulienne dont elle était saisie autorisait seulement le créancier poursuivant, dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d’une aliénation opérée en fraude de ses droits et que la société MMA ne pouvait dès lors qu’être déboutée, dans le cadre de cette action, de sa demande tendant à la condamnation solidaire des époux [W] à lui rembourser la somme de 393 258,76 euros.
La société MMA justifie donc bien de titres exécutoires lui permettant d’obtenir le remboursement de la somme de 393 258,76 euros versée au titre de l’exécution provoisoire , que M. [W] est sans droit à conserver depuis l’arrêt de la cour d’appel de Rouen du 14 janvier 2003.
Sur la nullité des commandements aux fins de saisie-vente
Les époux [W] concluent à la confirmation du jugement attaqué en ce qu’il a déclaré nuls et de nul effet les quatre commandements de payer aux fins de saisie-vente signifiés à M. et Mme [W] les 27 et 29 mai 2020.
La société MMA fait grief au juge de l’exécution d’avoir prononcé la nullité des commandements signifiés à Mme [W] les 27 et 29 mai 2020 au motif que la créance revendiquée excédait le montant des condamnations prononcées à l’encontre de cette dernière, alors qu’elle serait fondée à recouvrer non seulement le montant des condamnations prononcées par l’arrêt du 1er juin 2020 (article 700 et dépens), mais également, en tant que tiers détendeur des éléments constituant son droit de gage général à hauteur de la somme de 165 688 euros, comme mentionné dans cet arrêt.
Elle soutient également que c’est à tort que le premier juge a prononcé la nullité des deux commandements délivrés à M. [W], alors qu’elle serait fondée à agir en recouvrement forcée à son encontre non seulement au titre des sommes que ce dernier se doit de lui restituer, mais également au titre des condamnations prononcées à son encontre par l’arrêt du 1er juin 2010.
Il convient cependant d’observer que les deux commandements délivrés le 27 mai 2020 à Mme [W], d’une part, et M. [W], d’autre part, ne visent que l’arrêt rendu le 1er juin 2010 par la cour d’appel de Rennes ayant condamné in solidum les époux [W] à payer à la société MMA une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens.
Il convient donc de donner effet à ces commandements dans la limite de la condamnation des frais irrépétibles de 3 000 euros et des dépens d’un montant de 12 585 euros, outre les frais d’exécution de 736,91 euros (660 + 76,91).
D’autre part, deux autres commandements de payer aux fins de saisie-vente ont été délivrés le 29 mai 2020, tous deux en vertu de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 1er juin 2010, mais également des arrêts des cours d’appel de Caen et de Rouen en date des 24 juin 1997 et 14 janvier 2003 :
l’un à Mme [W] pour un montant en principal de 165 688 euros, une condamnation de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les intérêts pour un montant de 85 888,09 euros, outre les dépens pour un montant de 12 585 euros, un droit proportionnel de 660 euros et le coût de l’acte de 74,96 euros,
l’autre à M. [W] pour un montant en principal de 379 850,02 euros, outre les intérêts pour 754 254,05 euros, et des frais d’exécution de 734,96 euros (660 + 74,96 euros).
Il résulte de l’article R. 221-1 1° du code des procédures civiles d’exécution, que le commandement de payer prévu à l’article L. 221-1 contient à peine de nullité, mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts.
Les époux [W] sollicitent, sur le fondement de ce texte, l’annulation de ces commandements, en faisant valoir que ceux-ci ne mentionnent pas le décompte précis des intérêts, seule figurant les mentions ‘intérêts acquis’ sur le commandement délivré à Mme [W], et ‘intérêts au taux légal et capitalisation’ sur le commandement délivré à M. [W], ces mentions ne donnant aucune indication sur la période considérée, ni sur l’application d’un taux légal, ou d’un autre taux, et que, dès lors, l’absence de fourniture du moindre détail ne leur permettrait pas de vérifier le montant et le calcul des intérêts, ce qui leur causerait par conséquent un grief.
Ils soutiennent également que le commandement délivré à M. [W] évoque une capitalisation des intérêts, ce qui ajoute à l’impossibilité de vérification, alors qu’en l’espèce il n’y a ni contrat, ni décision de justice ordonnant la capitalisation des intérêts, de sorte qu’une telle capitalisation des intérêts serait nécessairement à exclure.
Il est exact que le commandement du 29 mai 2020 délivré à Mme [W] mentionne une somme de 85 888,09 euros au titre des ‘intérêts acquis’ et celui délivré le même jour à M. [W], une somme de 754 254,05 euros au titre des ‘intérêts au taux légal et avec capitalisation’ calculés sur une période du 14 janvier 2003 au 14 mai 2020′, sans que ceux-ci ne comportent aucun détail du mode de calcul des intérêts.
Il est exact également que la capitalisation des intérêts n’est pas justifiée, dès lors qu’aucune des décisions en vertu desquelles le commandement a été délivré n’a ordonné la capitalisation des intérêts.
Il est cependant de principe qu’un commandement fait pour une somme supérieure au montant réel de la dette, reste valable à concurrence de ce montant.
Or, en l’occurence le commandement délivré à Mme [W] mentionne les titres exécutoires en vertu desquels les poursuites sont exercées et reste donc valable à concurrence du principal de 165 688 euros correspondant aux donations consenties en fraude des droits de la société MMA IARD par M. [W] à son épouse, la condamnation de 3 000 euros au titre de l’article 700 prononcée par l’arrêt du 1er juin 2010, la somme de 12 585 euros au titre des dépens, 660 euros au titre du droit proportionel et 74,96 euros au titre du coût de l’acte, sous déduction de la somme de 24 228 euros.
Il en est de même du commandement délivré à M. [W] qui mentionne les titres exécutoires en vertu desquels les poursuites sont exercées et reste donc valable à concurrence du principal de 379 850,02 euros, somme du reste inférieure à celle de 393 258,76 euros versée par la société MMA à M. [W] au titre de l’exécution provoisoire, outre les frais d’exécutionde 734,96 euros (660 euros au titre du droit proportionel et 74,96 euros au titre du coût de l’acte).
Les époux [W] invoquent également la prescription des intérêts de l’article 2224 du code civil, le commandement ne faisant état d’aucun versement et aucune cause d’interruption de la prescription extinctive n’étant invoquée.
Il est exact que la créance de restitution est soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil, et qu’aucun acte interruptif de prescription n’est invoqué dans les cinq ans précédent la délivrance de ces commandements.
Il convient donc, après réformation du jugement attaqué sur ce point, de donner effet au commandement de payer du 29 mai 2020 délivré à Mme [M] [W] dans la limite du capital de 165 688 euros, de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et des intérêts au taux légal courus entre le 29 mai 2015 et le 29 mai 2020, outre les dépens de 12 585 euros et les frais de 734,96 euros (660 + 74,96).
Il convient également, après réformation du jugement attaqué sur ce point, de donner effet au commandement de payer du 29 mai 2020 délivré à M. [P] [W], dans la limite du capital de 379 850,02 euros et des intérêts au taux légal courus entre le 29 mai 2015 et le 29 mai 2020, outre les frais de 734,96 euros (660 + 74,96).
Sur la mainlevée de l’inscription d’hypothèque
Invoquant la prescription du titre exécutoire du 1er juin 2010, les époux [W] demandent à la cour d’ordonner la mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire définitive inscrite au service de la publicité foncière de [Localité 8] le 7 juillet 2010 en vertu de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 1er juin 2010, par la société MMA IARD, sur les immeubles sis [Adresse 6] à [Localité 4], appartenant à Madame [M] [W].
Il ressort cependant des dispositions de l’article 2240 du code civil que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
Or, par courrier du 12 juin 2014 le notaire de Mme [W] a interrogé l’avocat de la société MMA IARD pour savoir si le créancier (la société MMA IARD), accepterait de consentir une mainlevée partielle de l’inscription d’hypothèque judiciaire inscrite sur la parcelle objet de la vente, et, par courrier du 9 février 2015 du président de la CARPA de [Localité 7], il a été confirmé que la somme de 24 228 euros provenant du produit de cette vente a été intégralement affectée au compte Carpa des Mutuelles du Mans IARD.
Mme [W] ne pouvait ainsi ignorer que le paiement intervenu le 6 février 2015 avait pour but de désintéresser partiellement le créancier, le produit de la vente lui ayant été intégralement versé, et que ce paiement est intervenu en règlement des condamnations prononcées par l’arrêt du 1er juin 2010, ainsi que des sommes qu’elle a reçues en fraude des droits de la société MMA IARD.
Le paiement intervenu le 6 février 2015 a donc bien interrompu la prescription opposée par Mme [W] à l’encontre du titre exécutoire du 1er juin 2010.
Il convient donc, pour ce motif substitué à celui du premier juge, de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a rejeté la demande de mainlevée de l’inscription d’hypothèque définitive portant sur les biens appartenant à Mme [W], inscrite en vertu de l’arrêt du 1er juin 2010.
Sur les demandes accessoires
Devant être regardée comme partie principalement succombante, les époux [W] supporteront les dépens de première instance et d’appel.
Il n’y a enfin pas matière à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque, tant en première instance qu’en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Confirme le jugement rendu le 12 mai 2022 par le juge de l’exécution de Saint-Malo en ce qu’il a rejeté la demande de mainlevée de l’inscription d’hypothèque définitive portant sur les biens appartenant à Mme [W] ;
L’infirme en ses autres dispositions ;
Donne effet aux commandements de payer aux fins de saisie-vente délivrés le 27 mai 2020 à M. [P] [W], d’une part, et Mme [M] [N] épouse [W], d’autre part, dans la limite de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, et de la somme de 12 585 euros au titre des dépens, outre les frais d’exécution de 736,91 euros ;
Donne effet au commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 29 mai 2020 à Mme [M] [N] épouse [W], dans la limite du capital de 165 688 euros, de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et des intérêts au taux légal courus entre le 29 mai 2015 et le 29 mai 2020, outre les dépens de 12 585 euros et les frais d’exécution de 734,96 euros, et ce sous déduction de la somme de 24 228 euros ;
Donne effet au commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 29 mai 2020 à M. [P] [W], dans la limite du capital de 379 850,02 euros et des intérêts au taux légal courus entre le 29 mai 2015 et le 29 mai 2020, outre les frais d’exécution de 734,96 euros ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu’en cause d’appel ;
Condamne in solidum M. et Mme [W] aux dépens de première instance et d’appel ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIER LE PRESIDENT