Saisine du juge de l’exécution : 25 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/11976

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Saisine du juge de l’exécution : 25 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/11976

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 25 MAI 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/11976 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBDI

Décision déférée à la cour :

Jugement du 21 juin 2022-Juge de l’exécution de BOBIGNY-RG n° 21/02346

APPELANTE

S.A.S. PATRIMOINE & RENOVATION

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Vincent BELCOLORE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1022

INTIMEE

L’INSTITUT SUPÉRIEUR DE MÉCANIQUE DE [Localité 4] (SUPMECA)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Richard RONDOUX de la SELARL BRG, avocat au barreau de PARIS, toque : R095

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 12 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Le 18 avril 2019, l’Institut supérieur de mécanique de [Localité 4] a émis un état exécutoire à l’encontre de la société Patrimoine et rénovation pour avoir paiement de la somme de 29 754,84 euros représentant un trop perçu de TVA. Le 10 mars 2021, il a délivré un autre titre exécutoire pour avoir paiement de la somme de 292 862,12 euros représentant des pénalités afférentes à un marché.

Déclarant agir en vertu desdits titres exécutoires, l’Institut supérieur de mécanique de [Localité 4] a, les 24 septembre 2020 et 29 avril 2021, diligenté des saisies administratives à tiers détenteur entre les mains de la Caisse d’Epargne Ile de France, de la Société Générale, de la société Banque Palatine, et de la société HSBC Continental Europe, à l’encontre de la société Patrimoine et rénovation, pour avoir paiement de la somme de 322 616,96 euros. Une autre saisie administrative à tiers détenteur sera mise en place le 15 octobre 2021.

Saisi par la société Patrimoine et rénovation selon assignations des 3 mars et 20 mai 2021, le juge de l’exécution de Bobigny a, suivant jugement daté du 21 juin 2022 :

– déclaré irrecevables les contestations des saisies administratives à tiers détenteur ;

– rejeté les demandes de la société Patrimoine et rénovation ;

– débouté les parties de leurs demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Patrimoine et rénovation aux dépens.

Pour statuer ainsi, il a relevé que l’intéressée n’avait pas introduit de recours préalable comme il est dit à l’article L 281 du Livre des procédures fiscales.

Selon déclaration en date du 27 juin 2022, la société Patrimoine et rénovation a relevé appel de ce jugement.

En ses conclusions notifiées le 13 juillet 2022, elle expose :

– qu’un acte d’engagement a été passé entre elle-même et l’Institut supérieur de mécanique de [Localité 4], au sujet de travaux de rénovation dans un immeuble sis à [Localité 3], le 18 janvier 2018 ;

– qu’un procès-verbal de réception avec levée des réserves a été dressé le 18 juin 2019 ;

– qu’elle réclame à l’Institut supérieur de mécanique de [Localité 4] la somme de 163 749 euros HT au titre du solde du marché, et a saisi le Tribunal administratif de Montreuil à cette fin ;

– que ladite juridiction a, selon ordonnance de référé en date du 8 juin 2021, ordonné une expertise, l’expert arrêtant à 24 021 euros le quantum de la somme qui serait due à l’Institut supérieur de mécanique de [Localité 4], soit une somme nettement inférieure à celle réclamée dans les saisies administratives à tiers détenteur querellées ;

– que de plus, l’Institut supérieur de mécanique de [Localité 4] a ramené à 70 000 euros le montant de sa demande au titre des pénalités de retard ;

– que le titre exécutoire ne lui a pas été notifié, alors que la créance n’est ni certaine, ni liquide ni exigible ; que ce titre ne porte pas la mention du comptable signataire ;

– qu’elle a délivré à l’encontre du directeur de l’Institut supérieur de mécanique de [Localité 4] et de sa directrice des affaires financières une citation directe à comparaître devant le Tribunal correctionnel de Bobigny pour des faits de concussion ;

– que ce Tribunal a rendu un jugement le 9 mars 2022 déclarant son action irrecevable, motif pris de ce qu’elle n’avait pas versé les sommes à consigner dans les délais impartis ;

– qu’elle a relevé appel de ce jugement devant la Cour d’appel de Paris ;

– que l’attitude de l’Institut supérieur de mécanique de [Localité 4] a été abusive et l’adage fraus omnia corrumpit doit recevoir application.

La société Patrimoine et rénovation demande en conséquence à la Cour de :

– ordonner un sursis à statuer jusqu’à ce que la Cour d’appel de Paris rende sa décision dans le cadre de l’appel du jugement du Tribunal correctionnel de Bobigny ;

– subsidiairement, annuler les saisies administratives à tiers détenteur ;

– condamner l’Institut supérieur de mécanique de [Localité 4] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées le 21 septembre 2022, l’Institut supérieur de mécanique de [Localité 4] réplique :

– qu’il est titulaire de plusieurs titres exécutoires légitimant des saisies administratives à tiers détenteur ;

– qu’il n’y a pas lieu d’ordonner un sursis à statuer car les éléments constitutifs du délit de concussion visé à l’article 432-10 du code pénal ne sont pas réunis en l’espèce ;

– que pour contester utilement les titres exécutoires, la société Patrimoine et rénovation aurait dû saisir l’ordonnateur d’un recours préalable ;

– qu’il en est de même des contestations des saisies administratives à tiers détenteur, les articles L 281 et R 281-4 du Livre des procédures fiscales rendant un tel recours obligatoire, l’ordonnateur ou le chef de service devant statuer dans les deux mois, la juridiction ne pouvant être saisie qu’ensuite, dans les deux mois du rejet de la réclamation ou à l’expiration d’un délai de deux mois en cas de silence de sa part ;

– que les titres exécutoires fondant les saisies administratives à tiers détenteur querellées n’avaient pas à être notifiés en lettre recommandée avec demande d’avis de réception, mais seulement en lettre simple ;

– que le délai de six mois imparti à la société Patrimoine et rénovation pour contester le décompte général devant le Tribunal administratif est écoulé ;

– que ses réclamations ne sont pas recevables, car elle n’a pas fourni de décompte final, ce qui constitue un préalable obligatoire ;

– que les pénalités de retard sont dues, la société Patrimoine et rénovation n’ayant pas saisi la juridiction administrative dans les délais pour les contester ; que l’expert a indiqué qu’elles avaient été correctement calculées ;

– que s’il avait été envisagé de réduire le montant desdites pénalités à 70 000 euros, c’était sous la condition d’un règlement immédiat ; que la société Patrimoine et rénovation ne l’a jamais accepté.

L’Institut supérieur de mécanique de [Localité 4] demande en conséquence à la Cour de :

– rejeter la demande de sursis à statuer ;

– confirmer le jugement ;

– condamner la société Patrimoine et rénovation au paiement de la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux dépens qui seront recouvrés directement par Maître Rondoux.

MOTIFS

La société Patrimoine et rénovation sollicite le prononcé d’un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour d’appel de Paris, statuant en appel du jugement du Tribunal correctionnel de Bobigny ayant déclaré son action irrecevable.

En vertu de l’article L 1617-5 du code général des collectivités territoriales,

1° En l’absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l’établissement public local permet l’exécution forcée d’office contre le débiteur.

Toutefois, l’introduction devant une juridiction de l’instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d’une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre.

(…)

2° La contestation qui porte sur la régularité d’un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l’article L 281 du livre des procédures fiscales. La revendication par une tierce personne d’objets saisis s’effectue selon les modalités prévues à l’article L 283 du même livre.

(…)

L’article L 281 du Livre des procédures fiscales prévoit que :

Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l’administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites.

Lorsque les contestations portent sur le recouvrement de créances détenues par les établissements publics de l’Etat, par un de ses groupements d’intérêt public ou par les autorités publiques indépendantes, dotés d’un agent comptable, ces contestations sont adressées à l’ordonnateur de l’établissement public, du groupement d’intérêt public ou de l’autorité publique indépendante pour le compte duquel l’agent comptable a exercé ces poursuites.

Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter :

1° Sur la régularité en la forme de l’acte ;

2° A l’exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l’obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l’exigibilité de la somme réclamée.

Les recours contre les décisions prises par l’administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l’exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés :

a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l’impôt prévu à l’article L 199 ;

b) Pour les créances non fiscales de l’Etat, des établissements publics de l’Etat, de ses groupements d’intérêt public et des autorités publiques indépendantes, dotés d’un agent comptable, devant le juge de droit commun selon la nature de la créance ;

c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l’exécution.

Le juge de l’exécution a justement relevé que L 281 du Livre des procédures fiscales s’applique. Son alinéa 2, qui régit les contestations portant sur le recouvrement de créances détenues par les établissements publics de l’Etat, par un de ses groupements d’intérêt public ou par les autorités publiques indépendantes, dotés d’un agent comptable, n’établit aucune distinction selon que c’est la créance proprement dite qui est contestée ou un acte d’exécution tel qu’une saisie administrative à tiers détenteur.

L’alinéa 1er de ce texte traite des contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics, là encore sans aucune distinction.

Et l’alinéa 3 de ce texte prévoit que les recours contre les décisions prises par l’administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l’exécution, ce qui infère nécessairement que ce dernier ne peut être utilement saisi qu’une fois que le recours préalable a été rejeté.

De plus, la société Patrimoine et rénovation était informée de la nécessité qu’il y avait de saisir l’autorité compétente d’un recours préalable, car les lettres de notification des saisies administratives à tiers détenteur reproduisaient, sous les mots ‘Modalités de contestation’, le texte intégral des articles L 281, R 281-1 et R 281-4 du Livre des procédures fiscales.

Force est de constater qu’elle n’a pas régularisé de recours préalable, ni pour contester les titres exécutoires émis à son encontre, ni pour contester la régularité des saisies administratives à tiers détenteur.

Partant, si l’appelante justifie avoir engagé des poursuites pénales à l’encontre du directeur et de la directrice financière de l’Institut supérieur de mécanique de [Localité 4], cette procédure et la décision qui sera rendue n’ont aucune incidence sur le fait que la présente contestation est irrecevable. En effet, la circonstance que les deux agents de l’Institut supérieur de mécanique de [Localité 4] susvisés aient commis des faits de concussion, à la supposer établie, ne dispensait pas la débitrice de respecter les règles de procédure. La demande de sursis à statuer doit en conséquence être rejetée.

Le jugement qui, faisant application des textes susvisés, a déclaré irrecevables les prétentions de la société Patrimoine et rénovation, faute par l’intéressée d’avoir exercé un recours préalable, sera ainsi confirmé.

La société Patrimoine et rénovation, qui succombe en son appel, sera condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

– REJETTE la demande de sursis à statuer ;

– CONFIRME le jugement en date du 21 juin 2022 ;

– CONDAMNE la société Patrimoine et rénovation à payer à l’Institut supérieur de mécanique de [Localité 4] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE la société Patrimoine et rénovation aux dépens d’appel, qui seront recouvrés par Maître Rondoux conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

 


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