8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°268
N° RG 22/06552 –
N° Portalis DBVL-V-B7G-TIND
M. [B] [M]
C/
S.A.S. HOP!
Appel sur la compétence : Infirmation et évocation
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me Bruno CARRIOU
– Me Alexandre TESSIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 26 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 31 Mars 2023
devant Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame Natacha BONNEAU-RICHARD, Médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [B] [M]
né le 11 Décembre 1960 à [Localité 4] (60)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Samir LAABOUKI substituant à l’audience Me Bruno CARRIOU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Avocats au Barreau de NANTES
INTIMÉE :
La S.A.S. HOP! prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
Aéroport de [5]
[Localité 2]
Représentée par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Laurent FEBRER, Avocat plaidant du Barreau de PARIS
M. [B] [M] a été embauché le 6 février 1998 par la société Régional Airlines dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de membre de personnel navigant technique à effet au 21 février 1998.
Dès le 9 juillet 1998 M. [B] [M] avait la qualité de cadre personnel technique navigant (PNT) et dès le 12 décembre 2008, occupait des fonctions de commandant de bord sur embraer 135/145.
Le contrat de travail de M. [B] [M] a été transféré au sein de la SAS HOP! le 3 avril 2016. Dans leur dernier état, les relations contractuelles étaient régies par la convention PNT HOP! du 8 août 2018.
Le 18 juin 2018, M. [M] a informé la société HOP ! de sa décision unilatérale de ne plus réaliser de missions d’instructeur (TRI) et d’examinateur (TRE) à compter du 15 juillet 2018 au soir.
Le 14 novembre 2018, la société confirmait à M. [M] qu’il retrouvait ses fonctions principales de commandant de bord ERJ et le salaire mensuel garanti associé.
M. [M] a constaté la disparition de certaines de ses fonctions professionnelles contractuelles et les avantages et primes liées à ces fonctions.
Le 2 avril 2019, M. [M] a saisi le Conseil de prud’hommes de NANTES d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et la réparation de ses différents préjudices.
Par jugement du 5 juin 2020, le Conseil de prud’hommes de NANTES a :
‘ Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant M. [M] à la SAS HOP ! FRANCE à la date du jugement à intervenir, aux torts de l’employeur et dit que cette résiliation emporte les effets d ‘un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
‘ Condamné la société HOP ! à verser à M. [M] les sommes suivantes :
‘162.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 50.754,04 € brut au titre des rappels de salaires des mois de décembre 2018 à novembre 2019
– 5.075,40 € brut à titre de congés payés afférents,
– 195.588,24 € à titre d ‘indemnité légale de licenciement,
– 48.897,06 € brut à titre d ‘indemnité de préavis,
– 4.889,70 € brut à titre de congés payés afférents,
‘ Lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2019 pour les sommes relatives au rappel de salaire et ses congés payés afférents et à compter du 20 mars 2020 pour celles à caractère indemnitaire ainsi que les sommes relatives au préavis et ses congés payés afférents,
‘ Lesdits intérêts produisant eux-mêmes des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,
‘ Ordonné à la société HOP ! de remettre à M. [M] les pièces suivantes :
– un bulletin de salaire,
– un certificat de travail,
– une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision,
‘ Dit qu ‘il n ‘y a pas lieu d’assortir cette décision d’une astreinte,
‘ Condamné la société HOP ! à verser à M. [M] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Limité l’exécution provisoire du présent jugement à l’exécution provisoire de droit définie ci l’article R. 1454-28 du code du travail et, à cet effet, fixe à 16.299,02 € brut le salaire mensuel moyen de référence,
‘ Débouté M. [M] du surplus de ses demandes,
‘ Débouté la société HOP ! de ses demandes reconventionnelles,
‘ Condamné la société HOP ! aux dépens éventuels.
Aucune des parties n’a fait appel de cette décision exécutée par la société HOP !
Le 24 novembre 2020 M. [M] a saisi la formation de référé du Conseil de prud`hommes de NANTES des mêmes demandes que celles formulées dans la présente instance.
Par ordonnance du 13 janvier 2021, la formation de référé a rejeté les demandes de M. [M] en précisant que le jugement du 5 juin 2020 avait été convenablement exécuté par la société HOP ! et a estimé que cette affaire devait être jugée sur le fond compte tenu de la décision intervenue le 5 juin 2020.
M. [M] n’a pas interjeté appel de cette ordonnance.
Le 10 mai 2021, M. [M] a saisi le Conseil de prud’hommes de NANTES aux fins de le voir :
‘ Se déclarer compétent,
‘ Condamner la société HOP ! à verser à M. [M] les sommes suivantes :
– 32.424,36 € brut à titre de rappel de salaires de décembre 2019 au 5 juin 2020 (sous déduction de la prévoyance versée de 19.748,50 € net),
– 3.242,44 € brut au titre des congés payés afférents,
– 6.156,71 € brut à titre de rappel d’indemnités de congés payés n-1,
– 16.543,21 € de à titre de dommages-intérêts (un mois de salaire),
‘ Ordonner la remise des bulletins de salaire conformes, sous astreinte de 75 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir et sans limite de temps,
‘ Ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes, sous astreinte de 75 € par jours de retard à compter de la notification de la décision à intervenir et sans limite de temps,
‘ 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamner aux entiers dépens la société.
A titre reconventionnel, la S.A.S. HOP ! a demandé au Conseil de prud’hommes de NANTES de :
A titre principal,
‘ Se déclarer matériellement incompétent au profit du juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de NANTES,
A titre subsidiaire,
‘ Déclarer les demandes irrecevables, ou à titre très subsidiaire, non fondées,
A titre infiniment subsidiaire,
‘ Limiter le montant des condamnations au titre des rappels de salaire de décembre 2019 au 5 juin 2020 à la somme de 12.675,86 € brut et au titre de congés payés sur la même période à la somme de 1.267,85 € brut,
En tout état de cause,
– 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour est saisie de l’appel régulièrement formé le 15 novembre 2020 par M. [M] contre le jugement du 27 octobre 2022, par lequel le Conseil de prud’hommes de NANTES s’est déclaré incompétent pour connaître du litige entre M. [M] et la société HOP ! et a :
‘ Renvoyé les parties devant le juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de NANTES,
‘ Condamné M. [M] à verser à la société HOP ! la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamné M. [M] aux dépens éventuels.
Par ordonnance du 2 décembre 2022, M. [B] [M] a été autorisé à assigner la SAS HOP ! à jour fixe.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 23 décembre 2022, suivant lesquelles M. [M] demande à la cour de :
‘ Déclarer M. [M] recevable et bien fondé en son appel,
‘ Déclarer la juridiction prud’homale compétente sur le litige qui lui était soumis,
‘ Se déclarer compétente sur le litige qui lui est soumis,
‘ Infirmer le jugement du 27 octobre 2022 en ce qu’il a simplement statué sur l’incompétence du Conseil de prud’hommes,
‘ Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [M] à verser à la société HOP ! la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur le fondement de l’article 88 du code de procédure civile,
‘ Déclarer les demandes de M. [M] recevables et bien fondées,
‘ Condamner la société HOP ! à verser à M. [M] les sommes suivantes :
– 32.424,36 € brut à titre de rappel de salaires de décembre 2019 au 5 juin 2020,
– 3.242,44 € brut au titre des congés payés afférents,
– 6.156,71 € brut au titre du rappel d’indemnité de congés payés,
– 16.543,21 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de versement de salaire et de remise de documents de fin de contrat conformes,
– 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Assortir lesdites sommes de l’intérêt légal outre le bénéfice de l’anatocisme (art. 1231-7 et 1343-2 du code civil dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016),
‘ Ordonner la remise de documents sociaux conformes sous astreinte de sous astreinte de 75 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir.
‘ Condamner la société HOP ! aux dépens,
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 9 février 2023, suivant lesquelles la société HOP ! demande à la cour de :
A titre principal, sur l’incompétence de la juridiction prud’homale,
‘ Confirmer le jugement entrepris en ce que le Conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent pour connaître du litige entre M. [M] et la société HOP ! et en ce qu’il a renvoyé les parties devant le juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de NANTES,
‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [M] à verser la somme de 800 € à la société HOP ! au titre de l’article 700 du code de procédure civile appliqué à la première instance,
Subsidiairement, si par extraordinaire la cour estimait que la juridiction prud’homale est compétente,
‘ Renvoyer l’affaire pour y être jugée devant le Conseil de prud’hommes de NANTES, conformément à l’article 86 du code de procédure civile,
A titre très subsidiaire, en cas d’évocation,
A titre principal,
‘ Dire et juger que les demandes de M. [M] sont irrecevables,
A titre subsidiaire,
‘ Dire et juger que les demandes de M. [M] sont infondées,
‘ Débouter M. [M] de ses demandes,
A titre très subsidiaire,
‘ Limiter le montant des condamnations à titre de ‘rappels de salaire de décembre 2019 au 5 juin 2020″ à la somme de 12.675,86 € brut, et le montant de l’indemnité de congés payés sur cette même période à la somme de 1.267,85 €,
En tout état de cause,
‘ Débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes,
‘ Condamner M. [M] à verser à la société HOP ! la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire,
Sur la compétence de la juridiction prud’homale et le pouvoir d’évocation:
Contestant la déclaration d’incompétence du Conseil de prud’hommes de NANTES du 27 octobre 2022, M. [M] soutient que les demandes formulées devant le Conseil de prud’hommes de NANTES dans le cadre de la présente instance concernent une période différente de la première procédure au fond. M. [M] indique avoir saisi le 10 mai 2021 le Conseil de prud’hommes de NANTES d’une demande de rappel de salaire pour la période de décembre 2019 à juin 2020, postérieure à l’audience de plaidoirie de la première procédure du 2 décembre 2019, tirant les conséquences du jugement du 5 juin 2020.
M. [B] [M] ajoute que le Conseil de prud’hommes de NANTES avait condamné la société à un rappel de salaire d’un montant de 50.054,04 € pour la période de décembre 2018 à novembre 2019 en précisant que ces rappels de salaire devaient être à parfaire sur les mois à venir, or il est resté salarié de la société HOP ! après l’audience de plaidoirie dans l’attente du jugement finalement rendu le 5 juin 2020.
En conséquence, M. [M] demande à la cour de se déclarer compétente et d’évoquer l’affaire au fond en application de l’article 88 du code de procédure civile.
La société HOP ! soutient que le Conseil de prud’hommes de NANTES est matériellement incompétent au profit du juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de NANTES au motif que la demande de M. [M] qui porte sur la période du 2 décembre 2019 au 5 juin 2020 concerne une période antérieure au jugement rendu le 5 juin 2020 sur le fond.
De plus, la société dit avoir versé l’intégralité des rappels de salaire et d’indemnités de congés payés auxquels elle a été condamnée par le jugement du 5 juin 2020 et a donc parfaitement exécuté le jugement.
La société estime également que c’est M. [M] qui a demandé à la juridiction prud’homale de parfaire la somme au jour du jugement.
La société précise que si la cour jugeait que les demandes de M. [M] relèvent de la compétence du Conseil de prud’hommes, alors il y aurait lieu de rejeter la demande d’évocation. Pour ce faire, la société se fonde sur l’article 86 du code de procédure civile en soutenant qu’il n’y a aucune raison de porter atteinte au droit à un double degré de juridiction.
– Quant à la compétence :
L’article L.213-6 du Code de l’organisation judiciaire, dispose que :
« Le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
(…)
Le juge de l’exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d’exécution. »
En application des articles L1411-1 et suivants du Code du travail, le Conseil de prud’hommes peut traiter de tout litige :
– D’ordre individuel opposant l’employeur à un ou plusieurs de ses salariés entre eux ;
– Né à l’occasion du contrat de travail.
Au terme de la décision entreprise, le Conseil de prud’hommes de NANTES a jugé qu’un jugement au fond avait été rendu le 5 juin 2020 et que la demande de M. [M] portant sur une période antérieure au jugement (décembre 2019 à juin 2020), il était de ce fait incompétent pour connaître de ladite demande.
Or, il est établi que par jugement du 5 juin 2020, le Conseil de prud’hommes de NANTES s’est déjà prononcé par une décision aujourd’hui définitive, sur la demande de rappel de salaires pour la période des mois de décembre 2018 à novembre 2019 dans les termes suivants : « en conséquence, le Conseil de prud’hommes de NANTES reçoit M. [M] en sa demande de rappels de salaire des mois de décembre 2018 à novembre 2019 et condamne la SAS HOP FRANCE à verser les sommes de 50.754,04 € bruts à titre de congés payés afférents », sans autre précision.
En outre, il n’est pas discuté que si au titre des demandes telles que reprises dans le corps du jugement du 5 juin 2020, figure la mention « à parfaire » en suite de la demande de rappel de salaire et que M. [B] [M] avait effectivement actualisé le montant de sa demande à la fin du mois de novembre 2019, quelques jours avant l’audience du 2 décembre 2019, il n’en demeure pas moins que l’affaire mise en délibéré à compter de cette date, ne pouvait prendre en compte des demandes concernant une période postérieure à la date de l’audience dont elle n’était pas saisie, peu important la mention « à parfaire » dénuée de portée à ce titre.
Dès lors que le Conseil des prud’hommes de NANTES ne pouvait statuer sur des demandes concernant une période dont il n’était saisi, il ne peut être sérieusement soutenu que le litige relatif au rappel de salaire portant sur ladite période constituait une difficulté d’exécution relevant de la compétence exclusive du juge de l’exécution.
Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement entrepris de ce chef, de déclarer la juridiction prud’homale compétente pour en connaître et par conséquent d’écarter l’exception d’incompétence soulevée par la SAS HOP !,
– Quant à l’évocation :
L’article 86 du Code de procédure civile dispose que « la cour renvoie l’affaire à la juridiction qu’elle estime compétente. Cette décision s’impose aux parties et au juge de renvoi.
Lorsque le renvoi est fait à la juridiction qui avait été initialement saisie, l’instance se poursuit à la diligence du juge. »
L’article 88 du même code énonce que « lorsque la cour est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente, elle peut évoquer le fond si elle estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction. »
En l’espèce, au regard de la nature et des enjeux du litige mais aussi compte tenu des termes du jugement du 5 juin 2020 auquel il est fait référence, ayant fait droit à la demande du salarié de ce chef, la cour estime de bonne justice de donner une solution définitive au litige.
* * *
*
Sur l’exécution du contrat :
– Quant à la fin de non recevoir opposée par la SAS HOP ! :
* Concernant la demande de rappel de salaire du 2 décembre 2019 au 5 juin 2020 :
Pour voir déclarer irrecevable la demande de rappel de salaire de décembre 2019 au 5 juin 2020 et de congés payés afférents, la SAS HOP ! invoque l’autorité de la chose jugée telle que résultant du jugement du 5 juin 2020 aujourd’hui définitif, arguant du fait que M. [M] demandait devant les juges du fond le versement des sommes jusqu’au 5 juin 2020 pour lesquelles le premier juge a déjà statué sans y faire droit.
M. [M] rétorque que, lors de la première procédure au fond, il a arrêté sa demande de rappel de rémunération au dernier mois civil entier précédent la date de plaidoirie. L’affaire ayant été plaidée le 2 décembre 2019, il a présenté une demande de rappel de rémunération arrêtée au 30 novembre 2019, que le jugement n’a été rendu que le 5 juin 2020, sans qu’il lui soit possible de chiffrer sa demande de rappel de salaire pour la période postérieure à l’audience, que le jugement du 5 juin 2020 ne statuant que sur la période antérieure, sa demande portant sur la période du 2 décembre 2019 à juin 2020 doit être jugée recevable.
Or, comme il a été développé supra, le Conseil de prud’hommes de NANTES n’était nonobstant la mention « à parfaire » dont était assortie la demande du salarié à ce titre, saisi d’une demande portant sur une période antérieure à l’audience de jugement et n’a statué que sur cette période, y faisant expressément droit, de sorte qu’il ne peut être opposé au salarié l’autorité de la chose jugée de ce chef. Il y a lieu en conséquence d’écarter la fin de non recevoir opposée par la SAS HOP !.
* Concernant le rappel de congés payés au titre de l’année 2019 :
La SAS HOP ! oppose au salarié l’autorité de la chose jugée en ce qui concerne la demande de rappel de congés payés au titre de l’année 2019, arguant de ce que dans le cadre du jugement du 5 juin 2020 le Conseil de prud’hommes de NANTES aujourd’hui définitif, a déjà statué sur cette demande.
Sur ce point, en soulignant que le conseil des prud’hommes avait retenu un taux salarial de 356,73 € par jour au lieu de 543,30 €, M. [B] [M] admet que par son jugement du 5 juin 2020, le Conseil de prud’hommes de NANTES avait définitivement statuer sur la demande formulée à ce titre, en sorte que la demande de solde d’indemnité de congés payés formulée dans le cadre de la présente instance est irrecevable.
– Quant à la demande de rappels de salaire du 2 décembre 2019 au 5 juin 2020 :
Se fondant sur les dispositions de l’article L. 6526 du Code des transports, M. [M] affirme que son inaptitude temporaire au vol a été prononcée le 4 décembre 2019 de telle sorte que son salaire devait être maintenu à 100 % de décembre 2019 à mars 2020 et à 50 % d’avril à juin 2020, outre la prise en charge de la prévoyance pour les 50 % restants pour laquelle la société HOP ! est subrogée.
La société rétorque que les montants présentés par M. [M] sont erronés en se référant au montant retenu par le jugement du 5 juin 2020 et en soulignant que la date à prendre en compte est le 21 octobre 2019 en application de l’article L. 6526-1 du code des transports, correspondant au premier jour d’incapacité de travail, sans pouvoir excéder la somme de 12.675,86 € dès lors que les indemnités de prévoyance sont soumises à cotisations et que M. [M] ne prend en compte que la partie brute des indemnités de prévoyance dont l’association du personnel navigant (APPN) est débitrice en cas d’incapacité de travail.
Selon l’article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
L’article L. 6526 du code des transports dispose qu’en cas d’incapacité de travail, résultant de blessures ou de maladies non imputables au service, d’un membre du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile en cours d’exécution du contrat, l’employeur lui assure jusqu’à la reprise de ses fonctions de navigant, ou jusqu’à la décision de la commission mentionnée à l’article L. 6511-4, ou, le cas échéant, jusqu’à la date de l’entrée en jouissance de la retraite :
1° Son salaire mensuel garanti pendant le mois au cours duquel est survenue l’incapacité et pendant les trois mois suivants ;
2° La moitié de ce salaire pendant les trois mois suivant cette première période.
En l’espèce, l’employeur se réfère à la fois aux avis du centre principal de l’expertise médicale du Personnel naviguant (pièce 18) daté du 4 décembre 2019 pour le premier d’entre eux et de l’avis d’arrêt de travail du 24 octobre 2019 pour invoquer cette dernière date comme point de départ du régime de maintien de salaire de l’article L. 6526 du Code des transports.
Il appert cependant que c’est l’avis médical émanant du centre principal de l’expertise médicale du Personnel naviguant qui seul peut déterminer le point de départ du régime de maintien de salaire précité. C’est par conséquent à juste titre que M. [B] [M] soutient que son salaire doit être maintenu à 100% de décembre 2019 à mars 2020, à 50% d’avril à juin 2020, outre la prise en charge de la prévoyance pour les 50% restants pour laquelle la société HOP ! est subrogée.
Il y a lieu en tenant compte d’un salaire mensuel de 14.122,17 €, majoré de 1,5 % en raison de l’augmentation annuelle, de retenir un salaire mensuel de 14.334 € à compter d’avril 2020.
Cependant il ressort des propres développements de M. [M] concernant la reconnaissance de fait par l’employeur des sommes dues jusqu’en juin 2020 (page 10 des écritures) qu’il a effectivement perçu de la prévoyance 13.502 € bruts et 13.502 € nets de février à juin 2020 puis un complément de 6.246 € bruts et 6.246 € net de la prévoyance à l’initiative du responsable paie de la société le 4 mars 2020, de sorte que c’est à juste titre que la SAS HOP ! soutient que l’intéressé a déjà perçu la somme de 39.497 € et non pas 19.748,50 €.
Il reste par conséquent dû à M. [B] [M] la somme de 12.675,86 € à titre de rappel de salaire outre 1.267,58 € au titre des congés payés afférents.
– Quant aux dommages-intérêts pour défaut de versement de salaire et de remise de documents de fin de contrat conformes
M. [M] soutient que la société HOP ! lui a transmis des documents de fin de contrat non conformes et qu’il n’a pas pu faire valoir ses pleins droits à Pôle Emploi ni liquider ses droits à la retraite complémentaire de manière totale.
La société HOP ! réplique qu’elle n’a commis aucun manquement et que M. [M] n’a subi aucun préjudice, que l’attestation rectifiée lui a été adressée dans les cinq jours suivants son appel, que l’intéressé a fait état de l’inexactitude de certaines mentions de l’attestation modifiée du 16 septembre 2020 sans préciser lesquelles et sans évoquer celle établie le 8 décembre 2020 effectuée conformément aux préconisations de Pôle Emploi.
La SAS HOP ! ajoute que M. [M] n’avait pas besoin de cette attestation pour liquider sa retraite auprès de la Caisse de Retraite du Personnel Navigant, que la demande de M. [M] ne correspond pas à un mois de salaire de référence tel que fixé par le jugement du 5 juin 2020.
En l’espèce, il est établi que la SAS HOP ! a été contrainte d’établir deux attestations Pôle emploi rectificatives pour remédier aux inexactitudes de la première attestation télétransmise à Pôle emploi, sur intervention de M. [B] [M], l’intéressé soulignant que l’attestation rectificative du 11 septembre 2020 comportait deux erreurs, l’une tenant au dernier jour travaillé et l’autre au salaire des douze derniers mois.
Si la carence de la SAS HOP ! qui a finalement adressé la dernière attestation rectificative le 8 décembre 2020, est avérée, en revanche il n’est invoqué ni produit par le salarié aucun élément de nature à établir que ces erreurs ont été de nature à faire obstacle à la reconnaissance de ses droits auprès de Pôle emploi ou à la liquidation de sa retraite complémentaire, de sorte qu’il n’est justifié d’aucun préjudice indemnisable.
Il y a lieu par conséquent de débouter M. [B] [M] de la demande formulée à ce titre.
Sur la remise des documents sociaux :
La demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; il y sera fait droit dans les termes du dispositif ci-dessous sans qu’il y ait lieu à astreinte ;
Sur la capitalisation des intérêts :
En application de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée ; il doit être fait droit à cette demande’;
Sur l’article 700 du Code de procédure civile :
Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société intimée qui succombe pour l’essentiel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser l’appelant des frais irrépétibles qu’il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME le jugement entrepris du Conseil de prud’hommes de NANTES en ce qu’il s’est déclaré incompétent au profit du juge de l’exécution,
Et statuant à nouveau,
ÉCARTE l’exception d’incompétence soulevée par la SAS HOP !,
Et évoquant,
ÉCARTE la fin de non recevoir opposée par la SAS HOP ! à la demande de rappel de salaire de M. [B] [M] pour la période du 1er décembre 2019 au 5 juin 2020,
DÉCLARE irrecevable la demande de rappel de solde de congés payés au titre de l’année 2019 formulée par M. [B] [M],
CONDAMNE la SAS HOP ! à payer à M. [B] [M] :
– 12.675,86 € à titre de rappel de salaire pour la période du 2 décembre 2019 au 5 juin 2020,
– 1.267,58 € au titre des congés payés afférents,
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts,
CONDAMNE la SAS HOP ! à remettre à M. [B] [M] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire rectifiés et conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification,
CONDAMNE la SAS HOP ! à payer à M. [B] [M] 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la SAS HOP ! de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE la SAS HOP ! aux entiers dépens de première instance et d’appel,
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.