Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 26 MAI 2023
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2023 , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00494 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTWJ
NOUS, Sylvie FETIZON, Conseillère, à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Axelle MOYART Greffière présente à l’audience et au prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
SCI SUGER, prise en la personne de Madame [O]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Wilfried SCHAEFFER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0615 substitué par Me Anne HERBRETEAU , avocat au barreau de PARIS
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
SELAS LIBRATO AVOCATS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Marie GABET, avocat au barreau de PARIS substituée par Me François ROBIN, avocat au barreau de PARIS
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au greffe,
et après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 03 Avril 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 26 Mai 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
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Statuant en application des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991, Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Paris a rendu une décision contradictoire le 6 octobre 2020 qui a :
– fixé à la somme de 20 359,40 euros HT le montant total des honoraires dus à la SELAS LIBRATO AVOCATS par la SCI SUGER représentée par sa gérante Madame [O],
-constaté que un règlement est intervenu de 2000 euros HT, à titre de provision,
-condamné en conséquence la SCI SUGER à verser à la SELAS LIBRATO AVOCATS la somme de 18 359,40 euros HT avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bâtonnier et la TVA au taux de 20’% ainsi que les débours pour la somme de 225 euros TTC et la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du CPC,
-dit que les frais de citation et de signification de la présente décision seront à la charge de la SCI SUGER si elle s’avérait nécessaire.
-débouté les parties de toute autre demande plus ample ou complète.
Le 11 novembre 2020, la SCI SUGER a formé un recours contre cette décision.
Deux renvois ont été accordés aux parties.
A l’audience du 3 avril 2023′:
La SCI SUGER est absente mais représentée par Maître SCHAEFFER lequel dépose des conclusions régulièrement visées et auxquelles la cour se réfère.
Il demande à la Cour ‘:
-d’infirmer la décision critiquée en ce qu’elle a’:
*fixé à la somme de 20 359,40 euros HT le montant total des honoraires dus à la SELAS LIBERTO AVOCATS par la SCI SUGER,
*condamné la SCI SUGER à payer à la SELAS LIBERTO la somme de 18 359,40 euros HT avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bâtonnier
et la TVA au taux de 20’% ainsi que les débours pour la somme de 225 euros TTC et la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du CPC,
-dit que les frais de citation et de signification de la présente décision seront à la charge de la SCI SUGER si elle s’avérait nécessaire.
– de fixer à la somme de 7200 euros HT le montant total des honoraires dus à la SELAS LIBERTO AVOCATS,
-donné acte à la SELAS LIBERTO de ce qu’elle déclara avoir reçu la somme de 2000 euros HT de la SCI SUGER,
-condamner la SCI SUGER à verser à la SELAS LIBERTO la somme de 5200 euros HT outre la TVA au taux de 20’% et les débours justifiés pour la somme de 225 euros,
-octroyer à la SCI SUGER un échéancier de paiement en dix mensualités pour apurer sa dette, soit la somme de 520 euros HT euros par mois,
-condamner la SELAS LIBERTO AVOCATS à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
Maître SCHAEFFER, fait valoir notamment que les honoraires réclamés par la société LIBRATO sont particulièrement excessifs et ne correspondent pas à ce qui a été prévu contractuellement. De plus, il est fait état de la non justification de la différence entre avril et juillet 2019 à hauteur de 4500 euros supplémentaires alors qu’aucune diligence supplémentaire n’a été effectuée. Les sommes réclamées dépassent de toute façon ce qui a été prévu dans la convention d’honoraires alors qu’un forfait avait été convenu entre les parties.
La SCI SUGER serait d’accord pour verser au cabinet d’avocats la somme de 5200E HT compte tenu de la somme déjà versée de 2000 euros HT et les débours justifiés à hauteur de 225 euros TTC.
Il est demandé pour acquitter ces factures, un délai de paiement ‘ échéancier de 10 mensualités.
La SELAS LIBERTO AVOCATS est représentée par Maître [N] [S].
Cette dernière dépose des conclusions visées à l’audience auxquelles la cour se réfère et dans lesquelles elle conclut’:
-à l’infirmation de la décision en ce qu’elle a condamné la SCI SUGER à verser la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du CPC,
-à la confirmation pour le surplus de la décision critiquée,
à la condamnation de la SCI SUGER à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du CPC pour les frais irrépétibles supportés en première instance et 5000 euros au titre de l’article 700 du CPC pour les frais irrépétibles supportés en appel ainsi que les entiers dépens.
La SELAS LIBERTO AVOCATS soutient notamment que les honoraires réclamés sont justifiés comme en atteste la lecture des relevés de diligence joints à la procédure. De plus, les taux horaires pratiqués soit 350 euros HT pour l’associée et 270 euros HT pour la collaboratrice sont conformes à l’exercice de la profession. En outre, Madame [O] n’a jamais demandé une quelconque renégociation des honoraires et-ou émis une proposition concrète. Enfin, le cabinet d’avocats réfute l’argument tiré de diligences non accomplies par ses soins. Il souligne que Madame [O] s’était engagée à verser diverses sommes mais qu’elle n’a pas respecté son engagement. En aucun cas, les honoraires ne sont basés sur une somme forfaitaire comme l’indique de façon explicite la convention d’honoraires conclue entre les parties, contrairement à l’affirmation de l’appelante.
SUR CE
La cour rappelle qu’en matière de contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats, les règles prévues par les articles 174 à 179 du décret n° 91-1197 du 27 novembre1991 organisant la profession d’avocat doivent recevoir application, alors qu’elles sont d’ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ., 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144).
Ainsi, dans ce cadre procédural, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.
Il ressort des éléments du dossier que a saisi en décembre 2018, Madame [G] [O] a saisi le cabinet d’avocats LIBERTO dans le cadre d’un litige l’opposant au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 6], suite à des travaux de rénovation sans accord préalable de la copropriété, travaux consistant notamment dans la pose de type vélux.
Cette saisine a eu lieu la veille de l’audience prévue devant le juge de l’exécution près le Tribunal de Grande Instance de Paris pour statuer notamment sur la liquidation d’astreinte prononcée le 28 novembre 2017 à hauteur de 36 000 euros.
Une convention d’honoraires a été signée le 25 janvier 2019 prévoyant une facturation au temps passé, basée sur un taux horaire de 350 euros HT pour l’associée et 270 euros HT pour la collaboratrice.
La mission confiée au cabinet d’avocat consistait notamment en « une mission de conseil, d’assistance et de représentation amiable et judiciaire dans le cadre du différent l’opposant au Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 6] dans le cadre de la procédure engagée par le SDC devant le juge de l’exécution de Paris
(assignation délivrée le 30 novembre 2018)’». Les diligences prévues étaient détaillées, poste par poste. De plus, étaient mentionnés des honoraires prévisionnels suivants’:
*2000 euros à 3500 euros HT ( entre 5 et 10H) au titre de la phase de conciliation,
*2800 à 5200 euros HT ( entre 8 heures et 15 heures) au titre de la phase de première instance,
*2000 euros à 3500 euros ( entre 5 et 10 heures) au titre de la phase d’appel.
Le tout, hors incidents de procédure et hors débours’; expertise, communication de pièces ou procédure d’exécution.
Enfin, il était prévu le versement d’une provision de 2000 euros HT à la signature de la convention d’honoraires par la SCI SUGER.
Le Cabinet d’avocats LIBERTO s’est dessaisi de sa mission le 24 juin 2019, faute de réglement reçu de sa cliente hormis la provision de 2000 euros HT effectivement payée.
Sur les sommes demandées au titre des honoraires restant dus’:
Le dessaisissement de l’avocat avant que soit intervenu un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable rend inapplicable la convention d’honoraires initialement conclue et les honoraires dus à l’avocat pour la mission effectuée doivent alors être fixés selon les critères définis à l’article 10 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971à savoir la situation de fortune du client, la difficulté de l’affaire, les frais exposés par l’avocat, sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Les deux taux horaires pratiqués par l’avocat et sa collaboratrice sont conformes aux usages de la profession et correspondent au taux visé dans la convention d’honoraires. En tout état de cause, ils ne sont pas contestés par Madame [O].
Les sommes prévisibles visées dans la convention d’honoraires ne constituent en rien un forfait mais uniquement des honoraires prévisibles au temps passé.
La facture non acquittée et récapitulative en date du 5 juillet 2019 et dont le paiement est sollicité par le cabinet LIBERTO détaille les diligences effectuées dans l’intérêt de sa cliente.
Aucun détail de cette facture n’est invoqué par l’appelante au motif de diligences excessives , cette dernière se bornant à souligner le caractère excessif des demandes sans soulever ni détailler les diligences inappropriées et-ou-inutiles pratiquées par l’avocat. De même, la SCI SUGER procèsde par affirmation en ce que les honoraires devaient être fixés en fonction des diligences réellement accomplies sans toutefois préciser la nature des actes réellement exécutés.
Dès lors, il convient de confirmer la décision attaquée sur le principe et le montant des honoraires dus à la SELAS LIBERTO, faute d’éléments précis de nature à contester les diligences effectuées par l’avocat et donc le temps réellement passé à la défense de ses intérêts.
Sur la demande d’un échéancier’:
Il est demandé un échéancier de 10 mois pour payer la facture d’honoraires.
Toutefois, la décision contestée a été rendue le 6 octobre 2020 et Madame [O] disposait d’un délai de près de TROIS ANS pour se rapprocher du cabinet d’avocat afin de chercher une solution amiable.
De plus, aucun élément d’explication et-ou de preuve n’est produit à l’appui de cette demande.
Dès lors, la demande d’échéancier sera elle aussi, rejetée, faute de justificatif à l’appui de ce chef de demande.
Sur l’application de l’article 700 du CPC :
Il n’apparaît pas inéquitable de faire supporter par les parties des sommes non comprises dans les dépens, en première instance et en appel La décision sera donc infirmée de ce chef
Sur les dépens :
La SCI SUGER supportera la charge des entiers dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt rendu en dernier ressort, par arrêt contradictoire et publiquement par disposition de la décision au greffe de la chambre.
Dit le recours recevable.
Confirme la décision en ce qu’elle a condamné la SCI SUGER à verser la somme de 18 359,40 euros HT avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bâtonnier outre la TVA au taux de 20% et les débours justifiés à hauteur de 225 euros TTC ainsi que les frais de citation s’élevant à 69,70 euros TTC.
Infirme la décision sur l’allocation d’une somme au titre de l’article 700 du CPC prononcée en première instance.
Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du CPC en cause d’appel.
Rejette toutes les autres demandes y compris celle tendant à voir prononcer un échéancier de 10 mois au bénéfice de la SCI SUGER.
Condamne la SCI SUGER aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’arrêt sera notifié aux parties par le Greffe de la Cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE