ARRÊT DU
26 Juin 2023
IL / NC
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N° RG 22/00411
N° Portalis DBVO-V-B7G -C733
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[E] [A]
[F] [T] épouse [A]
C/
[W] [P] épouse [A]
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 273-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
Monsieur [E] [X] [R] [A]
né le 10 avril 1938 à [Localité 17] (Maine et Loire)
de nationalité française, retraité
Madame [F], [N], [M] [T] épouse [A]
née le 1er novembre 1947 à [Localité 19] (Maine et Loire)
de nationalité française, retraitée
domiciliés ensemble : [Adresse 18]
[Localité 6]
représentés par Me Hélène GUILHOT, avocate associée de la SCP TANDONNET ET ASSOCIES, avocate au barreau d’AGEN
APPELANTS d’un jugement du juge de l’exécution du tribunal de proximité de VILLENEUVE SUR LOT en date du 06 mai 2022,
RG 11 21 000233
D’une part,
ET :
Madame [W] [P] épouse [A]
née le 21 juillet 1963 à [Localité 21] (92)
de nationalité française, contrôleur SNCF
domiciliée : [Adresse 18]
[Localité 6]
représentée par Me François DELMOULY, membre de la SELARL AD-LEX avocat au barreau d’AGEN
INTIMÉE
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 17 mai 2023, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Laurent IZAC, Vice-Président placé auprès du premier président
qui en a rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre lui-même de :
Cyril VIDALIE, Conseiller
Valérie SCHMIDT, Conseiller
en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte d’échange reçu le 14 décembre 1993 par Me [S] [J], notaire à [Localité 16], M. [E] [A] et Mme [F] [T] époux [A] (ci-après désignés les époux [A]) ont fait l’acquisition auprès de la SCI Les Coteaux d’un ensemble immobilier sis lieudit [Adresse 18] dans la commune de [Localité 6], portant les références cadastrales n° [Cadastre 3], [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 15] de la section D.
Aux termes du même acte, la SCI Les Coteaux a cédé à Mlle [N] [A] la propriété des fonds cadastrés sous les n° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] de la même section.
L’acte du 14 décembre 1993 a par ailleurs institué :
– deux servitudes conventionnelles permettant à Mlle [N] [A], en passant notamment sur les deux parcelles attenantes [Cadastre 9] et [Cadastre 12] des époux [A], d’accéder à chacune de ses deux parcelles extrêmes, la [Cadastre 4] directement et la [Cadastre 5] par le ravin ;
– une servitude conventionnelle destinée à permettre d’alimenter son fonds en eau et d’entretenir sa canalisation qui aboutit à son compteur à la limite des parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 10] devant sa maison.
Suivant acte du 31 mars 2000, reçu par Me [V] [K] notaire à [Localité 20], Mlle [N] [A] a revendu sa propriété à M. [Y] [A].
M. [Y] [A] est décédé le 11 octobre 2012 à [Localité 6], laissant pour lui succéder en qualité de légataire universelle son épouse, Mme [W] [P].
En raison du différend l’opposant à ses ex-beaux-parents et actuels voisins, à propos, d’une part, de l’état du mur de soutènement séparant leur parcelle [Cadastre 12] de sa parcelle [Cadastre 4] abritant le jardin de sa maison et, d’autre part, des conditions d’accès à sa propriété, Mme [P] veuve [A] a fait assigner les époux [A] devant le tribunal judiciaire d’Auch.
Par jugement du 1er juin 2021, le tribunal judiciaire d’Agen a :
– condamné solidairement les époux [A] à faire réaliser à leur frais et par tout professionnel du bâtiment dûment assuré les travaux de reprise du mur de soutènement édifié sur leur parcelle située lieudit [Adresse 18] à [Localité 6] cadastrée section D n° [Cadastre 9], surplombant la parcelle cadastrée section D n° [Cadastre 4] appartenant à Mme [W] [P] veuve [A], tels que définis par l’expert judiciaire ;
– dit que les époux [A] devront informer Mme [P] veuve [A] de la date de réalisation des travaux au moins huit jours avant le début du chantier ;
– ordonné à Mme [P] veuve [A] de laisser l’accès à sa propriété pour les besoins de la réalisation des travaux ;
– ordonné aux époux [A] dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, de retirer les objets et matériels obturant la servitude de passage grevant leurs parcelles situées lieudit [Adresse 18] à [Localité 6] cadastrées section D n° [Cadastre 9] et [Cadastre 12] au profit des parcelles cadastrées section D n° [Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] appartenant à Mme [P] veuve [A] ;
– passé ce délai, condamné solidairement les époux [A] à payer à Mme [P] veuve [A] une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant quatre mois, à faire liquider par le juge de l’exécution ;
– interdit également aux époux [A] pour l’avenir, de troubler, de quelque manière que ce soit, l’exercice de la servitude de passage grevant leurs parcelles situées lieudit [Adresse 18] à [Localité 6] cadastrées section D n° [Cadastre 9] et [Cadastre 12] au profit des parcelles cadastrées section D n° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] appartenant à Mme [P] veuve [A], sous peine d’une astreinte provisoire de 1.500 euros par infraction constatée, à faire liquider par le juge de l’exécution ;
– ordonné aux époux [A], dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, de retirer la clôture installée sur l’assiette de la servitude de passage grevant leur parcelle située lieudit [Adresse 18] à [Localité 6] cadastrée section D n° [Cadastre 1] (anciennement n° [Cadastre 3]) au profit des parcelles cadastrées section D n° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] appartenant à Mme [P] veuve [A] ;
– passé ce délai, condamné solidairement les époux [A] à payer à Mme [P] veuve [A] une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant quatre mois, à faire liquider par le juge de l’exécution ;
– condamné solidairement les époux [A] à payer à Mme [P] veuve [A] la somme globale de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices de jouissance ;
– condamné les époux [A] aux dépens, en ce compris ceux des deux procédures de référé et les frais d’expertise judiciaire mais à l’exception des frais des constats d’huissier ;
– condamné solidairement les époux [A] à payer à Mme [P] veuve [A] la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– rejeté le surplus des demandes.
Les époux [A] ont fait appel de cette décision par déclaration au greffe du 13 juillet 2021.
Par exploit du 22 septembre 2021, Mme [P] veuve [A] a fait assigner les époux [A] devant le juge de l’exécution aux fins de voir liquider l’astreinte fixée par le jugement frappé d’appel.
Par jugement du 6 mai 2022, le juge de l’exécution du tribunal de proximité de Villeneuve-sur-Lot a :
– condamné in solidum les époux [A] à payer à Mme [P] veuve [A] la somme totale de 18.450 euros (dix-huit mille quatre cent cinquante euros) au titre de la liquidation des astreintes provisoires fixées par le jugement du 1er juin 2021 ;
– condamné in solidum les époux [A] à payer à Mme [P] veuve [A] la somme de 1.500 euros (mille cinq cent euros) au titre de la liquidation des astreintes provisoires fixées par le jugement du 1er juin 2021 au titre de l’interdiction de troubler de quelques manière que ce soit, l’exercice de la servitude de passage grevant leurs parcelles situées lieudit [Adresse 18] à [Localité 6] cadastré section D n°[Cadastre 9] et [Cadastre 12] au profit des parcelles cadastrées section D n°[Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] appartenant à Mme [P] veuve [A] ;
– condamné in solidum les époux [A] au paiement d’une astreinte définitive de 100 euros (cent euros), par jour de retard pendant quatre mois, à compter de la signification du présent jugement, au titre de leur obligation de retirer les objets et matériels-obturant la servitude de passage grevant leurs parcelles situées lieudit [Adresse 18] à [Localité 6] cadastré section D n°[Cadastre 9] et [Cadastre 12] au profit des parcelles cadastrées section D n° [Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] appartenant à Mme [P] veuve [A] ;
– condamné in solidum les époux [A] au paiement d’une astreinte définitive de 50 euros (cinquante euros), par jour de retard pendant quatre mois, à compter de la signification du présent jugement, au titre de leur obligation de retirer la clôture installée sur l’assiette de la servitude de passage grevant leurs parcelles situées lieudit [Adresse 18] à [Localité 6] cadastré section D n°[Cadastre 1] (anciennement n°[Cadastre 2]) au profit des parcelles cadastrées section D n°[Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] appartenant à Mme [P] veuve [A] ;
– débouté Mme [P] veuve [A] de sa demande d’astreinte définitive de 3.000 euros (trois mille euros) à titre de sanction de l’interdiction de troubler de quelque manière que ce soit, l’exercice de la servitude de passage grevant leurs parcelles situées lieudit [Adresse 18] à [Localité 6] cadastré section D n°[Cadastre 9] et [Cadastre 12] au profit des parcelles cadastrées section D n°[Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] lui appartenant ;
– condamné in solidum les époux [A] à payer à Mme [P] veuve [A] la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les époux [A] de l’ensemble de leurs demandes ;
– condamné in solidum les époux aux entiers dépens de l’instance ;
– rappelé que la décision ainsi rendue bénéficie de l’exécution provisoire de droit en application de l’article 514 du code de procédure civile ;
Le juge de l’exécution a estimé que :
– Mme [P] veuve [A] établissait, notamment au moyen du constat d’huissier établi le 13 août 2021 par Me [O] et des photographies versées aux débats, que les époux [A] n’avaient pas respecté l’obligation de retirer les objets et matériels obstruant la servitude de passage grevant leurs parcelles au profit des siennes ;
– les époux [A], en se contentant de poser une porte au niveau de la haie séparant leur parcelle [Cadastre 3] de la parcelle [Cadastre 10] de Mme [P] veuve [A] alors que le tribunal leur avait clairement ordonné de retirer purement et simplement la clôture installée sur l’assiette de la servitude de canalisation, ne s’étaient pas conformés au dispositif du jugement du 1er juin 2021.
Les époux [A] ont formé appel le 20 mai 2022, désignant Mme [P] veuve [A] en qualité d’intimée, et visant dans leur déclaration l’ensemble des dispositions du jugement.
Par arrêt du 25 janvier 2023, la cour d’appel d’Agen, statuant sur le recours formé par les époux [A] contre la décision du juge de l’exécution du 6 mai 2022, a :
– ordonné un sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt au fond statuant sur l’appel interjeté contre le jugement du 1er juin 2021 ;
– dit que l’instance sera reprise passé un délai d’un mois après la signification de l’arrêt au fond à intervenir ;
– réservé les dépens et frais irrépétibles.
Par arrêt du 18 janvier 2023, la cour d’appel d’Agen, statuant au fond sur l’appel du jugement du 1er juin 2021 (affaire 21/737), a :
– infirmé le jugement sauf des chefs d’avoir :
# condamné solidairement les époux [A] à faire réaliser à leurs frais par tout professionnel du bâtiment dûment assuré les travaux de reprise du mur de soutènement édifié sur leur parcelle située lieu-dit [Adresse 18] à [Localité 6] cadastrée section D N° [Cadastre 9] surplombant la parcelle cadastrée section D N° [Cadastre 4] appartenant à Mme [P] veuve [A], tel que défini par l’expert judiciaire [U] [I] dans son rapport du 29 janvier 2018 ;
# ordonné aux époux [A] dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, de retirer la clôture installée sur l’assiette de la servitude de passage grevant leur parcelle située lieu-dit [Adresse 18] à [Localité 6], cadastrée section D N° [Cadastre 1] anciennement [Cadastre 3] au profit des parcelles cadastrées, section D N° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] appartenant à Mme [P] veuve [A] ;
# passé ce délai, condamné solidairement les époux [A] à payer à Mme [P] veuve [A] une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard durant 4 mois, à faire liquider par le juge de l’exécution ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ou réformés,
– constaté l’extinction de la servitude de passage grevant les parcelles situées lieu-dit [Adresse 18] à [Localité 6] (Lot-et-Garonne) cadastrées section D N° [Cadastre 9] et [Cadastre 12] au profit des parcelles cadastrées, section D N° [Cadastre 4], [Cadastre 10], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 7] et [Cadastre 5] appartenant à Mme [P] veuve [A] ;
– débouté Mme [P] veuve [A] de ses demandes à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices de jouissance ;
Y ajoutant,
– dit que chacune des parties, les époux [A] et Mme [P] veuve [A], conservera la charge des dépens par elle exposés ;
– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les époux [A] ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Par dernières conclusions d’appelants du 9 mai 2023, les époux [A] demandent à la cour de :
– infirmer le jugement du 6 mai 2022 en ce qu’il a prononcé des condamnations au titre de la liquidation des astreintes provisoires et au titre des astreintes définitives contre eux ;
– débouter Mme [P] veuve [A] de l’intégralité de ses demandes ;
– condamner Mme [P] veuve [A] à leur restituer la somme de 13.800,00 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de règlement de cette somme par les concluants ;
Subsidiairement,
– réduire la condamnation de liquidation d’astreinte prononcée au titre de la servitude de passage grevant la parcelle n° D [Cadastre 1] (anciennement [Cadastre 3]), à une somme symbolique ;
– rejeter le surplus des demandes ;
En tous cas,
– condamner Mme [P] veuve [A] à leur payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et aux dépens d’appel.
Au soutien de leurs prétentions, ils font essentiellement valoir que :
– le pourvoi en cassation en matière civile n’empêche pas l’exécution de la décision attaquée ;
– l’arrêt du 18 janvier 2023 constate l’extinction de la servitude de passage grevant les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 12] des époux [A] au profit des parcelles [Cadastre 4], [Cadastre 10], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 7] et [Cadastre 5], appartenant à Mme [P], de sorte qu’il ne peut leur être reproché d’avoir entravé ledit passage en laissant notamment un bidon sur son assiette ;
– en ménageant dans le grillage litigieux, lequel délimite un poulailler à ciel ouvert, une porte et un portail de part et d’autre de l’axe de la canalisation alimentant en eau le fonds de Mme [P], ils se sont conformés à la décision leur ordonnant de supprimer ledit grillage sur l’assiette de la servitude de passage de la canalisation ;
– depuis le décès tragique de leur fils, ils ont développé de graves troubles de santé qui les empêchent de comprendre et d’exécuter les condamnations obtenues à leur encontre par Mme [P] ;
– Mme [P] n’a jamais eu à intervenir pour l’entretien de la canalisation d’alimentation en eau potable de son logement, ce qui a conduit la Cour à supprimer les dommages et intérêts qui lui avaient été alloués par le tribunal au titre du préjudice de jouissance relatif à ladite servitude ; l’application de ce même raisonnement justifie que la liquidation de l’astreinte provisoire soit réduite à une indemnité de principe ;
– ils ont fait procéder au retrait du grillage litigieux, ce qui rend le prononcé de l’astreinte définitive sans objet.
Par dernières conclusions d’intimée du 12 mai 2023, Mme [P] veuve [A] demande à la cour, au visa des articles L. 131-1 et suivants, et R. 131-1 et suivants du code de procédure civile, de :
– surseoir à statuer, dans l’attente de l’arrêt de la Cour de cassation à intervenir sur le pourvoi introduit à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel d’Agen du 18 janvier 2023 (RG n° 21/737), sur la demande des appelants tendant à l’infirmation du jugement du juge de l’exécution du tribunal de proximité de Villeneuve-sur-Lot du 6 mai 2022 (RG n° 11-21-000233) en ce qu’il a :
# condamné in solidum les époux [A] à payer à Mme [P] veuve [A] la somme de 12.300,00 euros au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire sanctionnant l’obligation des époux [A] de retirer les objets et matériels obturant la servitude de passage grevant leurs parcelles situées lieudit [Adresse 18] à [Localité 6] cadastrées section D n° [Cadastre 9] et [Cadastre 12] au profit des parcelles cadastrées section D n° [Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] appartenant à Mme [P] veuve [A] ;
# condamné in solidum les époux [A] à payer à Mme [P] veuve [A] la somme de 1.500 euros au titre de la liquidation des astreintes provisoires fixées par le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Agen, le 1er juin 2021 au titre de l’interdiction de troubler de quelque manière que ce soit, l’exercice de la servitude de passage grevant leurs parcelles situées lieudit [Adresse 18] à [Localité 6] cadastré section D n°[Cadastre 9] et [Cadastre 12] au profit des parcelles cadastrées section D n°[Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] appartenant à Mme [P] veuve [A] ;
– confirmer le jugement du juge de l’exécution du tribunal de proximité de Villeneuve-sur-Lot du 6 mai 2022 (RG n° 11-21-000233) en ce qu’il a :
# condamné in solidum les époux [A] à payer à Mme [P] veuve [A] la somme de 6.150,00 euros au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire sanctionnant l’obligation faite aux époux [A] de retirer la clôture installée sur l’assiette de la servitude de passage grevant leur parcelle située lieudit [Adresse 18] à [Localité 6] cadastrée section D n° [Cadastre 1] (anciennement n° [Cadastre 3]), au profit des parcelles cadastrées section D n° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] appartenant à Mme [P] veuve [A] ;
# condamné in solidum les époux [A] à payer à Mme [P] veuve [A] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
# débouté les époux [A] de l’ensemble de leurs demandes ;
# condamné in solidum les époux [A] aux entiers dépens de l’instance.
Y ajoutant,
– condamner in solidum les époux [A] au paiement d’une somme supplémentaire de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel ;
– débouter les époux [A] de l’ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires.
Au soutien de ses prétentions, elle fait essentiellement valoir que :
– la charge de la preuve de l’exécution de l’obligation pèse sur son débiteur ;
– elle a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt en ce qu’il a constaté l’extinction de la servitude de passage grevant les fonds [Cadastre 9] et [Cadastre 12] des époux [A] au profit des parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5] lui appartenant ;
– jusqu’à son retrait définitif, le maintien de l’enclos grillagé sur leur parcelle n°[Cadastre 1] (anciennement n°[Cadastre 3]) est demeuré en contravention avec le jugement du 1er juin 2021, confirmé sur ce point par l’arrêt du 17 janvier 2023, dans la mesure où, d’une part, cette décision imposait le retrait de la clôture située sur l’assiette de la servitude de passage de la canalisation et non de créer un accès à l’intérieur dudit enclos et, d’autre part, les portes ainsi ménagées étaient trop étroites pour permettre le passage d’engins tels qu’une mini pelle mécanique pour déterrer la canalisation en cas de travaux ;
– le déplacement du compteur d’eau, tel que le propose les époux [A], n’aura aucune incidence sur le maintien de la servitude de passage de la canalisation ;
– les difficultés d’exécution alléguées par les époux [A] ne sont pas démontrées et l’absence de préjudice qu’ils invoquent demeure étrangère au mécanisme de l’astreinte qui doit être uniquement évaluée en fonction du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter ;
– l’intérêt moratoire réclamé par les époux [A], au titre du remboursement de la somme de 13.800 euros, ne peut courir que du jour de la notification de la décision ouvrant droit à restitution.
Il sera renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de sursis à statuer
Aux termes de l’article L. 111-11 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, sauf dispositions contraires, le pourvoi en cassation en matière civile n’empêche pas l’exécution de la décision attaquée.
Aux termes de l’article 110 du code de procédure civile, le juge peut également suspendre l’instance lorsque l’une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation.
En l’espèce, l’affaire a déjà donné lieu à sursis à statuer dans l’attente de la décision de la cour d’appel quant au fond de la situation des parties et présente désormais un caractère relativement ancien, de sorte que l’intérêt d’une bonne administration de justice commande qu’il soit statué sans attendre l’issue du pourvoi en cassation intenté par Mme [P] veuve [A].
En conséquence, elle sera déboutée de sa demande de sursis à statuer.
Sur la liquidation des astreintes provisoires
Sur les astreintes provisoires relatives à la servitude de passage
Selon les dispositions de l’article 561 du code de procédure civile, l’appel remet la chose jugée en question afin qu’il soit statué à nouveau en fait et en droit sur les chefs de jugement critiqués.
En l’espèce, par arrêt du 18 janvier 2023, la cour d’appel d’Agen, statuant sur l’appel formé par les époux [A] à l’encontre du jugement du 1er juin 2021, a constaté l’extinction de la servitude de passage grevant les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 12] des époux [A] au profit des parcelles [Cadastre 4], [Cadastre 10], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 7] et [Cadastre 5] appartenant à Mme [P] veuve [A].
Il en résulte que la cause de la condamnation prononcée par le juge de l’exécution, au titre de liquidation des astreintes de 100 euros par jour de retard en cas d’inexécution des mesures ordonnées relativement à ladite servitude et de 1.500 euros par violation de l’interdiction de troubler de quelque manière que ce soit l’exercice de celle-ci (soit 13.800 euros au total), a disparu.
En outre, il n’est pas contesté que cette somme a été versée par les époux [A] à Mme [P] veuve [A].
Dès lors, les époux [A] ne peuvent être condamnés au titre des astreintes relatives à la servitude de passage et la somme versée à Mme [P] veuve [A] doit leur être rendue.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point sans qu’il y ait lieu d’ordonner une restitution, l’arrêt infirmatif constituant un titre exécutoire permettant le recouvrement des sommes versées en vertu de la décision de première instance sans qu’une mention en ce sens soit nécessaire.
Sur l’astreinte provisoire relative à la servitude de canalisation
Aux termes du 1er alinéa de l’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.
En l’espèce, il n’est pas contesté que, dans le délai imparti par le jugement du 1er juin 2021, confirmé sur ce point par l’arrêt du 18 janvier 2023, les époux [A] ont ménagé dans le grillage litigieux, qui délimitait un poulailler à ciel ouvert, une porte et un portail de part et d’autre situés de l’axe de la canalisation alimentant en eau le fonds de Mme [P] veuve [A].
Si cette mesure ne peut être regardée comme ayant été pleinement satisfactoire dès lors qu’elle ne permettait pas le passage d’un engin pour assurer l’entretien de la canalisation, elle constitue cependant une exécution partielle dont il convient de tenir compte pour modérer le montant de l’astreinte provisoire à hauteur de 2.000 euros.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
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Compte-tenu du fait que le jugement rendu le 6 mai 2022 par le juge de l’exécution globalise le montant de la condamnation en une seule et même somme concernant à la fois la servitude de passage et la servitude de canalisation, la décision entreprise sera infirmée en ce qu’elle a prononcé des condamnations à l’encontre des époux [A] au titre des astreintes provisoires.
Mme [P] veuve [A] sera déboutée de sa demande de condamnation au titre de la liquidation des astreintes provisoires relatives à la servitude de passage.
La condamnation des époux [A] au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire relative à la servitude de canalisation grevant la parcelle n° D [Cadastre 1] (anciennement [Cadastre 3]) sera quant à elle réduite à la somme de 2.000 euros.
Sur la liquidation des astreintes définitives
La servitude de passage ayant été déclarée éteinte par l’arrêt du 18 janvier 2023 et la suppression du grillage entravant le plein accès à la canalisation étant établie par le procès-verbal du 12 mai 2022, il n’y a pas lieu à condamnation au titre des astreintes définitives.
Il sera en outre observé que Mme [P] veuve [A] ne sollicite plus de condamnation à ce titre.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
L’article 696 du Code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en remette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En conséquence, compte tenu de l’économie de la présente décision, la totalité des dépens de première instance et d’appel sera supportée in solidum par les époux [A].
L’article 700 du code de procédure civile dispose que dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie, la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l’équité, de la situation économique de la partie condamnée.
En l’espèce, eu égard aux circonstances, il y a lieu de condamner in solidum les époux [A] à payer à Mme [P] veuve [A] la somme de 1.500 euros sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,
– Dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer ;
– Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions critiquées ;
Statuant à nouveau,
– Déboute Mme [P] veuve [A] de sa demande de condamnation au titre de la liquidation des astreintes provisoires relatives à la servitude de passage grevant les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 12] des époux [A] au profit des parcelles [Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] lui appartenant ;
– Condamne les époux [A] à verser à Mme [P] veuve [A] la somme de 2.000 euros au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire relative à la servitude de canalisation grevant la parcelle n° D [Cadastre 1] (anciennement [Cadastre 3]) ;
– Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une peine d’astreinte définitive ;
Y ajoutant,
– Condamne in solidum les époux [A] à verser la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamne in solidum les époux [A] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Cyril VIDALIE, conseiller faisant fonction de président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,