Saisine du juge de l’exécution : 26 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/03957

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Saisine du juge de l’exécution : 26 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/03957

2ème Chambre

ARRÊT N°256

N° RG 20/03957

N° Portalis DBVL-V-B7E-Q3SX

S.A.S. SOGEFINANCEMENT

C/

Mme [F] [Z] épouse [U]

M. [E] [U]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me FLOCH

– Me SEGARULL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Mars 2023

devant Monsieur David JOBARD, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Mai 2023, après prorogation, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S. SOGEFINANCEMENT

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Emilie FLOCH de la SCP CABINET GOSSELIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Madame [F] [Z] épouse [U]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Monsieur [E] [U]

né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentés par Me Stéphan SEGARULL de la SELARL SEGARULL GUILLOU-PERRIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant offre acceptée en date du 7 février 2013, la société Sogefinancement a consenti à M. [E] [U] et Mme [F] [Z], son épouse, un prêt personnel d’un montant de 31 500 euros au taux de 5,30 % l’an remboursable en 84 mensualités. Deux avenants ont été conclus les 26 février et 30 mai 2016.

 

Suivant lettre recommandée en date des 12 et 20 septembre 2019, la banque a prononcé la déchéance du terme après vaine mise en demeure adressée aux emprunteurs d’avoir à régulariser des échéances restées impayées.

 

Suivant acte d’huissier en date du 18 février 2020, la banque a assigné les époux [U] en paiement devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes.

 

Suivant jugement en date du 23 juillet 2020, le juge a :

 

Constaté que l’offre préalable de prêt était irrégulière.

Prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la banque.

Condamné solidairement les époux [U] à payer à la banque la seule différence entre les sommes débloquée à leur profit et les versements effectués par eux avant et après la déchéance du terme soit la somme de 3 270,31 euros.

Écarté l’application des articles 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier et dit que cette somme ne porterait pas intérêt au taux légal.

Débouté la banque du surplus de ses demandes.

Débouté les époux [U] de leur demande de délais de paiement.

Condamné in solidum les époux [U] aux dépens.

Rappelé que l’exécution provisoire était de droit.

 

Suivant déclaration en date du 21 août 2020, la banque a interjeté appel.

En ses dernières conclusions en date du 24 février 2021, la banque demande à la cour de :

 

Vu les articles 1134 et 1147 anciens du code civil,

Vu les articles 1103, 1104 et 1231-1du code civil,

 

Déclarer recevable son appel.

Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré recevable son action, débouté les époux [U] de leur demande de délais de paiement et les a condamnés in solidum aux dépens.

Infirmer le jugement attaqué et statuant à nouveau,

Condamner in solidum les époux [U] à lui payer la somme de 13 529,37 euros outre les intérêts au taux contractuel capitalisé en application de l’article 1343-2 du code civil du 20 septembre 2019 jusqu’à parfait paiement.

Condamner solidairement les époux [U] à lui payer la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

En toute hypothèse,

Condamner in solidum les époux [U] à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre aux dépens de première instance et d’appel.

 

En leurs dernières conclusions en date du 27 novembre 2020, les époux [U] demandent à la cour de :

 

Les dire recevables et bien fondés en leurs demandes.

Confirmer le jugement attaqué.

Débouter la banque de ses demandes, fins et conclusions.

La condamner à leur payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux dépens de première instance et d’appel.

 

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions des parties.

 

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

 

 

Au soutien de son appel, la banque fait valoir que, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, la notice d’information relative à l’assurance décès, perte totale et irréversible d’autonomie, invalidité et incapacité de travail à laquelle les emprunteurs ont adhéré leur a été remise au moment de la régularisation de l’offre de prêt et qu’ils ont reconnu en avoir reçu possession par une mention figurant dans ce dernier document. Elle considère que la mention de ce que les emprunteurs ont reconnu avoir eu en leur possession la notice est suffisante et qu’elle n’avait pas à apporter de preuve complémentaire. Elle ajoute que les emprunteurs n’ont pas contesté lors de l’audience tenue devant le premier juge avoir reçu la notice. 

 

Aux termes des articles L. 311-19 et L. 311-48 devenus L. 312-29 et L. 341-4 du code de la consommation, lorsque l’offre de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, le prêteur doit, à peine de déchéance du droit aux intérêts, remettre à l’emprunteur une notice comportant les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.

 

Pour déchoir la banque de son droit aux intérêts, le juge des contentieux de la protection qui, aux termes de l’article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, pouvait appliquer d’office toutes les dispositions de ce code, a relevé qu’une clause type par laquelle l’emprunteur reconnaissait avoir reçu la notice constituait un renversement de la charge de la preuve de sorte que le prêteur qui se bornait à réclamer le bénéfice d’une telle clause, sans même produire un exemplaire de la notice, ne rapportait la preuve ni de la réalité de la remise, ni de sa régularité.

 

Il est exact que la clause de l’offre de prêt par laquelle les emprunteurs ont reconnu avoir pris connaissance et rester en possession de la notice comportant des extraits des conditions générales de l’assurance, ne saurait constituer qu’un indice de sa remise qui doit être corroborée par d’autres éléments. La notice d’information est à présent régulièrement produite devant la cour et porte bien sur un contrat d’assurance de groupe numéro 90.193 et 90.194 souscrit par la banque auprès de la société Sogecap auquel fait référence l’offre de prêt. Ce document indépendant de l’offre de prêt elle-même n’est ni paraphé ni signé par les emprunteurs de sorte qu’il doit être considéré que la clause de l’offre de prêt par laquelle les emprunteurs ont reconnu avoir pris connaissance et rester en possession de la notice comportant des extraits des conditions générales des assurances n’est corroborée par aucun autre indice ou élément de preuve, l’absence de contestation devant le premier juge ne pouvant en tenir lieu quand une reconnaissance formelle aurait été nécessaire, et que la remise effective de la notice n’est pas prouvée.

 

C’est donc à juste titre que le premier juge a prononcé la déchéance du droit du prêteur aux intérêts.

 

Il résulte de l’article L. 311-48 devenu L. 341-8 du code de la consommation que lorsque le prêteur est déchu de son droit aux intérêts, l’emprunteur n’est plus tenu qu’au remboursement du seul capital.

 

Le premier juge a exactement condamné les emprunteurs au paiement de la somme de 3 270,31 euros correspondant au montant du capital emprunté déduction faite des règlements effectués.

 

En revanche, contrairement à ce qu’a décidé le premier juge, cette somme produira intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure de payer en date du 20 septembre 2019 conformément à l’article 1231-6 du code civil. 

 

S’agissant de la majoration du taux de l’intérêt légal prévue par l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, la Cour de justice de l’Union européenne, amenée à interpréter les dispositions de l’article L. 311-48 devenu L. 341-1 et suivants du code de la consommation issues d’une transposition de la directive numéro 2008/48/CE du Parlement et du Conseil de l’Union européenne en date du 23 avril 2008, a, par arrêt en date du 27 mars 2014, dit pour droit que ce texte s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire d’une décision de justice prononçant la déchéance du droit du prêteur aux intérêts si les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations. Dès lors, quand bien même le pouvoir de supprimer cette majoration serait réservé au juge de l’exécution par le code monétaire et financier, il appartient au juge du fond, tenu d’assurer la prééminence du droit de l’Union, de statuer sur celle-ci afin de rendre effective la sanction de la déchéance du droit du prêteur aux intérêts.

 

Il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a écarté l’application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier dès lors qu’il aurait pour effet de permettre au prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, de percevoir des sommes qui ne seraient pas significativement inférieures à celles qu’il aurait perçues s’il avait respecté ses obligations.

 

La capitalisation des intérêts est, en matière de crédit à la consommation, prohibée par l’article L. 312-23 devenu L. 313-52 du code de la consommation. Cette demande sera donc rejetée.

 

Le jugement attaqué sera infirmé en ce qu’il a écarté l’application de l’article 1231-6 du code civil et confirmé en ses autres dispositions.

 

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 au titre des frais exposés en cause d’appel.

 

La banque, partie succombante à titre principal, sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS :

 

La cour,

 

Infirme le jugement rendu le 18 février 2020 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes en ce qu’il a écarté l’application de l’article 1231-6 du code civil.

 

Statuant à nouveau,

 

Condamne M. [E] [U] et Mme [F] [Z], son épouse, à payer à la société Sogefinancement les intérêts au taux légal sur la somme de 3 270,31 euros à compter de la mise en demeure de payer en date du 20 septembre 2019 et jusqu’à parfait paiement.

 

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions.

 

Y ajoutant,

 

Condamne la société Sogefinancement aux dépens de la procédure d’appel.

 

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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