Saisine du juge de l’exécution : 26 juin 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/03587

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Saisine du juge de l’exécution : 26 juin 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/03587

MINUTE N° 23/338

Copie exécutoire à :

– Me Noémie BRUNNER

– Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS

– Me Laurence FRICK

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 26 Juin 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/03587 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H5ST

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 septembre 2022 par le juge de l’exécution d’Illkirch-Graffenstaden

APPELANT :

S.C.I. SUMMER

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Noémie BRUNNER, avocat au barreau de COLMAR, avocat postulant, et Me Caroline MAINBERGER, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

INTIMÉES :

S.C.P. [Y] [U] & [H] [S] ASSOCIES Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS de la SELARL ACVF ASSOCIES, avocat au barreau de COLMAR, avocat postulant, et Me Arnaud HOUSSAIN, avocat au barreau de [Localité 4], avocat plaidant

CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 4] CATHEDRALE anciennement dénommée CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 4] GUTENBERG, association coopérative à responsabilité limitée, prise en la personne de son représentant légal.

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat au barreau de COLMAR, avocat postulant, et Me Serge PAULUS, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme MARTINO, Présidente de chambre

Mme FABREGUETTES, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme HOUSER

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

La Sci Summer, domiciliée au [Adresse 3] à [Localité 5], constituée le 23 octobre 2019 entre Monsieur [D] [V] et Madame [B] [Z] [V] et dont l’objet social est la propriété, l’administration, l’exploitation par bail, la location ou autrement, des immeubles qui lui appartiendront et généralement toutes opérations civiles se rattachant directement ou indirectement à cet objet, a été immatriculée au registre du commerce au tribunal judiciaire de Strasbourg le 20 novembre 2019.

Par acte sous-seing privé du 23 octobre 2019, réitéré en la forme authentique et reçu le 3 décembre 2019 par la Scp [Y] [U] et [H] [S], notaires associés à [Localité 4], la Caisse de Crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg, devenue Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale (ci avant dénommée la banque) a consenti à la Sci Summer un prêt immobilier d’un montant de 472 000 €, remboursable en 240 échéances successives mensuelles d’un montant de 2 343,32 € l’une, au taux effectif global de 2,27 % l’an, ayant pour objet le financement du prix d’achat d’une maison habitable de 220 m² comprenant huit pièces à titre de résidence principale d’un locataire et située [Adresse 3] à [Localité 5].

Chacun des consorts [V] s’est engagé en qualité de caution solidaire à hauteur de la somme de 120 000 €.

Par ailleurs ce prêt était garanti par une hypothèque conventionnelle inscrite sur le bien financé.

Par décision en date du 15 décembre 2020, le conseil d’administration de la Fédération du Crédit mutuel centre Est Europe a placé la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg

sous administration provisoire pendant six mois avec effet immédiat et a mis fin au mandat de ses président, administrateurs ou conseillers.

Lui faisant grief d’avoir fourni une attestation fausse pour justifier du montant des revenus de Monsieur [D] [V], dirigeant et caution solidaire, la banque a, par courrier recommandé en date du 26 mai 2021, notifié à la Sci Summer la déchéance du terme avec effet immédiat du prêt notarié souscrit en se prévalant de la clause d’exigibilité immédiate prévue au contrat qui prévoyait que le prêteur pouvait se prévaloir de la déchéance du terme « si l’emprunteur a déclaré ou fourni au prêteur des informations ou des documents qui ne sont pas exacts, sincères et véritables, de nature à compromettre le remboursement du crédit ».

Elle a mis en demeure la société de payer, dans un délai de huit jours, la somme de 479 556,61 € en principal correspondant, selon les dispositions conventionnelles, au montant du capital restant dû, majoré des intérêts courus et de l’indemnité conventionnelle.

Les cautions ont pareillement été mises en demeure d’honorer leurs engagements.

Par acte du 31 août 2021, la Sci Summer a assigné la banque devant le tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins de rétablissement du concours bancaire consenti et d’engagement de la responsabilité de la banque.

Pour autant et en l’absence de règlement, la banque a fait procéder à un certain nombre de mesures d’exécution.

Elle a notamment, par acte du 24 novembre 2021 diligenté, en exécution du contrat de prêt notarié du 3 décembre 2019, une procédure de saisie-attribution entre les mains de la Sasu R.M Auto 67, locataire selon contrat de bail commercial en date du 1er juin 2020.

Cette saisie-attribution a été dénoncée à la Sci Summer le 26 novembre 2021.

Par assignation délivrée à la banque le 22 décembre 2021, la Sci Summer a saisi le juge de l’exécution au tribunal de proximité d’Illkirch Graffenstaden de contestations relatives à la saisie-attribution diligentée le 24 novembre 2021 pratiquée par la banque sur les loyers dus par la Sasu R.M Auto 67.

Elle concluait essentiellement que l’acte d’exécution litigieux n’est pas fondé sur un titre exécutoire valable en raison de l’existence d’un lien de filiation entre l’un des notaires instrumentaires, Maître [H] [S] et Monsieur [N] [S], dont elle alléguait qu’il était le dirigeant de fait de la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg. À titre subsidiaire, elle sollicitait le

prononcé de la nullité de la saisie-attribution en application des

dispositions de l’article R 211-1 du code des procédures civiles d’exécution et 114 du code de procédure civile. À titre infiniment subsidiaire, elle demandait la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée en raison de son caractère inutile et abusif et demandait la condamnation de la banque à lui payer une indemnité de 5 000 € à titre de dommages intérêts sur le fondement de l’article L 121-2 du code des procédures civiles d’exécution, outre la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg s’est opposée à ces demandes et a sollicité la condamnation de l’adversaire à lui payer une somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La banque a, par acte délivré le 24 janvier 2022, appelé en la cause la Scp [Y] [U] et [H] [S], notaires associés, en déclaration de jugement commun, se réservant le droit de saisir le juge compétent pour rechercher la responsabilité des notaires en cas d’invalidation de l’acte de prêt notarié et sollicitant la condamnation de la Scp [Y] [U] et [H] [S], notaires associés, au paiement de la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intervention forcée a été jointe à l’instance principale le 23 mars 2022 par mention au dossier.

Par jugement en date du 7 septembre 2022, le juge de l’exécution ainsi saisi a :

-déclaré la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg recevable en son appel en déclaration de jugement commun diligenté à l’encontre de la Scp Thierry [U] et [H] [S], notaires associés,

-déclaré la Sci Summer recevable en ses contestations dirigées à l’encontre de la saisie-attribution diligentée par procès-verbal du 24 novembre 2021 par la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg et dénoncée le 26 novembre 2021 à la Sci Summer,

-débouté la Sci Summer de ses demandes en annulation et mainlevée de la dite saisie-attribution,

-débouté la Sci Summer de sa demande de dommages intérêts,

-déclaré le jugement commun à la Scp [Y] [U] et [H] [S], notaires associés,

-débouté la Scp [Y] [U] et [H] [S], notaires associés, de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouté la Sci Summer de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné la Sci Summer à payer à la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg la somme de 400 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a été notifiée à la Sci Summer par lettre recommandée réceptionnée le 9 septembre 2022 et elle en a relevé appel suivant déclaration en date du 20 septembre 2022.

L’affaire a été fixée à bref délai en application de l’article 905 du code de procédure civile.

Par dernières écritures notifiées le 28 mars 2023, la Sci Summer demande à la cour de :

Vu l’article L 111-7 du code des procédures civiles d’exécution,

Vu l’article L 121-2 du code de procédure civile exécution,

Vu l’article R 211-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence visée,

Sur l’appel principal

-déclarer l’appel recevable et bien fondé,

-infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a déclaré recevables la demande en déclaration de jugement commun et la contestation de la saisie-attribution,

Et statuant à nouveau,

-déclarer Monsieur [N] [S], dirigeant de fait de la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg devenue la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale,

-juger que l’acte de prêt reçu en date du 3 décembre 2019 par la Scp [U]-[S] ne s’analyse pas en un titre exécutoire au sens de l’article L 111-3 du code des procédures civiles d’exécution,

En conséquence,

-ordonner la mainlevée de l’intégralité des mesures d’exécution forcée pratiquées entre les mains de la Sasu R.M Auto 67 par la Caisse de crédit mutuel à l’encontre de la Sci Summer sur le fondement de l’acte de prêt reçu par la Scp [U]-[S] en date du 3 décembre 2019

À titre subsidiaire,

-juger que la saisie-attribution diligentée par procès-verbal de saisie attribution du 24 novembre 2021 est nulle en application des dispositions de l’article R211-1 du code des procédures civiles d’exécution et de l’article 114 du code de procédure civile,

En conséquence,

-ordonner la mainlevée de la dite saisie-attribution,

À titre infiniment subsidiaire,

– juger inutile, frustratoire et abusive la mesures de saisie-attribution diligentée par la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg en date du 24 novembre 2021 à l’encontre de la Sci Summer,

En conséquence,

-ordonner la mainlevée de ladite saisie-attribution,

En tout état de cause,

-débouter la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale de l’intégralité de ses demandes,

-condamner la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale à payer à la Sci Summer la somme de 5 000 € au titre du préjudice causé par cette mesure sur le fondement des dispositions des articles L 121-2 du code des procédures civiles d’exécution,

-condamner la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale à payer à la Sci Summer la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

-condamner la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale aux entiers dépens de la procédure de première instance,

Sur appel incident de la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale

-déclarer l’appel incident sans objet,

-le rejeter,

-débouter la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale de l’intégralité de ses demandes,

Sur l’appel provoqué de la Scp [Y] [U] et [H] [S], notaires associés

-déclarer l’appel provoqué mal fondé,

-le rejeter,

-débouter la Scp [Y] [U] et [H] [S], notaires associés, de l’intégralité de ses demandes,

En tout état de cause,

-débouter la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale de l’intégralité de ses demandes,

-condamner la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale à payer à la Sci Summer la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

-condamner la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale aux entiers dépens de la procédure d’appel.

Au soutien de son appel, la Sci Summer énonce, en préambule, qu’elle fait, comme une vingtaine de sociétés appartenant à des ressortissants roumains, l’objet d’un acharnement incompréhensi- ble de la part de la Caisse de Crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg suite à des modifications récemment intervenues dans la composition des membres du conseil d’administration, dans les suites de l’ouverture d’une instruction pénale mettant en cause les dirigeants de la banque, le notaire ainsi que Monsieur [R] [I].

Elle fait ensuite essentiellement valoir :

-sur la validité du titre exécutoire  : qu’en vertu de l’article 2 du décret du 26 novembre 1971, les notaires ne peuvent recevoir des actes dans lesquels leurs parents en ligne directe sont parties ou qui contiennent quelques dispositions en leur faveur ; que Monsieur [N] [S], membre du conseil d’administration de la Caisse de Crédit mutuel et président délégué au sein de ce conseil est en réalité le président de fait du conseil d’administration de la Caisse de Crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg de sorte que son fils, Me [H] [S], notaire, avait interdiction de recevoir l’acte de prêt du 3 décembre 2019 ; que cet acte de prêt ne peut ainsi constituer un titre exécutoire,

-sur l’absence de bien-fondé de la déchéance du terme et l’exigibilité du prêt : qu’elle n’a jamais produit de faux documents ou fourni de fausses informations ; qu’à la supposer établie, l’information inexacte délivrée par l’une des cautions sur le montant de ses revenus ne pouvait constituer une menace pour le remboursement du crédit ; qu’en effet, il est peu probable que l’octroi d’un prêt d’un montant de 472 000 € se soit fondé

exclusivement sur les revenus de l’une des deux cautions du prêt,

déclarés pour un montant de 4 000 €, l’autre caution n’ayant pas de revenus ; que la seule circonstance qu’il existe une différence entre les revenus initialement annoncés et ceux finalement perçus ne constitue pas une menace sur le remboursement du crédit ; que la

commission des clauses abusives a rendu plusieurs avis aux termes desquels elle considère abusive la clause qui permet au prêteur d’invoquer la résiliation de plein droit du crédit alors que l’emprunteur n’est pas défaillant dans le remboursement de son crédit ; que la banque fait preuve de mauvaise foi dans l’exécution du contrat et a procédé de manière totalement inutile et abusive.

Elle fait enfin valoir que l’absence de perception des loyers du fait de la saisie-attribution infondée et abusive entre les mains de sa locataire lui a causé un préjudice certain.

Par dernières écritures notifiées le 31 mars 2023, la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale demande à la cour de :

Vu les articles L 111-3, L 111-7, L 121-2, R211-1 du code des procédures civiles d’exécution,

Vu l’article L313-12 du code monétaire et financier,

Vu les articles 559 et 700 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée ;

Sur l’appel principal de la Sci Summer

-déclarer l’appel de la Sci Summer mal fondé,

-rejeter l’appel,

-juger que les mesures d’exécution forcée pratiquées par la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale à l’égard de la Sci Summer sur le fondement de l’acte notarié du prêt du 3 décembre 2019 sont fondées sur un titre exécutoire valable,

-juger que la saisie-attribution de loyers pratiquée le 24 novembre 2021 entre les mains de la Sasu R.M Auto 67 n’est pas inutile, frustratoire et abusive mais au contraire parfaitement justifiée et valable,

-débouter en conséquence la Sci Summer de sa demande de mainlevée de cette saisie-attribution,

-juger que la Caisse de crédit mutuel n’a commis aucune faute à l’encontre de la Sci Summer et que cette dernière ne démontre pas avoir subi un préjudice,

-débouter en conséquence la Sci Summer de sa demande tendant à voir condamner la Caisse de crédit mutuel au paiement de la somme de 5 000 € à titre de dommages intérêts,

-confirmer le jugement déféré,

-débouter la Sci Summer de l’ensemble de ses demandes,

Sur l’appel provoqué de la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale

-déclarer l’appel provoqué recevable,

-le déclarer bien fondé,

-déclarer l’arrêt à intervenir opposable à la Scp [Y] [U] et [H] [S], appelée en première instance en déclaration de jugement commun,

En tout état de cause,

-débouter la Sci Summer de l’ensemble de ses demandes,

-condamner la Sci Summer à payer à la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale une somme de 5 000 € au titre de dommages intérêts pour appel abusif,

-condamner la Sci Summer à payer à la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale une somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner la Sci Summer aux entiers dépens de l’instance.

En préambule, la partie intimée énonce qu’elle est victime, y compris en son sein, d’une vaste fraude commise à son préjudice, qui s’est révélée à la fin de l’année 2020, et se réfère de ce chef à un communiqué de la juridiction interrégionale spécialisée de Nancy, publié dans un journal local le 8 janvier 2021, faisant état d’une enquête ouverte « pour escroqueries en bande organisée sur les circonstances dans lesquelles de nombreux crédits ont été accordés par la Caisse locale de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg à plusieurs dizaines de sociétés civiles crées par des membres de quelques familles d’origine étrangère, en vue de l’acquisition de biens immobiliers ».

L’intimée fait essentiellement valoir :

-sur la validité du titre exécutoire : que Monsieur [N] [S], père de Maître [H] [S], notaire, n’est pas intervenu à l’acte de prêt puisque le pouvoir conféré à la préposée

de l’étude notariale pour signer l’acte pour le compte de la banque

a été régularisé par son ex-directeur Monsieur [A] [K] et son président Monsieur [P] [O] ; qu’au surplus, l’acte ne contient aucune disposition en faveur de Monsieur [N] [S],

-sur la validité de l’article 17 de la convention de prêt et l’exigibilité de la créance : que la réglementation des clauses abusives ne s’applique pas en l’espèce ; qu’en tout état de cause, dans un arrêt rendu le 20 janvier 2021, la Cour de cassation a confirmé la validité d’une clause de déchéance du terme en cas de

fourniture de renseignements inexacts portant sur des éléments déterminants du consentement du prêteur ; que tel est le cas en l’espèce ; qu’il importe peu que le remboursement des échéances du prêt ait toujours été régulièrement honoré du moment que les fausses information délivrées, qui sont établies par attestations, quant aux revenus de la caution, étaient de nature à donner une image erronée et mensongère de la solvabilité de l’emprunteur et/ou des cautions.

Elle se réfère à un arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nancy du 10 mars 2022 pour soutenir que c’est par l’intermédiaire de Monsieur [R] [I], rémunéré à cet effet, que la Sci Summer a produit un document établi par une personne ayant usurpé la qualité d’un autre expert-comptable, énonçant que Monsieur [D] [V] percevait depuis juillet 2019 une somme de 4 100 € par mois au titre de son activité de président de la société R.M. Auto 67, alors que l’avis d’imposition 2019 de l’intéressé ne mentionne aucun revenu et que ses extraits de compte ne comportent aucun mouvement créditeur permettant de confirmer les revenus déclarés.

Par dernières écritures notifiées le 31 mars 2023, la Scp [Y] [U] et [H] [S], notaires associés a demandé à la cour de :

Statuant sur l’appel principal,

-rejeter l’appel principal de la Sci Summer et confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes d’annulation et de mainlevée de la saisie-attribution diligentée par procès-verbal du 24 novembre 2021 portant sur les loyers dus par la Sasu R.M Auto 67 à la Sci Summer et lui ayant été dénoncée le 26 novembre 2021, en tant qu’elles sont fondées sur l’allégation que l’acte de prêt du 3 décembre 2019 reçu par Maître [W] [C], agissant en qualité de notaire salarié de la Scp [Y] [U] et [H] [S], ne vaudrait pas titre exécutoire,

Statuant sur l’appel incident formé par la Scp [Y] [U] et [H] [S], notaires associés,

-déclarer recevable et bien-fondé l’appel incident formé par la Scp [Y] [U] et [H] [S], notaires associés,

En conséquence,

-infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté l’office notarial de sa demande au titre des frais irrépétibles de conseil,

Et statuant à nouveau de ce chef,

-condamner la Sci Summer au paiement d’une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

-condamner la partie succombante en appel au paiement d’une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance d’appel.

Au soutien de ses demandes, la Scp [Y] [U] et [H] [S], notaires associés, fait essentiellement valoir que le père de Maître [H] [S], qui n’était que membre du conseil d’administration et bénéficiait d’un titre purement honorifique de président délégué de ce conseil, n’est nullement intervenu à l’acte pour représenter directement ou indirectement la Caisse de crédit mutuel ; que le contrat de crédit ne prévoyait aucune stipulation en sa faveur ; que l’allégation suivant laquelle Monsieur [N] [S] est en réalité le président de fait du conseil d’administration de la Caisse de Crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg n’est nullement établie ; qu’en tout état de cause, un dirigeant de fait ne saurait être assimilé à un représentant légal au regard de l’article 2 du décret 71-941 du 26 novembre 1971 ; que la production aux débats d’un extrait de l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nancy du 10 mars 2022 se heurte au principe du secret de l’instruction ainsi qu’aux dispositions de l’article 114 du code de procédure pénale et enfreint le principe de la présomption d’innocence, alors même qu’une telle décision n’a pas autorité de chose jugée ; qu’il en résulte que la banque dispose bien d’un titre exécutoire.

MOTIFS

Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu les pièces régulièrement communiquées ;

À titre liminaire il est rappelé que :

-aux termes de l’article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine les moyens au soutien de ses prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion,

-ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à « dire et juger », « constater », en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles

ne sont pas susceptibles d’emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour ne statuera pas sur ces demandes dans le dispositif de l’arrêt.

Sur la validité de la saisie-attribution diligentée à l’initiative de la banque le 24 novembre 2021 :

Les dispositions du jugement déféré par lesquelles ont été déclaré recevables les contestations élevées par la Sci Summer relatives à la saisie-attribution diligentée entre les mains de la Sasu R.M Auto 67 n’ont fait l’objet d’aucune contestation de sorte que la cour n’est pas saisie de ce chef.

En vertu de l’article L 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.

En l’espèce, il convient de rappeler que :

-M° [W] [C], notaire salarié au sein de la Scp [Y] [U] et [H] [S], notaires associés titulaires d’un office notarial à [Localité 4], a, le 3 décembre 2019, reçu un acte de prêt, portant soumission par l’emprunteur à l’exécution forcée immédiate, conclu entre l’association Caisse de Crédit Mutuel [Localité 4] Gutenberg d’une part et la Sci Summer d’autre part, un prêt d’un montant de 427 000 € destiné à financer l’acquisition d’un immeuble, remboursable en 240 mensualités de 2 343,32 € l’une, au taux effectif global de 2,27% l’an.

-l’article 17. 2 des conditions particulières et générales de l’acte de prêt, que les parties se sont engagées à respecter, dispose que « le prêteur peut, sur simple notification à l’emprunteur et sans autre formalité préalable, se prévaloir de la déchéance du terme et exiger le remboursement immédiat de la totalité des sommes restant dues au titre du crédit dans l’un quelconque des cas suivants : … si l’emprunteur a déclaré ou fourni au prêteur des informations ou des documents qui ne sont pas exacts, sincères et véritables, de nature à compromettre le remboursement du crédit »,

-le 26 mai 2021, la banque a notifié à la Sci Summer la déchéance du terme et l’exigibilité immédiate des sommes restant dues au titre du contrat de prêt en se prévalant de la communication d’une attestation fausse certifiant que par décision de l’assemblée générale extraordinaire du 1er juillet 2019 de la société R.M Auto 67, la rémunération de Monsieur [V] a été fixée à 4 100 € mensuels pour la période courant du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020,

– elle a, le 24 novembre 2021, fait signifier entre les mains de la Sasu R.M Auto 67 un procès-verbal de saisie-attribution des loyers à verser à la Sci Summer, en exécution du contrat de prêt du 3 décembre 2019, résilié.

Sur l’existence d’un titre exécutoire

En vertu de l’article L 111-5 du code des procédures civiles d’exécution, applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire de ces trois départements lorsqu’ils sont dressés au sujet d’une prétention ayant pour objet le paiement d’une somme d’argent déterminée ou déterminable ou la prestation d’une quantité déterminée ou déterminable d’autres choses fongibles ou de valeurs mobilières et que le débiteur consent dans l’acte à l’exécution forcée immédiate.

Comme devant le premier juge, l’appelante, pour conclure à l’inexistence d’un titre exécutoire et solliciter en conséquence la mainlevée de la mesure d’exécution forcée pratiquée, invoque la violation des dispositions de l’article 2 du décret 71-941 du 26 novembre 1971 qui prévoit que les notaires ne peuvent recevoir des actes dans lesquels leurs parents ou alliés, en ligne directe, à tous les degrés, et en ligne collatérale jusqu’au degré d’oncle ou de neveu inclusivement, sont parties, ou qui contiennent quelque disposition en leur faveur.

Elle fait valoir que les relations de famille existant entre le notaire instrumentaire, soit Me [H] [S] et le président délégué de la Caisse de crédit mutuel et membre influent du conseil d’administration, Monsieur [N] [S], son père, interdisaient au premier nommé de recevoir le contrat de crédit litigieux.

Il ressort en l’espèce des pièces produites que Monsieur [N] [S], père de [H] [S], a assumé la présidence du conseil d’administration de la Caisse de crédit mutuel durant plus de trente ans ; que par arrêt en date du 31 octobre 2012, la Cour de cassation, première chambre civile, a confirmé un arrêt de la cour d’appel de Colmar qui avait considéré que ne valait pas titre exécutoire un acte de prêt reçu par Maître [H] [S] alors que Monsieur [N]

[S], son père, était intervenu à l’acte en tant que président du conseil d’administration de la CCM dont il était le représentant légal ; que le mandat de président du conseil d’administration de Monsieur [N] [S] a ensuite pris fin, celui-ci demeurant membre du conseil d’administration et ayant reçu le titre de président délégué, le plaçant dans l’organigramme de la banque au deuxième rang, devant le vice-président du conseil d’administration.

Pour autant, il est constant que le contrat de prêt notarié litigieux, reçu par Maitre [W] [C], notaire salarié de la Scp [Y] [U] et [H] [S], notaires associés et signé par

Maître [H] [S], a été conclu entre, d’une part , la Sci Summer et, d’autre part, la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg, représentée à l’acte par Monsieur [F] [M], collaborateur du notaire soussigné, en vertu d’une délégation de pouvoir délivrée par Monsieur [A] [K], directeur de la Caisse de Crédit Mutuel et Monsieur [P] [O], président.

Monsieur [N] [S], père du notaire instrumentaire, n’est pas intervenu à l’acte litigieux et n’aurait pu y intervenir comme n’ayant pas, en sa qualité de président délégué voire de membre, parmi d’autres, du conseil d’administration, pouvoir de représentation et d’engagement de la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg, association coopérative à responsabilité limitée.

Pour étayer son allégation suivant laquelle Monsieur [N] [S] était en réalité le président de fait de la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg, Monsieur [O], président, n’étant en réalité qu’un « homme de paille », la Sci Summer se réfère essentiellement à un certain nombre de courriers adressés aux sociétés du « groupe [I] », tous cosignés par Monsieur [N] [S] et surtout à un arrêt rendu par la chambre de l’instruction de Nancy en date du 10 mars 2022, statuant sur un appel interjeté à l’encontre d’une décision du juge des libertés et de la détention ayant placé Monsieur [H] [S] sous contrôle judiciaire, dont elle produit un extrait.

Cet arrêt intervient dans le cadre d’une vaste enquête pénale ouverte des chefs d’abus de confiance et blanchiment dans laquelle sont notamment mis en examen Monsieur [R] [I] et Messieurs [S] père et fils.

L’extrait produit dudit arrêt énonce que malgré avertissement délivré par la Cour de cassation le 31 octobre 2012, Monsieur [N] [S] et Monsieur [H] [S] auraient continué d »uvrer de concert pour favoriser l’obtention de prêts pour le compte de la communauté d’intérêts existant autour de Monsieur [R] [I], Monsieur [N] [S] étant en réalité le président de fait du conseil d’administration aux dires de Monsieur [A] [K] et de Monsieur [L] [T].

Elle s’appuie également sur les déclarations de Monsieur [A] [K], entendu lors de sa comparution devant le juge d’instruction dans le cadre de l’instruction pénale en cours certifiant que « le poste de président-directeur effectif était tenu par Monsieur [N] [S] ».

Or, la Sci Summer, qui se dit étrangère à la procédure d’instruction en cours et qui ne peut se prévaloir d’une communication régulière à sa personne de l’arrêt de la chambre de l’instruction de Nancy alors qu’aux termes de l’article 114 du code de procédure pénale, seules les copies des rapports d’expertise peuvent être

communiquées par les parties ou leurs avocats à des tiers pour les besoins de la défense, ne pouvait pas produire, au demeurant de manière tronquée, ledit arrêt, rendu dans le cadre d’une information judiciaire en cours, dans la présente instance civile.

Par ailleurs et à supposer que la cour puisse les prendre en considération, les déclarations de Monsieur [K] au juge d’instruction ne sauraient être prises pour argent comptant alors que celui-ci a tout intérêt à se défausser sur Monsieur [N] [S], dont il n’a en revanche pas été versé au débat le procès-verbal d’interrogatoire.

Il ne peut donc être tenu compte, dans la présente instance, des énonciations de l’arrêt de la chambre de l’instruction de Nancy, qui ne sont en outre en rien revêtues de l’autorité de chose jugée quant à la matérialité des faits pour lesquels Messieurs [S] père et fils sont mis en examen.

Au final, force est de constater que la cour ne dispose pas des éléments d’appréciation nécessaires et suffisants pour retenir que Monsieur [N] [S] était dirigeant de fait de la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg et que Maître [H] [S] aurait, de ce fait, instrumenté en méconnaissance de l’interdiction prévue par le texte précité.

Enfin, il n’est pas justifié que l’acte litigieux aurait contenu des dispositions en faveur de Monsieur [N] [S], l’allégation suivant laquelle celui-ci, en sa qualité de président délégué et membre du conseil d’administration, aurait profité du prêt litigieux au travers du bénéfice qu’en aurait retiré la banque, n’apparaissant pas à cet égard pertinente.

Il résulte de l’ensemble de ces énonciations que la Sci Summer échoue dans sa contestation de la validité du titre exécutoire pour méconnaissance des dispositions de l’article 2 du décret 71-941du 26 novembre 1971.

Le contrat de prêt notarié litigieux qui porte sur le paiement d’une somme d’argent déterminable et qui contient soumission de la Sci Summer à l’exécution forcée immédiate constitue ainsi un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

L’appelante ne peut donc, au soutien de sa demande de nullité des actes de saisie-attribution, invoquer une violation de l’article R 211-1 du code des procédures civiles d’exécution en ce que le procès-verbal de saisie-attribution litigieux serait fondé sur un acte dépourvu de caractère exécutoire.

Sur le caractère inutile ou abusif des saisies attributions

Se prévalant des dispositions de l’article L 121-2 du code des procédures civiles d’exécution, l’appelante soutient que la banque aurait commis des fautes dans la mise en ‘uvre des mesures de

saisie-attribution de nature à justifier que la mainlevée en soit ordonnée.

ll est fait valoir à ce titre que la banque aurait prononcé la déchéance du terme sans raison valable, que les échéances du prêt avaient jusque-là toujours été remboursées, que la banque a sollicité le remboursement de la somme de 479 555,61 € sous huit jours alors même que les exigences légales portent le délai de préavis à soixante jours, que la banque disposait d’autres garanties, qu’il a été jugé par le tribunal administratif de Strasbourg le 6 décembre 2021 que la plupart des crédits ont été consentis par la banque en méconnaissance des règles prudentielles en vigueur et de manière non conforme aux règles des dispensateurs de crédit et présentaient un risque pour la caisse.

En premier lieu et comme le premier juge l’a justement énoncé par une motivation que la cour adopte, le délai de 60 jours prévu à l’article L313-12 du code monétaire et financier n’est pas applicable en l’espèce de sorte que le moyen pris de la violation par la banque d’un préavis de telle durée ne saurait prospérer.

L’appelante se prévaut ensuite d’une faute commise par la banque dans la mise en ‘uvre de la déchéance du terme au motif que cette dernière ne justifie pas de ce que l’attestation comptable qui lui a été remise est un faux et en ce que les informations reçues n’étaient pas de nature à constituer une menace pour le remboursement du crédit.

Pour justifier la mise en ‘uvre de l’article 17 des conditions générales et particulières qui lui permettait de prononcer la déchéance du terme si l’emprunteur a déclaré ou fourni au prêteur des informations ou des documents qui ne sont pas exacts, sincères et véritables, de nature à compromettre le remboursement du crédit, la banque soutient s’être vue remettre une attestation établie le 28 septembre 2019 par le cabinet d’expert-comptable « Perspective d’Avenir » ainsi rédigée : « je, soussigné [E] [X], expert-comptable, certifie par la présente que, par décision de l’assemblée générale extraordinaire du 1er juillet 2019 de la société RM Auto 67, la rémunération de Monsieur [D]

[V] a été fixée à 4 100 € mensuels pour la période courant du

1er juillet 2019 au 30 juin 2020. » Suivait une signature pour ordre de [E] [X].

Interrogé par la banque quant à l’authenticité de cette attestation, Monsieur [E] [X] a, par mail du 22 avril 2021, fait connaître que l’attestation établie en son nom, n’a pas été émise par son cabinet.

Il a, par courriel du 4 mai 2022 et dans une audition devant les services de police, maintenu que l’attestation litigieuse n’avait pas été émise par son cabinet, que le cabinet n’avait jamais eu dans sa clientèle la société RM Auto 67, qu’il n’avait en aucun cas autorisé Monsieur [J], qui avait été son sous-traitant jusqu’au 30 juin 2019, à établir cette attestation, ce qui aurait dû être le cas, d’autant plus qu’à la date d’émission de celle-ci, il n’avait plus aucune relation avec ce dernier.

Dans une attestation établie conformément aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile le 29 janvier 2022, Monsieur [G] [J] déclare être l’auteur de l’attestation du 28 septembre 2019. Il explique avoir été collaborateur de Monsieur [X] jusqu’au 30 juin 2019 et reconnaît que le dossier comptable de la société RM Auto 67 ne faisait pas partie du portefeuille de dossiers qu’il apportait au nouveau cabinet comptable qu’il intégrait à compter du 1er juillet 2019. Il assure avoir cru, à tort, pouvoir établir cette attestation, au vu selon lui du procès-verbal d’assemblée générale de la société RM Auto 67 en date du 1er juillet 2019.

Il est ainsi acquis que l’attestation émise le 28 septembre 2019 au nom de Monsieur [X] est un faux dès lorsque Monsieur [J], son rédacteur masqué signant pour ordre, n’avait pas été autorisé à l’émettre par Monsieur [X] qui ne connaissait pas la société RM Auto 67, ce que, à la fois Monsieur [V] et Monsieur [J] ne pouvaient ignorer.

La réalité de la fourniture d’un document insincère voire faux est donc établie, ainsi que justement retenu par le premier juge.

C’est par une exacte analyse des faits, juste application de la règle de droit et par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a déterminé d’une part que l’attestation remise à la banque présente un défaut d’ authenticité et que d’autre part, elle portait sur des éléments d’information pouvant constituer une menace pour le remboursement du crédit et ce, d’autant plus que, devant la cour comme devant le premier juge, la Sci Summer n’apporte aucun élément de nature à confirmer la réalité des faits détaillés dans cette attestation.

La fausse attestation produite pour le compte d’un expert-comptable qui ne connaissait pas la société RM Auto 67 et qui avait pour but de faire croire à la banque que le dirigeant de la

Sci Summer, tenu indéfiniment des dettes sociales et qui était aussi caution, disposait à titre personnel de revenus mensuels solides, était de nature à compromettre le remboursement du crédit, dans la mesure où la Sci Summer venait d’être constituée et que les ressources escomptées de la location de l’immeuble financé, en principe destinées à couvrir l’emprunt, n’étaient pas arrêtées ( au demeurant les contrats de location n’ont été signés qu’en juin 2020) alors que les échéances de remboursement du crédit s’élevaient à plus de 2 300 € par mois.

Ce faux document contenant des informations insincères et qui caractérise un manquement à l’obligation de loyauté et de bonne foi, constituait donc une information déterminante du consentement du prêteur, quand bien même celui-ci aurait manqué de vigilance, quand bien même il aurait disposé d’une hypothèque de premier rang sur le bien financé et peu important qu’au final, les échéances de remboursement ont été honorées.

Sur ce dernier point, force est de relever que la Sci Summer, qui a communiqué à la banque une attestation fausse pour la convaincre de consentir au prêt sollicité, est bien malvenue à imputer au prêteur un manquement à l’obligation de bonne foi.

En vertu de l’article L 111-7 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution de sa créance, laquelle exécution ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.

C’est en l’espèce par des motifs particulièrement pertinents que la cour adopte que le premier juge a énoncé que si la banque dispose en effet d’une hypothèque conventionnelle sur le bien immobilier appartenant à la Sci Summer, la Sci Summer n’établit pas l’existence d’une disproportion entre le montant de la créance dont le recouvrement est poursuivi pour un montant d’environ 484 000 € en principal, frais et intérêts provisoirement évalués et les moyens mis en ‘uvre pour y parvenir.

Enfin, il est faux de soutenir que le tribunal administratif de Strasbourg aurait explicitement constaté dans un jugement du 6 décembre 2021 que la plupart des crédits immobiliers consentis par la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg à tout un groupe de sociétés dont les associés sont liés entre eux par des liens familiaux ont été consentis en méconnaissance des règles prudentielles en vigueur et de manière non conforme aux règles des dispensateurs de crédit et présentaient un risque pour la caisse.

En effet, saisi d’une demande d’annulation pour défaut de motivation de la décision du 15 décembre 2020 par laquelle le conseil d’administration de la Fédération du crédit mutuel centre Est Europe a placé la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg sous administration provisoire pendant six mois et a mis fin au mandat de ses dirigeants pour dysfonctionnement grave des

organes statutaires de la caisse, le tribunal administratif, qui n’a pas eu à apprécier le bien-fondé de la mesure contestée, s’est borné à répondre que la décision du 15 décembre 2020 échappe au grief de défaut de motivation puisqu’elle mentionne les éléments pertinents relatifs aux faits, à savoir que « l’inspection générale a mis en évidence une concentration de financement immobilier à des sociétés dont les associés sont liés entre eux par des liens familiaux, ainsi que la mise en ‘uvre de modes opératoires identiques lors de l’octroi des crédits aboutissant à un montage juridique complexe destiné à occulter le bénéficiaire effectif des financements et à échapper aux dispositifs internes de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, la plupart des crédits ont été consentis en méconnaissance des règles prudentielles en vigueur et de manière non conforme aux règles des dispensateurs de crédit et présentaient un risque pour la caisse, les comptes de la caisse ont enregistré toute une série d’opérations dépourvues de justification économique ou d’objet licite qui auraient dû conduire à un examen renforcé de la part du directeur et de la caisse avec une demande de renseignements auprès du client sur l’origine des fonds et leur destination et l’objet l’opération et l’identité du bénéficiaire ».

En tout état de cause, la Sci Summer ne peut se prévaloir des malversations qu’auraient pu commettre en interne les dirigeants de la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg en s’affranchissant des règles de vigilance en vigueur à l’occasion de l’octroi de crédits immobiliers, alors d’une part, qu’elle a sciemment trompé la banque et que d’autre part, la Caisse de crédit Mutuel [Localité 4] Gutenberg devenu Cathédrale dispose d’une personnalité juridique indépendante de ses dirigeants.

Il suit de l’ensemble de ces énonciations que c’est à juste titre que le premier juge a refusé d’ordonner la mainlevée ou d’annuler la saisie-attribution litigieuse sur le fondement de l’article L 121-2 du code des procédures civiles d’exécution.

La décision déférée, qui repose sur des motifs particulièrement pertinents que la cour adopte, sera ainsi confirmée.

Sur la demande dommages et intérêts formée par la SCI Summer

À défaut de preuve d’une faute de la banque dans la mise en ‘uvre des mesures d’exécution litigieuses, la Sci Summer doit être déboutée de sa demande de dommages intérêts

Sur la demande de dommages intérêts formée par la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale.

Il n’est pas établi qu’en interjetant appel de la décision déférée, la Sci Summer ait abusé de son droit de contester la décision du juge de l’exécution.

Il en résulte que la demande de dommages intérêts formée par la banque sera rejetée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement déféré seront confirmées quant à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens étant observé qu’il ne saurait être fait droit à la demande de la Scp [U]-[S] dirigée à l’encontre de la société Summer au titre des dispositions de l’article 700 pour les frais irrépétibles de première instance dans la mesure où les demandeurs ont été attraits en la procédure par la banque et non pas par la société Summer.

Partie perdante à hauteur d’appel, la Sci Summer sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En revanche, elle sera condamnée à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à la banque la somme de 1 000 € et à la Scp [Y] [U] et [H] [S], la somme de 1 000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME la décision déférée,

Et y ajoutant,

CONSTATE que le présent arrêt est commun à la Scp [Y] [U] et [H] [S], notaires associés,

DEBOUTE la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Cathédrale de sa demande de dommages intérêts pour appel abusif,

DEBOUTE la Sci Summer de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sci Summer à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Gutenberg la somme de 1 000 € et à la société civile professionnelle Thierry [U] et [H] [S] la somme de 1 000 €,

CONDAMNE la Sci Summer aux dépens d’appel.

La Greffière La Présidente

 


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