Saisine du juge de l’exécution : 25 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/06618

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Saisine du juge de l’exécution : 25 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/06618

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80F

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MAI 2023

N° RG 22/06618 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VP4V

AFFAIRE :

[C] [S]

C/

S.A.S. BIEN A LA MAISON

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Avril 2022 par le Juge de l’exécution de NANTERRE

N° RG : 21/08020

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 25.05.2023

à :

Me Carine TARLET de la SELEURL CABINET TARLET, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Juliette FERRE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [C] [S]

née le 22 Mars 1966 à [Localité 6] (Algerie)

de nationalité Algérienne

[Adresse 3]

[Localité 2]

En présence de Madame [C] [S]

Représentant : Me Carine TARLET de la SELEURL CABINET TARLET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 590

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004956 du 11/10/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

S.A.S. BIEN A LA MAISON

N° Siret : 489 375 691 (RCS Nanterre)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Juliette FERRE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Statuant dans le cadre d’un litige opposant Mme [S], aide à domicile engagée à temps partiel, à la société Bien à la Maison, son employeur depuis le 13 octobre 2008, la cour d’appel de Paris, par arrêt du 26 février 2015, a notamment :

requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,

dit que la prise d’acte de la rupture [de son contrat de travail par Mme [S], le 14 décembre 2012 ] doit avoir les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

condamné la société Bien à la Maison à verser à Mme [S] les sommes suivantes :

36 714,19 euros à titre de rappel de salaire,

3 671,41 euros au titre des congés payés afférents

11 088,05 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement

2 851,34 euros au titre de l’indemnité de préavis outre les congés payés afférents à hauteur de 785,13 euros,

10 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

ordonné la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif, de l’attestation Pôle emploi et d’un certificat de travail conforme aux termes de l’arrêt,

débouté la salariée de sa demande d’astreinte.

Par acte du 21 septembre 2021, Mme [S] a fait assigner la société Bien à la Maison devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre, en fixation d’une astreinte.

Par jugement contradictoire rendu le 5 avril 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a :

débouté Mme [S] de sa demande en fixation d’astreinte ;

débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

condamné Mme [S] à régler à la société Bien à la Maison la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [S] aux dépens ;

rappelé que la décision est exécutoire de droit.

Le 2 novembre 2022, après avoir sollicité, et obtenu, l’aide juridictionnelle, Mme [S] a relevé appel de cette décision.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 7 mars 2023, avec fixation de la date des plaidoiries au 6 avril 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 10 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mme [S], appelante, demande à la cour de :

déclarer recevable l’appel par elle formé ;

[infirmer le ] jugement rendu le 5 avril 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il l’a déboutée sa demande en fixation d’astreinte // l’a déboutée du surplus de ses demandes // l’a condamnée à régler à la société Bien à la Maison la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile // l’a condamnée aux dépens ;

Statuant à nouveau sur ces points,

ordonner la remise par la société Bien à la Maison à Mme [S], avec transmission par voie dématérialisée à Pôle emploi, d’une attestation conforme aux termes de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 février 2015, sous astreinte fixée à 300 euros par jour à compter de la notification de la décision ;

condamner la société Bien à la Maison à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier ;

condamner la société Bien à la Maison à verser à Maître Tarlet la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 2° du code de procédure civile ;

condamner la société Bien à la Maison aux entiers dépens ;

débouter la société Bien à la Maison de toutes ses demandes.

Au soutien de ses demandes, Mme [S] fait valoir :

que l’appel a été interjeté dans le délai imparti et qu’il est donc recevable ;

que les attestations Pôle emploi, datées la première du 3 avril 2015, et la seconde, du 23 mars 2018, qui lui ont été remises par son employeur, ne sont pas conformes aux termes de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris ; qu’une mise en demeure adressée à son employeur en février 2020 est demeurée vaine ;

que son relevé de carrière révèle que son employeur n’a pas payé ses cotisations sociales ; que c’est à l’employeur de justifier de l’extinction de son obligation et du paiement des cotisations sociales à hauteur des montants corrects ;

que l’employeur a omis d’effectuer une transmission dématérialisée à Pôle emploi de l’attestation à lui destinée, en violation des dispositions de R1234-9 du code du travail, qui imposent à l’employeur de plus de onze salariés une transmission automatique par voie dématérialisée ;

que le bulletin de salaire pour décembre 2012 qui lui a été délivré n’est pas non plus conforme à la décision de la cour d’appel de Paris ;

que, contrainte de se battre depuis plus de 7 ans pour obtenir une attestation conforme, alors qu’elle est en invalidité depuis 2017, ce qui a une incidence sur le calcul de ses droits, elle est fondée à obtenir le paiement d’une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier.

Aux termes de ses premières et dernières conclusions remises au greffe le 11 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Bien à la Maison, intimée, demande à la cour de :

confirmer le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il a débouté Mme [S] de sa demande de fixation d’une astreinte // débouté Mme [S] du surplus de ses demandes // condamné Mme [S] à lui verser la somme de 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

débouter Mme [S] de sa demande de condamnation de la société Bien à la Maison à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier ;

A titre reconventionnel,

condamner Mme [S] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

En réplique à l’argumentation de l’appelante, elle fait valoir :

que les attestations qu’elle a remises à Mme [S] sont conformes à l’arrêt de la cour, comme précisant bien qu’elle occupait un emploi à temps complet, reprenant les 12 derniers mois de salaire complets précédant le dernier jour travaillé et payé, et mentionnant le rappel des salaires versés à l’occasion de la rupture du contrat ;

que, par ailleurs, conformément à l’obligation à laquelle elle est soumise depuis le 1er janvier 2012, elle a bien transmis à Pôle emploi, qui génère l’attestation à partir des données transmises, les informations nécessaires à l’établissement de l’attestation ; que si elle n’est plus en mesure de fournir le justificatif de télétransmission, il n’existe aucune obligation de conservation de la preuve de l’opération de télétransmission elle-même ; qu’enfin, le seul fait qu’elle ait indiqué, sur l’attestation Pôle emploi, l’adresse de son ancien siège social ne saurait rendre invalide ce document et n’est donc pas de nature à remettre en cause les droits de Mme [S] auprès de Pôle emploi ;

que Mme [S] n’apporte pas la preuve que Pôle emploi n’a pas pris en compte les attestations fournies pour calculer ses droits, ni aucune preuve de ce qu’elle rencontrerait une difficulté avec Pôle emploi quant à cette attestation, qu’elle lui a délivrée à deux reprises,

que contrairement à ce que soutient Mme [S], il ressort de son bulletin de salaire que le rappel de salaire d’un montant de 36 714,52 euros brut a été soumis à charges sociales ;

que n’ayant commis aucune faute, et Mme [S] ne rapportant pas la preuve d’un préjudice, sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 25 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, sur l’étendue de la saisine de la cour

La cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu’elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu’elle ne répond aux moyens que pour autant qu’ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Il sera à cet égard constaté que si Mme [S] développe dans ses écritures des contestations portant sur l’acquittement, par l’employeur, des cotisations sociales afférentes aux sommes versées, et à la non conformité du bulletin de salaire qui lui a été délivré, elle limite sa demande de fixations d’astreinte, dans le dispositif de ses écritures, à la question de l’attestation destinée à Pôle emploi.

La cour, qui statue dans les limites de sa saisine, n’a donc à examiner la demande qu’en ce qu’elle concerne l’attestation Pôle emploi.

Sur la demande de fixation d’astreinte

En vertu de l’article L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité. L’astreinte ne peut sanctionner que l’exécution d’une obligation devenue exécutoire.

Il est rappelé que, dans ce cadre, le juge de l’exécution ne peut modifier le dispositif de la décision qui sert de fondement aux poursuites.

S’agissant d’une demande de fixation d’astreinte, et non pas de liquidation d’une astreinte déjà fixée, ce n’est pas au débiteur de l’obligation de rapporter la preuve qu’il l’a bien exécutée, mais au demandeur de convaincre la cour que, eu égard aux circonstances, il est nécessaire de fixer une astreinte pour assurer l’exécution de la décision.

Il ressort des écritures des parties et des pièces produites que :

l’arrêt de la cour d’appel de Paris, qui met à la charge de l’employeur une obligation de remise de l’attestation Pôle emploi conforme aux termes de la décision rendue, a été notifié à l’employeur par lettre recommandée du greffe, le 5 mars 2015,

une attestation destinée à Pôle emploi, datée du 3 avril 2015, a été remise à la salariée,

selon courrier de son conseil en date du 15 février 2018 ( cf sa pièce n°23), Mme [S] a contesté la conformité de cette attestation, s’agissant de l’indication du temps de travail et du montant des salaires des 12 derniers mois précédant le dernier jour travaillé payé, et s’agissant de l’indication des sommes versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail,

une seconde attestation destinée à Pôle emploi, datée du 23 mars 2018, a été remise à la salariée, tenant compte des contestations susvisées,

selon courrier à son employeur en date du 8 février 2020, Mme [S] a contesté cette nouvelle attestation, à qui elle reproche, aux termes de ses écritures d’appel, d’une part d’indiquer une adresse erronée s’agissant du siège social de l’employeur, à [Localité 5] alors qu’il a été transféré depuis le mois de février 2017 à [Localité 4], et d’autre part, de n’avoir pas été télétransmise à Pôle emploi.

Il ressort de l’examen des pièces produites que l’employeur a remis à sa salariée une attestation destinée à Pôle emploi qui mentionne que la salariée était en contrat de travail à durée indéterminée, pour un horaire de travail hebdomadaire de 35 heures, qu’elle a travaillé 151,67 heures par mois sur les 12 derniers mois précédant la rupture, pour un salaire mensuel brut de 1 426 euros, ce qui répond à la demande faite par son conseil le 15 février 2018, que la rupture du contrat de travail résulte d’un licenciement, sans cause réelle et sérieuse, et qui mentionne les sommes versées à la suite de la rupture du contrat de travail.

Le fait que l’adresse du siège social qui figure en première page ne soit plus exacte, puisque celui-ci a été transféré à [Localité 4] au mois de février 2017, comme en justifie l’appelante, ne rend pas l’attestation non conforme aux termes de l’arrêt du 26 février 2015. L’employeur de Mme [S], durant l’exécution du contrat de travail, était bien domicilié à [Localité 5], et en toute hypothèse, comme le souligne l’intimée, le cachet de l’entreprise, indiquant le bon siège social, figure à la fin du document, et l’appelante ne justifie pas que cette erreur a été de nature à remettre en cause ses droits auprès de Pôle emploi.

S’agissant de la télétransmission, l’intimée expose que, si elle ne peut justifier de la télétransmission, qui date de près de 4 ans, elle ne peut procéder autrement pour établir l’attestation qu’en saisissant les données à transmettre sur le site internet de Pôle emploi, lequel génère l’attestation, qu’elle même imprime, signe et remet à son salarié, et que c’est donc bien ainsi qu’elle a procédé, de sorte que Pôle emploi a été nécessairement destinataire de cette attestation générée par ses soins.

En toute hypothèse, ainsi que le souligne à juste titre la société Bien à la Maison, et que l’a retenu le premier juge, aucun justificatif n’est produit par Mme [S] de ce qu’elle aurait rencontré une difficulté avec Pôle emploi en lien avec l’attestation qui lui a été délivrée le 23 mars 2018, et que cette attestation n’aurait pas pu être prise en compte pour le calcul de ses droits.

Mme [S] ne rapporte pas non plus la preuve que, ainsi qu’elle l’affirme, elle a été empêchée de faire valoir ses droits au chômage, observation faite qu’au vu des pièces produites elle a travaillé auprès de divers employeurs après la rupture de son contrat de travail avec l’intimée, qui date du 14 décembre 2012, ou que les éventuelles omissions qui figurent dans ses relevés de carrière fournis par ses organismes de retraite seraient en lien avec un défaut de transmission de l’attestation Pôle emploi, ou, de manière générale, qu’elle aurait subi, du fait d’un défaut de transmission à Pôle emploi de l’attestation du 23 mars 2018, une quelconque perte de ses droits à prestations.

Ainsi, même en supposant que l’attestation n’ait pas été transmise à Pôle emploi, et nonobstant l’argumentation que développe Mme [S] sur ce point, cette dernière ne justifie pas que les circonstances actuelles commandent que soit fixée une astreinte.

En conséquence, c’est à raison que le premier juge l’a déboutée de sa demande en fixation d’astreinte.

Sur la demande de dommages et intérêts

Mme [S] ne justifiant pas avoir subi un préjudice qui serait en lien avec un manquement de la société Bien à la Maison à ses obligations, sa demande de dommages et intérêts ne peut prospérer.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant en son appel, Mme [S] en supportera les dépens.

Elle sera également condamnée à régler à la société Bien à la Maison une somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de celle allouée en première instance, et sera déboutée de sa propre demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le juge de l’exécution de Nanterre le 5 avril 2022 ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [C] [S] de toutes ses autres demandes ;

Condamne Mme [C] [S] aux dépens de l’appel, et à régler à la société Bien à la Maison une somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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