REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRÊT DU 25 MAI 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général
N° RG 22/16289 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGNIW
Décision déférée à la cour
Jugement du 30 juin 2022-Juge de l’exécution de Paris-RG n° 22/00068
APPELANT
Monsieur [H] [O] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Maryline LUGOSI de la SELARL Selarl MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073
Plaidant par Me Denis HONTANG, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.A. LE CREDIT LYONNAIS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Bruno PICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0865
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 12 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 9 novembre 2018, publié le 22 novembre 2018 au service de la publicité foncière de Paris 8, sous le volume 2018 S n°47, le Crédit Lyonnais a entrepris une saisie d’un bien immobilier appartenant à M. [H] [Y] situé [Adresse 3].
Par acte d’huissier en date du 7 février 2019, le Crédit Lyonnais a fait assigner M. [Y] à l’audience d’orientation du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement du 27 juin 2019, le juge de l’exécution a constaté la suspension de la procédure de saisie immobilière au motif que la commission de surendettement des particuliers avait, par décision du 21 février 2019, déclaré recevable la demande de M. [Y] d’admission au bénéfice du surendettement, a ordonné le sursis à statuer et a renvoyé l’examen de l’affaire à l’audience du 19 décembre 2019. L’affaire a ensuite été radiée, avant d’être réinscrite au rôle à la demande du Crédit Lyonnais.
Par jugement d’orientation en date du 30 juin 2022, le juge de l’exécution a :
– ordonné la vente forcée du bien visé au commandement de payer valant saisie immobilière et fixé la date et le lieu de l’audience d’adjudication,
– mentionné que le montant retenu pour la créance du poursuivant est de 124.205,04 euros, intérêts arrêtés au 14 octobre 2018, outre intérêts au taux de 3,70% l’an à compter du 1er novembre 2021 sur la somme de 76.487,46 euros, et au taux de 3,40% à compter du 1er novembre 2021 sur la somme de 33.775,01 euros,
– fixé les modalités de visite du bien,
– dit que les dépens seront compris dans les frais taxés de vente.
Ce jugement a été signifié à M. [Y] par acte d’huissier du 25 août 2022.
M. [Y] a fait appel de cette décision par déclaration du 30 septembre 2022, puis par acte d’huissier du 27 mars 2023, déposé au greffe le 4 avril 2023, il a fait assigner à jour fixe le Crédit Lyonnais devant la cour d’appel de Paris, pour l’audience du 12 avril 2023, après y avoir été autorisé par ordonnance sur requête du président de chambre délégué par le premier président en date du 27 octobre 2022 (requête déposée le 3 octobre 2022).
Par conclusions du 12 avril 2023, M. [Y] demande à la cour d’appel de :
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– le déclarer recevable dans la présente instance,
A titre principal,
– lui accorder l’acquisition du délai de prescription des dettes immobilières
A titre subsidiaire,
– déclarer que le principe du contradictoire n’a pas été respecté dans le cadre de l’audience d’orientation devant le juge de l’exécution en date du 21 avril 2022,
– déclarer recevable sa demande de vente amiable,
En conséquence,
– ordonner la vente amiable des biens visés au commandement à un prix plancher de 279.000 euros,
– ordonner la fixation des sommes réclamées par le Crédit Lyonnais, strictement au niveau du principal restant à payer à la date de la déchéance de leur terme, soit à la somme de 79.976,47 euros pour le prêt n°4008953IFOXZ11AH, et de 32.545,24 euros pour le prêt n°4008953IFOXZ12AH, soit un total de 112.521,71 euros,
– ordonner l’annulation de toute demande de taux d’intérêt sur les sommes principales restant dues au jour de la déchéance de leur terme, ou retenir le taux d’intérêt immobilier en cours au jour de la déchéance de leur terme, soit le taux de 1,06%,
En tout état de cause,
– condamner le Crédit Lyonnais aux entiers dépens et au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la prescription, il fait valoir qu’en application des articles R.321-20, R.321-21 et R.321-22 du code des procédures civiles d’exécution, le commandement de payer valant immobilière, publié le 22 novembre 2018, est arrivé à son terme de deux ans au 22 novembre 2022, en prenant en compte le moratoire accordé par la commission de surendettement du 15 septembre 2019 au 14 septembre 2021, et que le Crédit Lyonnais, qui ne l’a pas renouvelé, ne peut s’octroyer lui-même le bénéfice du changement de législation faisant passer la durée de validité du commandement de deux à cinq ans.
Sur le non-respect du contradictoire, il invoque, outre les dispositions des articles 14 et 16 du code de procédure civile, celles de l’article 6 §1 de la convention européenne des droits de l’homme. Il fait valoir qu’il n’a pas été valablement informé de l’audience du 21 avril 2022 ni de la reprise de l’instance par la banque, de sorte qu’il n’a pas été en mesure de conclure ni de présenter des observations, précisant que l’avocat qui lui avait été attribué en 2018 s’est dessaisi de l’affaire.
Sur sa demande de vente amiable, il explique qu’il a réalisé des travaux dans l’appartement afin d’en tirer un meilleur prix et a entrepris des démarches pour le vendre, afin d’éviter une vente forcée.
Sur la fixation de la dette au strict montant du principal restant à payer au moment de la déchéance du terme, il fait valoir que le Crédit Lyonnais était d’accord, lors du moratoire de 2019, pour fixer le montant des dettes à un total résiduel de 116.264,75 euros, qu’il a continué à payer ses mensualités malgré ses difficultés financières, et que la déchéance du terme, qui met fin aux prêts, ramène les sommes réclamées à une dette simple sans intérêts.
Sur l’annulation des intérêts ou la réduction du taux, il reproche au Crédit Lyonnais de lui avoir refusé la réduction du taux d’intérêts et fait valoir qu’il va devoir se reloger dans des conditions difficiles, après la vente de son bien, compte tenu de sa situation.
Par conclusions du 27 octobre 2022, le Crédit Lyonnais demande à la cour d’appel de :
– déclarer irrecevables les demandes de M. [Y],
– confirmer en conséquence la décision entreprise en toutes ses dispositions,
– condamner M. [Y] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire que les dépens d’appel seront taxés en frais privilégiés de vente.
Il fait valoir qu’il résulte de l’application cumulée des articles R.311-6 du code des procédures civiles d’exécution et 419 du code de procédure civile que la demande de reprise d’instance formulée par le créancier poursuivant devait nécessairement s’effectuer par le dépôt au greffe et la signification à l’avocat constitué en défense de conclusions, ce qui a été effectué le 22 mars 2022 pour l’audience du 21 avril suivant ; que l’absence de comparution de M. [Y] pour cette audience ne résulte pas d’un manque de respect du contradictoire, mais de la méconnaissance par son avocat constitué de l’étendue de son mandat de représentation, ce qui n’autorise pas M. [Y] à s’affranchir des dispositions de l’article R.311-5 du code des procédures civiles d’exécution. Il conclut que la demande de vente amiable, formulée pour la première fois en appel, est irrecevable, et ce d’autant plus qu’elle n’est pas chiffrée, ce qui ne permet pas à la cour de faire application des dispositions de l’article R.322-21 du même code. Au surplus, il souligne que la procédure a été engagée il y a quatre ans, que la commission de surendettement a élaboré, il y a trois ans, un plan pour permettre au débiteur de procéder à la vente du bien saisi et que ce n’est que le 22 septembre 2022 que celui-ci s’en est préoccupé.
A l’audience du 12 avril 2023, la cour a autorisé le Crédit Lyonnais à répondre, par note en délibéré, aux conclusions notifiées par M. [Y] une heure avant l’audience.
Le Crédit Lyonnais a donc adressé, le 13 avril 2023, des conclusions n°2 par lesquelles il reprend ses prétentions et moyens précédemment exposés. Il ajoute notamment que le nouveau moyen relatif à la validité de la saisie immobilière est irrecevable faute d’avoir été présenté dans la requête à jour fixe et qu’en tout état de cause, la validité du commandement a été portée à cinq ans par l’article 2-4° du décret du 27 novembre 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande principale de M. [Y]
S’agissant d’une fin de non-recevoir pouvant être invoquée en tout état de cause, le moyen de l’appelant tiré de la prescription, ou plus exactement de la péremption, du commandement de payer valant saisie immobilière pouvait être présenté dans des conclusions d’appelant postérieures à sa requête tendant à être autorisé à assigner à jour fixe.
Dès lors, il n’y a pas lieu de déclarer ce moyen irrecevable au motif qu’il n’aurait pas été présenté dans la requête comme le soutient le Crédit Lyonnais.
Il n’en reste pas moins que ce moyen doit être recevable au regard des dispositions de l’article R.311-5 du code des procédures civiles d’exécution, ce qui implique d’examiner préalablement la question du respect du contradictoire.
Sur le respect du contradictoire et du droit d’être entendu
Aux termes de l’article 14 du code de procédure civile, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entende ou appelée.
L’article 16 du même code dispose :
« Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. »
Enfin, il résulte de l’article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.
En l’espèce, il n’est pas contesté que le Crédit Lyonnais a notifié ses conclusions de reprise d’instance par le Rpva à l’avocat constitué pour M. [Y], Me [V] [S], le 22 mars 2022 pour l’audience du 21 avril.
Dans une procédure avec représentation obligatoire, c’est à l’avocat constitué, et non à la partie elle-même, que les actes sont notifiés. En outre, l’avocat constitué initialement pour une partie reste l’avocat de celle-ci pendant toute la procédure, tant qu’il n’est pas notifié de « constitution aux lieu et place » d’un autre avocat, et ce en application de l’article 419 du code de procédure civile, peu important que cet avocat ait été désigné au titre de l’aide juridictionnelle.
Ainsi, il importe peu que Me [S] estime n’être plus en charge de la défense des intérêts de M. [Y]. Il ressort des débats que si l’appelant n’a pas été informé de l’audience d’orientation du 21 avril 2022, ce n’est nullement en raison d’une violation du principe du contradictoire par le Crédit Lyonnais ou la juridiction, mais uniquement en raison de la carence de ses propres avocats (absence de transmission des conclusions notifiées par le Crédit Lyonnais ; absence de constitution aux lieu et place).
Le moyen tiré du non-respect du contradictoire et du droit d’être entendu doit donc être rejeté.
Sur la recevabilité des demandes et contestations de M. [Y]
L’article R.311-5 du code des procédures civiles d’exécution dispose : « A peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R.322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte. ».
Il résulte de ces dispositions et de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que sont irrecevables les contestations et demandes incidentes formées pour la première fois en appel, et ce même si le débiteur n’a pas comparu en première instance, les dispositions de l’article R.311-5 précitées dérogeant aux règles de droit commun des articles 563 et suivants du code de procédure civile. Ainsi, aucune contestation, aucune demande, ni aucun moyen ne peut être présenté pour la première fois devant la cour s’il ne l’a pas été à l’audience d’orientation, à moins qu’il ne porte sur des actes postérieurs.
En l’espèce, les contestations et demandes incidentes de M. [Y], notamment sa fin de non-recevoir tirée de la prescription (en réalité la péremption du commandement) et sa demande de vente amiable, auraient dû être formulées à l’audience d’orientation, ce qui n’a pas été le cas puisqu’il n’a pas comparu.
Ainsi, toutes ses prétentions et contestations doivent être déclarées irrecevables comme étant formées après l’audience d’orientation.
Sur les demandes accessoires
Au vu de la présente décision, il convient de condamner M. [Y] aux dépens de la procédure d’appel.
En revanche, il n’est pas inéquitable, compte tenu notamment des situations économiques respectives des parties, de laisser à la charge du Crédit Lyonnais ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
REJETTE le moyen, invoqué par M. [H] [Y], tiré du non-respect du principe du contradictoire et du droit d’être entendu,
DÉCLARE irrecevables les prétentions et contestations de M. [H] [Y],
En conséquence, CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement d’orientation rendu le 30 juin 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris,
Y ajoutant,
REJETTE la demande de le Crédit Lyonnais fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [H] [Y] aux dépens de la procédure d’appel.
Le greffier, Le président,