RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
R.G. : J.E.X. N° RG 21/00456 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FN6Y
Minute n° 23/00163
S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE
C/
[W] NEE [H], [W], [W], [W]
COUR D’APPEL DE METZ
3ème CHAMBRE
J.E.X.
ARRÊT DU 25 MAI 2023
APPELANTE :
S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-Luc HENAFF, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Madame [L] [H] épouse [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ
Monsieur [G] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ
Monsieur [E] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ
Madame [F] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 07 Février 2023 tenue par Monsieur MICHEL, Conseiller, Magistrat rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 11 Mai 2023, prorogé au 25 mai 2023,
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame MALHERBE, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Monsieur MICHEL, Conseiller
Monsieur KOEHL, Conseiller
ARRÊT :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Madame PELSER, Greffier placé Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Le 16 janvier 2007, M. [G] [W], son épouse Mme [L] [H] et leurs deux enfants, [E] et [F] [W] (les consorts [W]), titulaires chacun d’un plan épargne logement (PEL) ouvert entre 1986 et 1993 auprès de la Caisse d’épargne et de prévoyance d’Alsace (la Caisse d’épargne), ont clôturé ces comptes et réinvesti les fonds se trouvant sur ces comptes dans des contrats d’assurance vie « nuances plus » souscrits auprès de la société Caisse d’épargne vie.
Estimant avoir été victimes d’un défaut d’information et de conseil de la part de la Caisse d’épargne, les consorts [W] l’ont fait assigner afin qu’elle soit condamnée, notamment, à les rétablir dans leurs droits au titre des PEL et à indemniser leur préjudice.
Par jugement du 30 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Strasbourg a :
– dit que la Caisse d’Epargne a manqué à son obligation d’information et de conseil à l’égard des consorts [W]
– annulé la clôture des PEL
– ordonné la réintégration des droits des consorts [W] dans leurs PEL respectifs à compter de leur date de clôture
– débouté les consorts [W] de leurs demandes au titre du préjudice économique et du
préjudice moral.
Saisi d’une demande d’interprétation de ce jugement, le tribunal de grande instance de Strasbourg, par jugement du 10 mars 2017, l’a interprété comme ‘ouvrant aux consorts [W] le droit de replacer sur les PEL restés ouverts du fait de l’annulation de leur clôture, des fonds d’un montant équivalent à celui ayant existé au jour de ladite clôture et à percevoir, à compter du 16 janvier 2007, les intérêts que ces fonds auraient produits en l’absence de clôture’.
Par arrêt du 28 juin 2019, la cour d’appel de Colmar a :
– infirmé le jugement rendu le 10 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, mais uniquement en ce qu’il a interprété le jugement du 30 octobre 2015 comme ouvrant aux consorts [W] le droit de percevoir, à compter du 16 janvier 2007, les intérêts que les fonds présents sur leurs PEL à la date de la clôture auraient produits en l’absence de clôture
– statuant à nouveau dans cette limite, interprété le jugement du 30 octobre 2015 en ce sens que les consorts [W] n’ont droit aux intérêts produits par les fonds en dépôt sur leurs PEL qu’à compter de la date à laquelle ils ont reversé ces fonds sur leurs PEL
– ajoutant au jugement déféré, dit que l’arrêt emporte de plein droit obligation de restituer les sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement infirmé, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l’arrêt.
Les consorts [W] ont formé un pourvoi n° 19-20.594 contre cet arrêt et par arrêt du 14 janvier 2021, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi.
Parallèlement à cette procédure, le 7 juin 2016, les consorts [W] ont fait citer la banque devant le juge de l’exécution de Strasbourg aux fins d’obtenir la réintégration de leurs droits dans leurs PEL respectifs comprenant le calcul et l’intégration dans chaque PEL des intérêts produits à compter du 16 janvier 2007, le tout sous astreinte, et la condamnation de la Caisse d’Epargne à leur verser des dommages et intérêts pour résistance abusive et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La banque s’est opposée aux demandes, sollicitant la condamnation des demandeurs à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement mixte du 17 janvier 2018, le juge de l’exécution de Strasbourg a :
– dit que les PEL des consorts [W], sous leur numéro initial ou sous un numéro actualisé, doivent être remis à disposition de ces derniers dans l’agence de leur choix dans le périmètre de l’Eurométropole dans un délai de 15 jours suivant le prononcé du jugement
– dit qu’à défaut de mise en place des comptes PEL, une astreinte de 3.000 euros par semaine entière de retard courra à la charge de la banque au profit des demandeurs
– dit qu’au terme de ce délai, les demandeurs devront virer sur les comptes PEL les sommes qui y figuraient en principal au jour de la clôture annulée et ce dans un délai de 10 jours
– dit que les comptes PEL seront crédités des intérêts ayant normalement dû courir depuis le 16 janvier 2007, dans un délai d’un mois suivant l’effectivité des virements des capitaux
– dit qu’à défaut de régularisation des intérêts, une astreinte de 3.000 euros par semaine entière de retard courra, à la charge de la banque et au profit des demandeurs
– dit que l’ensemble de ces opérations se fera sous la surveillance d’un huissier de justice, au choix des demandeurs, lequel dressera un rapport de désignation de l’agence bancaire pour la réouverture des PEL, constatera que la banque a créé informatiquement les comptes idoines pour recevoir les virements, constatera également lesdits virements à opérer par les consorts [W] et le versement des intérêts prescrits
– dit que les frais d’huissier seront taxés par le juge de l’exécution à hauteur des 3/4 à la charge de la banque et d’1/4 à la charge des consorts [W]
– condamné la banque à payer immédiatement à l’huissier désigné par les demandeurs une provision de 800 euros
– réservé les demandes relatives aux dommages et intérêts, article 700 du code de procédure civile et frais et dépens et rappelé l’affaire à l’audience du 16 mai 2018 pour vérifier sa bonne exécution.
Suite à l’appel interjeté par la banque, par arrêt du 17 décembre 2018, la cour d’appel de Colmar a confirmé le jugement du 17 janvier 2018, condamné la Caisse d’Epargne à verser aux consorts [W] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté sa demande de ce chef et l’a condamnée aux dépens d’appel. La banque a formé un pourvoi n° 19-20028 contre cet arrêt.
Par jugement du 12 juillet 2019 faisant suite à celui du 17 janvier 2018 sur les demandes réservées, le juge de l’exécution de Strasbourg a condamné la Caisse d’Epargne à verser aux consorts [W] la somme de 1.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 500 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné la banque aux dépens.
Par arrêt du 26 octobre 2020, la cour d’appel de Colmar a infirmé ce jugement sur les dommages et intérêts pour résistance abusive et débouté les consorts [W] de leurs demandes d’indemnisation, confirmant le jugement pour le surplus et condamnant les consorts [W] aux dépens d’appel. Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un pourvoi.
Par arrêt du 14 janvier 2021 statuant sur le pourvoi n° 19-20028, la Cour de cassation a annulé l’arrêt de la cour d’appel de Colmar du 17 décembre 2018, mais seulement en ce que, confirmant le jugement du 17 janvier 2018, il a dit que les comptes PEL seront crédités des intérêts ayant normalement dû courir depuis le 16 janvier 2007 dans un délai d’un mois suivant l’effectivité des virements des capitaux et dit qu’à défaut de régularisation des intérêts, une astreinte de 3.000 euros par semaine entière de retard courra, à la charge de la société caisse d’épargne et de prévoyance d’Alsace, et au profit de M. [G] [W], Mme [L] [W], M. [E] [W] et Mme [F] [W], remis sur ces points l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et renvoyé le litige devant la cour d’appel de Metz.
La Cour a énoncé que l’arrêt du 28 juin 2019 qui a partiellement infirmé le jugement du 10 mars 2017, prive de tout fondement l’arrêt du 17 décembre 2018 attaqué en ce que celui-ci retient, en se fondant sur le jugement du 10 mars 2017 interprétant celui du 30 octobre 2015, qu’il est clairement posé que la décision emporte condamnation de la banque à créditer les PEL des intimés des intérêts qui auraient été produits à compter du 16 janvier 2007 sur les fonds qui y auraient figuré si la clôture desdits comptes n’était pas intervenue.
La Caisse d’Epargne a saisi la cour d’appel de renvoi et aux termes de ses dernières conclusions du 20 janvier 2022, elle demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et de :
– dire et juger que l’annulation de la clôture du PEL ne vaut que réintégration dans les droits afférents au PEL de l’époque, lequel n’est plus abondé de janvier 2007 à février 2018 de sorte qu’aucun intérêt n’a pu être produit
– dire et juger que les clients ont le droit de percevoir les intérêts sur leurs PEL rouverts aux conditions de 2007 mais seulement à compter de la date de placement des fonds sur leurs PEL, soit en l’espèce depuis février 2018, jusqu’au retrait des fonds
– condamner les intimés à restituer les intérêts versés en février 2018 sur leurs PEL en exécution de la décision prononcée par le juge de l’exécution, soit la somme de 123.210,04 euros augmentée des intérêts au taux légal depuis février 2018
– condamner les intimés aux dépens et à lui verser la somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et une indemnité de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Caisse d’Epargne expose qu’ainsi que l’indique la Cour de cassation, l’arrêt du 18 décembre 2018 n’a plus de fondement juridique, qu’il doit être réformé sur le point venant en contradiction avec la décision définitive du 28 juin 2019 ayant jugé que les intérêts ne sont pas dus sur la période intermédiaire depuis la clôture des PEL litigieux en 2007 et que les sommes versées par la banque en exécution des décisions judiciaires et correspondant au décompte des intérêts au final indus, doivent être restituées par les consorts [W].
Elle précise que les PEL ayant été ré-abondés par les consorts [W] depuis février 2018 conformément à la décision du juge de l’exécution fixant les modalités de leur remise en place, ce n’est qu’à compter de cette date qu’ils produisent des intérêts aux conditions de 2007, mais que tel ne peut être le cas pour la période intermédiaire entre 2007 et 2018 en l’absence de fonds sur ces comptes, étant précisé que si la clôture des comptes a été annulée, l’annulation de l’opération de virement des fonds détenus sur ces PEL auprès d’une société tierce n’a pas été ordonnée. Elle ajoute qu’il appartenait aux consorts [W] d’ordonner à la société tierce de virer les sommes sur leurs comptes PEL réactivés, qu’ils n’ont effectué aucune démarche avant février 2018, que les fonds, placés en support Nuance Plus entre janvier 2007 et février 2018, ont porté intérêts, que leur permettre de prétendre à ces intérêts ainsi qu’à ceux qu’ils auraient dû percevoir si les PEL n’avaient pas été clôturés aboutirait à un enrichissement sans cause, alors q’un seul et même placement ne peut produire intérêts sur plusieurs comptes de surcroît détenus dans deux sociétés parfaitement distinctes. Elle conclut en conséquence à l’infirmation du jugement en ce qu’il a dit que les intérêts qui auraient normalement dû courir depuis 2007 devaient être crédités sur les PEL concernés. Elle ajoute avoir rémunéré les PEL aux conditions de 2007 en 2019 et 2020 ainsi qu’elle en justifie.
Sur la demande de restitution de la somme de 123.210,04 euros correspondant aux intérêts indûment versés pour la période de 2007 à 2018 alors que les fonds n’étaient pas placés en PEL, la banque fait valoir que les intérêts versés sur les PEL sont disponibles une fois les comptes clôturés, conformément à la réglementation en vigueur en 2007 et actuelle, qu’ils sont la propriété à ce jour, sauf décision contraire, des consorts [W] et que l’objectif dans le cadre de la présente procédure est d’obtenir leur restitution avec intérêts au taux légal à compter du versement de février 2018, et ce qui permettra à la banque d’extourner des supports PEL les intérêts versés pour la période contestée de 2007 à 2018.
Elle sollicite enfin la condamnation des intimés à supporter, outre les frais irrépétibles et les dépens, une somme de 4.000 euros du fait de leur résistance abusive en l’absence de restitution spontanée malgré l’arrêt du 28 juin 2019 dont les termes sont particulièrement clairs.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 9 mai 2022, les consorts [W] demandent à la cour de :
– débouter la Caisse d’Epargne de ses demandes de condamnation à leur égard
– la condamner aux dépens ainsi qu’au paiement des sommes de 10.000 euros pour procédure et demandes abusives, de 10.000 euros pour résistance abusive et une indemnité de 4.000 euros à chacun d’eux au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils exposent que c’est de parfaite mauvaise foi que la Caisse d’Epargne sollicite la restitution de la somme de 123.210,04 euros majorée des intérêts au taux légal depuis février 2018 alors qu’aucune somme ne leur a été versée au titre des intérêts, conformément au fonctionnement normal d’un PEL prévoyant que les intérêts ne sont versés qu’à la clôture du PEL concomitamment avec la prime d’Etat et le capital versé initialement par l’épargnant. Ils précisent qu’il ressort clairement de la pièce n° 9 produite par la banque que les calculs des intérêts au cours d’un PEL ne sont que des lignes de compte dont le montant est en l’état incertain puisque calculé en fonction de la dernière situation fiscale connue, que l’appelante l’a admis dans ses conclusions du 30 septembre 2021, que le caractère fictif du calcul des intérêts est corroboré par la déclaration récapitulative des opérations sur valeurs mobilières et capitaux mobiliers opérée par la banque qui n’a aucunement déclaré les intérêts entre 2007 et 2017 auprès des services fiscaux ni versé les prélèvements sociaux correspondants, que cette constatation factuelle est corroborée par la réglementation qui la sous-tend, tant les conditions générales de la banque que les articles R. 315-31 et R. 315-25 du code de la construction et de l’habitation.
Les consorts [W] prétendent qu’en indiquant dans ses dernières conclusions que les intérêts sont versés sur les PEL, qu’ils sont disponibles dès la clôture des comptes et que son objectif est d’extourner des supports PEL les intérêts versés pour la période contestée de 2007 à 2018, la banque fait l’aveu judiciaire qu’ils n’ont pas encore perçu les intérêts litigieux, les PEL n’ayant pas été clôturés. Ils rappellent que l’arrêt de la cour d’appel de Colmar du 28 juin 2019 devenu définitif a déjà interprété le jugement du 30 octobre 2015 en ce qu’ils n’ont droit aux intérêts produits par les fonds en dépôt sur leurs PEL qu’à compter de la date à laquelle ils ont versé ces fonds sur les PEL, que rien n’empêche en conséquence la banque, en conséquence de cet arrêt qui emporte de plein droit obligation de restituer les sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement infirmé, d’extourner des supports PEL les intérêts versés pour la période contestée de 2007 à 2018.
Ils rappellent que la banque a été condamnée pour avoir manqué à son obligation d’information et de conseil à leur égard, qu’elle cherche à les calomnier, qu’elle a résisté à la remise en place des PEL et cherche à obtenir des intérêts sur une somme non versée et qu’elle doit être condamnée à leur verser des dommages et intérêts pour procédure et demandes injustifiées, ainsi que pour résistance abusive à l’exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar du 28 juin 2019.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 juin 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les intérêts des PEL
Selon l’article 626 du code de procédure civile, sur les points qu’elle atteint, la cassation replace les parties dans l’état où elles étaient se trouvaient avant l’arrêt cassé. L’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la cour de renvoi à l’exception des chefs non atteints par la cassation.
En l’espèce, la cour de renvoi doit uniquement statuer sur la disposition de l’arrêt du 17 décembre 2018 ayant confirmé le jugement du 17 janvier 2018 en ce qu’il a dit que les comptes PEL seront crédités des intérêts ayant normalement dû courir depuis le 16 janvier 2007 dans un délai d’un mois suivant l’effectivité des virements des capitaux et dit qu’à défaut de régularisation des intérêts, une astreinte de 3.000 euros par semaine entière de retard courra, à la charge de la caisse d’épargne et au profit des consorts [W].
Il ressort de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar du 28 juin 2019, définitif suite au rejet du pourvoi en cassation, que les consorts [W] n’ont droit aux intérêts produits par les fonds en dépôt sur leurs PEL qu’à compter de la date à laquelle ils ont reversé ces fonds sur les PEL et non à compter du 16 janvier 2007, de sorte que le jugement du 17 décembre 2018 doit être infirmé en ce qu’il a dit que les comptes PEL seront crédités des intérêts ayant normalement dû courir depuis le 16 janvier 2007 dans un délai d’un mois suivant l’effectivité des virements des capitaux, sous astreinte mise à la charge de la banque.
Il est observé que les consorts [W] ne forment devant la cour de renvoi aucune demande relative au versement des intérêts sur leurs PEL, se contentant de conclure au rejet des demandes de la banque.
Sur les demandes de la banque, il n’y a pas lieu de statuer sur celle tendant à ‘dire et juger que l’annulation de la clôture du PEL ne vaut que réintégration dans les droits afférents au PEL de l’époque, lequel n’est plus abondé de janvier 2007 à février 2018 de sorte qu’aucun intérêt n’a pu être produit’, puisque cette demande ne vise pas à la reconnaissance d’un droit mais à une constatation qui ne constitue pas une prétention au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile.
Sur la demande tendant à ‘dire que les clients ont le droit de percevoir les intérêts sur leurs PEL rouverts aux conditions de 2007 mais seulement à compter de la date de placement des fonds sur leurs PEL soit en l’espèce depuis février 2018 jusqu’au retrait des fonds’, il s’agit là encore d’une simple constatation et non d’une prétention, outre le fait que ce n’est que la reprise de la disposition de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Colmar le 28 juin 2019, ayant interprété le jugement du 30 octobre 2015 en ce sens que les consorts [W] n’ont droit aux intérêts produits par les fonds en dépôt sur leurs PEL qu’à compter de la date à laquelle ils ont reversé ces fonds sur leurs PEL. Il n’y a donc pas non plus lieu de statuer de ce chef.
Sur la demande de restitution des intérêts versés en février 2018 sur leurs PEL en exécution de la décision prononcée par le juge de l’exécution, soit la somme de 123.210,04 euros augmentée des intérêts au taux légal depuis février 2018, il est rappelé que le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de la Caisse d’Epargne.
Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive
Selon l’article 1236-1 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.
Il est rappelé que la résistance à une action en justice n’est constitutive d’une faute qu’en cas d’abus caractérisé ou intention de nuire.
Sur la demande de la banque, si la restitution des sommes indûment versées en vertu de l’exécution provisoire est de plein droit, la présente procédure a été introduite par les consorts [W] antérieurement à l’arrêt de la cour d’appel de Colmar du 28 juin 2019 et le premier juge a fait droit à leur demande, cette disposition n’ayant été remise en cause que par l’arrêt de la Cour de cassation. En conséquence, il convient de rejeter la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive en l’absence d’abus caractérisé ou intention de nuire qui ne sont pas démontrés en l’espèce.
Sur la demande des consorts [W], il est relevé que la demande de dommages et intérêts formée à l’encontre de la banque pour avoir résisté abusivement à leur demande tendant à la reconnaissance de leur droit aux intérêts produits par les fonds en dépôt sur leurs PEL, a été réservée par le juge de l’exécution de Strasbourg aux termes du jugement mixte du 17 janvier 2018 et a été finalement rejetée par l’arrêt de la cour d’appel de Colmar du 26 octobre 2020. Il n’est justifié d’aucun abus ou intention de nuire de la part de la banque pour ne pas avoir exécuté l’arrêt de la cour d’appel de Colmar du 28 juin 2019, de sorte que la demande d’indemnisation est rejetée.
Sur les dommages et intérêts pour demandes et procédure abusives
L’exercice d’une action ne dégénère en abus que s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s’il s’agit d’une erreur grave équipollente au dol, l’appréciation inexacte que l’une des parties fait de ses droits ne constituant pas une faute susceptible d’engager sa responsabilité à ce titre. Par ailleurs la simple affirmation du caractère abusif de la demande ne peut suppléer la nécessaire démonstration et justification du préjudice allégué.
En l’espèce, les consorts [W] ne justifient d’aucun abus de la part de la banque alors qu’elle n’a fait qu’user de son droit d’ester en justice sans que soit établie de sa part une intention de nuire. En conséquence ils doivent être déboutés de leurs demandes d’indemnisation.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il sera rappelé que l’instance devant la juridiction de renvoi est la poursuite de l’instance introduite par l’acte d’appel déposé devant la juridiction dont l’arrêt a été cassé. La juridiction de renvoi statue ainsi sur la charge des dépens exposés devant la juridiction de fond y compris ceux afférents à la décision cassée.
Etant rappelé que la cassation de l’arrêt du 17 décembre 2018 confirmant le jugement du 17 janvier 2018 n’est que partielle, tant les consorts [W] que la banque succombent en partie en leurs demandes de sorte qu’il n’y a pas lieu en équité de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Les dépens d’appel seront partagés par moitié.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal d’instance de Strasbourg le 10 janvier 2018 en ce qu’il a dit que les comptes PEL des consorts [W] seront crédités des intérêts ayant normalement dû courir depuis le 16 janvier 2007 dans le délai d’un mois suivant l’effectivité des virements des capitaux et qu’à défaut de régularisation des intérêts, une astreinte de 3.000 euros par semaine entière de retard courra à la charge de la caisse d’épargne et de prévoyance d’Alsace, au profit de M. [G] [W], Mme [L] [H] épouse [W], M. [E] [W] et Mme [F] [W], et statuant à nouveau,
CONSTATE que M. [G] [W], Mme [L] [H] épouse [W], M. [E] [W] et Mme [F] [W] ne forment aucune demande tendant à voir créditer des intérêts sur leurs PEL ;
DIT n’y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
DEBOUTE M. [G] [W], Mme [L] [H] épouse [W], M. [E] [W] et Mme [F] [W] de leurs demandes de dommages-intérêts et de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe de sa demande de dommages-intérêts et celle formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe d’une part, M. [G] [W], Mme [L] [H] épouse [W], M. [E] [W] et Mme [F] [W] d’autre part, à supporter la moitié des dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT