COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78H
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 MAI 2023
N° RG 22/04831 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VKTA
Jonction avec le dossier RG 22/04832 par ordonnance du Magistrat délégué en date du 08 Novembre 2022
AFFAIRE :
[G], [V], [R] [C].
C/
S.A.S. ACTION LOGEMENT SERVICES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juillet 2022 par le Tribunal de proximité de SAINT GERMAIN EN LAYE
N° RG : 2021/346
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 25.05.2023
à :
Me Melaaz ALOUACHE, avocat au barreau de VAL D’OISE
Me Sammy JEANBART, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [G], [V], [R] [C]
née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Melaaz ALOUACHE, Postulant, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 39 – Représentant : Me Pierre-Olivier LEVI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G815
APPELANTE
****************
S.A.S. ACTION LOGEMENT SERVICES
N° Siret : 824 541 148 (RCS Paris)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Roger LEMONNIER de la SCP LEMONNIER- DELION- GAYMARD – RISPAL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0516 – Représentant : Me Sammy JEANBART, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 111
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne PAGES, Président,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE
Par requête reçue au greffe du tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye le 25 novembre 2021, la société Action Logement Services, se prévalant d’un jugement réputé contradictoire rendu par le tribunal d’instance de Paris 16ème le 4 janvier 2011, signifié le 3 février 2011, et d’un jugement du tribunal d’instance de Paris 16ème du 5 juillet 2011, signifié le 27 juillet 2011, déclarant irrecevable son opposition, a sollicité la saisie des rémunérations de Mme [C], pour obtenir le paiement d’une dette de 10 672,77 euros, représentant le solde d’un prêt à elle accordé lors de la conclusion d’un bail d’habitation, pour le paiement du dépôt de garantie, et de sommes réglées au bailleur par la caution du bail.
Par jugement contradictoire rendu le 5 juillet 2022, le juge de l’exécution siégeant au tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye a :
déclaré recevable la demande en saisie des rémunérations formée par la société Action Logement contre Mme [C],
fixé la dette de Mme [C] à l’égard de la société Action Logement aux sommes (sic) de :
principal : 10 672,77 euros,
dit que Mme [C] s’acquittera de sa dette en 24 mensualités à raison de 23 mensualités de 444 euros et d’une 24ème mensualité qui soldera la dette, chaque mensualité devant être payée avant le 10 du mois à compter du premier mois suivant la signification du jugement,
condamné Mme [C] aux dépens,
rappelé que [son] jugement est immédiatement exécutoire.
Le 20 juillet 2022, Mme [C] a relevé appel de cette décision, une première fois à 19 heures 26 (dossier n° 22/04831) et une seconde fois à 19 heures 41 ( dossier n° 22/04832).
Une médiation permettant de les aider à trouver une solution amiable au conflit qui les oppose a été proposée aux parties, en vain.
La jonction des deux procédures a été ordonnée le 8 novembre 2022, sous le numéro 22/4831.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 7 mars 2023, avec fixation de la date des plaidoiries au 6 avril 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 20 novembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mme [C], appelante, demande à la cour de :
déclarer irrecevables les conclusions d’intimée signifiées le 10 octobre 2022 ;
infirmer le jugement rendu le 5 juillet 2021 par le tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye sous le RG 2021/346 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau
débouter la société Action Logement de l’ensemble de ses demandes ;
condamner la société Action Logement au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Action Logement aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 29 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Action Logement Services, intimée, demande à la cour de :
déclarer irrecevable l’appel interjeté par Mme [C] ;
subsidiairement, dire et juger que la société Action Logement Services n’encourt aucune prescription et peut poursuivre l’exécution forcée des jugements rendus par le tribunal d’instance du 16ème arrondissement de Paris le 4 janvier et 5 janvier [ lire juillet] 2011 ;
confirmer le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye, sauf à porter la créance d’Action Logement Services à la somme de 11 672,77 euros, outre 2 104,99 euros soit un total de 12 345,12 euros ;
condamner Mme [C] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
la condamner aux entiers dépens.
A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 25 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la ‘recevabilité’ de l’appel
La société Action Logement, au visa de l’article 905-1 alinéa 1 du code de procédure civile, soulève l’irrecevabilité de la déclaration d’appel de Mme [C]. Elle fait valoir que l’affaire ayant été fixée à bref délai le 5 septembre 2022, le délai de dix jours dont dispose l’appelant pour signifier sa déclaration d’appel, prévu par ce texte, n’a pas été respecté, puisque ce n’est que le 23 septembre 2022 qu’elle a reçu signification de l’avis de fixation.
Mme [C] objecte qu’elle a interjeté appel le 20 juillet 2022, et que la déclaration d’appel a été signifiée le 26 juillet 2022, soit dans le délai de 10 jours qui lui était imparti.
Le jugement dont appel est une décision du juge de l’exécution, statuant sur une demande de saisie des rémunérations.
Il résulte des articles R.121-20 du code des procédures civiles d’exécution et 905 du code de procédure civile que cet appel relève de la procédure à bref délai prévue par le second de ces textes.
Cette procédure s’applique de plein droit, même en l’absence d’ordonnance de fixation en ce sens.
En conséquence, les parties sont soumises au régime prévu par les articles 905-1 et 905-2 du code de procédure civile avant même que l’avis de fixation à bref délai visé par l’article 905 ne leur ait été adressé par le greffe.
Aux termes de l’article 905-1 du code de procédure civile, lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité [et non d’irrecevabilité] de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.
Mme [C] justifie qu’elle a signifié sa déclaration d’appel à la société Action Logement Services le 26 juillet 2022, par remise de l’acte à une personne habilitée à le recevoir, observation faite que l’acte de signification contient la mention suivante : ‘ Circuit court ( article 905 du code de procédure civile)’, et qu’il indique que faute pour l’intimé de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de la présente signification, il s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné par l’article 905-2, il s’expose à ce que ses écritures soient déclarées d’office irrecevables.
La déclaration d’appel ayant été signifiée à l’intimée avant même la délivrance de l’avis de fixation marquant le point de départ du délai de dix jours imparti par l’article 905-1 du code de procédure civile, la caducité n’est pas encourue.
Le moyen est donc écarté.
Sur la recevabilité des conclusions de l’intimée
Mme [C] soulève l’irrecevabilité des conclusions de la société Action Logement Services, au motif qu’elles ont été signifiées le 10 octobre 2022 soit plus d’un mois après l’expiration du délai qui lui était imparti par l’article 905-2 du code de procédure civile, alors que ses propres conclusions d’appelante avaient été signifiées le 2 août 2022.
La société intimée ne fait valoir aucun moyen en réponse.
Comme dit ci-dessus, l’appel interjeté par Mme [C] relève, de plein droit, de la procédure à bref délai prévue par les articles 905 et suivants du code de procédure civile, de sorte que les parties sont soumises au régime prévu par les articles 905-1 et 905-2 du code de procédure civile avant même que l’avis de fixation à bref délai visé par l’article 905 ne leur ait été adressé par le greffe.
Aux termes de l’article 905-2 du code de procédure civile, l »intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
Le délai d’un mois imparti à l’intimé pour conclure court de plein droit à compter de cette notification.
Mme [C] justifie qu’elle a signifié ses conclusions d’appelante à la société Action Logement Services par acte du 2 août 2022.
La délai d’un mois imparti à l’intimée pour conclure, qui courait à compter de cette date, expirait donc le 3 septembre 2022, de sorte que les conclusions de la société Action Logement, qui ont été déposées le 10 octobre 2022, soit après l’expiration de ce délai, sont effectivement irrecevables, de même que ses conclusions postérieures.
Sur le fond
Selon Mme [C], la société Action Logement Services ne dispose plus à son encontre d’un titre exécutoire valable. En application des dispositions de l’article L.111-4 du code des procédures civiles d’exécution, la société Action Logement ne pouvait en effet poursuivre l’exécution du jugement rendu le 4 janvier 2011 dont elle se prévaut que pendant dix années, or ce délai, qui s’arrêtait le 4 janvier 2021, était expiré lorsqu’elle a saisi le tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye le 21 novembre 2021. La société Action Logement Services ne peut en effet se prévaloir d’une interruption de la prescription qui serait intervenue le 16 avril 2012, date à laquelle une citation lui aurait été signifiée, dès lors qu’elle ne justifie pas du placement de cette citation, et de la saisine de la juridiction, seule susceptible d’interrompre le délai.
Pour juger que la demande de la société Action Logement Services reposait sur un titre exécutoire valable, le jugement déféré, dont la société Action Logement Services est réputée s’approprier les motifs en application de l’article 954 du code de procédure civile, a retenu que cette dernière agissait en vertu d’un jugement rendu par le tribunal d’instance de Paris 16ème le 4 janvier 2011, signifié le 3 février 2011, et d’un jugement du tribunal d’instance de Paris 16ème du 5 juillet 2021 [lire 2011] , signifié le 27 juillet 2021 [lire 2011] ayant déclaré irrecevable l’opposition formée par la débitrice.
En vertu des articles L.111-3 et L.111-4 du code des procédures civiles d’exécution, l’exécution d’une décision de justice ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
Il n’est pas justifié que la prescription de dix ans applicable en l’espèce a été valablement interrompue entre le 27 juillet 2011 et le 27 juillet 2021.
En conséquence, le jugement condamnant Mme [C] ne pouvait plus faire l’objet d’une exécution forcée lorsque la société Action Logement Services a saisi le juge de l’exécution, le 25 novembre 2021.
Le jugement, qui en a décidé autrement, doit donc être infirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie perdante, la société Action Logement Services doit supporter les dépens de première instance et d’appel.
Elle sera condamnée à régler à Mme [C] une somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
Rejette la demande de la société Action Logement Services tendant à déclarer ‘irrecevable’ l’appel interjeté par Mme [G] [C] ;
Déclare irrecevables les conclusions de la société Action Logement Services ;
INFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 juillet 2022 par le juge de l’exécution siégeant au tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye ;
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Rejette les demandes de la société Action Logement Services ;
Condamne la société Action Logement Services aux dépens, et à régler à Mme [G] [C] une somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,