Saisine du juge de l’exécution : 26 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 23/00035

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Saisine du juge de l’exécution : 26 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 23/00035

COUR D’APPEL

DE NÎMES

REFERES

ORDONNANCE N°

AFFAIRE : N° RG 23/00035 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IYEJ

AFFAIRE : S.A.S. [Z] C/ S.A.R.L. [M]

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 26 Mai 2023

A l’audience publique des RÉFÉRÉS de la COUR D’APPEL DE NÎMES du 12 Mai 2023,

Nous, Nicole GIRONA, Présidente de Chambre à la Cour d’Appel de NÎMES, spécialement désignée pour suppléer le Premier Président dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats et lors du prononcé,

Après avoir communiqué le dossier de l’affaire au Ministère Public et avoir entendu en leurs conclusions et plaidoiries les représentants des parties, dans la procédure introduite

PAR :

S.A.S. [Z]

Société par actions simplifiée, au capital social de 121 952,00 euros inscrite au RCS de Tarascon sous le N°B 429 496 094 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES et par Me Fabrice SROGOSZ, avocat au barreau D’AVIGNON

DEMANDERESSE

S.A.R.L. [M]

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, avocat au barreau de NIMES, et Me Jean-charles FOUSSAT de la SELEURL Cabinet FOUSSAT, Société d’Avocat, avocat au barreau de PARIS substitué par Me CHAMAGNE Catherine, avocat au barreau de MARSEILLE

DÉFENDERESSE

Avons fixé le prononcé au 26 Mai 2023 et en avons ensuite délibéré conformément à la loi ;

A l’audience du 12 Mai 2023, les conseils des parties ont été avisés que l’ordonnance sera rendue par sa mise à disposition au Greffe de la Cour le 26 Mai 2023.

Par jugement du 10 janvier 2023, exécutoire par provisoire, le tribunal de commerce de Nîmes a jugé que les relations contractuelles professionnelles existantes entre la SAS [Z], société spécialisée dans le terrassement de gros ‘uvre et le déroctage, et la SARL [M], exerçant l’activité d’agent commercial, avaient été rompues pour des faits imputables à la SAS [Z] et l’a donc condamnée au paiement des sommes suivantes :

-65 561.55 euros à titre d’indemnité de préavis, outre intérêts,

-131 123.10 euros à titre d’indemnité de rupture du contrat d’agent commercial, outre intérêts,

-17 253.66 euros au titre des commissions restant dues, outre intérêts,

-3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS [Z] a interjeté appel de l’ensemble de ces dispositions par déclaration en date du 2 février 2023.

Par assignation en date du 6 mars 2023, arguant de l’existence de moyens sérieux de réformation soumis à la cour d’appel au fond et d’un risque de conséquences manifestement excessives au regard de sa situation, la SAS [Z] a saisi en référé le premier président, sur le fondement de l’articles R 121-22 du code des procédures civiles d’exécution, aux fins de voir ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire assortissant la décision dont appel et d’obtenir la condamnation de l’intimée à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ces dernières écritures transmises par RPVA le 11 mai 2023, elle maintient ses demandes qu’elle fonde dorénavant sur les dispositions de l’article 517-1 du code de procédure civile et ajoute une demande de rejet des prétentions de l’intimée. Elle soutient notamment :

-que l’action de la SARL [M] à son encontre le 1er février 2021 est irrecevable, pour cause d’acquisition de la prescription du fait de la cessation de leurs relations contractuelles en juillet 2019,

-que la preuve d’un contrat entre les deux parties n’est pas rapportée,

-qu’une collusion frauduleuse existait entre la SARL [M] et l’ancien directeur général de la Société [Z], M. [G] [S], qui dirigeait une société concurrente, et que la preuve de la déloyauté de M. [M],

-qu’à titre subsidiaire, les condamnations prononcées au titre de la durée du préavis et de l’indemnité de rupture sont disproportionnées,

-qu’au cours de la procédure d’appel, il sera sollicité la communication de divers documents tendant à établir notamment le débauchage actif mis en place par l’ancien dirigeant d’une grande partie du personnel,

-que sa situation comptable et celle de sa trésorerie ne lui permettent pas de faire face au paiement des sommes auquel elle a été condamnée et

-que la Société [M] ne présente pas les garanties suffisantes pour être assurer du remboursement des sommes qu’elle aura réglée en exécution de la décision dans l’hypothèse d’une réformation par la cour d’appel, en considération de la situation financière masquée par cette société.

Pour sa part, la SARL [M], par des conclusions en date du 17 avril 2023, conclut au rejet de la demande, à défaut de moyens sérieux de réformation et de preuve de l’existence d’une situation manifestement excessive créée par l’exécution provisoire ordonnée et attachée au jugement dont appel. Elle réclame paiement d’une somme de 5 000 euros en contrepartie de ses frais irrépétibles qu’elle a dû engager dans l’instance.

Elle fait valoir que les moyens de réformation invoqués ne sont pas sérieux, le premier juge ayant justement reconnu l’existence d’un contrat d’agent commercial entre les parties jusqu’en fin d’année 2019, période à laquelle les sociétés TDL et [Z] ont tout fait pour empêcher l’exécution du mandat confiée à la SARL [M], raison pour laquelle la société a été contrainte de prendre acte de la rupture détournée du contrat d’agent commercial par les sociétés [Z] et TDL. Elle ajoute qu’au terme de deux procédures de saisies de compte bancaire, elle a obtenu le règlement de la somme de 33 704.03 euros. Elle précise que, si les conclusions de première instance s’opposent à l’exécution provisoire de la décision dans leur dispositif, aucune motivation ne figure dans le corps de celles-ci, contrairement à l’article 446-2 alinéa 2 du code de procédure civile. Elle indique que les preuves versées au débat pour justifier des difficultés financières de la Société [Z] à exécuter les condamnations prononcées à son encontre ne présentent pas une force probante suffisante à établir une impossibilité manifeste d’exécution au risque d’entrainer une cessation des paiements, alors qu’elle a disposé du temps nécessaire pour provisionner ce risque.

Par conclusions du 23 mars 2023, le ministère public auquel l’affaire a été communiquée s’en est rapportée à l’appréciation du premier président.

A l’audience, la SARL [M] a sollicité que les deux dernières pièces communiquées par la SAS [Z] soient écartées des débats pour avoir été communiquées la veille. Sur interrogation de l’appelante, elle a confirmé que celle-ci avait bien fait des observations concernant l’exécution provisoire en première instance, mais sans motiver cette prétention, manquement rendant sans fondement cette demande de rejet de l’exécution provisoire.

Il est fait expressément référence aux conclusions déposées par chacune des parties pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, étant souligné que celles-ci ont été soutenues oralement lors de l’audience.

Les Sociétés SARL TDL Tranchées Deroctage Location et SCP [P] [I] & [L] [R], mentionnées dans l’acte introductif d’instance n’ont pas été citées, la SAS [Z] expliquant qu’elles ont figuré par erreur dans l’assignation, aucune demande n’étant formulées à leur encontre.

SUR CE :

-Sur la procédure :

Les Sociétés SARL TDL Tranchées Deroctage Location et SCP [P] [I] & [L] [R], non citées, ne sont pas parties à la présente procédure.

Les pièces n° 25 et 26 ont été communiquées la veille de l’audience. Le caractère tardif de leur transmission, ne permettant pas à l’intimée d’en prendre utilement connaissance en sollicitant les observations de son client sur leur teneur, justifie qu’elles soient écartées des débats.

La SAS [Z] a, à juste titre, modifié le fondement de sa demande, qui est régie par l’article 514-3 du code de procédure civile, qui s’applique, en l’espèce, tant de par l’autorité ayant statué en première instance (le tribunal de commerce et non le juge de l’exécution) que de la date de la saisine du tribunal (postérieure à l’entrée en vigueur du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, l’assignation de première instance ayant été délivrée le 28 janvier 2021).

En l’espèce, le jugement du 10 janvier 2023 dont appel a indûment ordonnée l’exécution provisoire, dès lors que celle-ci était de droit. A ce titre, l’article 514-3 du code de procédure civile dispose :

‘En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin de d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »

Bien que la SAS [Z] n’en justifie pas, la SARL [M] reconnaît que son adversaire s’est opposée dans le dispositif de ses écritures à ce que l’exécution provisoire de la décision à intervenir soit ordonnée, sans motiver cette prétention dans le corps de ses conclusions. Toutefois, l’article 514-3 exige de simples observations, qui ont été formulées. Dans ces conditions, l’action de la SAS [Z] devant cette juridiction doit être déclarée recevable.

-Sur l’arrêt de l’exécution provisoire :

Pour obtenir gain de cause devant le premier président, l’appelante doit rapporter la preuve que les deux conditions cumulatives du premier alinéa de l’article précité sont réunies.

Le premier juge a estimé que l’action engagée par la SARL [M] n’était pas prescrite, que le contrat d’agent commercial signé initialement entre M.[M] et M. [W] [Z], gérant de la Société TDL, était bien opposable à la société [Z] et que cette dernière s’était rendue coupable d’une rupture abusive de leurs relations de travail sans rapporter la preuve d’un comportement assimilable à de la collusion frauduleuse ou d’une faute grave caractérisée imputable à cet agent commercial.

Au regard des moyens évoqués devant cette juridiction et des preuves produites, il ne résulte pas du dossier de la SAS [Z] que le tribunal de commerce se soit livré à une appréciation erronée du litige. Les contestations développées par la débitrice, à ce sujet, ne sauraient être qualifiées de sérieuses, notamment à défaut de preuves suffisantes.

Concernant le montant de la créance, les éléments comptables et financiers produits pour l’exercice du 1er novembre 2021 au 31 octobre 2022 se caractérisent par :

-total du bilan de 9 049 610 euros

-un chiffre d’affaires HT de 8 712 837 euros

-un résultat net comptable de 71 112 euros.

Il a à noter que les postes immobilisations, stocks et encours, ainsi que créances ont notablement augmenté au détriment de celui relatif aux disponibilités. Le résultat net est en augmentation par rapport à l’année précédente (71 112 au lieu de 37 983 euros).

Par ailleurs, la SAS [Z], qui dispose d’un service comptable dédié, n’a pas jugé utile de provisionner une potentielle condamnation alors que l’assignation date de janvier 2021.

Dans ces conditions, il ne peut être retenu que le paiement d’une somme principale de 217 028.31 euros mettrait la société dans une situation insoutenable, irréversible et irrémédiable pour la survie de cette entreprise.

Par ailleurs, la société [Z], qui supporte la charge de la preuve, ne démontre pas qu’elle encourrait des risques sérieuses d’irrecouvrabilité des sommes qu’elle aurait versées dans l’hypothèse d’une réformation de la décision de première instance. Elle ne peut se limiter à soutenir que la SARL [M] ne justifie pas de sa situation financière et personnelle. La faiblesse de son capital social est insuffisante à fonder les craintes qu’elle nourrit quant à la solvabilité de cette société.

En effet, la SARL [M] ne saurait ignorer que l’exécution d’une décision de justice exécutoire à titre provisoire n’a lieu qu’aux risques de celui qui la poursuit, à charge pour lui, si le titre est ultérieurement modifié, d’en réparer les conséquences dommageables.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire assortissant la décision dont appel.

La SAS [Z], qui succombe dans le soutien de ses prétentions, supportera les dépens de la présente procédure. Au titre de l’article 700 du code de procédure civile, il sera mis à sa charge le paiement d’une somme de 2 000 euros en contrepartie des frais irrépétibles que la SARL [M] a dû engager dans l’instance.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par ordonnance contradictoire et mise à disposition au greffe,

Constatons que les Sociétés SARL TDL Tranchées Deroctage Location et SCP [P] [I] & [L] [R] ne sont pas parties à la présente procédure,

Écartons des débats les pièces n° 25 et 26 du bordereau de communication de pièces de la SAS [Z],

Déclarons recevable la demande de la SAS [Z] tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire assortissant le jugement en date du 10 janvier 2023 prononcé par le tribunal de commerce de Nîmes,

Déboutons la SAS [Z] de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire assortissant cette décision,

Condamnons la SAS [Z] à payer à la SARL [M] la somme de 2 000 euros application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons la SAS [Z] aux dépens de la présente procédure.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE

 


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