Saisine du juge de l’exécution : 25 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/01487

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Saisine du juge de l’exécution : 25 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/01487

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 25/05/2023

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N° de MINUTE :

N° RG 22/01487 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UF6N

Ordonnance (N° 2021002642) rendue le 18 mars 2022 par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Valenciennes

APPELANTE

Le Comptable des Finances Publiques Responsable du Pôle de Recouvrement Spécialisé du Nord, dit PRS Nord, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 1]

[Adresse 3]

représentée par Me Benoît de Berny, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉES

SELAS MJS Partners représentée par Me [J] [S], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SAS Recyclean

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Patrick Houssière, avocat au barreau d’Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué

SAS Recyclean prise en la personne de son président M. [F] [I] (société en liquidation judiciaire)

représentée par Me Hervé Moras, avocat constitué, substitué par Me Julie Cambier, avocats au barreau de Valenciennes

assistée de Me Louis-Marie Absil, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 15 février 2023 tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Clotilde Vanhove, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 février 2023

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EXPOSE DU LITIGE

Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’encontre de la société par actions simplifiées Recyclean, par jugement du 12 mars 2012 ayant désigné M. [J] [S] en qualité de liquidateur. Le comptable des finances publiques responsable du pôle de recouvrement spécialisé du Nord (PRS Nord) a déclaré une créance privilégiée à hauteur de 9 211 167 euros. Le 2 mai 2013, le comptable a sollicité la conversion de la déclaration provisionnelle. Par ordonnance du 19 septembre 2013, le juge-commissaire a admis la créance définitive à hauteur de 5 474 645 euros. La société Recyclean ayant interjeté appel de cette dernière ordonnance, par arrêt du 21 janvier 2016, la cour d’appel a infirmé l’ordonnance et a constaté l’existence d’une instance en cours concernant cette créance contestée.

La juridiction administrative a statué sur cette même créance par un arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 4 juin 2020, qui a fait l’objet d’un pourvoi de l’administration, rejeté par un arrêt du Conseil d’État du 30 décembre 2020.

Par requête du 30 avril 2021, le comptable public responsable du PRS Nord a saisi à nouveau le juge commissaire d’une demande en admission définitive des créances contestées, pour un montant de 4 345 171 euros correspondant à celui retenu par la juridiction administrative aux termes des décisions déjà indiquées. Cependant, le comptable public a comparu devant le juge commissaire, sollicitant en définitive l’admission de sa créance résiduelle privilégiée et définitive à hauteur de 2 122 380 euros. La société Recyclean a fait valoir devant le juge commissaire que ses anciens dirigeants avaient déposé en leur nom une réclamation contentieuse.

C’est dans ces conditions que par ordonnance du 18 mars 2022, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Valenciennes a :

– sursis à statuer sur l’admission définitive des créances contestées dans l’attente de l’issue des procédures de réclamation actuellement pendantes,

– dit que la présente ordonnance sera notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception du greffier aux parties, par lettre simple au conseil et par remise par voie électronique sécurisée au mandataire de justice,

– ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure.

Par déclaration du 25 mars 2022, le comptable public des finances publiques responsables du pôle recouvrement spécialisé du Nord a interjeté appel de cette ordonnance, limitant ce recours en ce que le tribunal de commerce de Valenciennes a sursis à statuer sur l’admission définitive des créances contestées dans l’attente de l’issue des procédures de réclamation actuellement pendantes.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 30 septembre 2022, le comptable public demande à la cour de :

– infirmer l’ordonnance du juge commissaire du 18 mars 2022 en ce qu’elle rejette l’admission qu’il a requise,

– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle juge qu’une procédure fiscale et contentieuse est en cours concernant la société Recyclean.

– admettre la créance au passif de la société Recyclean à hauteur de la somme définitive et privilégiée de 2 122 380 euros,

– condamner la société Recyclean et son mandataire judiciaire ès qualités à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 janvier 2023, la société Recyclean demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance entreprise du 18 mars 2022 RG n°02021002642 en ce qu’elle rejette la demande d’inscription de la DGFIP,

– confirmer l’ordonnance entreprise du 18 mars 2022 RG n°02021002642 en ce qu’elle prononce un sursis à statuer,

En conséquence,

– rejeter la demande de la DGFIP tendant à obtenir l’admission au passif de la société Recyclean d’une créance prétendue de 2 122 380 euros à titre définitif et privilégié,

– surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure d’opposition à poursuite engagée par Mme [Y] [W] à l’encontre des impositions mises à la charge de la société Recyclean et dont le paiement est demandé à M. [F] [I] ainsi qu’à Mme [Y] [W],

– réserver les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 septembre 2022, signifiées à société Recyclean le 19 septembre 2022, la SELAS MJS Partners demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du juge commissaire Pantegnies en date du 18 mars 2022,

– débouter le comptable public de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– le condamner à lui payer ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Recyclean une indemnité procédurale justement de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le comptable public aux entiers dépens dont distraction au profit du conseil du concluant, en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 15 février 2023.

MOTIVATION

Aux termes de ses prétentions, le comptable public soutient que :

– si la dette a été contesté en 2016, le Conseil d’Etat s’est définitivement prononcé le 30 décembre 2020, la décision du juge des impôts s’imposant aux juridictions de l’ordre judiciaire,

– le juge-commissaire ne pouvait refuser d’inscrire la dette au passif de la société Recyclean sans méconnaître l’article 480 du code de procédure civile,

– les anciens gérants M. [F] [I], ancien président et Mme [Y] [W] ancienne présidente, ont été condamnés pénalement pour fraude fiscale et déclarés partiellement débiteurs solidaires de la société à l’égard du Trésor,

– en leur qualité de débiteurs solidaires, ils ont la faculté de faire valoir dans leur seul intérêt et sans pouvoir en faire bénéficier la société, des exceptions inhérentes à la dette ou purement personnelles,

– ils auraient déposé une réclamation contentieuse, or la société Recyclean ne peut s’associer à la réclamation contentieuse.

La société Recyclean fait valoir que :

– en date du 2 juin 2021, Mme [Y] [W] a déposé une réclamation contentieuse auprès de la DGFIP, aux termes desquelles elle conteste l’ensemble des impositions mises à la charge de la société Recyclean et dont le paiement lui est demandé en tant que débiteur solidaire,

– M. [F] [I] a, par la suite, également déposé une réclamation contentieuse,

– Mme [Y] [W] a également saisi le juge de l’exécution aux fins de voir prononcer la nullité du commandement valant saisie-vente,

– c’est dans ce contexte que le juge-commissaire a, par ordonnance du 18 mars 2022, sursis à statuer sur la demande d’inscription de la DGFIP,

– l’article L624-2 du code de commerce dispose : « Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission »,

– en l’espèce, la réclamation contentieuse introduite par Mme [W] a fait l’objet d’un dégrèvement intégral concernant la TVA et d’un rejet concernant l’impôt sur les sociétés en l’absence de décision définitive sur ce reliquat d’imposition,

– la DGFIP ne peut valablement solliciter l’admission à titre définitif de ses prétendues créances, ces dernières faisant l’objet d’une procédure de contestation, qu’il n’appartient pas au juge -commissaire de trancher.

Le liquidateur ès qualités fait valoir que :

– M. [F] [I], président de la société Recyclean ainsi que Mme [Y] [W], ancienne présidente de ladite société, ont déposé une réclamation contentieuse, contestant ainsi l’ensemble des impositions mises à la charge de la société Recyclean et dont le paiement leur a été réclamé en tant que débiteurs solidaires,

– les services fiscaux ont donc suspendu les mesures de recouvrement,

– le juge-commissaire a sursis à statué sur l’admission définitive des créances contestées, dans l’attente de l’issue des procédures de réclamation susvisées.

Sur ce,

Par arrêt du 21 janvier 2016, la cour d’appel de Douai a réformé une première ordonnance du juge commissaire à la liquidation de la société Recyclean relative à la présente créance fiscale, dont la déclaration par les services fiscaux le 26 avril 2012 avait été contestée, et a constaté l’existence d’une instance en cours devant la juridiction administrative.

Il résulte de l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 décembre 2020 que, le liquidateur de la société Recyclean ayant demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des majorations pour manoeuvres frauduleuses et pour manquement délibéré d’un montant de 961 599 euros dont avaient été assortis, d’une part les rappels de TVA mis à la charge de cette société au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011, et d’autre part, les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2011, l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 4 juin 2020 a, sur l’appel du liquidateur de la société Recyclean formé contre le jugement du tribunal administratif de Lille ayant rejeté la demande, prononcé la décharge, à concurrence de la somme de 874 395 euros, des majorations pour manoeuvres frauduleuses et pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de TVA mis à la charge de la société au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011, et a réformé en conséquence ledit jugement.

Il en résulte que les sommes ayant fait l’objet des avis de mise en recouvrement n°20130405041 et 20130405043 adressés à la société Recyclean en 2013 ont été maintenues, dans toute la mesure où elles n’ont pas été affectée par les décisions du juge administratif déjà mentionnées.

Par ailleurs, les anciens dirigeants de la société Recyclean, Mme [Z] et M. [I], ont été définitivement condamnés pour fraude fiscale et passation d’écritures comptables fictives ou inexactes pour la première et pour fraude fiscale pour le second, par la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Douai, aux termes d’un arrêt du 4 novembre 2019 qui a en outre, au titre de l’action civile de la DGFIP, déclaré ces personnes solidairement tenues au titre de leur période de gérance, avec la société Recyclean, redevable légal, au paiement des impôts fraudés et à celui des pénalités y afférentes.

Dans le cadre de la liquidation de ses obligations résultant de sa condamnation sur l’action civile accessoire à l’action pénale qui l’a faite condamner aux termes de la décision déjà mentionnée, Mme [Z] s’est vu accorder, sur sa réclamation, un dégrèvement au titre de la part de TVA qui avait été mise à sa charge par l’administration en exécution de la décision sur l’action civile accessoire à l’action pénale. Cependant, l’appréciation par l’administration, pour l’exécution de la décision pénale , de cette contribution à la dette en fonction des périodes de gérance des anciens dirigeants co-obligés, s’est faite sans modification de la créance fiscale sur la société et se trouve indifférente quant au montant de cette dernière. Il en va de même des sommes éventuellement acquittées par les anciens dirigeants au titre de la contribution à l’insuffisace d’actif ou de toute transaction sur ce point.

Il en va de même des conséquences éventuelle d’une réclamation qu’aurait faite M. [I] également dans le cadre de l’exécution de la décision sur l’action civile accessoire à l’action pénale au titre de laquelle il a été personnellemnt condamné.

Toute procédure en contestation devant le juge de l’exécution comme suite à ces mêmes condamnations des anciens dirigeants est également sans incidence sur la créance fiscale contre la société.

Par conséquent, la créance fiscale de la société ne fait plus l’objet d’aucune contestation, ainsi qu’il résulte des limites à la contestation initiale devant la juridiction administrative et de l’autorité de chose jugée qui s’impose en l’espèce à l’égard de la société, en présence de la triple identité de partie, de cause et d’objet, cette autorité de chose jugée s’étendant à l’ensemble des droits compris dans les avis de mise en recouvrement originaires de 2013, tels qu’ils ont été maintenus à l’issue du recours de la société devant la juridiction administrative.

En outre, le montant de la demande en admission de créance du comptable public n’excède pas les droits de l’administration découlant de la procédure d’établissement de l’assiette de l’impôt contrôlée par le juge administratif.

II ne peut donc pas être soutenu en l’espèce qu’une instance serait toujours en cours concernant la présente créance litigieuse.

Les contestations invoquées ne peuvent justifier de sursis à statuer.

L’ordonnance entreprise sera en conséquence réformée en ce qu’elle a, à tort, sursis à statuer.

Par conséquent, il sera fait droit à la demande en admission de créance du comptable public.

Les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure collective.

En équité, il ne sera pas alloué d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme l’ordonnance entreprise,

Dit n’y avoir lieu à sursis à statuer ;

Admet la créance au passif de la société Recyclean à hauteur de la somme définitive et privilégiée de 2 122 380,00 euros ;

Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective ;

Dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles

 


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