COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78F
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 MAI 2023
N° RG 22/06680 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VQBS
AFFAIRE :
[T] [N] [J]
C/
[W] [I]
[D] [X]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Octobre 2022 par le Juge de l’exécution de PONTOISE
N° RG : 22/01315
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 25.05.2023
à :
Me Danielle ABITAN-BESSIS, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [T] [N] [J]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 8].
Représentant : Me Jean LEVY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0046 – Représentant : Me Danielle ABITAN-BESSIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 01
APPELANTE
****************
Madame [W] [I]
née le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 10] (95)
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 13]
Monsieur [D] [X]
né le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 4] (Suisse)
Représentant : Me Laurent VERDES de la SELEURL Laurent VERDES AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0102 – Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20220413
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne PAGES, Président,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE
Agissant en vertu d’un titre exécutoire émis le 3 mai 2021 par la SCP [H] et Associés, huissiers de justice, après signification d’un certificat de non paiement en date du 29 mars 2021, faisant suite à un chèque impayé d’un montant de 30 000 euros, tiré par M. [X] sur la banque CIC en date du 29 janvier 2021, titre signifié le 6 mai 2021, Mme [J] a fait signifier à M. [X], les 25 juin 2021 et 1er juillet 2021, un commandement de payer afin de saisie vente, portant sur la somme en principal de 30 000 euros, puis, le 21 septembre 2021, a fait procéder à la saisie de divers meubles se trouvant [Adresse 6] à [Localité 13], et le 17 novembre 2021, lui a fait sommation d’assister à la vente devant avoir lieu le 7 décembre 2021.
Soutenant, notamment, que les biens saisis [Adresse 6] à [Localité 13] sont la propriété exclusive de Mme [I], Mme [I] et M. [X] ont contesté cette mesure d’exécution forcée.
Par jugement contradictoire rendu le 21 octobre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Pontoise a :
prononcé la nullité des actes de saisie en date des 21 septembre 2021 et 17 novembre 2021 ;
débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;
condamné Mme [J] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
dit que chaque partie conservera à sa charge les frais exposés au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 4 novembre 2022, Mme [J] a relevé appel de cette décision.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 7 mars 2023, avec fixation de la date des plaidoiries au 6 avril 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 20 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mme [J], appelante, demande à la cour de :
la dire recevable et bien fondée en sa déclaration d’appel ;
la juger recevable et bien-fondée en ses écritures ;
juger qu’elle rapporte la preuve du respect des règles de procédure édictées par le code de procédure civile quant aux actes d’exécution diligentés par huissier ;
infirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Pontoise en date du 24 octobre 2022 ;
Et statuant à nouveau,
Par voie de conséquence,
juger que le domicile de M. [X] est bien à [Localité 13], [Adresse 6] ;
débouter Mme [I] et M. [X] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;
déclarer valables et bien-fondés les actes de saisie diligentés à sa demande et notamment ceux en date du 21 septembre 2021 et [du] 17 novembre 2021 ;
condamner Mme [I] et M. [X] conjointement et solidairement à payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel lesquels seront recouvrés par Maître Abitan-Bessis, avocat aux offres de droit, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs seules conclusions remises au greffe le 21 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, Mme [I] et M. [X], intimés, demandent à la cour de :
les juger recevables et bien-fondés en leurs écritures ;
juger que Mme [I], non débitrice, est seule propriétaire des biens meubles situés au [Adresse 6] ;
juger que Mme [J] ne rapporte pas la preuve de la propriété des biens meubles par M. [X] ;
En conséquence et statuant de nouveau :
confirmer le jugement de première instance en date du 21 octobre 2022 en ce qu’il a prononcé la nullité des actes de saisies des 21 septembre 2021 et 17 novembre 2021 ;
débouter Mme [J] de l’ensemble de ses demandes ;
déclarer nuls les actes de saisies des 21 septembre 2021 et 17 novembre 2021 ;
infirmer le jugement de première instance en ce qu’il les a déboutés de leur demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner Mme [J] aux dépens dont distraction au profit de la SELARL Minault Teriitehau agissant par Maître Stéphanie Teriitehau, avocat, et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et à la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 25 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu’elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu’elle ne répond aux moyens que pour autant qu’ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions. Elle rappelle également que les ‘dire’ et les ‘juger’, qui sont des rappels des moyens invoqués à l’appui des demandes, ne conférant pas -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les requiert, ne sont pas des prétentions.
Sur la validité de la saisie
Pour statuer comme il l’a fait, le premier juge, après avoir relevé que la procédure suivie par Mme [J] répondait strictement aux conditions légales, a retenu que Mme [I], chez qui la saisie litigieuse était intervenue, n’était nullement débitrice des sommes dues à Mme [J] au titre du chèque impayé tiré par M. [X], que le domicile de Mme [I], [Adresse 6] à [Localité 13], n’était pas celui où résidait M. [X], et que la preuve n’était pas rapportée que les meubles se trouvant au domicile de Mme [I] appartenaient à M. [X].
Contestant cette analyse, Mme [J] soutient que c’est à tort que le juge de l’exécution a considéré que le domicile de Mme [I] n’est pas celui où réside M. [X] alors qu’il résulte de plusieurs pièces qu’elle verse aux débats que celui-ci demeure, certes en Suisse, mais également au [Adresse 6]. La possession de Mme [I] étant, de ce fait, totalement équivoque, le juge de l’exécution a renversé la charge de la preuve en se bornant à retenir qu’en fait de meuble la possession vaut titre, alors que c’est à Mme [I], dans de telles circonstances, qu’il appartenait de rapporter la preuve, par tout moyen, qu’elle est propriétaire des biens saisis, ce qu’elle ne fait pas.
Poursuivant, quant à eux, la confirmation du jugement, les appelants font valoir :
que M. [X] ne réside pas de façon continue à l’adresse du [Adresse 6] et n’est pas propriétaire des biens meubles figurant à cette adresse ; que seule Mme [I] est propriétaire du bien immobilier sis à cette adresse, ainsi que des biens mobiliers qui le garnissent ;
que si M. [X], qui réside en Suisse, au [Adresse 5], a pu indiquer l’adresse du [Adresse 6] dans certains actes de procédure, ce n’est que pour les besoins d’une meilleure administration de la justice, de façon à éviter des délais de procédure trop longs s’agissant d’un plaideur demeurant à l’étranger ; qu’en tout état de cause, à supposer même qu’il réside de façon temporaire à ladite adresse, cela ne démontre pas qu’il soit propriétaire des biens meubles y figurant ;
que Mme [I] étant seule propriétaire du bien immobilier, l’article 2276 du code civil s’applique ; que la propriété des biens meubles par Mme [I] est non équivoque et de bonne foi ; que c’est à Mme [J] d’apporter la preuve contraire ;
surabondamment, que les actes de saisie ne leur ont pas été signifiés ; que l’huissier instrumentaire devait déposer un avis de passage et adresser la copie des actes par courriers recommandés avec accusé de réception comme l’exigent les articles 655 et 658 du code de procédure civile, mais que cela n’a pas été fait, et que M. [X] n’a reçu aucun acte signifié par huissier, ni aucun avis de passage.
En vertu de l’article R.221-50 du code de procédure civile, le débiteur peut demander la nullité de la saisie portant sur un bien dont il n’est pas propriétaire.
Pour justifier que M. [X] demeure effectivement à l’adresse où les biens litigieux ont été saisis, Mme [J] s’appuie, aux termes de ses écritures, sur :
le commandement de payer aux fins de saisie-vente dressé par le ministère de Maître [H], huissier de justice en date du 1er juillet 2021, dont il ressort que l’adresse de M. [X] à [Localité 13] est certaine, selon les investigations menées par l’huissier ( nom inscrit sur la boîte aux lettres, adresse confirmée par le voisinage), le procès-verbal en date du 21 septembre 2021 et l’acte de signification de la vente du 17 novembre 2021,
une assignation qui lui a été délivrée à la requête de M. [X], le 25 mars 2021, devant le tribunal judiciaire de Paris, qui mentionne l’adresse du [Adresse 6], ainsi que les conclusions versées dans le cadre de l’instance pendante devant le tribunal saisi,
le curriculum vitae de M. [X], qui mentionne toujours l’adresse du [Adresse 6].
Il ressort de l’examen des pièces produites que, effectivement, le nom de M. [X] figurait sur la boîte aux lettres du [Adresse 6], le 1er juillet 2021 lors de la signification du commandement de payer, et que le voisinage a confirmé que cette adresse était bien la sienne.
Par ailleurs, M. [X], dans le cadre d’une procédure qu’il a introduite devant le tribunal judiciaire de Paris le 25 mars 2021, qui l’oppose, aux côtés de la société Objectif Export, dont il est associé et dont Mme [I] est la présidente, et dont le siège social est situé [Adresse 6] à [Localité 13], à la société Foxxa Finance, devenue [T] [J] Impact, dont Mme [J] est la dirigeante, au sujet notamment d’un prêt consenti à la société Objectif Export, garanti par le chèque de 30 000 euros qui a donné lieu à l’émission du titre dont l’exécution est en cause dans la présente espèce, mentionne effectivement comme adresse celle du [Adresse 6].
Enfin, sur un curriculum vitae datant du mois d’octobre 2018, M. [X] a mentionné, outre une adresse à [Localité 9] ( 13), l’adresse du [Adresse 6].
Ces éléments, à eux seuls, ne permettent toutefois pas d’apporter la preuve que M. [X] habite effectivement à cette adresse, alors que les intimés pour leur part justifient :
que Mme [I] est seule propriétaire du bien sis [Adresse 6], qu’elle occupe depuis le 11 décembre 1982 ; qu’elle est seule redevable de la taxe d’habitation pour ce bien ;
que M. [X] est domicilié en Suisse, au vu du passeport qui lui a été délivré par le consulat général de France à [Localité 11] le 28 février 2020, ainsi que du ‘livret pour étranger’ délivré par les autorités helvètes,
et qu’il ne résulte d’aucun élément objectif produit par l’appelante que M. [X] et Mme [I] menaient une vie commune, notamment au [Adresse 6] à [Localité 13], à la date à laquelle la saisie a été pratiquée.
Dans ces conditions, rien ne permet de considérer que la possession par Mme [I] des meubles saisis à son domicile serait viciée, ou que Mme [I] serait de mauvaise foi, ce qu’il appartient à l’appelante de prouver, la bonne foi étant présumée.
Et faute pour Mme [J] de rapporter la preuve que les biens saisis au domicile de Mme [I] sont la propriété de M. [X], c’est à raison que le juge de l’exécution a annulé la saisie litigieuse.
Le jugement déféré est donc confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie perdante, Mme [J] doit supporter les dépens de première instance et d’appel.
Elle sera également condamnée à régler à Mme [I] et M. [X] une somme totale de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de l’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
CONFIRME, en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 octobre 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Pontoise ;
Y ajoutant,
Déboute Mme [T] [J] de toutes ses prétentions ;
Condamne Mme [T] [J] à payer à Mme [W] [I] et M. [D] [X] une somme totale de 1 500 euros, par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [T] [J] aux dépens de l’appel, qui pourront être recouvrés par le conseil de Mme [W] [I] et M. [D] [X] dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,