République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 25/05/2023
N° de MINUTE : 23/460
N° RG 22/02438 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UJCG
Jugement (N° 21/00021) rendu le 08 Avril 2022 par le Juge de l’exécution de Douai
APPELANTE
SCI La Taverne Société civile immobilière au capital de 7.500,00 €, immatriculée au RCS de Douai sous le numéro 518 429 733prise en la personne de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 11]
[Localité 10]
Représentée par Me Stéphanie Calot Foutry, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉES
Caisse Régionale de Crédit Agricole Nord de France société coopérative à capital et personnel variables, agréée en tant qu’établissement de Crédit, Société de Courtage d’assurance immatriculée au registre des Intermédiaires en Assurances (ORIAS) sous le numéro 07 019 406 RCS Lille 440 676 559 et régie par les Articles L 512-20 et suivants du Code Monétaire et Financier, prise en la personne de Madame [Y] [O] spécialement habilitée à l’effet des présentes par délégation de pouvoir du Conseil d’Administration en date du 8 janvier 2019.
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Valérie Biernacki avocat au barreau de Douai, avocat constitué
Trésorerie [Localité 10]
[Adresse 8]
[Localité 10]
Défaillante, à qui l’assignation à jour fixe a été délivrée le 13 février 2022 par acte remis à étude
DÉBATS à l’audience publique du 06 avril 2023 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Sylvie Collière, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié du 28 décembre 2009, la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France a consenti à la société la Taverne ayant pour gérant M. [K] [J] :
– un prêt ‘tout habitat facilimmo’ n° 99145773195 d’un montant de 385 000 euros au taux d’intérêt révisable de 3,50 % l’an remboursable en 240 mois après 6 mois de différé en vue de financer l’acquisition de l’immeuble situé à [Adresse 11] cadastré D n° [Cadastre 2] et [Adresse 11] cadastré D n°[Cadastre 3] et n° [Cadastre 4], pour une contenance totale de 4 ares 19 centiares .
– un prêt professionnel n° 99145786815 d’un montant de 130 000 euros au taux d’intérêt révisable de 3,96 % l’an, remboursable en 240 mois après 6 mois de différé.
Le remboursement de ces prêts était garanti par :
– pour le premier, le privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle portant sur l’immeuble susvisé, enregistrés à la conservation des hypothèques de Douai le 29 janvier 2010 sous la références Volume 2010 V n°193 ;
– pour le second, le privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle portant sur le même immeuble, enregistrés à la conservation des hypothèques de Douai le 29 janvier 2010 sous les références Volume 2010 V
n°194 ;
– pour les deux la caution solidaire de M. [J] qui avait souscrit une assurance couvrant les risques décès, perte totale et irréversible d’autonomie et incapacité temporaire totale auprès de la Caisse Nationale de Prévoyance (CNP).
Par courrier en date du 16 novembre 2020, la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France a informé la SCI la Taverne que, les prêts n’étant pas à jour de remboursement, malgré la mise en demeure qui lui avait été adressée le 21 juillet 2020, elle lui notifiait la déchéance du terme.
Par acte du 9 mars 2021, la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France, agissant en vertu de la copie exécutoire de l’acte notarié du 28 décembre 2009, a fait délivrer à la société la Taverne un commandement de payer valant saisie immobilière de l’immeuble situé [Adresse 11] portant sur une somme 276 496,11 euros, outre intérêts au taux de 2,25 % du 19 janvier 2021 jusqu’à parfait règlement au titre du prêt n°9145773195 et de 83 629,56 euros, outre intérêts au taux de 2,45 % du 19 janvier 2021 jusqu’à parfait règlement au titre du prêt n° 99145786815.
Ce commandement a été publié au service de la publicité foncière de Douai le 22 mars 2021 sous le numéro 5914P06 S00012.
Par acte du 7 mai 2021, la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France a fait assigner la société la Taverne à l’audience d’orientation devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Douai.
Elle a par ailleurs, le 11 mai 2021, fait dénoncer le commandement à la trésorerie d'[Localité 10], créancier inscrit, et l’a fait assigner à comparaître à l’audience d’orientation.
Par jugement réputé contradictoire du 8 avril 2022, le juge de l’exécution a :
-débouté la société la Taverne de sa demande relative à l’irrégularité du prononcé de la déchéance du terme ;
-débouté la société la Taverne de sa demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 9 mars 2021 ;
– débouté la société la Taverne de sa demande de mainlevée de la mesure de saisie immobilière ;
– constaté que le créancier poursuivant agit en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ;
– constaté que les conditions posées par les articles L. 311-2 et L. 311-6 du code des procédures civiles d’exécution sont réunies ;
– retenu la créance de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France à la somme de 255 459,93 euros pour le prêt n° 99145773195 outre les intérêts moratoires de 2 ,25 % à compter du 29 avril 2021 et 76 885,68 euros pour le prêt n° 99145786815 outre les intérêts moratoires de 2,45% à compter du 29 avril 2021, en vertu de l’article R. 322-18 du code des procédures civiles d’exécution ;
– autorisé la société la Taverne à s’acquitter de la dette dont elle est redevable envers la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France en 18 échéances à régler au plus tard le 10 de chaque mois qui suivra celui de la signification du jugement, les dix-sept premières échéances s’élevant à 3 400 euros et la dix-huitième et dernière devant correspondre au solde de la dette qui sera alors à actualiser en intérêts ;
– dit que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêts au taux légal non majoré ;
– rappelé que la procédure de saisie immobilière est suspendue pendant la durée des délais de paiement ci-dessus accordés ;
– ordonné le retrait du rôle de l’affaire et dit qu’elle sera réinscrite à l’initiative de la partie la plus diligente à l’issue des délais de paiement accordés ;
– dit qu’à défaut de règlement d’une seule échéance dans les termes et selon les conditions ci-dessus fixés, l’intégralité de la dette deviendra immédiatement exigible à l’égard de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France qui pourra saisir le juge de l’exécution par acte d’avocat aux fins de reprise de la procédure de saisie immobilière ;
– dit que mention de la présente décision sera portée en marge du commandement de payer valant saisie immobilière en date 9 mars 2021, ce conformément aux dispositions de l’article R. 321-22 du code des procédures civiles d’exécution ;
– réservé les dépens ;
– rappelé que le présent jugement est exécutoire de plein droit.
Ce jugement a été signifié à la SCI la Taverne le 4 mai 2022.
Par déclarations adressées par la voie électronique les 18 et 24 mai 2022, la société la Taverne a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il :
– l’a déboutée de sa demande relative à l’irrégularité du prononcé de la déchéance du terme ;
– l’a déboutée la société la Taverne de sa demande de mainlevée de la mesure de saisie immobilière ;
– a constaté que le créancier poursuivant agit en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ;
– a constaté que les conditions posées par les articles L. 311-2 et L. 311-6 du code des procédures civiles d’exécution sont réunies ;
– a retenu la créance de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France à la somme de 255 459,93 euros pour le prêt N° 99145773195 outre les intérêts moratoires de 2 ,25% à compter du 29 avril 2021 et 76 885,68 euros pour le prêt
n° 99145786815 outre les intérêts moratoires de 2,45% à compter du 29 avril 2021, en vertu de l’article R. 322-18 du code des procédures civiles d’exécution ;
– a autorisé la société la Taverne à s’acquitter de la dette dont elle est redevable envers la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France en 18 échéances à régler au plus tard le 10 de chaque mois qui suivra celui de la signification du présent jugement, les dix-sept premières échéances s’élevant à 3 400 euros et la dix-huitième et dernière devant correspondre au solde de la dette qui sera alors à actualiser en intérêts ;
– a dit que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêts au taux légal non majoré ;
– a rappelé que la procédure de saisie immobilière est suspendue pendant la durée des délais de paiement ci-dessus accordés ;
– ordonné le retrait du rôle de l’affaire et dit qu’elle sera réinscrite à l’initiative de la partie la plus diligente à l’issue des délais de paiement accordés ;
– a dit qu’à défaut de règlement d’une seule échéance dans les termes et selon les conditions ci-dessus fixés, l’intégralité de la dette deviendra immédiatement exigible envers la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France qui pourra saisir le juge de l’exécution par acte d’avocat aux fins de reprise de la procédure de saisie immobilière ;
– a dit que mention de la présente décision sera portée en marge du commandement de payer valant saisie immobilière en date 9 mars 2021, ce conformément aux dispositions de l’article R. 321-22 du code des procédures civiles d’exécution ;
– a réservé les dépens.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 31 mai 2022.
Après avoir été autorisée à assigner à jour fixe par ordonnance de la présidente de chambre du 31 mai 2022 sur la requête qu’elle avait présentée le 25 mai 2022, la SCI la Taverne a fait assigner par actes des 13 et 14 juin 2022, la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France et la trésorerie d’Orchies pour le jour fixé.
Par arrêt avant dire droit du 12 janvier 2023, la cour a ordonné la réouverture des débats à l’audience du 6 avril 2023 afin que :
– la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France produise le cas échéant la mise en demeure préalable à la déchéance du terme du prêt n° 99145773195 adressée à la SCI la Taverne;
– en l’absence de production d’un tel courrier, les parties concluent sur les conséquences à en tirer sur la régularité de la déchéance du terme du prêt n° 99145773195 prononcée le 16 novembre 2020 et sur la dette exigible au titre de ce prêt lors de la délivrance du commandement valant saisie immobilière du 9 mars 2021 ;
– la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France justifie avec précision des échéances qui ont été prises en charge par la compagnie d’assurances à hauteur de :
* 3 981,25 euros pour le prêt n° 99145773195 ;
* 1 758,10 euros pour le prêt n° 99145786815 ;
et réservé le surplus.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 2 avril 2023, la SCI la Taverne demande à la cour, sur le fondement des articles L. 117-7, L. 121-2, L. 311-2, R.321-1, R. 321-3 et R. 322-15 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, 1103, 1104, 1194 nouveaux, 1134 et 1135 anciens, 1152, 1324 et 1343-5 du code civil, L. 312-22 et R. 312-3 du code de la consommation, 654, 655, 693, 696, 700 du code de procédure civile, de :
A titre principal,
– infirmer le jugement du 8 avril 2022 en ce qu’il l’a déboutée de sa demande relative à l’irrégularité du prononcé de la déchéance du terme des deux emprunts litigieux et de sa demande de mainlevée de la saisie immobilière pratiquée par la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France ;
– évoquant l’affaire, juger que la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France ne justifie pas d’une créance liquide et exigible, faute d’avoir régulièrement rendu ses deux prêts exigibles, et/ou abusé de son droit de saisir l’immeuble lui appartenant et qu’elle a financé le 28 décembre 2009 ;
En conséquence,
– juger nulle et de nul effet la saisie pratiquée le 7 mai 2021 ;
– ordonner la radiation du commandement de payer valant saisie publié le 22 mars 2021 sous la référence 5914P06 S00012, et de toute publication faite à sa suite ;
– débouter la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes et la déclarer en particulier irrecevable, à tout le moins mal fondée, en son appel
incident ;
– condamner la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
– condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France aux entiers dépens de première instance et d’appel.
A titre subsidiaire,
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a réduit à 1 000 et 500 euros les montants des deux indemnités de rupture contractuelle et l’a autorisée à s’acquitter de la dette dont elle serait redevable envers la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France en 18 échéances à régler au plus tard le 10 de chaque mois, les 17 premières échéances s’élevant à 3 400 euros et la 18ème et dernière devant correspondre au solde de la dette qui sera alors à actualiser des intérêts, calculés au taux légal non majoré et également en ce qu’il a rappelé que la procédure de saisie immobilière est suspendue pendant la durée des délais de paiement ci-dessus accordés, ordonné le retrait du rôle de l’affaire, dit qu’elle sera réinscrite à l’initiative de la partie la plus diligente à l’issue des délais de paiement accordés, dit que mention de la présente décision sera portée en marge du commandement de payer valant saisie immobilière en date 9 mars 2021, ce conformément aux dispositions de l’article R. 321-22 du code des procédures civiles d’exécution et réservé les dépens.
A titre infiniment subsidiaire, et si par extraordinaire la cour devait infirmer totalement le jugement dont appel :
– orienter la procédure de saisie immobilière en vente amiable, le prix plancher du bien étant fixé dans ce cas à 650 000 euros,
– renvoyer l’affaire devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Douai pour être réinscrite à son rôle et la voir renvoyer à une prochaine audience (à 4 mois au maximum) afin de voir constater la signature d’un compromis.
Aux termes de ses conclusions du 4 avril 2023, la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France demande à la cour, sur le fondement des articles R. 322-4 et suivants, L. 311-1 à L. 311-8 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, 1103, 1104, 1194 du code civil et 690 du code de procédure civile,
de :
– confirmer le jugement du 8 avril 2022 en ce qu’il a :
* débouté la société la Taverne de sa demande relative à l’irrégularité du prononcé de la déchéance du terme,
* débouté la société la Taverne de sa demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 9 avril 2021,
* débouté la société la Taverne de sa demande de main levée de la mesure de saisie immobilière en constatant l’absence d’abus de droit,
* constaté que le créancier poursuivant agit en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance certaine liquide et exigible,
* constaté que les conditions posées par les articles L 311-2 et L 311-6 du code des procédures civiles d’exécution sont réunies,
En conséquence,
– juger régulière la déchéance du terme prononcée le 16 novembre 2020 concernant le prêt n°99145773195,
– juger qu’elle justifie d’une créance exigible et que la déchéance du terme prononcée le 16 novembre 2020 réitérée par acte d’huissier en date du 8 février 2021 est régulière,
– juger ne pas y avoir lieu à prononcer tant la nullité de la mise en demeure prononçant la déchéance du terme que la nullité du commandement de payer valant saisie délivré le 7 mars 2021,
– en toute hypothèse, juger réguliers le commandement de saisie immobilière délivré le 9 avril 2021 et la procédure de saisie immobilière engagée,
– la recevoir en son appel incident et y faisant droit, infirmer pour le surplus la décision rendue le 8 avril 2022 en ce que le juge de l’exécution a :
* retenu sa créance à la somme de 255 459,93 euros pour le prêt numéro 99 14 57 73 195, outre les intérêts moratoires de 2,25 % à compter du 29 avril 2021 et 76 885,68 euros pour le prêt numéro 99 14 57 86 815 outre les intérêts moratoires de 2,45 % à compter du 29 avril 2021 en vertu de l’article R 322-18 du code des procédures civiles d’exécution,
* autorisé la société la Taverne à s’acquitter de la dette dont elle est redevable envers elle en 18 échéances à régler au plus tard le 10 de chaque mois qui suivra celui de la signification du jugement, les 17 premières échéances s’élevant à 3 400 euros et la dix-huitième et dernière devant correspondre au solde de la dette qui sera alors actualisé des intérêts,
* dit que les sommes correspondantes aux échéances reportées porteront intérêt au taux légal majoré,
* rappelé que la procédure de saisie immobilière est suspendue pendant la durée des délais de paiement ci-dessus accordés,
* ordonné le retrait du rôle de l’affaire et dit qu’elle sera réinscrite à l’initiative de la partie la plus diligente à l’issue des délais de paiement accordés,
* dit qu’à défaut de règlement d’une seule mensualité à l’échéance dans les termes et selon les conditions ci-dessus fixées l’intégralité de la dette deviendra immédiatement exigible et qu’elle pourra saisir le juge de l’exécution par acte d’avocat aux fins de reprise de la procédure de saisie immobilière,
* dit que la mention de la décision sera portée en marge du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 9 mars 2021 et ce conformément aux dispositions de l’article R 321-22 du code des procédures civiles d’exécution,
Statuant à nouveau,
– juger ne pas y avoir lieu à réduction de la clause pénale ;
– fixer sa créance s’agissant du prêt numéro 99145773195 d’un montant initial de 385 000 euros à la somme de 262 022,81 euros outre les intérêts au taux moratoire de 2,25 % du 9 mars 2023, date du dernier décompte jusqu’à parfait règlement,
– fixer sa créance au titre du prêt numéro 99145786815 relatif au prêt d’un montant de 130 000 euros à la somme de 54 288,69 euros avec intérêt moratoires au taux de 2,45 % du 9 février 2023, date du dernier décompte jusqu’à parfait règlement,
– juger ne pas y avoir lieu à délai de paiement en application de l’article 1343-1 du code civil,
– ordonner la vente amiable de l’immeuble au prix plancher de 650 000 euros,
– juger ne pas y avoir lieu à suspension de la procédure de saisie immobilière,
– renvoyer l’affaire devant le juge de l’exécution des saisies immobilières du tribunal judiciaire de Douai pour être réinscrite à son rôle et la voir renvoyer à une prochaine audience (4 mois maximum afin de voir constater la signature d’un compromis),
Subsidiairement,
– ordonner la vente forcée des biens et droits immobiliers suivants : une maison à usage d’habitation et de commerce située à [Adresse 11] cadastrée D N° [Cadastre 2] : [Adresse 7] pour une contenance de 4 ares 19 centiares,
– conformément à l’article R. 322-26 du code des procédures civiles d’exécution, voir fixer dès à présent la date d’adjudication et la date de visite des biens et droits immobiliers saisis avec le concours de la SCP Bauvin Lemoine Bernard, huissiers de justice associés à Douai ou de tel autre huissier qu’il plaira à M. le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de désigner, lequel pourra se faire assister si besoin est de deux témoins, d’un serrurier et de la force publique,
– dire et juger qu’en cas d’application de l’article R. 322-21 du code des procédures civiles d’exécution, il sera fait application de l’ensemble des clauses du cahier des conditions de la vente,
– renvoyer le dossier devant le juge de l’exécution de Douai,
– dire que les dépens seront pris en frais privilégiés de vente,
– débouter la société la Taverne de toutes ses demandes fins et conclusions contraires aux présentes,
– condamner la société la Taverne au paiement d’une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La trésorerie d’Orchies, à qui les conclusions de la SCI la Taverne et de la caisse régionale de crédit agricole mutuel et la SCI la Taverne ont été signifiées par actes des 4 et 5 avril 2023, ne comparait pas.
MOTIFS
Sur l’existence d’une créance exigible :
Selon l’article L. 311-2 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par le présent livre et par les dispositions qui ne lui sont pas contraires du livre Ier.
– Sur la déchéance du terme du prêt immobilier n°99145773195 :
Si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier en l’absence de délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.
Dans son arrêt du 12 janvier 2023, la cour après avoir constaté que, si la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France versait aux débats un courrier de mise en demeure préalable à la déchéance du terme en date du 21 juillet 2020 relatif au prêt n°99145786815 de 130 000 euros, portant sur un arriéré de 3 662,49 euros, accordant à la SCI la Taverne un délai de quinze jours pour le régulariser et lui précisant qu’à défaut de régularisation la déchéance du terme serait appliquée, aucun courrier similaire n’était produit s’agissant du prêt n° 99145773195 d’un montant de 385 000 euros, a rouvert les débats.
La caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France indique que, lorsque la mise en demeure du 21 juillet 2020 a été adressée concernant le prêt n°99145786815, le prêt n°99145773195 ne présentait alors aucun retard de paiement en raison d’une pause contractuelle de six mois (effectivement prévue par les conditions générales du contrat – page 5 : ‘I.2 Options temporaires court terme’) et que la déchéance du terme du 16 novembre 2020 au titre des deux prêts est parfaitement régulière au regard des stipulations suivantes figurant dans le contrat de prêt n°99145786815 (conditions générales – page 7) :
‘Déchéance du terme :
Exigibilité du présent prêt
Le prêt deviendra de plein droit exigible, si bon semble à la banque, en capital, intérêts, frais et accessoires par la seule survenance de l’un quelconque des événements énoncés ci-dessous et dans les huit jours de la réception d’une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l’emprunteur par le prêteur.
(…)
– à défaut de paiement à bonne date par l’emprunteur d’une quelconque somme au prêteur au titre de ce présent prêt ou de tous autres contrats (‘).
Elle précise que c’est en raison de ces dispositions contractuelles que le prêt n°99145773195 est devenu exigible sans qu’il soit nécessaire pour elle d’adresser une mise en demeure préalable.
Or, ces stipulations figurant effectivement dans les conditions générales du prêt n°99145786815 qui concernent l’ ‘exigibilité du présent prêt’ permettent à la banque de provoquer la déchéance du terme du prêt n°99145786815 à défaut de paiement par l’emprunteur d’une quelconque somme au prêteur au titre de tous autres contrats mais pas de provoquer la déchéance du terme des autres contrats.
Elle ne peut donc, comme le relève justement la SCI la Taverne, être invoquée au soutien de la déchéance du terme du prêt n°9145773195.
Le Crédit agricole s’appuie aussi pour affirmer que la déchéance du terme du prêt n°99145773195 a été régulièrement prononcée sur les stipulations suivantes contenues dans les conditions générales du prêt n°99145786815 (page 8) :
‘Exigibilité des autres prêts
La survenance d’un des cas d’exigibilité ci-dessus mentionnés entraînera de plein droit l’exigibilité des prêts consentis tant antérieurement que postérieurement au présent prêt.’
Il en déduit que la déchéance du terme du prêt professionnel n°99145786815 pour défaut de paiement des échéances de ce prêt à bonne date était donc susceptible d’entraîner la déchéance du terme du prêt immobilier n° 99145773195, sans envoi d’une mise en demeure.
Or, force est de constater que le prêt n°99145773195 n’a pas été consenti ‘antérieurement’ ni ‘postérieurement’ au prêt n°99145786815, mais concomitamment dans le même acte du 28 décembre 2009 de sorte que les stipulations susvisées ne sont pas applicables.
En tout état de cause, la banque ne s’était pas prévalue de ces stipulations dans la mise en demeure adressée à la SCI la Taverne le 21 juillet 2020, se bornant à indiquer :
‘Nous sommes au regret de constater que vous n’avez pas procédé à la régularisation de votre situation à l’égard de notre établissement malgré nos différentes interventions.
En conséquence, nous vous mettons en demeure d’effectuer, dans un délai de 15 jours à réception de la présente et suivant un décompte provisoirement arrêté au 21 juillet 2020, le versement total de la somme de 4330,05 euros selon détail ci-après :
– Cav n°16521035708 présentant à ce jour un solde débiteur de 667,56 euros
– prêt immobilier n°991145786815 présentant à ce jour un retard de 3662,49 euros.
A défaut de régularisation de la somme indiquée ci-dessus dans le délai imparti, et conformément aux dispositions contractuelles :
– la déchéance du terme sera appliquée, sans aucun autre avis de notre part. Cela signifie que le solde de vos engagements en principal, intérêts, frais et accessoires deviendra immédiatement exigible.
– nous entreprendrons, sans nouvel avis de notre part, le recouvrement de notre créance par voie judiciaire.
– les assurances décès invalidité le cas échéant souscrites au titre des concours visés ci-dessus seront résiliées à défaut de paiement des cotisations avec toutes les conséquences que cela emporte.
– vous aurez à supporter l’indemnité forfaitaire, et, bien entendu, les frais élevés de la procédure.’
En particulier, les termes ‘cela signifie que le solde de vos engagements deviendra immédiatement en principal, intérêts et frais deviendra immédiatement exigible’ ne peuvent être interprétés comme manifestant sans équivoque l’intention du prêteur de se prévaloir de l’exigibilité anticipée, non seulement des engagements spécifiés dans la lettre, objets de la mise en demeure, à savoir le compte à vue présentant un solde débiteur de 667,56 euros et le prêt n°99145786815 présentant un retard de 3 662,49 euros, mais également du prêt n° 99145773195, alors qu’il convenait, si elle avait l’intention d’appliquer la clause ‘exigibilité des autres prêts’, que la banque indique clairement à la SCI la Taverne les conséquences qu’elle entendait tirer d’une absence de régularisation de l’arriéré dans le délai imparti, à savoir la déchéance du terme non seulement des concours visés mais également des autres prêts.
Force est de constater encore que dans le courrier de déchéance du terme du 16 novembre 2020, la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France ne se prévaut pas plus, pour faire jouer la déchéance du terme du prêt n° 99145773195, de la clause relative à l’ ‘exigibilité des autres prêts’ contenue dans l’offre de prêt n°99145786815, se bornant à indiquer que, malgré la mise en demeure du 21 juillet 2020, ces deux prêts ne sont pas à jour de remboursement et reproduisant la clause ‘déchéance du terme-exigibilité’ du prêt n°99145786815 (dont les termes ont été rappelés ci-dessus) et la clause d’exigibilité anticipée du prêt n° 99145773195 permettant au prêteur de ‘se prévaloir de l’exigibilité immédiate du présent prêt, en capital, intérêts et accessoires, sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire et après mise en demeure restée infructueuse pendant quinze jours’ : ‘en cas de défaillance dans le remboursement des sommes dues en vertu du prêt du présent financement’.
Il résulte ainsi de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France, une mise en demeure préalable à la déchéance du terme était donc nécessaire pour qu’elle puisse se prévaloir de la déchéance du terme du prêt immobilier n° 99145773195 de sorte qu’aucune mise en demeure préalable n’ayant été adressée, la déchéance du terme de ce prêt n°99145773195 est irrégulière.
– Sur la déchéance du terme du prêt professionnel n°99145786815
La SCI la Taverne fait valoir que la déchéance du terme serait irrégulière.
La SCI la Taverne reproche d’abord à la banque d’avoir prononcé la déchéance du terme alors que la lettre de mise en demeure du 21 juillet 2020 n’a jamais été portée à sa connaissance.
Or la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France justifie qu’elle a adressé ce courrier recommandé avec demande d’avis de réception à l’adresse du siège social de la SCI la Taverne, [Adresse 11], telle qu’elle figurait dans le contrat de prêt et telle qu’elle figurait toujours sur l’extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés que la banque a pris soin d’obtenir à la date même de son courrier de mise en demeure le 21 juillet 2020. La SCI la Taverne ne peut donc tirer argument de ce que ce courrier adressé à son siège social a été retourné au Crédit agricole avec la mention ‘destinataire inconnu à l’adresse’ alors qu’elle n’a procédé à aucune formalité au registre du commerce et des sociétés pour effectuer la modification de son siège social. Il sera d’ailleurs relevé que c’est toujours l’adresse [Adresse 11] qui figure sur les dernières conclusions de la SCI la Taverne comme étant celle de son siège social. La SCI la Taverne ne peut pas plus alléguer que le courrier qui lui était adressé était détourné par le locataire du local commercial se trouvant au rez-de-chaussée de l’immeuble [Adresse 11]. En effet d’une part, le détournement de courrier n’est pas établi ; d’autre part, à supposer même qu’il le soit, d’abord la mise en demeure du 21 juillet 2021 n’a pas été détournée puisque la Poste, constatant que le destinataire du courrier était ‘inconnu à l’adresse’, l’a purement et simplement retournée à l’expéditeur et en tout état de cause ce détournement n’est pas opposable à la banque.
La cour relève au surplus que la SCI la Taverne aurait pu avoir connaissance de ce qu’une mise en demeure lui avait été adressée le 21 juillet 2020 puisque le même jour, le Crédit agricole a adressé à sa caution, M. [J], qui se trouve être également le gérant de la SCI, un courrier afin de l’informer de l’arriéré du prêt et de le mettre en demeure de le régler sous quinzaine en qualité de caution solidaire, à défaut de quoi la déchéance du terme serait appliquée. Or, M. [J] n’a pas retiré, ni fait retirer par un mandataire s’il ne le pouvait pas lui-même, la lettre recommandée avec demande d’avis de réception qui a été présentée à son domicile le 22 juillet 2020, de sorte qu’elle a été retournée à la banque avec la mention ‘pli avisé et non réclamé’.
La SCI la Taverne soutient ensuite qu’elle n’a pas davantage eu connaissance du courrier de déchéance du terme du 16 novembre 2020 que la banque a adressé [Adresse 11]. Si ce courrier a été effectivement retourné à son expéditeur avec la mention ‘destinataire inconnu à l’adresse’, la cour relève, comme précédemment, qu’il ne peut être reproché au Crédit agricole d’avoir adressé le courrier de déchéance du terme à l’adresse du siège social de la SCI la Taverne qui figurait toujours sur l’extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés et que les allégations portant sur le détournement du courrier par le locataire sont inopérantes.
Les développements de la SCI la Taverne sur le fait que le courrier adressé le même jour à M. [J] en sa qualité de caution au [Adresse 5], aurait pu lui parvenir s’il avait été envoyé à d’autres adresses, à savoir [Adresse 6] sont sans intérêt sur la régularité du courrier de déchéance du terme adressé à la débitrice principale. En tout état de cause, force est de constater que le courrier adressé à M. [J], caution de la SCI la Taverne au [Adresse 5] a été retourné au Crédit agricole avec la mention ‘pli refusé par le destinataire’, ce qui établit que M. [J] était présent à cette adresse lors de la présentation du courrier qui aurait donc pu lui être remis sans difficulté et lui aurait permis d’être informé de la déchéance du terme du prêt consenti à la SCI la Taverne dont il était caution mais également gérant, s’il ne l’avait pas refusé. Rien ne démontre que l’arrêt pour maladie qu’il subissait, l’empêchait de prendre possession d’un courrier présenté à son domicile, alors au surplus que les préposés de la Poste avaient à cette époque des consignes de remise des courriers compatibles avec la situation sanitaire.
La SCI la Taverne reproche enfin à la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France d’avoir prononcé la déchéance du terme alors que le dossier médical de son gérant, M. [J] avait été reçu par cette dernière à peine un mois plus tôt le 19 octobre 2020 et qu’il fallait instruire la demande de prise en charge de la CNP assurances et attendre de connaître la décision de celle-ci avant de provoquer la déchéance du terme.
Or, alors que l’arrêt de travail de M. [J] a débuté le 14 juin 2020 et qu’au surplus, une période de franchise de 90 jours était clairement prévue au contrat d’assurance de sorte que, comme l’a d’ailleurs indiqué le Crédit agricole à M. [J] dans son courrier du 26 février 2021, la prise en charge des échéances ne pouvait être effective qu’à compter du 14 septembre 2020, les échéances du prêt étaient impayées depuis celle du 22 février 2020, soit bien avant le début de l’arrêt maladie de M. [J]. Il était donc manifeste que les échéances de février 2020 à août 2020 resteraient en tout état de cause à la charge de la SCI la Taverne, ce qui rendait légitime le prêteur, qui avait régulièrement adressé à la SCI la Taverne le 21 juillet 2020, au titre des échéances de février à juillet 2020, une mise en demeure restée infructueuse, à ne pas attendre la fin de l’instruction du dossier par l’assureur avant de prononcer la déchéance du terme.
Contrairement à ce qu’elle soutient, la SCI la Taverne ne peut, pour justifier le non-paiement de ses échéances de mars à juillet 2020, tirer utilement argument des dispositions de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.
Selon l’article 1er I de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020, les dispositions du titre Ier relatif aux dispositions générales sur la prorogation des délais sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus.
Selon l’article 4 de cette même ordonnance, les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er.
Si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.
Il résulte de ces règles appliquées aux prêts, d’une part qu’à défaut d’accord entre le prêteur et l’emprunteur sur un report de paiement, qui n’est pas démontré en l’espèce, les échéances du prêt devaient toujours être réglées à la date convenue, les dispositions susvisées n’organisant pas le report de l’exigibilité des échéances et d’autre part que, si l’emprunteur ne pouvait se voir opposer la déchéance du terme résultant d’une clause d’exigibilité anticipée pendant la période juridiquement protégée, soit entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, rien n’empêchait en revanche le prêteur, après le 23 juin 2020, de mettre en oeuvre la clause d’exigibilité anticipée prévue au contrat, pour les incidents de paiement survenus pendant la période protégée.
Ainsi, en l’espèce, il ne peut être reproché à la caisse régionale de crédit agricole mutuel d’avoir agi irrégulièrement et de manière précipitée, en adressant le 21 juillet 2020 à la SCI la Taverne une mise en demeure préalable à la déchéance du terme portant sur les échéances de février à juillet 2020, puis à défaut de régularisation de l’arriéré dans le délai imparti d’avoir prononcé la déchéance du terme.
La SCI la Taverne ne peut tirer aucun argument de la lettre qui lui a été adressée par la banque le 23 février 2021 pour lui adresser les nouvelles conditions de son contrat et le nouvel échéancier, ce courrier étant un courrier adressé de manière systématique en raison de la clause de révision annuelle du taux d’intérêt pour aviser l’emprunteur de la modification du taux et lui adresser le nouveau tableau d’amortissement en découlant, sans que la SCI la Taverne ait pu sérieusement en déduire que le Crédit agricole revenait sur la déchéance du terme prononcée. Le courrier du 26 février 2021 par lequel la banque a avisé la SCI la Taverne de la prise en charge des échéances des prêts à compter du 14 septembre 2020 ne peut davantage être interprété comme manifestant l’intention de la banque de revenir sur la déchéance du terme prononcée.
En définitive, si la déchéance du terme a été irrégulièrement prononcée s’agissant du prêt n°99145773195, tel n’est pas le cas s’agissant du prêt n°99145786815.
Ainsi, à la date du commandement valant saisie le 9 mars 2021 :
– s’agissant du prêt n° 99145773195, le capital restant dû n’était pas exigible, pas plus que l’indemnité de 7%. En revanche, même si l’on tient compte de ce que les échéances des 21 septembre et 21 octobre 2020, pour 1 750,22 euros chacune, et partie de l’échéance du 21 août 2021 avaient vocation à être prises en charge par l’assurance, partie de cette dernière échéance, concernée par la période de carence était exigible ;
– s’agissant du prêt n°99145786815, même si l’on tient compte de ce que les échéances des 22 septembre et 22 octobre 2020 et partie de l’échéance du 22 août 2020 avaient vocation à être prises en charge par l’assurance, et indépendamment même de l’indemnité de 7 % dont le caractère manifestement excessif sera examiné ci-dessous, les échéances impayées de février à juillet 2020, de 722,51 euros chacune, partie de l’échéance d’août 2020 ainsi que le capital restant dû à la date de la déchéance du terme (71 119,12 euros) étaient exigibles.
En conséquence, la SCI la Taverne ne peut se prévaloir de la nullité du commandement aux fins de saisie immobilière et de la saisie immobilière au motif que la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France ne disposerait d’aucune créance exigible en raison de l’irrégularité des déchéances du terme des deux prêts ou du seul prêt n° 99145773195, étant rappelé qu’il résulte de l’article R. 321-3 dernier alinéa du code des procédures civiles d’exécution que la nullité du commandement ‘n’est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles qui sont dues au créancier’, de sorte que même si les sommes mentionnées par le commandement du 9 mars 2021 sont supérieures au montant réel de la dette, le commandement demeure valable à concurrence de ce montant.
Sur l’abus de saisie :
Selon l’article L. 111-7 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance. L’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.
Selon l’article L. 121-2 du même code, le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d’abus de saisie.
La SCI la Taverne fait valoir que la mainlevée de la procédure de saisie immobilière se justifie, l’abus résidant ‘dans le fait de rendre brusquement exigibles deux emprunts très importants, sans s’être assuré au préalable qu’aucune issue amiable n’était envisageable, compte tenu des circonstances très particulières de la défaillance du client qui n’a eu de cesse de demander soit la remise en ligne des deux prêts par la banque, soit la prise en charge des remboursements par l’assureur.’
Il a été précisé plus haut que la déchéance du terme du prêt n°99145786815 dont la banque s’est prévalue le 16 novembre 2020 n’était pas irrégulière. Il a également été précisé qu’elle n’était pas précipitée puisque sept échéances (de février 2020 à août 2020) qui n’avaient pas vocation à être prises en charge par l’assurance (en partie au moins s’agissant de l’échéance d’août), et ne pouvaient bénéficier d’un quelconque report au titre des dispositions de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, restaient impayées de sorte que le prêteur n’avait pas à attendre la fin de l’examen du dossier par l’assureur et sa décision sur la prise en charge.
Par ailleurs, la SCI la Taverne ne peut reprocher au Crédit agricole d’avoir adressé à M. [J] le 21 octobre 2020 un courrier simple pour réclamer à ce dernier des pièces complémentaires à la suite de sa déclaration d’arrêt de travail transmise à la banque par lettre reçue par celle-ci le 19 octobre 2021, ce qui a retardé d’autant la décision de la CNP sur la prise en charge, puisqu’il n’a pas reçu ce courrier et n’a dès lors transmis les pièces complémentaires réclamées qu’en février 2021. En effet, d’une part les justificatifs réclamés devaient être adressés spontanément et au fur et à mesure de leur établissement par M. [J] conformément aux termes clairs du contrat d’assurance, d’autre part, rien n’obligeait le Crédit agricole à adresser sa lettre de demande de pièces complémentaires en recommandé avec accusé de réception, d’autant qu’elle avait pu constater que M. [J] ne réclamait pas les lettres adressées sous cette forme.
La cour relève encore que, quand le commandement aux fins de saisie a été délivré, le contrat d’assurance avait été résilié pour défaut de paiement des primes, après envoi d’une mise en demeure visant les dispositions de l’article L. 141-3 du code des assurances, de sorte qu’il était acquis qu’indépendamment même des justificatifs d’arrêt de travail fournis par M. [J], la SCI la Taverne ne pouvait plus prétendre à la prise en charge des échéances du prêt postérieures à la résiliation du contrat d’assurance.
Au surplus, les allégations de la SCI la Taverne sur la connaissance par le conseiller de son agence du Crédit agricole de la situation de santé de son gérant, depuis début juillet 2020 ne sont corroborées par aucune pièce.
Il convient encore d’ajouter que la SCI la Taverne ne démontre pas qu’une mesure d’exécution, autre qu’une mesure de saisie immobilière aurait pu être mise en oeuvre par la banque pour parvenir au règlement de sa créance alors qu’elle reconnaît qu’à l’époque de la délivrance du commandement, aucun des quatre logements, ni le local commercial, se trouvant dans l’immeuble situé [Adresse 11] n’étaient loués.
Enfin, même s’il sera indiqué plus bas que la créance de la SCI la Taverne peut à ce jour être fixée à ce jour à la somme de 51 413,03 euros au titre du solde du prêt n°99145786815, il reste que la SCI la Taverne ne démontre pas être en mesure de régler cette somme immédiatement, de sorte que le maintien par la banque de la mesure de saisie immobilière n’est pas abusif.
En conséquence, il n’y a pas lieu d’ordonner la mainlevée de la saisie immobilière pour abus de saisie.
Sur le montant actualisé de la créance :
La créance sera actualisée en tenant compte des règlements effectués dans le cadre des délais de paiement accordés, ainsi qu’il sera indiqué ci-dessous, de manière pertinente par le premier juge.
Au titre du prêt immobilier n°99145773195, il restait dû, au 29 avril 2021, date d’arrêté de compte devant le premier juge, après prise en charge par l’assurance de la somme de 3 981,25 euros le 30 mars 2021 au titre des échéances des 21 septembre et 21 octobre 2020 et de partie de l’échéance d’août 2020, la somme de 1 269,41 euros au titre de l’échéance d’août 2020 (la somme de 277,62 euros réglée par la CNP le 20 avril 2021 au titre de la période du 23 au 26 novembre 2020 est à imputer, en l’absence de déchéance du terme régulièrement prononcée sur les échéances postérieures à celles visées par le commandement du 9 mars 2021).
Sur le reliquat de 1 269,41 euros, les intérêts ont couru au taux contractuel de
2,25 % du 29 avril 2021, date d’arrêté de compte jusqu’au 8 avril 2022, date du jugement déféré puis, à compter de cette date et jusqu’au 7 décembre 2022, au taux légal non majoré conformément au jugement, de sorte qu’une somme de 33,47 euros s’est ajoutée au principal. Le tout a été entièrement réglé par le versement de 3 400 euros du 7 décembre 2022 effectué par la SCI la Taverne dans le cadre des délais de grâce octroyés par le jugement déféré, étant précisé qu’il est à la suite de ce versement, resté au crédit de la SCI la Taverne une somme de 2 097,12 euros qu’il conviendra d’imputer sur le prêt professionnel à la date du 7 décembre 2022.
S’agissant du prêt professionnel n°99145786815, le prêt a été consenti le 28 décembre 2009 pour une durée de 20 ans au taux de 3,96 % révisable et les échéances ont été réglées pendant plus de la moitié de la durée du prêt de sorte que le prêteur a d’ores et déjà bénéficié de sommes substantielles au titre des intérêts. Le préjudice subi du fait de l’exigibilité anticipée du prêt est limité et la somme de 5 433,52 euros réclamée au titre de l’indemnité de 7 % est ainsi manifestement excessive et a été justement réduite à 500 euros par le premier juge. La créance a donc été fixée à juste titre par le jugement déféré à 76 885,68 euros au 29 avril 2021 tenant compte des sommes réglées par l’assurance, soit :
– 76 114,25 euros au titre du principal
– 271,43 euros (148,16 + 123,27) au titre des intérêts au taux de 2,45 % arrêtés au 29 avril 2021
– 500 euros au titre de l’indemnité de 7 % réduite.
Les intérêts ont couru sur le principal au taux contractuel de 2,45 % du 29 avril 2021, date de l’arrêté de compte, jusqu’au 8 avril 2022, date du jugement déféré et, à partir de cette date, au taux légal non majoré. Ainsi qu’il résulte du décompte arrêté au 9 février 2023 produit par le Crédit agricole, La SCI la Taverne a fait, avant le premier versement de 3 400 euros effectué le 8 juin 2022 dans le mois suivant celui de la signification du jugement déféré, plusieurs règlements (355 euros le 8 novembre 2021, 355 euros le 7 décembre 2021, 651,45 euros le 13 décembre 2021, 355 euros le 6 janvier 2022 et 218 euros le 6 mai 2022) qu’il y a lieu d’imputer d’abord sur les intérêts et la clause pénale, puis sur le principal, de sorte qu’il restait dû au 8 juin 2022 une somme de 76 856,87 euros (soit 76 114,25 euros en principal et 742,62 euros au titre de la clause pénale et des intérêts échus).
La SCI la Taverne a effectué sept versements de 3 400 euros les 8 juin 2022, 11 juillet 2022, 30 août 2022, 12 septembre 2022, 20 octobre 2022, 8 novembre 2022 et 19 janvier 2023, auquel il faut ajouter le versement de 2 097,12 euros du 7 décembre 2022.
Après imputation de ces versements d’abord sur les intérêts et la clause pénale puis sur le principal, il reste dû au 9 février 2023, date du décompte arrêté par la banque, la somme de 51 352,17 euros en principal et de 60,86 euros au titre des intérêts au taux légal soit 51 413,03 euros au total.
Sur les délais de grâce :
En application des articles 510 du code de procédure civile et R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution a compétence pour accorder, après signification d’un commandement ou d’un acte de saisie, un délai de grâce.
Selon l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Il résulte des pièces produites que la SCI la Taverne perçoit désormais de manière régulière des loyers puisque les quatre appartements situés dans l’immeuble saisi sont loués depuis le 9 août 2021 pour un loyer de 650 euros chacun et que le local commercial situé dans ce même immeuble a été loué, quant à lui, avec l’accord du créancier poursuivant, à compter du 1er avril 2022 moyennant un loyer mensuel de 1 800 euros pendant douze mois et de 2 000 euros par la suite. La SCI la Taverne doit également supporter les impôts découlant de ces locations et les frais afférents à l’immeuble. C’est donc à juste titre que le premier juge, tenant compte des revenus mais aussi des charges de cette société, lui a accordé des délais de paiement à raison de versements mensuels de 3 400 euros pendant 17 mois et d’une 18ème mensualité correspondant au solde, en considérant qu’il était raisonnable d’envisager qu’à l’issue de ce délai, la SCI la Taverne serait à même d’avoir trouvé une solution de financement lui permettant le règlement du solde.
La cour relève que ces délais ont été respectés par la SCI la Taverne, ce qui démontre a posteriori le bien fondé de leur octroi. En outre, le montant résiduel de la créance de la banque au titre du seul prêt professionnel, soit 51 413,03 euros, s’il ne peut à ce jour être réglé par la SCI la Taverne immédiatement, permet la poursuite des délais de paiement selon les modalités mentionnées dans le jugement déféré, conformément à la demande subsidiaire de la SCI la Taverne. Le solde de la créance, d’environ 20 000 euros lors de l8ème et dernière mensualité permettra sans difficulté à la SCI la Taverne de trouver un financement pour la régler.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement déféré en ce qu’il a réservé les dépens.
Chacune des parties succombant en appel pour partie dans ses demandes, conservera la charge de ses dépens d’appel.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France la charge des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés devant la cour.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a :
– débouté la SCI la Taverne de sa demande relative à l’irrégularité du prononcé de la déchéance du terme du prêt immobilier n° 99145773195 ;
– retenu la créance de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France à la somme de 255 459,93 euros pour le prêt n° 99145773195, outre les intérêts moratoires de 2 ,25 % à compter du 29 avril 2021 et 76 885,68 euros, pour le prêt n° 99145786815 outre les intérêts moratoires de 2,45% à compter du 29 avril 2021;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Dit que la déchéance du terme du prêt immobilier n°99145773195 a été irrégulièrement prononcée ;
Fixe la créance de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France au titre du prêt n°99145786815 à la somme de 51 413,03 euros arrêtée au 9 février 2023, soit 51 352,17 euros en principal et 60,86 euros au titre des intérêts au taux légal non majoré arrêtés au 9 février 2023, outre intérêts postérieurs ;
Y ajoutant,
Déboute la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en appel ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d’appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Sylvie COLLIERE