REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRÊT DU 25 MAI 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général
N° RG 22/09030 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFZAJ
Décision déférée à la cour
Jugement du 13 avril 2022-Juge de l’exécution de PARIS-RG n° 22/80343
APPELANTE
S.A. SFR – SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Antoine VIVANT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Madame [W] [J]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Joëlle MONLOUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1005
Ayant pour avocat plaidant Me Thierry BRAILLARD, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 13 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par jugement du 25 novembre 2021, le conseil de prud’hommes de Lyon a notamment condamné la SA SFR à verser à Mme [W] [J] diverses sommes s’élevant à un montant total de 71.721,18 euros. Par déclaration du 25 novembre 2021, la SA SFR a formé appel de ce jugement.
Par acte d’huissier du 13 janvier 2022, Mme [J] a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes de la SA SFR détenus auprès de la société HSBC Continental Europe pour avoir paiement de la somme totale de 82.425,27 euros. Cette saisie a été dénoncée à la SA SFR le 17 janvier 2022.
Par acte d’huissier du 11 février 2022, la SA SFR a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’en obtenir la mainlevée.
Par jugement du 13 avril 2022, le juge de l’exécution a :
rejeté la contestation formée par la société SFR ;
validé dans son intégralité la saisie-attribution du 13 janvier 2022 ;
condamné la SA SFR à payer à Mme [J] une indemnité de 1.500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a retenu que la créance pouvait faire l’objet d’une exécution forcée puisque l’exécution provisoire de droit prévue à l’article R.1454-28 du code du travail pouvait être poursuivie, pour un salaire mensuel de 8.666,66 euros, à hauteur d’un montant de 77.999,94 euros, que les condamnations devaient être regardées comme présentant un caractère salarial car les sommes apparaissaient soumises aux cotisations sociales et que la saisie avait été effectuée en principal pour le seul recouvrement des condamnations dont le total s’élève à 71.721,18 euros. Il a également jugé que l’absence de liquidité de la créance de restitution, dont se prévalait la SA SFR, faisait échec à la compensation.
Par déclaration du 5 mai 2022, la SA SFR a formé appel de ce jugement.
Par conclusions du 15 juin 2022, la SA SFR demande à la cour de :
infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 13 avril 2022 ;
Statuant à nouveau,
À titre principal,
juger que le titre sur le fondement duquel Mme [J] a fait pratiquer le 13 janvier 2022 une saisie-attribution à son encontre n’était pas exécutoire ;
À titre subsidiaire,
prononcer la compensation de la créance de Mme [J] avec la sienne et constater qu’après compensation, la créance de Mme [J] est éteinte ;
En conséquence et en tout état de cause,
faire droit à sa contestation ;
ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 13 janvier 2022 ;
débouter Mme [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
laisser en conséquence tous les frais d’exécution et de saisie-attribution à la charge de Mme [J] ;
condamner Mme [J] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’appelante soutient que :
la créance dont se prévaut Mme [J] au soutien de sa saisie-attribution n’est pas assortie de l’exécution provisoire, le jugement du 25 novembre 2021 n’étant ni passé en force de chose jugée, car elle en a interjeté appel, ni assorti de l’exécution provisoire puisqu’il l’écarte spécifiquement, que les condamnations ne relèvent pas d’une des catégories visées par l’article R.1454-28 du code du travail et que la jurisprudence exclut expressément les indemnités versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi ;
la compensation entre la créance de Mme [J] à son encontre d’un montant de 433.996,38 euros et celle dont elle est elle-même débitrice, en raison de la restitution de la somme de 550.000 euros versée en vertu de l’accord-cadre annulé par le conseil de prud’hommes, a pour conséquence de rendre Mme [J] débitrice à son égard, ce qui impose la mainlevée de la saisie-attribution.
Par ordonnance sur incident du 10 novembre 2022, le conseiller délégué a déclaré irrecevables les conclusions de Mme [J] du 30 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient de rappeler que la partie qui ne conclut pas (ou qui est déclarée irrecevable à conclure) est réputée demander la confirmation du jugement et s’en approprier les motifs.
L’article 500 du code de procédure civile dispose :
« A force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution.
Le jugement susceptible d’un tel recours acquiert la même force à l’expiration du délai de recours si ce dernier n’a pas été exercé dans le délai. »
Aux termes de l’article 501 du même code, le jugement est exécutoire, sous les conditions qui suivent, à partir du moment où il passe en force de chose jugée, à moins que le débiteur ne bénéficie d’un délai de grâce ou le créancier de l’exécution provisoire.
En l’espèce, le conseil de prud’hommes n’a pas assorti sa décision de l’exécution provisoire et la société SFR justifie en avoir interjeté appel. Le jugement servant de fondement à la saisie-attribution n’a donc pas force de chose jugée.
Par ailleurs, l’article R.1454-28 du code du travail dispose :
« A moins que la loi ou le règlement n’en dispose autrement, les décisions du conseil de prud’hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire. Le conseil de prud’hommes peut ordonner l’exécution provisoire de ses décisions. Sont de droit exécutoires à titre provisoire, notamment :
1° Le jugement qui n’est susceptible d’appel que par suite d’une demande reconventionnelle ;
2° Le jugement qui ordonne la remise d’un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer ;
3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement ».
En outre, les sommes mentionnées au 2° de l’article R.1454-14 sont :
a) les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions ;
b) les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ;
c) l’indemnité compensatrice et l’indemnité spéciale de licenciement en cas d’inaptitude médicale consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle mentionnées à l’article L. 1226-14 ;
e) l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L.1243-8 [indemnité de précarité du contrat à durée déterminée] et de l’indemnité de fin de mission mentionnée à l’article L. 1251-32.
En l’espèce, les condamnations prononcées par jugement du conseil de prud’hommes du 25 novembre 2021 portent sur :
la somme de 20.391,91 euros au titre du reliquat d’indemnité de base de plan de départ volontaire,
la somme de 36.329,27 euros au titre du reliquat d’indemnité complémentaire plan de départ volontaire,
la somme de 15.000 euros à titre d’indemnité « Ancienneté pour tous ».
Ainsi, elles ne portent pas sur des créances salariales, ni sur des indemnités de congés payés, de préavis ou de licenciement, ni sur des indemnités compensatrices ou spéciales de licenciement pour inaptitude médicale, ni sur des indemnités de fin de contrat à durée déterminée ou d’interim. Il s’agit d’indemnités versées dans le cadre d’un accord-cadre relatif aux mesures d’accompagnement des plans de départ volontaire prévus en 2017.
Le juge de l’exécution a estimé que ces condamnations devaient être regardées comme présentant un caractère salarial car les sommes dont s’agit apparaissent soumises aux cotisations sociales.
Toutefois, la société SFR fait valoir à juste titre que ni l’article R.1454-28 ni l’article R.1454-14, 2° du code du travail ne se réfèrent aux cotisations sociales et en tout état de cause, les sommes objet des condamnations, qui n’ont pas une nature salariale, n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale, qui prévoit expressément que sont exclues de l’assiette des cotisations de sécurité sociale les indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail qui ne sont pas imposables en application de l’article 80 duodecies du même code, c’est-à-dire les indemnités de départ volontaire versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi et les indemnités de licenciement.
Même si l’article 80 duodecies du code général des impôts assimile les indemnités de départ volontaire versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi à des indemnités de licenciement en ce qu’elles constituent toutes deux une rémunération non imposable, ces dispositions ne sont pas non plus visées par les articles R.1454-28 et R.1454-14, 2° du code du travail et la jurisprudence de la Cour de cassation distingue nettement le plan de départ volontaire et le licenciement, qui n’ont pas la même nature juridique.
Au regard de l’ensemble de ces éléments et de la jurisprudence produite par la société SFR, rien ne justifie de considérer les sommes à laquelle cette dernière a été condamnée à des créances de nature salariale ou assimilées qui bénéficieraient de l’exécution provisoire de plein droit.
Dès lors, le jugement servant de fondement à la saisie-attribution n’est pas exécutoire.
Par conséquent, il convient d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et d’ordonner la mainlevée de la saisie-attribution, faute pour Mme [J] de justifier d’un titre exécutoire, et de laisser à la charge de cette dernière les frais d’exécution.
Partie perdante, Mme [J] sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
En revanche, compte tenu de la situation économique respective des parties, il convient de débouter la société SFR de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 avril 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris,
Statuant à nouveau,
DIT que le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon en date du 25 novembre 2021 servant de fondement à la saisie-attribution du 13 janvier 2022 n’est pas exécutoire,
ORDONNE la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 13 janvier 2022 entre les mains de la société HSBC Continental Europe par Mme [W] [J] à l’encontre de la SA SFR,
LAISSE les frais d’exécution à la charge de Mme [W] [J],
DEBOUTE la SA SFR de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [W] [J] aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier, Le président,