MINUTE N° 23/337
Copie exécutoire à :
– Me Laurence FRICK
– Me Noémie BRUNNER
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 26 Juin 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/03511 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H5OW
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 septembre 2022 par le juge de l’exécution d’Illkirch-Graffenstaden
APPELANTE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] CATHEDRALE anciennement dénommée CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] [Localité 5]
Association coopérative à responsabilité limitée, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurence FRICK, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉE :
S.A.S.U. RM AUTOS 67 prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Noémie BRUNNER, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 03 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme MARTINO, Présidente de chambre
Mme FABREGUETTES, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme HOUSER
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
La Sci Summer, domiciliée au [Adresse 2], constituée le 23 octobre 2019 entre Monsieur [T] [K] et Madame [X] [Z] [K] et dont l’objet social est la propriété, l’administration, l’exploitation par bail, la location ou autrement, des immeubles qui lui appartiendront et généralement toutes opérations civiles se rattachant directement ou indirectement à cet objet, a été immatriculée au registre du commerce du tribunal judiciaire de Strasbourg le 20 novembre 2019.
Selon statuts en date du 1er juillet 2019, Monsieur [T] [K] a constitué la société par action simplifiée unipersonnelle R.M Auto 67, ayant pour objet social la vente de véhicules neufs et occasions et toutes activités connexes et accessoires. Cette société a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés au tribunal judiciaire de Strasbourg le 12 novembre 2019.
Par acte sous-seing privé du 23 octobre 2019, réitéré en la forme authentique et reçu le 3 décembre 2019 par la Scp [E] [B] et [C] [N], notaires associés à [Localité 3], la Caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5], devenue Caisse de crédit mutuel [Localité 3] Cathédrale (ci avant dénommée la banque) a consenti à la Sci Summer un prêt immobilier d’un montant de 472 000 €, remboursable en 240 échéances successives mensuelles d’un montant de 2 343,32 € l’une, au taux effectif global de 2,27 % l’an, ayant pour objet le financement du prix d’achat d’une maison habitable de 220 m² comprenant huit pièces à titre de résidence principale d’un locataire et située [Adresse 2].
Chacun des consorts [K] s’est engagé en qualité de caution solidaire à hauteur de la somme de 120 000 €.
Par ailleurs ce prêt était garanti par une hypothèque conventionnelle inscrite sur le bien financé.
Selon contrat sous-seing privé du 1er juin 2020, la Sci Summer a donné à bail à la Sasu R.M Auto 67 un local à usage commercial constitué d’un bureau, avec usage de sept parkings, dans
l’immeuble situé [Adresse 2] pour une durée de neuf années, moyennant paiement d’un loyer mensuel indexé de 450 € TTC et d’une avance sur charges de 50 € TTC.
La Caisse de crédit mutuel s’est prévalue de la déchéance du terme du crédit consenti le 23 octobre 2019 et a réclamé paiement de la totalité des sommes restant dues au titre de ce prêt.
Sur le fondement de l’acte authentique de prêt du 3 décembre 2019 revêtu de la clause exécutoire, la Caisse de crédit mutuel a fait pratiquer, selon procès-verbal du 24 novembre 2021, la saisie-attribution entre les mains de la Sasu R.M Auto 67, des sommes dues par celle-ci à la Sci Summer en vertu du bail commercial du 1er juin 2020, pour paiement de la somme totale de 487 468,88 €.
À défaut de réaction de la Sasu R.M Auto 67, qui n’a communiqué aucune information sur les sommes dont elle serait redevable envers la Sci Summer, aucune somme n’a été appréhendée.
Par acte en date du 17 février 2022, la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] a assigné la Sasu R.M Auto 67 devant le juge de l’exécution du tribunal de proximité d’Illkirch-Graffenstaden, aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 479 556,61 €, non compris les intérêts et assurances du 27 mai 2021 jusqu’à la date effective de paiement et les frais de recouvrement, en raison de son manquement à ses obligations en sa qualité de tiers saisi. Elle a demandé en outre condamnation de la défenderesse aux dépens et à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle a fait valoir que la Sasu R.M Auto 67 a refusé de prêter son concours à l’huissier, n’a fourni aucun renseignement, ni communiqué de pièce justificative ; que la recevabilité de l’action n’est pas soumise à la condamnation du créancier ; que la Sasu R.M Auto 67 n’a pas fait état d’un motif légitime, la saisie-attribution ayant été pratiquée sur le fondement d’un titre exécutoire valable ; qu’elle est bien débitrice de la Sci Summer au titre du bail commercial du 1er juin 2020.
La Sasu R.M Auto 67 a conclu à l’irrecevabilité et au mal fondé des demandes. Elle a sollicité condamnation de la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] aux dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle a contesté l’intérêt à agir de la demanderesse, la Sci Summer, débitrice, n’ayant pas été condamnée au paiement des sommes alléguées. Elle a fait valoir que son refus d’information est parfaitement légitime, du fait du caractère inefficace de la saisie-attribution diligentée, objet de contestation dans le cadre d’une instance parallèle ; que l’huissier n’a par ailleurs pas tout mis en
‘uvre pour signifier l’acte de saisie à sa personne même ; que le tiers saisi n’a pas obligation de donner immédiatement le motif légitime l’autorisant à différer sa réponse ; que le procès-verbal de saisie-attribution ne fait état d’aucun refus formel ; qu’il n’est pas démontré que le tiers saisi est tenu d’une obligation envers le débiteur ; que Monsieur [T] [K] ne maîtrise pas le français et qu’il est également associé de la Sci Summer qui a contesté la saisie-attribution.
Par jugement du 7 septembre 2022, le juge de l’exécution du tribunal de proximité d’Illkirch-Graffenstaden a :
-déclaré la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] recevable en sa demande,
-débouté la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] de sa demande en paiement des causes de la saisie dirigée à l’encontre de la Sasu R.M Auto 67, tiers saisi,
-condamné la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] à payer à la Sasu R.M Auto 67 la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] aux dépens,
-rappelé que le jugement est exécutoire de droit.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu que l’acte de saisie-attribution du 24 novembre 2021 avait été délivré régulièrement par dépôt en l’étude d’huissier ; que la Sasu R.M Auto 67, de droit français, n’est pas fondée à se prévaloir des difficultés de compréhension de la langue française de son représentant légal, également gérant de la Sci Summer qui a pu utilement contester la saisie-attribution dénoncée ; que l’irrecevabilité relative à l’absence de jugement condamnant la Sci Summer ne peut être utilement soulevé dans le cadre d’une saisie-attribution relevant des dispositions de l’article R 211-5 du code de procédure civile et non de l’article R 523-5 du même code ; que la Sasu R.M Auto 67 est bien débitrice d’une somme mensuelle de 500 € envers la bailleresse, conformément aux dispositions du bail commercial du 1er juin 2020 ; que cependant, la défenderesse pouvait se prévaloir légitimement des causes d’inefficacité de la saisie-attribution existant lors de la délivrance de l’acte de saisie, objet d’une instance parallèle, pour expliquer
le manquement à son obligation de renseignement, ce d’autant que son représentant légal est le même que celui de la société débitrice, le débiteur saisi contestant le bien-fondé des voies d’exécution diligentées par la banque ; qu’il ne peut être reproché au tiers saisi de n’avoir pas fourni ce motif immédiatement à l’huissier, ce dernier ne pouvant apprécier la légitimité du motif invoqué.
Cette décision a été notifiée à la Caisse de crédit par lettre recommandée avec avis de réception signé le 9 septembre 2022.
Elle en a interjeté appel le 16 septembre 2022.
Par ordonnance du 10 octobre 2022, l’affaire a été fixée à bref délai conformément aux dispositions de l’article 905 modifié du code de procédure civile.
Par écritures notifiées le 29 mars 2023, la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] Cathédrale a conclu ainsi qu’il suit, au visa des articles L 123-21, L 121-3, L 123-1, L 211-1, L 211-2 et L 211-3, R 211-4 et R 211-5 du code des procédures civiles d’exécution,
Sur l’appel principal,
-déclarer l’appel de la Caisse de crédit mutuel [Localité 5] recevable et bien fondé,
-infirmer le jugement déféré en date du 7 septembre 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il déclare la demande recevable,
Statuant à nouveau,
-juger que la Sasu R.M Auto 67 n’a pas apporté de réponse et a manqué à ses obligations en sa qualité de tiers saisi, alors qu’une créance de loyer existait,
-juger que la Sasu R.M Auto 67 ne démontre pas disposer d’un motif légitime pour refuser de répondre à l’huissier instrumentaire de la saisie-attribution de loyer entre ses mains,
-débouter la Sasu R.M Auto 67 de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-condamner la Sasu R.M Auto 67 à payer à la Caisse de crédit mutuel [Localité 5] la somme de 479 556,61 € non compris les intérêts et l’assurance du 27 mai 2021 jusqu’à la date effective du paiement et les frais de recouvrement,
-condamner la Sasu R.M Auto 67 à payer à la Caisse de crédit mutuel [Localité 5] la somme de 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner la Sasu R.M Auto 67 aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel,
Sur appel incident,
-déclarer l’appel incident de la Sasu R.M Auto 67 mal fondé,
-rejeter l’appel incident,
-confirmer le jugement déféré rendu le 7 septembre 2022 en ce qu’il déclare la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] recevable en sa demande,
-débouter la Sasu R.M Auto 67 de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
En préambule, l’appelante énonce qu’elle est victime, y compris en son sein, d’une vaste fraude commise à son préjudice, qui s’est révélée à la fin de l’année 2020, et se réfère de ce chef à un communiqué de la juridiction interrégionale spécialisée de [Localité 6], publié dans un journal local le 8 janvier 2021, faisant état d’une enquête ouverte « pour escroqueries en bande organisée sur les circonstances dans lesquelles de nombreux crédits ont été accordés par la Caisse locale de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] à plusieurs dizaines de sociétés civiles crées par des membres de quelques familles d’origine étrangère, en vue de l’acquisition de biens immobiliers ».
Elle fait valoir qu’à la suite de l’ouverture de l’enquête, une administration provisoire de la Caisse de crédit mutuel a été mise en place ; qu’elle a finalement découvert que certaines informations et documents remis, notamment en vue d’attester de la solvabilité et de la réalité des revenus d’un des associés et cautions se sont révélés être des faux ; qu’ainsi, dans le cadre du prêt consenti le 3 décembre 2019, l’emprunteur a transmis à la banque une attestation prétendument établie par Monsieur [G] [W], expert-comptable, afin d’attester de ses revenus ; que cette attestation établie le 28 septembre 2019 intervient avant même l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés de la Sasu R.M Auto 67, intervenue le 12 novembre 2019 ; que Monsieur [W] a affirmé que son cabinet d’expertise comptable n’avait pas établi l’attestation produite ; qu’elle a ainsi prononcé la déchéance du terme du prêt, en raison du manquement aux engagements contractuels de la Sci Summer et a mis cette dernière en demeure de régler la somme de 479 556,61 €, outre les intérêts au taux de 1,80 % ; que tant l’emprunteuse que les cautions, mises en demeure de s’exécuter, n’ont donné suite à ses demandes ; qu’elle a fait pratiquer des mesures d’exécution afin de préserver ses droits ; que les contestations élevées par la Sci Summer ont été rejetées par cinq jugements rendus le 7 septembre 2022 par le juge de l’exécution, qui a validé
l’intégralité des saisies pratiquées ; que lors de la saisie-attribution des loyers en date du 24 novembre 2021, l’huissier n’a pas obtenu de réponse de la part de la Sasu R.M Auto 67, qui ne lui a communiqué aucune information sur les sommes dont elle serait redevable envers la Sci Summer ; que le tiers saisi, débiteur d’une somme mensuelle de 500 € envers la Sci Summer au titre du contrat de bail commercial, n’a d’ailleurs même pas pris la peine de chercher l’acte en l’étude de l’huissier instrumentaire.
Elle fait valoir que l’efficacité de la saisie n’est pas une condition d’application de l’alinéa 2 de l’article R 211-5 ; que le fait qu’une instance parallèle soit en cours est sans emport sur l’obligation de réponse à saisie ; qu’est de même indifférente l’identité des personnes physiques à l’origine de la création des personnes morales distinctes ; qu’en tout état de cause, le tiers saisi était en mesure d’expliquer le motif légitime qu’il alléguait à l’huissier instrumentaire ; qu’en l’espèce, la Sasu R.M Auto 67 s’est crue exonérer de toute réponse à l’huissier, tandis que l’existence d’un motif légitime l’aurait exonérée de la fourniture de renseignements prévus à l’article L 211-3.
Sur appel incident, elle fait valoir que la Sasu R.M Auto 67 n’est pas fondée à soulever la fin de non-recevoir tirée des dispositions de l’article R 523-5 du code des procédures civiles d’exécution, qui n’a vocation à s’appliquer qu’aux mesures conservatoires ; que les dispositions applicables à la saisie-attribution ne soumettent pas la condamnation du tiers saisi à celle du débiteur ; que par ailleurs, la déchéance du terme du prêt n’a pas été prononcée de manière abusive, les conditions de l’article 17 du contrat de prêt étant réunies ; qu’elle justifie d’une créance exigible.
Elle fait valoir que la saisie-attribution des loyers entre les mains de la Sasu R.M Auto 67 était d’autant plus nécessaire que cette société a été créée pour les besoins de la cause pour asseoir la légitimité financière de la Sci Summer à emprunter la somme de 472 000 €, ainsi qu’il ressort de l’arrêt de la chambre de l’instruction de Nancy du 10 mars 2022 versé aux débats par l’intimée ; que l’enquête pénale en cours permet de prouver l’existence d’un lien entre la Sci Summer et Monsieur [S] [F], intermédiaire rémunéré entre elle et le Crédit mutuel ; que la saisie-attribution qu’elle a pratiquée est légitime ; que la preuve de ce que la Sasu R.M Auto 67 est débitrice de la Sci Summer résulte du contrat de bail commercial conclu entre ces sociétés.
Par écritures notifiées le 28 mars 2023, la Sasu R.M Auto 67 a conclu ainsi qu’il suit, au visa des articles L 211-3, R 523-4 et R 523-5 du code des procédures civiles d’exécution,
Sur appel incident de la Sasu R.M Auto 67,
-déclarer l’appel incident recevable,
-déclarer l’appel incident bien fondé,
-infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] aux droits de laquelle vient la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] Cathédrale recevable en sa demande,
Statuant à nouveau dans cette limite,
-déclarer les demandes de la CCM [Localité 3] cathédrale irrecevables,
-les rejeter,
-déclarer en conséquence n’y avoir lieu de statuer sur l’appel principal de la CCM [Localité 3] Cathédrale,
Subsidiairement, si la cour devait déclarer les demandes de la CCM [Localité 3] Cathédrale recevables :
Sur l’appel principal de la CCM [Localité 3] Cathédrale,
-déclarer l’appel de la CCM mal fondé,
-le rejeter,
-confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
‘ débouté la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] de sa demande en paiement des causes de la saisie dirigée à l’encontre de la Sasu R.M Auto 67, tiers saisi,
‘ condamné la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] à payer à la Sasu R.M Auto 67 la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ débouté la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamné la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] aux dépens,
En tout état de cause,
-débouter la CCM [Localité 3] Cathédrale de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-condamner la CCM [Localité 3] Cathédrale à payer à la Sasu R.M Auto 67 une somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner la CCM [Localité 3] Cathédrale aux entiers frais et dépend de la procédure d’appel.
Elle énonce, en préambule, que la Sci Summer fait, comme une vingtaine de sociétés appartenant à des ressortissants roumains, l’objet d’un acharnement incompréhensible de la part de la Caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] suite à des modifications récemment intervenues dans la composition des membres du conseil d’administration, dans les suites de l’ouverture d’une instruction pénale mettant en cause les dirigeants de la banque, le notaire ainsi que Monsieur [S] [F] ; que la société n’a cependant aucun lien avec Monsieur [F] ou ses sociétés ; que la Sci Summer remboursait régulièrement le prêt accordé par la banque, qui a cru bon prononcer la déchéance du terme à la suite des modifications intervenues en son sein en se prévalant de documents qui se seraient révélés faux ; que ces reproches sont contestés et infondés, de sorte que la Sci Summer a assigné la banque au fond en rétablissement des concours bancaires et en responsabilité devant le tribunal judiciaire de [Localité 3] le 31 août 2021 ; que pourtant, la banque a multiplié les voies d’exécution, dont la saisie-attribution litigieuse qui a fait l’objet d’une contestation distincte par la débitrice.
Elle fait valoir que la demande de la banque est irrecevable et qu’elle est fondée à opposer la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir ; que les dispositions des articles L 123-1 et R 523-5 du code des procédures civiles d’exécution imposent deux conditions cumulatives pour la condamnation du tiers saisi, à savoir une absence de motif légitime et la condamnation du débiteur au paiement des sommes pour lesquels la saisie a été pratiquée ; qu’il est de jurisprudence que le créancier qui assigne le tiers saisi avant la condamnation du débiteur agit prématurément et que faute d’un intérêt né et actuel, sa demande est irrecevable ; qu’en l’espèce, la Sci Summer n’a pas été condamnée au paiement de sommes ; qu’elle-même dispose en outre d’un motif légitime, en ce que la sanction de la méconnaissance de l’obligation de renseignements du tiers saisi s’inscrit nécessairement dans le cadre d’une saisie valable ; que le caractère inefficace de la saisie-attribution diligentée par la banque à l’encontre de la Sci Summer est amplement détaillé dans le cadre de la procédure pendante devant la cour d’appel sous le numéro RG 22-03587 ; que de même, les sanctions ne peuvent être appliquées que si l’huissier a tout mis en ‘uvre pour signifier l’acte de saisie à la personne même du tiers ; qu’il doit de même être démontré que le tiers saisi est tenu d’une obligation envers le débiteur ; que tel n’est pas le cas en l’espèce.
Sur le fond, elle fait valoir que le procès-verbal de saisie-attribution du 24 novembre 2021 ne fait mention d’aucun refus formel de sa part, dans la mesure où cet acte a fait l’objet d’un dépôt à l’étude d’huissier et qu’elle n’a eu connaissance de la saisie que dans le cadre de cette procédure ; que le gérant de la Sasu R.M Auto 67 ne maîtrise pas parfaitement la langue française et encore moins les termes juridiques ; qu’il est également l’un des
associés de la Sci Summer, débitrice, qui conteste la déchéance du terme abusive opposée par la banque ; que la saisie-attribution litigieuse fait l’objet d’un recours devant la cour de céans, de sorte qu’elle disposait d’un motif parfaitement légitime.
MOTIFS
Aux termes de l’article L 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.
En vertu des dispositions de l’article L 123-1 du même code, les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l’exécution ou de la conservation des créances. Ils y apportent leur concours lorsqu’ils en sont légalement requis. Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ces obligations peut être contraint d’y satisfaire, au besoin à peine d’astreinte, sans préjudice de dommages-intérêts. Dans les mêmes conditions, le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut aussi être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur.
L’article L 211-3 dispose que le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter.
L’article R 211-4 du même code prévoit par ailleurs que le tiers saisi est tenu de fournir sur-le-champ à l’huissier de justice les renseignements prévus à l’article L. 211-3 et de lui communiquer les pièces justificatives. Il en est fait mention dans l’acte de saisie.
Enfin, l’article R 211-5 dispose que le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur. Il peut être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de condamnation du débiteur :
Aux termes de motifs fondés en droit, que la cour adopte, le premier juge a exactement retenu que l’irrecevabilité soulevée sur la base des dispositions de l’article R 523-5 du code de procédure d’exécution ne peut prospérer dans le cadre d’une saisie-attribution, régie par les dispositions de l’article R 211-5 du même code qui ne subordonnent pas la condamnation du tiers saisi à la
condamnation préalable en paiement du débiteur, l’article dont se prévaut l’intimée étant relatif à la saisie conservatoire.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a déclaré recevable la demande formée par la CCM [Localité 3] Cathédrale.
Sur le manquement par le tiers saisi à ses obligations :
Il est constant en l’espèce que la saisie-attribution litigieuse a été pratiquée selon procès-verbal du 24 novembre 2021 déposé en l’étude de l’huissier, en l’absence du destinataire de l’acte. Selon mentions de l’acte faisant preuve de l’exécution des diligences jusqu’à inscription de faux, un avis de passage daté a été laissé au domicile conformément à l’article 656 du code de procédure civile et la lettre prévue par l’article 658 du même code, comportant les mêmes mentions que l’avis de passage et rappelant des dispositions de l’article 656 dernier alinéa a été adressée au destinataire avec copie de l’acte.
Le procès-verbal mentionnant les circonstances ayant rendu impossible la signification de l’acte à personne, la preuve de ce que l’huissier a effectué les diligences nécessaires et suffisantes pour tenter de le signifier à la personne du représentant légal de la société est rapportée.
De même, au regard de l’avis de passage et de la lettre prévue à l’article 658 adressés au destinataire avec copie de l’acte, la Sasu R.M Auto 67 ne peut prétendre n’avoir légitimement pris connaissance des causes de la saisie qu’au moment de l’assignation délivrée contre elle par la banque.
En vertu des dispositions légales précitées, l’obligation de renseignement pèse sur le tiers saisi dès lors qu’un procès-verbal de saisie-attribution lui a été délivré.
Il appartenait en conséquence à l’intimée de se rapprocher de l’étude de l’huissier instrumentaire pour répondre de façon diligente à la demande d’information relative à son titre locatif et à la dernière quittance de loyer rappelée dans le procès-verbal qui lui a été communiqué. Force est de constater que l’intimée s’est abstenue de toute démarche en ce sens et s’est purement et simplement exonérée de toute obligation.
Or, seule l’existence d’un motif légitime permet au tiers saisi d’échapper à la sanction prévue en cas de manquement à cette obligation d’information.
À cet égard, il n’appartenait pas à la Sasu R.M Auto 67 de se faire juge de la régularité de la saisie-attribution pour s’abstenir de déclarer à l’huissier l’étendue de ses obligations à l’égard de la
Sci Summer et le fait que le représentant légal des deux sociétés soit la même personne est sans emport sur l’obligation de la société tiers saisie et des contestations qu’elle était fondée à élever, la Sasu R.M Auto 67 étant une personne morale distincte de la Sci Summer.
Les arguments soulevés par l’intimée quant au caractère infondé de la saisie-attribution sont en conséquence sans emport sur la solution du litige, étant relevé au demeurant que la mesure d’exécution est fondée sur un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible et que la banque était fondée à se prévaloir de la déchéance du terme du contrat de prêt au regard de la production par la Sci Summer d’une fausse attestation de revenus.
La Sasu R.M Auto 67 ne peut par ailleurs utilement invoquer une méconnaissance du français par son gérant Monsieur [K], alors que ce dernier, gérant de la Sci Summer, a été parfaitement à même de contester la saisie-attribution litigieuse et de souscrire auparavant un contrat de prêt et un engagement de caution aux termes de contrats rédigés en langue française et usant d’un vocabulaire juridique. Il sera de même rappelé que les deux sociétés ont conclu un contrat de bail commercial rédigé en langue française, portant sur l’immeuble acquis par la Sci Summer à l’aide du prêt consenti par la banque.
Il sera en conséquence constaté que la preuve d’un motif légitime justifiant l’abstention de la Sasu R.M Auto 67 n’est pas rapportée.
Enfin, l’intimée justifie d’autant moins de ce qu’elle ne serait pas débitrice à l’égard de la Sci Summer, que selon contrat de bail commercial versé aux débats consenti par la Sci Summer, elle devait acquitter un loyer mensuel de 450 € augmenté d’une provision sur charges de 50 €, de sorte que l’existence d’une créance à échéance successive de la Sci Summer pouvant être saisie entre les mains de la locataire est parfaitement établie.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu’il a retenu l’existence d’un motif légitime permettant à la Sasu R.M Auto 67 de s’affranchir de son obligation de déclaration et en ce qu’il a rejeté la demande de la banque.
En raison de la carence de l’intimée, l’appelante est fondée à se prévaloir des dispositions de l’article R 211-5 du code des procédures civiles d’exécution pour obtenir sa condamnation au paiement des causes de la saisie, soit la somme de 479 556,61 € non compris les intérêts et l’assurance du 27 mai 2021 jusqu’à la date effective de paiement.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré quant au frais et dépens seront infirmées.
Partie perdante, la Sasu R.M Auto 67 sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du même code.
Il sera alloué à l’appelante une somme de 2 500 € en compensation des frais non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer pour faire valoir ses droits.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a déclaré la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5] recevable en sa demande,
Statuant à nouveau des autres chefs,
CONDAMNE la Sasu R.M Auto 67 à payer à la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] Cathédrale, venant aux droits de la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5], la somme de 479 556,61 € non compris les intérêts et l’assurance du 27 mai 2021 jusqu’à la date effective de paiement,
CONDAMNE la Sasu R.M Auto 67 à la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au bénéfice de la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] Cathédrale, venant aux droits de la Caisse de crédit mutuel [Localité 3] [Localité 5],
DEBOUTE la Sasu R.M Auto 67 de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Sasu R.M Auto 67 aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La Greffière La Présidente