Saisine du juge de l’exécution : 25 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/09035

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Saisine du juge de l’exécution : 25 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/09035

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 25 MAI 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/09035 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSFP

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Octobre 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’Evry-Courcouronnes – RG n° R22/00151

APPELANTE

S.A.S.U. GRINTEK

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Stéphanie DUGOURD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0344

INTIMÉ

Monsieur [B] [E]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par M. [S] [L] (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Paule ALZEARI, présidente

Olivier FOURMY, Premier Président de chambre

Christine LAGARDE, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

– signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société Grintek (ci-après la ‘Société’) a, notamment, pour activité la réalisation de travaux d’isolation et toutes autres activités similaires, connexes ou complémentaires.

Par un contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, à compter du 21 juin 2021, M. [B] [E] a été engagé par la Société en qualité de façadier ITE.

Le 16 mai 2022, M. [E] a été licencié pour motif économique.

Le 24 août 2022, M. [E] a attrait la Société devant la formation des référés du conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes aux fins d’obtenir le paiement d’indemnités de repas et de déplacement et des dommages et intérêts pour « retard et préjudice moral ».

Par ordonnance de référé réputée contradictoire rendue le 20 octobre 2022, le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes a rendu la décision suivante :

« RECOIT Monsieur [B] [E] en ses demandes,

ORDONNE a la SASU GRINTEK, en la personne de son représentant légal, de verser à Monsieur [B] [E] les sommes suivantes :

– 4 300,60 euros au titre des indemnités de repas et déplacements, avec intérêts au taux légal a compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes, soit le 24 août 2022,

– 1 000,00 € au titre des dommages et intérêts pour préjudices subis, avec intérêts au taux légal a compter de la date de mise s disposition au greffe de la présente ordonnance, soit le 20 octobre 2022,

MET les dépens afférents aux actes et procédures de la présente instance s la charge de la SASU GRINTEK, société défenderesse, y compris les éventuels frais d’exécution par voies légales en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 08 mars 2001 relatifs à la tarification des actes d’huissiers de justice ».

Selon déclaration du 31 octobre 2022, la Société a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 16 janvier 2023, la Société demande à la cour de :

« Vu l’article 1353 du Code civil,

Vu la jurisprudence visée,

Vu les pièces visées ;

– DIRE la société Grintek recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Y FAISANT DROIT :

– REFORMER l’ordonnance de référé rendue le 20 octobre 2022 (N°RG R 22/00151) par le Conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes en ce qu’elle a :

« – Reçu Monsieur [B] [E] en ses demandes ;

– Ordonné à la SASU Grintek, en la personne de son représentant légal, de verser à Monsieur [B] [E] les sommes suivantes :

– 4.300,60 € au titre des indemnités de repas et déplacement, avec intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes, soit le 24 août 2022 ;

– 1 000.00 € au titre des dommages et intérêts pour préjudices subis, avec intérêts au taux légal à compter de la date de mise à disposition au greffe de la présente ordonnance, soit le 20 octobre 2022 ;

– Mis les dépens afférents aux actes et procédures de l’instance à la charge de la société Grintek.»

ET STATUANT A NOUVEAU :

– DÉBOUTER Monsieur [B] [E] de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions ;

– CONDAMNER Monsieur [B] [E] à payer à la société Grintek la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– CONDAMNER Monsieur [B] [E] aux entiers dépens ».

Par dernières conclusions reçues au greffe le 20 février 2023, M. [E] demande à la cour de :

« Qu’elle confirme l’ordonnance de référé du conseil de prud’hommes d’Évry Courcouronnes en toutes ses dispositions.

Puis de dire et juger :

– que Monsieur [B] [E] a droit au remboursement au titre des hébergements, repas et déplacement, 

– Monsieur [B] [E] recevable en sa demande au titre des dommages et intérêts

– Monsieur [B] [E] recevable en sa demande quant aux dépens.

En conséquence, condamner la SASU GRINTEK à lui verser les sommes suivantes :

– au titre des indemnités de repas, hébergement, déplacement, 4300,60 €

– au titre des dommages et intérêts pour préjudice subi, 1000 €

– au titre des dépens, 90,68 €

– article 700, 1000 euros

– intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes d’Évry Courcouronnes.

Entiers dépens ».

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En liminaire, sur la compétence de la formation de référé, il convient de rappeler les dispositions applicables.

Ainsi aux termes de l’article R. 1455-5 code du travail, « dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ».

Selon l’article R. 1456-6 du code du travail, « la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

Enfin, en application de l’article R. 1455-7 du même code, « dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

Force est de considérer qu’aucune des parties ne fait référence à l’application de ces dispositions au regard de la compétence du juge des référés.

Les demandes telles qu’elles sont formulées et qui sont relatives à l’exécution du contrat de travail et à la fin de la relation de travail seront donc examinées au regard de ces dispositions, en l’occurrence l’article R. 1455-7 précité.

La cour relève en outre que les demandes présentées ne sont pas formulées à titre provisionnel, le premier juge n’ayant pas davantage prononcé les sommes allouées à titre provisionnel.

Sur la demande relative aux indemnités de repas, d’hébergement et de déplacement

La Société soutient que M. [E] « ne produit pas tous les justificatifs exacts et précisément détaillés des sommes réclamées ».

M. [E] oppose que l’article 5 du contrat de travail prévoit le remboursement des frais professionnels à hauteur de 80 euros par jour maximum sur présentation des justificatifs et qu’il a fourni l’ensemble des notes afférentes.

Sur ce,

L’article 5 du contrat stipule :

«les frais professionnels que vous serez tenus d’engager dans l’exercice de vos fonctions vous seront remboursés sous réserve du contrôle de la réalité, de leur exactitude et de leur engagement dans l’intérêt de l’exercice de la profession. Vous devrez apporter les justificatifs originaux de leurs dépenses accompagnés du formulaire de remboursement mis en place dans l’entreprise (via l’application N2f mise à disposition) qui précise notamment la nature, le montant et leur date d’exposition.

Ce remboursement, pour la partie concernant l’hébergement (hôtel) et la restauration, sera plafonnée à une somme forfaitaire de 80 € par jour. Toute dépense engagée au-delà de ce montant restera la charge du salarié, sans qu’il puisse prétendre à son remboursement ».

M. [E] produit aux débats les notes de frais renseignées via l’application N2f , portant sur les mois de juin 2021, janvier et février 2022.

Les montants (voir justificatifs) renseignés s’élèvent à 116,17 euros pour juin 2021, une somme de 1 958,22 euros pour le mois de janvier 2022 et 2 226.21 euros pour le mois de février 2022, soit un total de 4 300,60 euros.

Il est justifié que ces notes de frais ont été adressées via l’application WhatsApp.

La Société ne conteste pas les dépenses engagées et ne soutient pas que ces sommes ont été réglées, l’échange de messages WhatsApp produit aux débats établissant en outre que la Société s’était engagée à rembourser son salariés des frais non encore pris en charge.

Ainsi, en l’absence de contestation sérieuse sur les indemnités de frais à hauteur de la somme de 4 300,60 euros, c’est à bon droit que le premier juge a condamné la Société à payer à M. [E] ce montant.

Dès lors, l’ordonnance sera confirmée sur ce point sauf à préciser que cette somme est allouée à titre provisionnel.

Sur la demande de dommages et intérêts

La Société fait valoir que l’intimé ne démontre pas que les conditions d’application de l’article 1231-6 du code civil sont réunies.

M. [E] reprend à son compte la motivation du conseil de prud’hommes précisant que ce dernier a retenu la mauvaise foi de l’employeur dont le « non remboursement est incontestable » et en ce qu’il s’est fondé sur l’article 1231-6 du code civil et « fait droit à sa demande à de plus justes proportions ».

Sur ce,

En application des dispositions précitées, s’agissant du pouvoir de la juridiction des référés, force est de considérer que la demande en paiement de dommages-intérêts ne pourrait prospérer qu’en ce qu’elle se fonde sur l’article R. 1455-7 précité.

L’article 1231-6 du code civil dispose :

« Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire ».

L’appréciation de la mauvaise foi de la Société constitue manifestement une contestation sérieuse qu’il n’appartient pas au juge des référés de trancher, la bonne foi étant présumée en matière contractuelle.

De plus, faute pour M. [E] de démontrer l’existence d’un préjudice qui n’aurait pas déjà été indemnisé par la somme allouée à titre provisionnel, et par l’indemnité allouée au titre des frais de procédure, cette demande ne peut utilement prospérer faute d’établir que l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

L’ordonnance mérite infirmation sur ce point, et M. [E] sera débouté de la demande qu’il a formulée à ce titre.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La présente juridiction ne peut pas se prononcer sur le sort des frais de l’exécution forcée, lesquels sont régis par l’article L. 111-8 au code des procédures civiles d’exécution et soumis, en cas de contestation, au juge de l’exécution.

La Société, qui succombe pour l’essentiel doit être condamnée aux dépens de la procédure et déboutée en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera fait application de cet article au profit de l’intimé.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme l’ordonnance de référé sauf en ce qu’elle a condamné la société Grintek à des dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Décide que la somme de 4 300,60 euros allouée par le conseil de prud’hommes l’a été à titre provisionnel ;

Déboute M. [B] [E] de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne la société Grintek aux dépens de la procédure ;

Condamne la société Grintek à payer M. [B] [E] la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre.

La Greffière, La Présidente,

 


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