Saisine du juge de l’exécution : 26 juin 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/03005

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Saisine du juge de l’exécution : 26 juin 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/03005

MM/ND

Numéro 23/2191

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 26/06/2023

Dossier : N° RG 22/03005 – N° Portalis DBVV-V-B7G-ILR4

Nature affaire :

Demande en nullité et/ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d’une saisie mobilière

Affaire :

[M] [I]

C/

S.A.S. KOURIBAT

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 26 Juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 24 Avril 2023, devant :

Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,

Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Joëlle GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [M] [I]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 6] (95)

de nationaité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Sophie CREPIN de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de PAU

Assisté de Me Rémi PRADES (SELARL PH AVOCATS),avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

S.A.S. KOURIBAT

immatriculée au RCS de Sens sous le n° 848 561 767, prise en la personne de sa Présidente Madame [O] [S], domiciliée en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Teddy VERMOTE de la SCP UHALDEBORDE-SALANNE GORGUET VERMOTE BERTIZBEREA, avocat au barreau de BAYONNE

Assistée de Me Pierre BARREYRE, avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 29 SEPTEMBRE 2022

rendue par le PRESIDENT DU TC DE BAYONNE

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE :

Monsieur [M] [I], est associé de la SNC Capucines.

Cette dernière a été en relation d’affaires avec la SARL Kouribat, entreprise générale du bâtiment, pour la réalisation d’un projet de réalisation de logements collectifs.

Un contentieux est apparu qui a été tranché on première instance par un jugement du 14 mars 2022 du tribunal de commerce de Bayonne qui a condamné la SNC Capucines à payer une somme en principal de 148 740 euros à la société Kouribat.

Le 14 mars 2022, la SNC Capucines a interjeté appel de ce jugement du tribunal de commerce de Bayonne.

Le 31 mars 2022, la SNC Capucines n’ayant pas réglé cette somme, un commandement aux ‘ns de saisie-vente lui a été délivré.

Le 11 avril 2022, un procès-verbal de saisie-attribution a été délivré entre les mains de la Caisse d’Epargne Loire Centre, banque de la SNC Capucines, qui a révélé que son compte était débiteur de 176 219,16 €.

Le I5 avril 2022, les associés de la SNC Capucines ont été mis en demeure de régler la somme de 152 823,67 euros.

Le 10 mai 2022, une saisie-attribution a été diligentée sur le compte Crédit Agricole de Monsieur [M] [I] qui a révélé que le total saisissable était de 379 635 euros.

Le 21 juillet 2022, suite à sa saisine en référé, le premier président de la cour d’appel de Pau a rejeté la requête en arrêt d’exécution provisoire présentée par la SNC Capucines et a ordonné la consignation à la charge de cette dernière sur le compte séquestre de l’ordre des avocats de Paris de la somme de 151 809,59 euros.

Le 10 juin 2022, après avoir été saisi par la société Kouribat d’une requête aux ‘ns de saisie conservatoire, et par ordonnance présidentielle, le tribunal de commerce de Bayonne a fait droit à cette demande.

Cette saisie a été pratiquée le 15 juin 2022, entre les mains de la caisse de Crédit Agricole Pyrénées Gascogne et dénoncée à [M] [I] par procès-verbal signifié le 21 juin 2022.

C’est dans ce contexte que par assignation en référé en date du 16 août 2022, Monsieur [M] [I] a saisi le président du tribunal de commerce de Bayonne d’une demande de nullité, annulation ou rétractation de cette ordonnance.

Par ordonnance de référé du 29 septembre 2022,

Le président du tribunal de commerce de Bayonne a :

Débouté Monsieur [M] [I] de sa demande en nullité de l’ordonnance du 10 juin 2022 ;

Débouté Monsieur [M] [I] de sa demande en rétractation de l’ordonnance du 10 juin 2022 ;

Débouté Monsieur [M] [I] de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur ses comptes ;

Condamné Monsieur [M] [I] à verser à la SARL Kouribat la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 4 novembre 2022, M [M] [I] a relevé appel de cette décision.

L’affaire a été fixée à bref délai au 24 avril 2023, l’ordonnance de clôture étant rendue le 8 mars 2023.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Vu les conclusions notifiées le 9 janvier 2023 par Monsieur [M] [I], qui demande à la cour, au visa des articles 493 et suivants du Code de procédure civile, L511-1 et R511-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, de :

Juger Monsieur [M] [I] recevable et bien fondé en ses présentes écritures ;

Confirmer l’ordonnance rendue le 29 septembre 2022 par le Président du Tribunal de commerce de Bayonne, en ce qu’elle a déclaré recevable et bien fondé Monsieur [M] [I] en l’ensemble de ses demandes ;

Infirmer l’ordonnance rendue le 29 septembre 2022 par le Président du Tribunal de commerce de Bayonne, en ce qu’elle a :

– Débouté Monsieur [M] [I] de sa demande en nullité de l’ordonnance du 10 juin 2022 ;

– Débouté Monsieur [M] [I] de sa demande en rétractation de l’ordonnance du 10 juin 2022 ;

– Débouté Monsieur [M] [I] de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur ses comptes ;

– Condamné Monsieur [M] [I] à verser à la SARL Kouribat la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau :

A titre principal :

Prononcer la nullité de l’ordonnance sur requête rendue le 10 juin 2022 en toutes ses

dispositions ;

Prononcer l’annulation du procès-verbal de la saisie du 15 juin 2022, réalisée en exécution de ladite décision et la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur les comptes de Monsieur [M] [I] ;

Prononcer l’annulation de toutes autres mesures conservatoires mises en ‘uvre sur le fondement de l’ordonnance ;

A titre subsidiaire :

Rétracter l’ordonnance sur requête rendue le 10 juin 2022 ;

Ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur les comptes de

Monsieur [M] [I];

Annuler toutes autres mesures conservatoires mises en ‘uvre sur le fondement de l’ordonnance ;

Et en tout état de cause :

Ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur les comptes de Monsieur [I] ;

Condamner la société Kouribat à verser à Monsieur [M] [I] une somme de 5.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société Kouribat aux entiers dépens, en ce compris les frais relatifs à la mainlevée de la saisie-attribution litigieuse.

*

Vu les conclusions notifiées le 9 février 2023 par la SAS Kouribat qui demande à la cour de :

Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 29 septembre 2022 par le Président du tribunal de commerce de Bayonne,

Débouter M. [M] [I] de l’ensemble de ses demandes.

Statuant à nouveau :

Condamner M. [M] [I] à payer à la société Kouribat la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Le condamner en tous les dépens.

MOTIVATION :

Sur la recevabilité des conclusions et pièces notifiées le 8 mars 2023 par Monsieur [I] :

Selon l’article 802 du code de procédure civile, anciennement 783, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

Aux termes de l’article 748-1 du même code, les envois, remises et notifications des actes de procédure et des pièces peuvent être effectués par voie électronique… sans préjudice des dispositions spéciales imposant l’usage de ce mode de communication.

Selon l’article 748-3 du même code, les envois, remises et notifications mentionnés à l’article 748-1 font l’objet d’un avis électronique de réception adressé par le destinataire, qui indique la date et, le cas échéant, l’heure de celle-ci.

Selon l’article 930-1 du même code, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.

Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsqu’il est recouru, dans la procédure d’appel avec représentation obligatoire, à la communication par voie électronique, les conclusions sont déposées aux jour et heure mentionnés dans le dossier du réseau privé virtuel des avocats (RPVA).

Et, il a été jugé que des conclusions déposées après l’ordonnance de clôture ne peuvent être déclarées irrecevables lorsque leur auteur n’a pas été préalablement informé de la date à laquelle celle-ci devait être rendue.

En l’espèce, le conseil de Monsieur [I] a reçu notification, le 7 décembre 2022, de l’avis de fixation de l’affaire, à bref délai, à l’audience du 24 avril 2023, avec l’indication que l’ordonnance de clôture serait rendue le 8 mars 2023.

A cette date, l’ordonnance de clôture a été notifiée aux parties, par le greffe, par message RPVA émis à 9H56.

Il s’avère que le même jour, à 16H03, Monsieur [I] a remis au greffe et notifié à l’intimée de nouvelles conclusions et pièces.

Ces conclusions et pièces postérieures à la clôture sont par conséquent irrecevables, la cour n’étant saisie d’aucunes conclusions tendant à la révocation de la clôture pour cause grave au sens de l’article 803 du code de procédure civile.

Sur la nullité de l’ordonnance sur requête ayant autorisé la saisie conservatoire :

[M] [I] soutient que c’est à tort que le Juge de première instance l’a débouté de sa demande en nullité de l’ordonnance sur requête du 10 juin 2022.

Il soutient en effet que cette ordonnance ne satisfait pas aux exigences prescrites par

l’article R. 511-4 du code des procédures civiles d’exécution, faute de déterminer le montant de la créance « des requérantes » et, dès lors, le montant de la somme à garantir, que ce soit dans ses motifs ou dans son dispositif, ne faisant que mentionner le montant de la saisie autorisée.

En second lieu, cette ordonnance serait entachée de nullité faute d’avoir été notifiée et exécutée dans les délais impératifs, pour défaut de notification de l’ordonnance dans les délais prescrits en vertu de l’article 495 du code de procédure civile qui impose la remise de la requête et de l’ordonnance au tiers contre lequel elle est exécutée. Il ajoute que l’ordonnance du 10 juin 2022 précisait que la société Kouribat avait l’obligation de notifier cette décision, ainsi que la requête, dans un délai de 8 jours.

La société Kouribat avait donc jusqu’au 18 juin 2022 pour signifier la requête du 9 juin 2022 et l’ordonnance du 10 juin 2022, afin de respecter le contradictoire, au sens de l’article 495. [M] [I] fait le constat qu’il a reçu un avis de passage des huissiers, l’informant d’une tentative de signification, le 21 juin 2022, d’un PV de dénonciation de saisie conservatoire pratiquée dès le 15 juin 2022, sur ses comptes personnels, alors que ce courrier du 22 juin 2022 ne comportait ni copie de la requête et de l’ordonnance, ni même des PV de saisie, puisqu’il invitait seulement le demandeur à venir retirer le PV de dénonciation à l’étude.

Il considère ainsi que la saisie conservatoire du 15 juin 2022 est nulle et de nul effet, faute pour la société Kouribat de lui avoir notifié l’ordonnance du 10 juin 2022, avant d’exécuter la mesure conservatoire.

La société Kouribat réfute ces moyens aux motifs que l’ordonnance déférée détermine bien le montant pour lequel la concluante est autorisée à saisir et que l’ordonnance a bien été signifiée en tête du procès-verbal de saisie dans les 8 jours de l’exécution de la saisie. La saisie est intervenue le 15 juin 2022 et l’acte de dénonciation de saisie conservatoire contenant signification de l’ordonnance sur requête a été délivré à M [I] le 21 juin 2022, dans le délai de 8 jours rappelé dans l’ordonnance litigieuse.

En droit, selon l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles dans menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire.

L’article R. 511-1 du même code dispose que le juge statue par ordonnance sur requête. Il est considéré que l’article R. 511-1 renvoie aux dispositions des articles 493 et suivants du code de procédure civile relatives à la procédure sur requête de droit commun.

Selon l’article 495 du code de procédure civile, l’ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au seul vu de la minute. Copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée .

L’article R. 523-3 du code des procédures civiles d’exécution , applicable en matière de saisie conservatoire de créances, ajoute que dans un délai de huit jours, à peine de caducité, la saisie conservatoire est dénoncée au débiteur par acte d’huissier de justice.

Cet acte contient à peine de nullité :

‘ une copie de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie a été pratiquée

‘ une copie du procès-verbal de saisie et la reproduction des renseignements communiqués par le tiers saisi

‘ La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d’en demander la mainlevée au juge de l’exécution du lieu de son domicile ;

‘ La désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l’exécution de la saisie ;

‘ La reproduction des articles R. 511-1 à R. 512-3 ;

‘ L’indication, en cas de saisie de compte, du montant de la somme à caractère alimentaire laissée à la disposition du débiteur en application de l’article R. 162-2 ainsi que du ou des comptes sur lesquels cette mise à disposition est opérée.

Il ressort ainsi des dispositions qui précèdent que l’ordonnance sur requête autorisant une saisie conservatoire de créance n’a pas à être signifiée au débiteur avant son exécution mais doit lui être remise avec l’acte de dénonciation de la saisie conservatoire signifié dans le délai de 8 jours de l’exécution de cette mesure. Ce qui a été fait au cas d’espèce, par procès-verbal de dénonciation de saisie conservatoire en date du 21 juin 2022, conforme aux dispositions de l’article R. 523-3 précité, la saisie conservatoire ayant été pratiquée le 15 juin 2022.

S’agissant du respect des dispositions de l’article R. 511-4 du code des procédures civiles d’exécution, aux termes duquel, à peine de nullité de son ordonnance, le juge détermine le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée et précise les biens sur lesquels elle porte, force est de constater que ces dispositions ont été respectées.

En effet, l’ordonnance sur requête autorise la société Kouribat à pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires ouverts au nom de la société Soprimmo Îles de France, M [M] [I] et M [J] [C], dans tout établissement bancaire et sur toutes les valeurs mobilières, titres et autres sommes détenus pour leur compte, à concurrence de la somme de 148 740,00 euros en principal, frais intérêts et accessoires de procédure, comprenant le coût de la présente procédure.

Les moyens de nullité soulevés sont en conséquence rejetés.

Sur la rétractation de l’ordonnance du 10 juin 2022 :

[M] [I] fait valoir que la rétractation de la décision autorisant la mesure conservatoire s’impose en raison de l’incompétence du Président du Tribunal de commerce de Bayonne, au regard des dispositions de l’article L. 511-3 du code des procédures civiles d’exécution et de la violation des articles 493 et suivants du Code de procédure civile, outre les principes les plus élémentaires de tout procès équitable, notamment le respect du contradictoire.

Il soutient notamment que la requête de la société Kouribat ne portait pas sur une mesure demandée avant tout procès, puisque la « créance » de 148.740,00 Euros dont se prévaut la société Kouribat résulte du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Bayonne le 14 mars 2022, lequel fait l’objet d’une procédure d’appel devant la cour d’appel de Pau. Il souligne, à cet égard, que la requête de la société Kouribat insiste particulièrement sur les tentatives d’exécution du jugement du 14 mars 2022 à l’encontre de la SNC Capucines et sur sa décision d’introduire une action contre les associés de la SNC Capucines, pour leur rendre le jugement opposable.

Il en conclut que les demandes de la société Kouribat n’ont donc pas vocation à « la conservation d’une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale», puisque la requête a uniquement pour objet l’exécution du jugement rendu le 14 mars 2022 par le Tribunal de commerce de Bayonne. Or, de telles demandes ne relèvent pas de la compétence matérielle du Président du Tribunal de commerce de Bayonne, mais de celle du Juge de l’exécution.

Il considère ainsi que la société Kouribat a purement et simplement détourné l’objet de la procédure prévue aux articles 493 et suivants du Code de procédure civile, laquelle n’a pas vocation à supplanter les procédures spécifiquement prévues devant le Juge de l’exécution et/ou devant le magistrat chargé d’instruire l’affaire devant la Cour d’appel et/ou le premier Président de la cour d’appel de Pau, ce d’autant que ce dernier a rendu une décision le 21 juillet 2022, laquelle fait obligation à la SNC Capucines de consigner les sommes litigieuses ; cette décision étant opposable à la société Kouribat, qui ne l’a pas contestée, la présente juridiction ne peut donc tout à la fois constater l’existence d’une obligation de séquestre et faire droit aux demandes de la société Kouribat, entrant en contradiction avec une décision de justice déjà rendue.

Sur la violation des articles 493 et suivants du Code de procédure civile, l’appelant soutient que ni la requête, ni l’ordonnance, ne font état des raisons pour lesquelles la société Kouribat était fondée à ne pas appeler les associés de la SNC Capucines. Il rappelle que l’article 495 du Code de procédure civile prévoit que le juge des requêtes a l’obligation d’apprécier l’opportunité d’une procédure non contradictoire et qu’il doit motiver son ordonnance sur ce point.

De son point de vue, cette requête était d’autant plus déloyale qu’à la date de son dépôt , le 9 juin 2022, la société Kouribat avait déjà procédé à une saisie-attribution fructueuse sur les comptes de Monsieur [I], dénoncée le 13 mai 2022 et qui faisait l’objet d’une procédure en contestation et demande de mainlevée devant le Juge de l’exécution.

Ainsi, la société Kouribat aurait totalement méconnu les règles du contradictoire et du procès équitable en introduisant une procédure sur requête devant une troisième juridiction, aux fins de réclamer la conservation de sommes déjà saisies, le tout en marge de la procédure en demande d’arrêt de l’exécution provisoire devant le Premier Président de la Cour d’appel de Pau, par assignation délivrée à la société Kouribat le 20 mai 2022.

Là encore , la société Kouribat conclut au rejet de cette prétention et des moyens qui la sous-tendent.

Selon l’article L. 511-3 du code des procédures civiles d’exécution, « l’autorisation (de pratiquer une mesure conservatoire) est donnée par le juge de l’exécution. Toutefois, elle peut être accordée par le président du tribunal de commerce lorsque, demandée avant tout procès, elle tend à la conservation d’une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale.

Au sens de ce texte, le procès s’entend de la saisine de la juridiction commerciale compétente pour statuer sur le fond du droit.

Comme le relève la société Kouribat, aux termes de l’article L. 721-3 du code de commerce :

« Les tribunaux de commerce connaissent « 1° des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans , entre établissements de crédit,entre sociétés de financement ou entre eux ».

En l’espèce, la SAS Kouribat est commerciale par la forme et, selon l’article L. 221-1 du code de commerce, « les associés en nom collectif ont tous la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales ».

La requête en autorisation de saisie conservatoire adressée au président du tribunal de commerce de Bayonne, territorialement compétent à raison de la domiciliation des associés de la SNC Capucines, tendait par conséquent à la conservation d’une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale, à savoir l’obligation des associés de la SNC Capucines de répondre solidairement et indéfiniment de la dette de ladite société envers la société Kouribat, en cas de défaillance de cette dernière.

Par ailleurs, cette mesure conservatoire a été demandée avant tout procès, puisqu’au moment de cette requête aucune instance n’avait été introduite à l’encontre des associés de la SNC Capucines. Il importe peu dans ces conditions que la SNC Capucines ait assigné, en référé, la société Kouribat devant le premier président de la cour d’appel de Pau pour obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu le 14 mars 2022 par le tribunal de commerce de Bayonne à l’encontre de la société Capucines.

Ce moyen tenant à l’incompétence du président du tribunal de commerce ayant autorisé la mesure conservatoire est par conséquent infondé.

En second lieu, c’est à tort que l’appelant invoque les dispositions des articles 493 et 495 du code de procédure civile. Selon le premier de ces textes « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. ». Et selon le second « l’ordonnance sur requête doit être motivée ».

Il résulte cependant de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution que toute personne justifiant d’une créance paraissant fondée en son principe et de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens du débiteur, sans avoir à énoncer, dans la requête, des motifs justifiant qu’il soit recouru à une procédure non contradictoire. Le juge de l’exécution qui autorise la mesure n’a pas davantage à caractériser de tels motifs. ( Cassation 2e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-10.615).

Et, le droit à un débat contradictoire est réintroduit par la procédure de contestation prévue par les articles L. 512-1, R. 512-1 et suivants, et R. 523-3 du code des procédures civiles d’exécution.

Ce second moyen de rétractation est lui aussi écarté.

Sur la demande de mainlevée de la saisie-conservatoire :

[M] [I] conclut à la mainlevée de la saisie conservatoire ordonnée aux motifs que les conditions imposées par l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution ne sont pas réunies :

‘ la société Kouribat ne peut prétendre à une créance fondée en son principe à l’encontre des associés de la SNC Capucines, les seules condamnations prononcées à l’encontre de cette dernière ne constituant pas une dette sociale des associés ;

‘ il n’existe pas de menace quant au recouvrement au regard du patrimoine des associés de la SNC Capucines et, faute pour le créancier de démontrer le péril existant dans le recouvrement de la créance, il doit être donné mainlevée de la saisie conservatoire.

Cependant, ce texte subordonne l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire non pas à l’existence de la preuve d’une créance, mais uniquement à l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe.

Or, le principe de la créance potentielle de la société Kouribat envers les associés de la SNC Capucines résulte de la condamnation prononcée à l’encontre de cette dernière par jugement du 14 mars 2022 du tribunal de commerce de Bayonne et de l’obligation qui pèse sur les associés de la SNC de répondre des dettes sociales solidairement et indéfiniment.

S’agissant de la menace qui pèse sur le recouvrement de la créance, il convient de constater que si le premier président de la cour d’appel de Pau a fait droit à la demande de la SNC Capucines de consigner le montant de la condamnation prononcée par jugement du 14 mars 2022 du tribunal de commerce de Bayonne, en revanche, il n’est pas justifié de cette consignation. Il s’ensuit que le recouvrement de la créance apparaît toujours menacé alors que la consistance du patrimoine de M [M] [I], qui demeure inconnue, ne permet pas d’affirmer qu’il serait lui-même en mesure de répondre du paiement de cette créance s’il était actionné en lieu et place de la société débitrice, en cas de mainlevée de la saisie conservatoire des sommes déposées sur ses comptes ouverts sur les livres du Crédit Agricole.

En conséquence, Monsieur [I] est débouté de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur ses comptes.

Sur les demandes annexes :

Partie succombante, [M] [I] supportera la charge des entiers dépens.

Au regard des circonstances de la cause et de la position des parties l’équité justifie de condamner [M] [I] à payer à la société Kouribat une somme de 2000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

la cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare irrecevables les conclusions notifiées le 8 mars 2023 par [M] [I] , après l’ordonnance de clôture,

Confirme l’ordonnance frappée d’appel en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute [M] [I] de l’ensemble de ses prétentions,

Le condamne aux dépens d’appel,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Le condamne à payer à la SAS Kouribat une somme de 2000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière, Le Président,

 


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