République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 25/05/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/06078 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T7QH
Ordonnance (N° 2021019828) rendue le 23 novembre 2021 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTE aux dossiers RG 21/6078 et 21/6121
INTIMEE au dossier RG 21/6094
SAS Hexagone Services France, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social, [Adresse 2]
représentée par Me Mélissa Debara, avocat constitué, substituée par Me Karen Rodriguez, avocats au barreau de Lille
assistée de Me Solange Ieva Guenoun, avocat au barreau de Meaux, avocat plaidant
INTIMÉS
Monsieur [F] [N], ès qualités d’ancien dirigeant de la SASU As Pro Bat [N], société placée en liquidation judiciaire
de nationalité française
demeurant [Adresse 4]
défaillant à qui la signification de la déclaration d’appel du 06 décembre 2021 et 07 décembre 2021, des conclusions d’appel, bordereau et pièces a été effectuée le 10 février 2022 à personne
Monsieur [T] [E], commissaire-priseur judiciaire
Demeurant [Adresse 1]
défaillant à qui la signification de conclusions a été faite le 21 mars 2022 à personne présente au domicile
SASU As Pro Bat Mendes – société placée en liquidation judiciaire –
SELARL MJ Valem associés, représentée par Me [V] [X], mandataire judciaire, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SASU As Pro Bat Mendes, fonctions auxquelles il a été désigné par jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 10 mai 2021
ayant son siège [Adresse 7]
SCP BTSG², mandataires judiciaires associés, représentée par Me Antoine Barti, venant aux droits de la SELARL MJ Valem représentée par Me [V] [X], agissant en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SASU As Pro Bat [N]
ayant son siège social, [Adresse 3]
INTERVENANTE VOLONTAIRE
représentées par Me Catherine Trognon-Lernon, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
assistées de Me Christian Lequint, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
INTIMEES aux dossiers RG 21/06078 et 21/6121
APPELANTES au dossier RG 21/06094
Société Liebherr Werk Biberach GmbH, prise en la personne de son représentant audit siège
ayant son siège social, [Adresse 6] (Allemagne)
SAS Liebherr Grues à Tour, prise en la personne de son représentant audit siège
ayant son siège social, [Adresse 8]
représentées par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistées de Me Vadim Hager, avocat au barreau de Colmar, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 14 mars 2023 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 février 2023
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Par jugement du 10 mai 2021 du tribunal de commerce de Lille Métropole, la société As pro bat [N] a été placée en liquidation judiciaire, la SELARL MJ Valem associés, prise en la personne de Maître [V] [X], ayant été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
La société Liebherr werk Biberach GmbH a dûment déclaré sa créance au passif de la société As pro bat [N].
Par requête en date du 2 novembre 2021, la SELARL MJ Valem associés agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SASU As pro bat [N], a demandé à être autorisée à vendre aux enchères publiques deux grues à tour, objet des contrats JR7059/20 et JR7088/20, conclus avec la société Liebherr werk Biberach par l’intermédiaire de son agent commercial, la SAS Liebherr grues à tour, matériels qui n’ont pas été revendiqués dans le délai.
Par ordonnance en date du 23 novembre 2021, le juge-commissaire chargé de la liquidation judiciaire de la SASU As pro bat [N] a notamment :
– ordonné la SELARL MJ VALEM ASSOCIES représentée par Maître [V] [X], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SASU AS PRO BAT MENDES, à faire vendre aux enchères publiques deux grues à tour LIEBHERR de configuration 85 EC-B 5 Fr.tronic avec radiocommande et 85EC-B 5 Fr.tronic avec radiocommande, objet des contrats de location JR7059/20 et JR7088/20 conclus avec la société LIEBHERR WERK BIBERACH dépendant de la liquidation judiciaire de la société débitrice par le ministère de Maître [T] [E], commissaire-priseur judiciaire, [Adresse 1]) ;
– dit que la nature et la valeur des biens ne nécessitent pas une autre publicité préalable à la vente que celle faite à la diligence de l’officier ministériel ci-dessus désigné.
Par déclaration en date du 6 décembre 2021, la SAS Hexagone services France a interjeté appel de la décision, intimant MM. [N] [F], [E] [T], la société Liebherr werk Biberach GmbH, la société Liebherr grues à tour, la SAS As pro bat [N], la SELARL MJ Valem associés, aux droits de laquelle est venue de la SCP BTSG².
Cet appel a été enregistré sous le numéro RG 21/6078.
Par déclaration en date du 6 décembre 2021, la société Liebherr werk Biberach GmbH et la société Liebherr grues à tour ont également interjeté appel de la même ordonnance du 23 novembre 2021, intimant la SAS As pro bat [N], et la SELARL MJ Valem, devenue la SCP BTSG², et reprenant dans leur acte d’appel l’ensemble des chefs de la décision précitée.
Cet appel a été enregistré sous le numéro RG 21/6094.
Par déclaration en date du 7 décembre 2021, la SAS Hexagone services France a interjeté appel de la décision, intimant MM. [N] [F], [E] [T], la société Liebherr werk Biberach GmbH, la société Liebherr grues à tour, la SAS As pro bat [N], la SELARL MJ Valem associés, aux droits de laquelle est venue de la SCP BTSG², et reprenant l’ensemble des chefs de la décision précitée dans son acte d’appel.
Cet appel a été enregistré sous le numéro RG 21/6121.
Par ordonnance du 21 avril 2022, le président du tribunal de commerce de Lille Métropole a désigné la société BTSG², mandataire judiciaire, prise en la personne de Me [C] en remplacement de la SELARL MJ Valem associés, prise en la personne de Me [X], en qualité de liquidateur de la société As pro bat [N].
MOYENS ET PRÉTENTIONS :
Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 24 mai 2022, la SAS Hexagone services France demande à la cour de :
« VOIR DECLARER recevable et bien fondée la SAS HEXAGONE en son appel à l’encontre de l’ordonnance rendue le 23 novembre 2021 par le Juge Commissaire à la liquidation judiciaire de la SESA AS PRO BAT MENDES du Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE,
Y faire droit,
VOIR INFIRMER ladite ordonnance en toutes ses dispositions,
Voir reconnaître la propriété des grues litigieuses comme appartenant à la SAS HEXAGONE,
JUGER que ces grues ne font pas partie du patrimoine du débiteur, et ne font pas partie de l’actif de la liquidation judiciaire
JUGER qu’il n’y avait pas lieu à revendication de la part de la SAS HEXAGONE
VOIR ORDONNER la restitution desdites grues à la SAS HEXAGONE,
CONDAMNER Maître [X], membre de la SELARL MJ VALEM ASSOCIES à payer à la société HEXAGONE une somme de 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour le comportement déloyal.
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour venait à confirmer l’ordonnance dont appel, CONSTATER que seule la grue à tour LIEBHERR de type 85 EC-B5FR.TRONIC avec radiocommande est visée par l’ordonnance du Juge Commissaire.
VOIR LIMITER dans ce cas la seule vente aux enchères de ladite grue.
VOIR DEBOUTER la SELARL MJ VALEM ASSOCIES de sa demande de rectification d’erreur matérielle, tout comme de sa demande tendant à obtenir une astreinte pour la restitution des grues.
VOIR DEBOUTER la SELARL MJ VALEM ASSOCIES de ses conclusions, fins et prétentions y compris de sa demande d’article 700 dirigée à l’encontre de la SAS HEXAGONE.
VOIR CONDAMNER Maître [X], membre de la SELARL MJ VALEM ASSOCIES à payer à la SAS HEXAGONE une somme de 3 000,00 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
VOIR DECLARER la décision à intervenir commune et opposable à toutes les parties intimées.
VOIR CONDAMNER Maître [X], membre la SELARL MJ VALEM ASSOCIES aux dépens de la procédure d’appel, lesquelles pourront être recouvrés par Me DEBARA conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. ».
La société Hexagone services France rappelle que :
– elle s’est vue céder l’ensemble du parc de grues et plus précisément l’activité location de grues à tour des régions Ile-de-France et Nord de la France de la société Liebherr werk biberach GmbH à compter du 1er avril 2021 ;
– dans cette cession se trouvent intégrés les contrats JR 7059/20 et JR 7088/20 ;
– suite à la liquidation judiciaire de la SASU As pro bat [N], la location de la grue sur le chantier de Wazemmes (110 EC-B 6 Fr.Tronic) a été transférée à la nouvelle entreprise en charge du gros oeuvre sur ledit chantier, à savoir la société Dujardin, et ce dès le 8 juin 2021 par la société Liebherr ;
– quant à la grue 85 EC-B Tronic sise sur le chantier [Localité 5], sa location a été transférée à la nouvelle société en charge du lot gros oeuvre, la société MCN, selon contrat en date du 22 novembre 2021, une délégation de paiement ayant même été signée pour ce contrat par l’entreprise de gros oeuvre, le loueur et le maître de l’ouvrage ;
– elle s’était rapprochée du mandataire liquidateur pour l’informer des cessions intervenues avec la société Liebherr et du fait qu’elle était propriétaire des grues depuis le 1er septembre 2021.
La société Hexagone estime que :
– il n’y avait pas lieu à revendication, son droit de propriété étant certain à raison de ces trois éléments, à l’absence des biens dans les locaux, l’existence même des contrats de location, valant ainsi reconnaissance de son droit de propriété, l’affectation de la grue à un chantier précis, un lieu précis et non à la personne du débiteur ;
– le bien ne se trouvait pas dans les locaux du débiteur ou chez un tiers qui l’entreposait pour son compte, puisque le chantier abandonné avait été repris pour le lot gros ‘uvre par une entreprise tierce, la société As pro bat [N] n’y ayant plus accès ;
– le mandataire s’est comporté comme si le propriétaire des biens était inconnu alors même qu’il avait connaissance des contrats de location et que le propriétaire avait résolu les contrats de location.
Elle conclut à l’abus de droit de la SELARL MJ Valem, laquelle a procédé à la vente d’un matériel qui ne se trouvait pas dans le patrimoine du débiteur et qu’elle savait ne pas appartenir à la société liquidée. Le liquidateur a engagé sa responsabilité professionnelle. Le liquidateur s’est bien gardé de « signaler ses intentions à la société Liebherr si ce n’est après l’expiration du délai de revendication, ce qui constitue pour un professionnel averti un acte volontaire de nuire au créancier ».
Si la cour devait estimer que son droit de propriété revendiqué est inopposable à la procédure collective et venait à confirmer l’ordonnance du juge-commissaire, il y aura lieu de limiter la vente aux enchères uniquement à la grue à tour Liebherr de type 85 EC-B5FR.Tronic avec radiocommande située sur le chantier du [Localité 5].
La grue de type 110 EC-B sise à Wazemmes n’est pas correctement mentionnée dans l’ordonnance.
Elle attire l’attention de la cour sur l’insécurité juridique qui pourrait être engendrée par la confirmation de l’ordonnance du juge-commissaire puisqu’il serait procédé à la vente d’un bien lui appartenant, et sur lequel elle conserve son droit de propriété, ce qui lui permettra de revendiquer judiciairement la restitution de son bien entre les mains de tout futur acquéreur.
Elle s’oppose à toute demande de restitution, toute condamnation sous astreinte et toute obligation qui lui serait imposée de livrer les biens au liquidateur, alors qu’elle se trouve être dépossédée illégitimement de ses derniers.
Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 6 juillet 2022, la société Liebherr grues à tour et la société Libeherr werk Biberach GmbH demandent à la cour de :
« DÉCLARER l’appel principal de la société HEXAGONE SERVICES recevable et bien fondé
DÉCLARER l’appel incident de la société LIEBHERR WERK BIBERACH GmbH et de la société LIEBHERR GRUES A TOUR recevable
A TITRE PRINCIPAL :
ANNULER l’ordonnance du 23 novembre 2021 du Juge commissaire du Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE en ce qu’elle a ordonné à la SELARL MJ VALEM ASSOCIES représentée par Maître [X], ès qualité de liquidateur de la société AS PRO BAT MENDES à faire vendre aux enchères publiques deux grues LIEBHERR de configuration 85 EC-B5FR.TRONIC,
STATUANT À NOUVEAU
REJETER la requête de la SELARL MJ VALEM ASSOCIES présentée par Maître [X] en ce qu’elle sollicite l’autorisation de vente aux enchères de grues à tours de configuration 85 EC ‘ B5FR.TRONIC et de configuration 110 EC ‘ B6FR.TRONIC
CONDAMNER la SELARL MJ VALEM ASSOCIES représentée par Maître [X] à payer à la société LIEBHERR WERK BIBERACH GmbH et à la société LIEBHERR GRUES A TOUR une somme de 5 000,00 € chacune à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal et abusif
A TITRE SUBSIDIAIRE :
REFORMER l’ordonnance du 23 novembre 2021 du Juge commissaire du Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE en ce qu’elle
– ordonne à la SELARL MJ VALEM ASSOCIES représentée par Maître [X] ès qualité de liquidateur de la société AS PRO BAT MENDES à faire vendre aux enchères publiques deux grues à tour LIEBHERR de configuration 85 EC-B5FR.TRONIC, objet des contrats de location JR 7059/20 et JR 7088/20 conclus avec la société LIEBHERR WERK BIBERACH GmbH dépendant de la liquidation judiciaire de la société débitrice par le ministère de Maître [T] [E], commissaire-priseur judiciaire
– dit que la nature et la valeur des biens ne nécessitent pas une autre publicité préalable à la vente que celle faite à la diligence de l’Officier ministériel ci-dessus désigné
STATUANT À NOUVEAU
REJETER la requête de la SELARL MJ VALEM ASSOCIES représentée par Maître [X] ès qualité de liquidateur de la société AS PRO BAT MENDES en ce qu’elle sollicite l’autorisation de vente aux enchères publiques de deux grues à tour LIEBHERR de configuration 85 EC ‘ B5FR.TRONIC et de configuration 110 EC’ B6FR.TRONIC, objet des contrats de location JR 7059/20 et JR 7088/20 conclus avec la société LIEBHERR WERK BIBERACH GmbH
CONDAMNER la SELARL MJ VALEM ASSOCIES représentée par Maître [X] ès qualité de liquidateur de la société AS PRO BAT MENDES, à payer à la société LIEBHERR WERK BIBERACH GmbH et à la société LIEBHERR GRUES A TOUR une somme de 5.000,00 € chacune à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal et abusif
SUR L’APPEL INCIDENT FORME PAR LA SCP BTSG² :
DECLARER l’appel incident formé par la SCP BTSG², pris en la personne de Maître [W] [C], venant aux droits de la SELARL MJ VALEM ASSOCIES, représentée par Maître [V] [X], agissant en qualité de liquidateur de la société AS PRO BAT MENDES, irrecevable, et en tous les cas mal fondé
REJETER l’appel incident de la SCP BTSG², pris en la personne de Maître [W] [C], venant aux droits de la SELARL MJ VALEM ASSOCIES, représentée par Maître [V] [X], agissant en qualité de liquidateur de la société AS PRO BAT MENDES,
EN TOUT DE CAUSE :
REJETER la demande de la SCP BTSG², représentée par Maître [W] [C], venant aux droits de la SELARL MJ VALEM ASSOCIES, en qualité de liquidateur de la société AS PRO BAT MENDES, au titre d’une rectification d’erreur matérielle au sein de l’ordonnance du 23 novembre 2021 du Juge commissaire du Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE
CONDAMNER la SCP BTSG², représentée par Maître [W] [C], venant aux droits de la SELARL MJ VALEM ASSOCIES représentée par Maître [X] ès qualité de liquidateur de la société AS PRO BAT MENDES en tous les dépens, ainsi qu’à un montant de 3 000,00 € par application de l’article 700 du CPC ».
Les sociétés Liebherr soutiennent qu’il n’existe aucune difficulté concernant les contrats de location signés par la société As pro bat [N], pour avoir fait l’objet d’un courrier adressé au liquidateur rappelant que lesdits contrats étaient résiliés de plein droit après mise en demeure de prendre partie sur leur poursuite, restée plus d’un mois sans réponse. Me [X] a répondu à ce courrier le 2 novembre 2021 en indiquant que les contrats de location des deux grues à tour pouvaient être résiliés.
Elles soulignent toutefois qu’étonnamment dans ce courrier, le liquidateur indique expressément que le droit de propriété lui serait inopposable. Les deux grues ne sont pourtant pas en nature dans le patrimoine de l’entreprise.
Elles concluent à la recevabilité des appels principaux et incidents, soulignant que le recours est ouvert aux personnes dont les droits et obligations sont affectés par la décision.
L’appel incident est recevable comme formé dans le délai de trois mois de l’article 909 du code de procédure civile. Ayant été propriétaires des deux grues à tour, et les ayant cédées, en sollicitant la résiliation des contrats de location en cours, la société Liebherr grues à tour et la société Libeherr werk Biberach GmbH, en sa qualité d’agent commercial, s’estiment être parfaitement recevables à interjeter appel incident de l’ordonnance critiquée.
Elles soulignent qu’elles se sont vues notifier l’ordonnance et que la question posée ne concerne pas une revendication, qui serait limitée au propriétaire de la chose, cette notification étant intervenue puisque la décision rendue et contestée dans le cadre de cette procédure d’appel est susceptible d’affecter leurs droits et obligations. Leurs droits sont affectés puisque les grues ont fait l’objet de nouveaux contrats de location, voire de contrats de vente. Elles ont intérêt et qualité à agir pour sauvegarder leurs droits dans le cadre de la cession des grues intervenue avec la société Hexagone.
Elles concluent à l’annulation de l’ordonnance. Aucun débat contradictoire n’a eu lieu, alors que le liquidateur était informé de contestations et qu’il a préféré ne pas en informer le juge-commissaire. L’absence de débat contradictoire rend parfaitement valable et bien fondé l’appel-annulation formé par l’appel incident. L’ordonnance n’est en outre pas du tout motivée.
Elles précisent que les moyens donnés par le liquidateur au soutien de sa requête sont sans emport, puisque les deux grues ne sont pas dans le patrimoine apparent de la société As pro bat [N]. Elles contestent l’affirmation selon laquelle elles auraient dû procéder à une revendication. Les deux grues ne font d’ailleurs l’objet d’aucune description dans l’inventaire et ne font pas partie du patrimoine en nature au sein de l’entreprise.
À titre subsidiaire, elles sollicitent la réformation de l’ordonnance puisqu’il n’existe aucune équivoque sur la propriété du matériel.
Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 20 mai 2022, la société BTSG², prise en la personne de Me [C], venant aux droits de la société MJ Valem associés, prise en la personne de Me [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la SASU As pro bat [N], demande à la cour de :
« Vu l’article 334 du Code de Procédure Civile,
Vu l’ordonnance de remplacement en date du 21 avril 2022,
– Admettre l’intervention volontaire de la SCP BTSG², représentée par Maître [W] [C], comme venant aux droits de la SELARL MJ VALEM ASSOCIES, représentée par Maître [V] [X], et, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SASU AS PRO BAT MENDES,
Statuant sur l’appel principal de la société HEXAGONE SERVICES FRANCE :
Vu les articles L624-9 et L624-16 du Code de Commerce ;
Vu la jurisprudence ;
– Débouter la société HEXAGONE SERVICES FRANCE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Confirmer l’ordonnance rendue le 23 novembre 2021 par le Juge Commissaire à la liquidation judiciaire de la SASU AS PRO BAT MENDES ordonnant la vente aux enchères publiques des deux grues à tour LIEBHERR par le ministère de Maître [T] [E], commissaire-priseur ;
Statuant sur l’appel incident de la concluante :
Vu l’article 462 du Code de Procédure Civile ;
– Rectifier l’ordonnance rendue le 23 novembre 2021 comme suit :
« ‘ Ordonnons à la SCP BTSG², représentée par Maître [W] [C], venant aux droits de la SELARL MJ VALEM ASSOCIES, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SASU AS PRO BAT MENDES, de faire vendre aux enchères publiques deux grues à tour LIEBHERR de configuration 85 EC-B 5 Fr.tronic avec radiocommande et 110 EC-B 6 Fr.tronic, objet des contrats de location JR7059/20 et JR7088/20 conclus avec la société LIEBHERR WERK BIBERACH dépendant de la liquidation judiciaire de la société débitrice par le ministère de Maître [T] [E], Commissaire-priseur judiciaire, [Adresse 1]’ »
Vu les articles L624-9 et L624-16 du Code de Commerce ;
Vu les articles L131-1 et R131-1 et suivants du Code des Procédures Civiles d’Exécution ; – Condamner la SAS HEXAGONE SERVICES FRANCE à restituer la grue à tour LIEBHERR 110 EC-B 6 FR.TRONIC objet du contrat de location JR7088/20, et la grue à tour LIEBHERR 85 EC-B 5 FR.TRONIC objet du contrat de location JR7059/20 en sa possession, entre les mains de Maître [T] [E], commissaire-priseur, [Adresse 1], et ce sous astreinte provisoire de 200 € par grue et par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir pendant un délai de 15 jours, puis, passé ce délai, sous astreinte définitive de 200 € par grue et par jour de retard ;
– Se réserver le droit de liquider l’astreinte ainsi prononcée ;
Statuant sur l’appel incident des sociétés LIEBHERR WERK BIBERACH GMBH et LIEBHERR GRUES A TOUR :
– Les débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
– Confirmer l’ordonnance rendue le 23 novembre 2021 ;
En tout état de cause :
– Déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable à toutes les parties ;
– Condamner la société HEXAGONE SERVICES FRANCE, de première part, la société LIEBHERR WERK BIBERACH GMBH de seconde part, la société LIEBHERR GRUES ATOUR de troisième part, chacune à payer à la SCP BTSG², représentée par Maître [W] [C], comme venant aux droits de la SELARL MJ VALEM ASSOCIES, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SASU AS PRO BAT MENDES, la somme de 4 000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– Les condamner aux entiers dépens, dont recouvrement au profit de Maître Catherine TROGNON-LERNON, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile. »
La société BTSG² revient sur les conditions de l’action en revendication, et souligne qu’il lui appartient en l’absence de revendication dans les délais, de vendre le bien, puisque le droit de propriété est devenu inopposable à la procédure collective et le bien est entré dans le gage commun des créanciers.
Le liquidateur rappelle que le sort des contrats en cours relève de ses seules prérogatives et que le transfert de la location, comme résiliée par le propriétaire, est inopposable à la procédure collective.
Sur l’appel incident, le liquidateur précise que l’erreur affectant la dénomination des biens pourra parfaitement être réparée dans le cadre de la saisine générale de la cour et l’appel incident formé par le liquidateur. Une astreinte pour assurer la livraison des biens est indispensable, l’exploitation puis le transfert des deux grues apparaissant parfaitement illégitimes et abusifs.
Sur l’appel incident des sociétés Liebherr, le liquidateur revient sur le caractère infondé des reproches formulés à l’encontre de la manière dont a été gérée la procédure de reprise des biens par ses soins. Les critiques de la décision sont tout autant injustifiées, puisque cette dernière renvoie à la requête qui est motivée.
La signification de la déclaration d’appel et des conclusions a été faite par la société Hexagone services France à M. [N] le 10 février 2022, à M. [E] le 11 février 2022, à la société MJ Valem, ès qualités, le 9 février 2022.
Les sociétés Liebherr ont signifié leurs conclusions à M. [E] et à M. [N] le 21 mars 2022.
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L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023.
À l’audience du 14 mars 2023, le dossier a été mis en délibéré au 25 mai 2023.
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Par note en délibéré, la cour a invité les parties à présenter leur observation sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts présentée par la société Hexagone services France à l’encontre de Me [X] à titre personnel.
Par message RPVA en date du 5 mai 2023, la SAS Liebherr tours à grue et la société Liebherr werk Biberach GmbH ont indiqué ne pas avoir d’observation à formuler, n’étant pas concernée par l’irrecevabilité.
MOTIVATION
– Sur la jonction :
Aux termes des dispositions de l’article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tels qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
Il peut également ordonner la disjonction d’une instance en plusieurs.
L’article 368 du code de procédure civile précise que les décisions de jonction et de disjonction d’instance sont des mesures d’administration judiciaire, l’opportunité de cette mesure étant appréciée souverainement par la juridiction.
En l’espèce, la cour d’appel de Douai est saisie de deux appels émanant de la société SAS Hexagone services France (RG 21-6121 et RG 21-6078), et d’un appel de la société Liebherr werk Biberach GmbH et la société Liebherr grues à tour (RG 21-6094), à l’encontre d’une même ordonnance du juge commissaire chargé de la procédure collective de la société As pro bat [N] en date du 23 novembre 2011.
Au vu du lien indéniable existant entre les différentes procédures litigieuses, lesquelles concernent un même litige, il y a lieu de prononcer la jonction des procédures enregistrées sous les n° RG 21-6121 et 21-6094 avec celle enregistrée sous le n° RG 21-6078.
– Sur les questions de recevabilité :
En vertu des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
1) de l’intervention volontaire de la société BTSG²
La société BTSG², mandataire judiciaire, prise en la personne de Me [C] désignée en remplacement de la SELARL MJ Valem associés, prise en la personne de Me [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la société As pro bat [N], par ordonnance du 21 avril 2022 par le président du tribunal de commerce de Lille Métropole, ne peut qu’être accueillie en son intervention volontaire à la présente procédure.
2) de l’appel incident de la société Liebherr grues à tour et Lienherr werk Biberach GmbH
L’appel incident des sociétés Liebherr grues à tour et Liebherr werk Biberach GmbH porte sur une ordonnance de réalisation d’actifs mobiliers sur le fondement de l’article L 642-19 du code de commerce, lequel prévoit que le recours ouvert aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés par ces décisions est formé devant la cour d’appel, dans les dix jours de leur communication ou notification.
Si le seul fait que la décision ait été notifiée aux sociétés Liebherr grues à tour et Liebherr werk Biberach GmbH n’est pas suffisant à les constituer partie ou personne dont les droits et obligations sont affectés par la décision, il n’en demeure pas mois en l’espèce, qu’au vu de la date de cession intervenue entre elles-mêmes et la société Hexagone services France, du déroulé de la procédure et de la qualité de propriétaire originel de la société Liebherr Werk Biberach GmbH, ayant donné en location par l’intermédiaire de la société Liebherr grues à tour lesdits biens, notamment lors de la période ouverte pour revendiquer, elles disposent d’un intérêt à contester la décision intervenue qui a autorisé la cession des biens dont elles étaient propriétaires comme s’il s’était agi d’un bien appartenant au débiteur, et sont susceptibles de voir leurs droits et obligations affectés par la décision, avec des répercussions notables dans leurs relations notamment avec la société Hexagone services France.
Aucune irrecevabilité n’est par ailleurs opposée à l’appel principal formé par la société Hexagone services France.
En conséquence, la recevabilité du recours des sociétés Liebherr grues à tour et Liebherr werk Biberach GmbH ne saurait être remise en cause.
3) de l’appel incident de la société BTSG²
Si, aux termes de leur dispositif, les sociétés Liebherr grues à tour et Liebherr werk Biberach GmbH sollicitent que l’appel incident de la société BTSG² soit déclaré irrecevable, aucun moyen n’est développé au soutien d’une quelconque fin de non-recevoir dans le corps de leurs écritures.
Il sera juste rappelé que si un appel principal ne saurait être formé dans le seul but d’obtenir une rectification d’erreur matérielle, tel n’est pas le cas d’un appel incident, se greffant sur un appel principal recevable, et visant à obtenir la rectification d’une erreur matérielle, sous réserve qu’une telle erreur affecte bien la décision querellée.
L’irrecevabilité de l’appel incident de la société BTSG², sollicitée par les sociétés Liebherr grues à tour et Liebherr werk Biberach GmbH, ne peut qu’être rejetée.
4) de la demande dommages et intérêts présentée à l’encontre de Me [X] :
L’article 31 du code de procédure civile dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Au préalable, malgré la régularisation d’écritures en date du 24 mai 2022, la société Hexagone services France n’a pas tenu compte du remplacement du liquidateur par ordonnance du 21 avril 2022 et de l’intervention de la société SCP BTSG² venant aux droits de la société MJ Valem associés.
L’en-tête de ses écritures se réfère toujours à la société MJ Valem associés, prise en la personne de Me [X], présent au litige en sa qualité de liquidateur, comme indiqué expressément, nul ne contestant que Me [X] n’est ni présent ni appelé personnellement au litige.
Pourtant, la société Hexagone services France, qui sollicite l’infirmation de la décision en toutes ses dispositions, demande en outre la condamnation de « Me [X], membre de la SELARL MJ Valem associés » à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour comportement déloyal.
Quand bien même l’appelante n’a pas jugé utile d’expliciter le fondement de son action, il ressort de ses écritures qu’elle envisage la « responsabilité professionnelle » de Me [X], lequel n’est pas en l’espèce visé en sa qualité de liquidateur de la société As pro bat [N], mais personnellement. L’examen même de ses écritures corroborent cette interprétation, puisque dans son dispositif, la société Hexagone services France distingue des prétentions formulées contre « Me [X], membre de la SELARL MJ Valem associés » de prétentions émises contre la « SELARL MJ Valem Associés ».
Nul ne pouvant être jugé sans avoir été régulièrement appelé, la demande de la société Hexagone services France en dommages et intérêts présentée contre Me [X], in personam, ne peut qu’être déclarée irrecevable.
– Sur la demande par les sociétés Liebherr grues à tour et Liebherr werk Biberach GmbH d’annulation de l’ordonnance :
Aux termes des dispositions de l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.
En matière de réalisations des actifs mobiliers ou immobiliers, aucun texte n’impose au juge-commissaire d’entendre ou d’organiser un débat contradictoire avec l’ensemble des protagonistes, l’article R 642-37-2 du code de commerce précisant uniquement que le juge-commissaire statue sur la vente après avoir recueilli les observations des contrôleurs et entendu ou dûment appelé le débiteur et son conjoint, lorsque celui-ci se trouve dans l’une des situations prévues à l’article R 641-30, ainsi que le liquidateur.
La requête en vue de la réalisation d’actif, présentée par le mandataire judiciaire, s’inscrivant dans le cadre d’une procédure gracieuse, portait en pied la mention de la main du gérant de la société As pro bat [N], selon laquelle il n’avait pas d’observation et ne souhaitait pas être convoqué devant le juge-commissaire.
Elle rappelait, en son corps, le fondement textuel, à savoir l’article L 624-19 du code de commerce, l’absence de revendication des biens dans le délai de l’article L 642-9 du code de commerce et l’identité des biens, en se référant en outre au contrat de location conclu avec la société Liebherr werk Biberach GmbH et la société Liebherr grues à tour, et se trouvait ainsi suffisamment motivée, sans qu’il soit nécessaire d’exiger qu’il y soit fait mention des échanges intervenus avec les deux sociétés précitées.
Les critiques quant à la motivation retenue par le mandataire dans sa requête portent sur le fond du droit et non sur l’exigence de motivation de la requête, laquelle en l’espèce existe sans conteste.
Par ailleurs, l’ordonnance querellée qui se réfère expressément à la requête qui précède, fait donc corps avec cette dernière et en a adopté les motifs, se trouvant ainsi suffisamment motivée.
En conséquence, la demande d’annulation de l’ordonnance du 3 novembre 2021 pour absence de débat contradictoire et défaut de motivation, ne peut qu’être rejetée.
– Sur l’autorisation de réalisation des actifs :
Aux termes des dispositions de l’article L 642-19 du code de commerce, le juge-commissaire soit ordonne la vente aux enchères publiques, soit autorise, aux prix et conditions qu’il détermine, la vente de gré à gré des autres biens du débiteur lorsqu’elle est de nature à garantir les intérêts de celui-ci. Lorsque la vente a lieu aux enchères publiques, il y est procédé dans les conditions prévues, selon le cas, au second alinéa de l’article L. 322-2 ou aux articles L 322-4 ou L 332-7.
Le juge-commissaire peut demander que le projet de vente amiable lui soit soumis afin de vérifier si les conditions qu’il a fixées ont été respectées.
En vertu des dispositions de l’article L 624-16 du code de commerce, peuvent être revendiqués, à condition qu’ils se retrouvent en nature, les biens meubles remis à titre précaire au débiteur ou ceux transférés dans un patrimoine fiduciaire dont le débiteur conserve l’usage ou la jouissance en qualité de constituant.
L’article L 624-9 du code de commerce précise que la revendication ne peut être exercée que dans le délai de 3 mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure.
Par deux contrats, non publiés, en date du 19 juin 2020 et du 8 septembre 2020, ont été données en location par la société Liebherr grues à tour, agent commercial de la société Liebherr werk biberach GmbH une grue à tour Liebherr de configuration 85-EC-B5 Fr.tronic avec radiocommande, objet du contrat de location JR7059/20 et une grue à tour Liebherr de configuration 110 EC-B6Fr.tonic, objet des contrats de location JR7088/20, peu important qu’elle soit affectée à un chantier spécifique et demeuré sur ce chantier après l’ouverture de la procédure collective.
L’inventaire réalisé mentionnait bien l’existence de grues sur chacun des chantiers, données en location, même si une erreur matérielle affectait la dénomination de la société Liebherr, puisqu’il est fait référence à la société Liebherr location France et non à la société Liebherr werk Biberach GmbH ou la société Liebherr grues à tour, agent commercial de cette dernière.
Cette erreur, de même que l’imprécision éventuelle dans la dénomination de la grue, puisqu’il n’est pas fait mention « à tour », sont sans emport, dès lors qu’aucun élément n’est apporté permettant de démontrer un risque de confusion et l’existence sur ces mêmes chantiers d’autres grues, appartenant à la société Liebherr location France, mises à la disposition de la société As pro bat [N] à cette même période.
Au jour de l’ouverture de la procédure collective, les grues précitées se trouvaient bien en possession à titre précaire de la société As Pro Bat [N], peu important que les sociétés Liebherr aient jugé bon ultérieurement d’en transférer la location à des société tierces. Elles se devaient donc d’être revendiquées par leur propriétaire.
Or, il n’est justifié d’aucune demande en acquiescement de revendication dans le délai de 3 mois de la publication du jugement d’ouverture au Bodacc effectuée le 19 mai 2021, que ce soit de la part des sociétés Liebherr ou de la société Hexagone services France, laquelle n’a d’ailleurs obtenu la propriété qu’en septembre 2021, peu important que le contrat ait été continué après le jugement d’ouverture.
La société Liebherr werk Biberach GmbH ne justifie d’une démarche auprès du liquidateur que le 29 septembre 2021, après l’expiration du délai de revendication, par un courrier de son conseil, qui d’ailleurs visait à obtenir de ce dernier qu’il opte sur la poursuite du contrat, mais n’avait nullement pour objet une revendication d’un bien.
Le courriel de la société Hexagone services France en date du 24 septembre 2021 portant opposition à toute cession ne comporte pas plus revendication des biens et se trouve de toute évidence tardif, le délai de 3 mois étant expiré.
En l’absence de revendication dans le délai, le droit de propriété de la société Liebherr werk Biberach GmbH, et de la société Hexagone services France, venue aux droits de la société Liebherr werk biberach GmbH, est devenu inopposable à la procédure collective, les deux grues litigieuses appartenant au gage commun des créanciers, ce qui permet leur réalisation par le liquidateur au profit de la collectivité constituée par ces derniers.
L’existence d’un transfert de location des deux grues à des sociétés tierces par les sociétés Liebherr, puis la cession de la propriété des deux grues à la société Hexagone, qui en a pris possession et poursuit la location, ne peuvent être utilement opposées à la procédure collective.
Le liquidateur, sur qui pèse l’obligation de réaliser les actifs de la procédure collective, peu important qu’ils n’appartiennent pas au débiteur, s’agissant de biens non revendiqués par leur propriétaire, a dès lors pu légitimement solliciter, aux fins d’être autorisé à vendre les biens litigieux, le juge-commissaire, lequel, après avoir constaté l’absence de toute revendication dans les délais impartis, a, à juste titre, fait droit à la requête.
Au vu des termes de la requête qui identifie bien les deux grues distinctes et de la référence faite dans le corps de l’ordonnance du juge-commissaire aux numéros des deux contrats de location distincts, le report à deux reprises de la configuration 85-EC-B5 Fr.tronic avec radiocommande dans le dispositif de l’ordonnance n’est qu’une pure erreur matérielle affectant la dénomination des biens litigieux, lesquels ne peuvent qu’être ceux objets des contrats de location visés, soit la grue 110 EC-B6Fr.tronic et la grue 85-EC-B5 Fr.tronic avec radiocommande.
La confirmation de la décision s’impose, après rectification de l’erreur matérielle effectuée.
Aux termes des dispositions de l’article L 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.
La grue 110 EC-B6Fr.tronic et la grue 85-EC-B5 Fr.tronic avec radiocommande ont fait l’objet respectivement d’une cession des 15 juillet 2021 et 4 août 2021 à effet du 1er septembre 2021 pour la première, et d’un transfert de propriété du 29 septembre 2021 à effet du 1er septembre 2021 pour la seconde, à la société Hexagone services France, laquelle ne conteste pas être en possession desdits biens et poursuivre les contrats de location transférés par la société Liebherr à des sociétés tierces.
Afin d’assurer l’exécution de la présente décision, le prononcé d’une astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard et par grue, commençant à courir à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, et ce pendant un délai de 6 mois, est justifié.
Il n’y a pas lieu d’ordonner qu’à l’issue du délai sus-énoncé, une astreinte définitive commencera à courir, et de se réserver la liquidation de la présente astreinte provisoire.
– Sur la demande de dommages et intérêts présentée par les sociétés Liebherr :
En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
À la différence de celle formulée par la société Hexagone services France, la demande de dommages et intérêts des sociétés Liebherr est dirigée contre la société MJ Valem, ès qualités.
En l’absence, néanmoins, de tout fondement juridique et de tout moyen développés dans le corps de leurs écritures au soutien de cette prétention,son rejet s’impose.
– Sur les dépens et accessoires :
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société Hexagone services France et la société Liebherr grues à tour et Liebherr werk Biberach GmbH succombant en leurs prétentions, il convient de les condamner in solidum aux dépens.
L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Les demandes respectives d’indemnité procédurale sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
ORDONNE la jonction des procédures enregistrées sous les n° RG 21-6121 et 21-6094 avec celle enregistrée sous le n° RG 21-6078 ;
DECLARE recevable l’intervention volontaire de la société BTSG², mandataire judiciaire, prise en la personne de Me [C], désignée en remplacement de la SELARL MJ Valem associés, prise en la personne de Me [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la société As pro bat [N] ;
DECLARE recevable le recours des sociétés Liebherr grues à tour et Liebherr werk Biberach GmbH ;
REJETTE la fin de non-recevoir opposée à l’appel incident interjeté par la société MJ Valem associés, prise en la personne de Me [X], ès qualités, à laquelle succède la société BTSG², mandataire judiciaire, prise en la personne de Me [C], en qualité de liquidateur judiciaire de la société As pro bat [N] ;
DEBOUTE les sociétés Liebherr grues à tour et Liebherr werk Biberach GmbH de leur demande d’annulation de la décision du juge-commissaire en date du 23 novembre 2021 ;
CONFIRME l’ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce de Lille Métropole chargé de la procédure collective de la société As pro Bat [N] en date du 23 novembre 2021, sauf à rectifier l’erreur matérielle l’affectant ;
RECTIFIE l’erreur matérielle affectant la décision précitée en ce qu’il convient de lire à la place de « deux grues à tour Liebherr de configuration 85-EC-B5 Fr.tronic avec radiocommande et 85-EC-B5 Fr.tronic avec radiocommande, objet des contrats de location JR7059/20 et JR7088/20 » la mention « deux grues à tour Liebherr de configuration 85-EC-B5 Fr.tronic avec radiocommande et 110 EC-B6Fr.tonic, objet des contrats de location JR7059/20 et JR7088/20 », avec cette précision que l’autorisation est donnée au liquidateur, la société BTSG², mandataire judiciaire, prise en la personne de Me [C], en qualité de liquidateur judiciaire de la société As pro Bat [N], désignée en remplacement de la société MJ Valem associés, prise en la personne de Me [X], es qualités ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Hexagone services France à restituer la grue à tour Liebherr de configuration 85-EC-B5 Fr.tronic avec radiocommande, objet du contrat de location JR7059/20 et la grue à tour Liebherr de configuration 110 EC-B6Fr.tonic, objet des contrats de location JR7088/20, à Me [E], commissaire priseur, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par grue, commençant à courir à l’expiration d’un délai de deux mois après signification du présent arrêt, et ce pendant un délai de 6 mois ;
DIT n’y avoir lieu de prononcer une astreinte définitive ;
DIT n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte provisoire ;
DECLARE irrecevable la demande de dommages et intérêts présentée par la société Hexagone services France à l’encontre de Me [X] in personam ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts présentée par les sociétés Liebherr grues à tour et Liebherr werk Biberach GmbH à l’encontre du liquidateur ;
REJETTE les demandes respectives d’indemnité procédurale ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Hexagone services France, Liebherr grues à tour et Liebherr werk Biberach GmbH aux dépens, dont distraction au profit de Me Trognon-Lernon.
Le greffier
Marlène Tocco
Le président
Samuel Vitse