COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78K
16e chambre
ARRET N°
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
DU 25 MAI 2023
N° RG 22/06832 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VQNZ
AFFAIRE :
S.A. MUTUELLES DU MANS ASSURANCES (MMA)
C/
[E] [B]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Novembre 2022 par le Juge de l’exécution de VERSAILLES
N° RG : 22/02156
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 25.05.2023
à :
Me Julien GIBIER de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, avocat au barreau de CHARTRES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A. MUTUELLES DU MANS ASSURANCES (MMA)
N° Siret : 440 048 882 (RCS du Mans)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Julien GIBIER de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021 – N° du dossier 2007560
APPELANTE
****************
Monsieur [E] [B]
né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
INTIMÉ DÉFAILLANT
Déclaration d’appel et conclusions d’appelant signifiées à personne physique le 08 Décembre 2022
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne PAGES, Président,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE
A la suite de la destruction par incendie volontaire d’un pavillon d’habitation, perpétrée dans la nuit du 28 au 29 avril 2007, le président du tribunal de grande instance de Chartres, par ordonnance de référé rendue le 9 novembre 2007, a
condamné M [B], in solidum avec d’autres défendeurs, à payer aux propriétaires victimes une provision de 10 000 euros et une somme de 800 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,
ordonné une expertise aux fins d’établir les préjudices subis.
Par jugement rendu le 2 juillet 2014, le tribunal de grande instance de Chartres a :
condamné M. [E] [B], en sa qualité de civilement responsable de son fils [K], in solidum avec d’autres défendeurs, à payer à la MACIF Île de France [assureur des propriétaires victimes ] la somme de 224 429,40 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
condamné M. [E] [B], en sa qualité de civilement responsable de son fils [K], in solidum avec d’autres défendeurs, aux dépens de l’instance, comprenant les frais de l’expertise judiciaire ordonnée en référé le 9 novembre 2007.
Le 13 avril 2022, agissant en vertu de l’ordonnance de référé du 9 novembre 2007 et du jugement du 2 juillet 2014 susvisés, la société Mutuelles du Mans Assurances ( MMA), qui explique qu’elle a réglé à la MACIF, en sa qualité d’assureur de l’un des responsables ( au nombre de 5, 3 mineurs et 2 majeurs), une somme totale de 192 525,45 euros, et qu’elle exerce en conséquence le recours subrogatoire dont elle dispose à son encontre, a fait signifier à M. [B] un commandement de payer aux fins de saisie vente, afin d’avoir paiement de la somme de 101 110,11 euros en principal, intérêts et frais.
Saisi le 20 avril 2022 par M. [B], le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles, par jugement contradictoire rendu le 4 novembre 2022, a :
annulé l’acte de signification du 7 octobre 2014 du jugement du tribunal de grande instance de Chartres en date du 2 juillet 2014 ;
ordonné la mainlevée du commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 13 avril 2022 ;
condamné la société les Mutuelles du Mans Assurances (MMA) à payer à M. [B] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
débouté la société les Mutuelles du Mans Assurances (MMA) de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties ;
condamné la société Les Mutuelles du Mans Assurances (MMA) aux entiers dépens ;
rappelé que la décision est exécutoire de droit.
Le 14 novembre 2022, la société Mutuelles du Mans Assurances ( MMA) a interjeté appel de cette décision.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 7 mars 2023, avec fixation de la date des plaidoiries au 6 avril 2023.
Aux termes de ses seules conclusions remises au greffe le 8 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société les Mutuelles du Mans Assurances, appelante, demande à la cour de :
infirmer le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles le 4 novembre 2022 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
constater la validité de l’acte de signification du 7 octobre 2014 du jugement du tribunal de grande instance de Chartres en date du 2 juillet 2014 ;
déclarer irrecevables et mal-fondées les demandes de M. [B] ;
débouter M. [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
condamner M. [B] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner M. [B] aux entiers dépens.
M. [B], intimé, à qui la déclaration d’appel et les conclusions de l’appelante ont été signifiées le 8 décembre 2022, à sa personne, n’a pas constitué avocat.
A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 25 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la validité du commandement de payer
Pour annuler l’acte de signification du jugement du 2 juillet 2014, et décider en conséquence qu’à défaut de titre exécutoire, aucun commandement de payer aux fins de saisie vente ne pouvait être délivré à M. [B], le premier juge, retenant l’argumentation de celui-ci, qui invoquait l’insuffisance des recherches de l’huissier, en soulignant qu’il demeurait sur la même commune et qu’aucune vérification en mairie ni sur les listes électorales n’avait été effectuée, a considéré, notamment, que la présentation de l’huissier à la dernière adresse connue n’était pas suffisante, et qu’il est constant que l’huissier doit effectuer, de manière active, des démarches en mairie, auprès des services postaux au cas où aurait été signé un contrat de r��expédition des courriers, ou encore auprès du commissariat de police, et écarté l’argumentation de la société les Mutuelles du Mans Assurances selon laquelle la preuve n’était pas rapportée qu’une consultation des listes électorales aurait permis de retrouver l’adresse véritable de M. [B], la charge de la preuve ne reposant pas sur ce dernier concernant les démarches que devait faire l’huissier.
A l’appui de sa demande d’infirmation, l’appelante fait valoir :
que si M. [B] a prétendu, en première instance, qu’elle savait, au jour de la signification, qu’il ne demeurait plus au [Adresse 4] à [Localité 6], dès lors que l’assignation initiale avait déjà été délivrée selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, le fait qu’elle ait conscience qu’il ne demeurait plus à cette adresse ne signifie pas pour autant qu’elle ait eu connaissance de sa nouvelle adresse,
que M. [B] ne démontrait d’ailleurs absolument pas que la MACIF ou les MMA connaissait ou était en mesure de connaître sa nouvelle adresse à la date du jugement ( 2 juillet 2014) ou de sa signification ( 7 octobre 2014),
que d’ailleurs, preuve de sa volonté manifeste d’échapper à ses obligations, M. [B] a délibérément caché sa véritable adresse, dans le cadre de la procédure engagée par la MACIF, puisque, assigné en référé, à sa personne, au [Adresse 4] à [Localité 6], et représenté par un conseil à l’occasion de cette instance, il n’a signalé aucun changement de son adresse, alors qu’à la lecture des pièces qu’il a versées en première instance, il avait déménagé pour le [Adresse 3] à [Localité 6] dans le courant de l’été 2007,
que contrairement à ce que lui a reproché M. [B], l’huissier a parfaitement rempli ses obligations s’agissant des démarches effectuées en vue de retrouver son adresse, ainsi qu’il résulte du procès-verbal de recherches du 7 octobre 2014, dès lors qu’il a recherché M. [B] à sa dernière adresse connue et interrogé le voisinage, consulté l’annuaire téléphonique et effectué des recherches sur internet ;
que M. [B] a échoué, en première instance, à démontrer que des diligences qui auraient pu être effectuées par l’huissier et qui ne l’ont pas été auraient permis, le 7 octobre 2014, de découvrir sa nouvelle adresse ou l’identité de son employeur ; que s’agissant de l’inscription sur les listes électorales qu’il lui reproche de ne pas avoir vérifiées, M. [B] ne justifie pas d’une quelconque inscription sur celles d'[Localité 6] en 2014, et ne démontre donc pas en quoi cette vérification aurait permis à l’huissier de trouver sa nouvelle adresse ou l’identité de son employeur.
En vertu des articles L. 111-2 et L.221-1 du code des procédures civiles d’exécution, un créancier ne peut procéder à une saisie-vente des bien meubles appartenant à son débiteur que s’il est muni d’un titre exécutoire.
Le caractère exécutoire du titre suppose qu’il ait été préalablement notifié comme prescrit par l’article 503 du code de procédure civile.
En vertu de l’article 654 du code de procédure civile, la signification ( notification par acte d’huissier de justice) doit être faite à personne.
Selon l’article 655 du même code, si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
Selon l’article 659, lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte. Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l’huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification. Le jour même, l’huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l’accomplissement de cette formalité.
Il est rappelé, par ailleurs, que le régime de nullité applicable en l’espèce est celui des irrégularités de forme, et qu’en vertu de l’article 114 du code de procédure civile, la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité.
Le jugement du 2 juillet 2014 dont le caractère exécutoire est remis en cause, faute de notification, a été signifié à M. [B], pris en sa qualité de civilement responsable de son fils [K], à la demande de la MACIF Île de France, par acte du 7 octobre 2014, selon les modalités prévues par l’article 659 du code de procédure civile.
Le procès-verbal de recherches établi par l’huissier énonce :
‘ Parvenu à l’adresse indiquée [ par le demandeur de l’acte, [Adresse 4], il n’a pas été possible de rencontrer le destinataire du présent acte.
L’intéressé est inconnu à l’adresse indiquée, sise [Adresse 4] à [Localité 6], adresse de la procédure. Le nom ne figure pas sur la boîte aux lettres, ni sur liste ni sur interphone. Une personne résidant sur place a déclaré le destinataire inconnu.
Les recherches sur l’annuaire électronique des Yvelines ne m’ont pas permis de trouver la nouvelle adresse de l’intéressé.
J’ai, en conséquence, pu constater que le destinataire de l’acte ne demeure plus à cette adresse.
De retour à l’étude, mes recherches à l’aide d’internet ne m’ont pas permis d’obtenir quelconque renseignement. La signification au requis à sa personne ou sur son lieu de travail s’avère impossible.
En conséquence j’ai constaté que M. [E] [B] n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus ; et j’ai converti le présent acte en procès -verbal de recherches article 659 CPC.
J’ai adressé à la dernière adresse connue de l’intéressé une copie du procès-verbal de recherches à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification, par lettre recommandée avec avis de réception au plus tard le premier jour ouvrable suivant l’établissement du présent acte.
La lettre simple l’avisant de l’accomplissement de cette formalité a été envoyée le 7 octobre 2014.’
Si le premier juge, qui a pourtant rappelé lui-même les termes de l’article 114 susvisé et la nécessité d’un grief prouvé pour que la nullité de l’acte puisse être prononcée, liste une série d’investigations que l’huissier aurait dû, selon lui, diligenter ( vérifications sur les listes électorales, démarches en mairie, démarches auprès des services postaux ou auprès du commissariat de police), il reste qu’aucune preuve n’est apportée de ce que de telles vérifications auraient, à l’époque de la signification, permis de découvrir à quelle adresse demeurait effectivement M. [B]. Ainsi, il n’est pas démontré que, en s’abstenant de faire ces vérifications, l’huissier a causé un préjudice au destinataire de l’acte, par exemple en lui faisant perdre une chance de se voir signifier la décision de justice à la bonne adresse. Et contrairement à ce que retient le juge de l’exécution, c’est bien à M. [B], qui seul est en mesure de dire en quoi il consiste, qu’il incombe de rapporter la preuve d’un grief résultant de l’irrégularité de forme qu’il allègue. Or en l’espèce, cette preuve n’a manifestement pas été rapportée, et il n’est fait aucune mention dans le jugement attaqué de l’existence du grief qui seul pouvait emporter la nullité de l’acte.
Faute de grief prouvé, aucune nullité ne pouvait donc être prononcée.
Aucun autre moyen n’est soutenu en cause d’appel pour contester le commandement litigieux, ou le montant de la créance.
En conséquence, le jugement sera infirmé, et la contestation de M. [B] rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie perdante, M. [B] doit supporter les dépens de première instance et d’appel.
Il sera également condamné à régler à l’appelante une somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, et la condamnation prononcée en première instance à son profit est infirmée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort,
INFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 4 novembre 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles ;
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Déboute M. [E] [B] de sa contestation du commandement de payer aux fins de saisie vente du 13 avril 2022 ;
Condamne M. [E] [B] a régler à la société les Mutuelles du Mans Assurances une somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [E] [B] aux dépens.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,