COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 25 Mai 2023
N° RG 22/01234 – N° Portalis DBVY-V-B7G-HBAK
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l’exécution de BONNEVILLE en date du 03 Juin 2022, RG 17/00378
Appelant
M. [L] [G]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 9], demeurant [Adresse 7]
Représenté par la SELARL F.D.A, avocat au barreau de BONNEVILLE
Intimées
Mme [N] [O]
née le [Date naissance 6] 1945 à [Localité 8] (25), demeurant [Adresse 2]
Représentée par la SARL BALLALOUD & ASSOCIES, avocat au barreau de BONNEVILLE
BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES, dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal
sans avocat constitué
TRESORERIE DE SAINT GERVAIS, sise [Adresse 5] prise en la personne de son représentant légal
sans avocat constitué
S.A.R.L. R BIOLE, dont le siège social est sis [Adresse 3] – prise en la personne de son représentant légal
sans avocat constitué
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 21 mars 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte du 30 novembre 2016, Mme [N] [O] a fait délivrer à M. [L] [G] un commandement de payer valant saisie immobilière pour une somme de 133 212,44 euros, selon décompte arrêté au 31 août 2016, en vertu :
– d’un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bonneville le 5 novembre 2010, devenu définitif pour avoir été signifié le 6 décembre 2010 (certificat de non-appel du 13 janvier 2011),
– d’un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bonneville le 21 juin 2012, signifié le 28 avril 2015, devenu définitif suite à une ordonnance de désistement d’appel du 10 juin 2015,
– d’un jugement du tribunal de grande instance de Bonneville du 17 décembre 2015, devenu définitif (certificat de non-appel du 27 mai 2017),
et portant sur diverses parcelles situées sur la commune des Contamines Montjoie (Haute-Savoie), comportant deux bâtiments, comprenant un local commercial, cinq appartements, deux garages et une remise.
Ce commandement a été publié au service de la publicité foncière de Bonneville le 11 janvier 2017 volume 2017 S n° 1.
Par acte délivré le 10 mars 2017, Mme [O] a fait assigner M. [G] en audience d’orientation devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Bonneville, statuant en matière de saisie immobilière.
L’affaire a fait l’objet de nombreux renvois.
Par jugement du 6 décembre 2018, le juge de l’exécution a ordonné la prorogation des effets du commandement de payer valant saisie pour une durée de deux ans.
Par jugement du 5 novembre 2020, le juge de l’exécution a de nouveau ordonné la prorogation des effets du commandement pour une durée de deux ans.
Enfin, par jugement d’orientation du 7 octobre 2021, le juge de l’exécution a essentiellement :
déclaré recevable l’intervention volontaire de la SARL R’Biole,
débouté M. [G] et la SARL R’Biole de leurs demandes de sursis à statuer et de suspension de la procédure de saisie immobilière,
sur la créance de Mme [O] :
– débouté M. [G] de sa demande tendant à faire juger que les intérêts échus depuis plus de cinq ans avant le 30 novembre 2016 étaient prescrits,
– dit que Mme [O] a bien déduit des sommes dues la somme de 38 600 euros, imputée prioritairement sur les intérêts puis sur le principal,
– débouté M. [G] de sa demande de réduction ou d’exonération de la majoration des intérêts légaux, telle que prévue par l’article L. 313-3 du code monétaire et financier,
– en conséquence, fixé la créance de Mme [O] à la somme de 132 226,20 euros dont 92 889,01 euros productifs d’intérêts au taux légal majoré,
déclaré recevable la déclaration de créance de la SARL R’Biole à hauteur de 100 779 euros en date du 24 août 2017,
débouté la SARL R’Biole de ses demandes :
– d’annexion de ses conclusions et pièces au cahier des conditions de la vente,
– de placement sous scellés des locaux faisant l’objet du bail commercial discuté,
débouté M. [G] de sa demande de vente amiable,
constaté que les conditions des articles L. 311-2 à L. 311-6 du code des procédures civiles d’exécution sont réunies,
ordonné la vente forcée des biens saisis sur la mise à prix de 150 000 €,
dit que la SARL R’Biole, en qualité de créancier inscrit répondant aux critères de l’article L. 331-1 du code des procédures civiles d’exécution, sera recevable à participer à la distribution du prix obtenu à l’issue de la vente forcée,
rappelé qu’il résulte du procès-verbal de description que le local commercial et l’appartement triplex au rez-de-chaussé sont selon M. [G] exploités par la SARL Jovet dont il est le gérant et selon M. [R] [B], gérant de la SARL R’Biole, exploités par cette société en vertu d’un bail commercial du 29 décembre 2010,
ordonné d’ores et déjà l’expulsion du saisi et de tous occupants de son chef des biens saisis,
condamné M. [G] aux dépens de la procédure, hors frais taxés,
condamné M. [G] à payer à Mme [O] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
débouté la SARL R’Biole de sa demande présentée sur le fondement de ce texte.
Par déclaration du 23 novembre 2021, M. [G] a interjeté appel de ce jugement.
Par une ordonnance du 6 janvier 2022, Mme la Première présidente de la cour d’appel de Chambéry a ordonné le sursis à exécution du jugement d’orientation du 7 octobre 2021.
Par arrêt réputé contradictoire rendu le 2 juin 2022 sur l’appel du jugement d’orientation du 7 octobre 2021, la cour a :
déclaré irrecevable l’exception de nullité de la procédure de saisie immobilière soulevée par M. [L] [G],
débouté Mme [N] [O] de sa demande indemnitaire fondée sur les articles 118 du code de procédure civile et 1240 du code civil,
réformé partiellement le jugement déféré en ses dispositions relatives à la créance de Mme [N] [O] :
– portant sur l’application du taux légal majoré, l’imputation de la somme de 38 600 euros et la prescription des intérêts moratoires,
– et fixant cette créance,
Statuant à nouveau sur ce point,
fixé la créance de Mme [N] [O] à la somme de 127 350,99 euros, outre intérêts à compter du 1er septembre 2016 :
– au taux de 5 % sur le principal de 22 000 euros,
– au taux légal majoré sur le principal de 71 889,01 euros,
confirmé toutes les autres dispositions du jugement déféré,
précisé toutefois que si les attestations de paiement des loyers du bail commercial annoncées comme annexées au cahier des conditions de la vente ne le sont pas, il appartiendra à Mme [N] [O], créancière poursuivante, de réparer cette omission,
complété la disposition du jugement ayant ordonné l’expulsion du saisi et de tous occupants de son chef des biens saisis, en ajoutant l’expression «n’ayant aucun droit opposable», après le mot «chef»,
Ajoutant au jugement déféré,
condamné M. [L] [G] :
– aux dépens d’appel,
– à payer à la SARL R’Biole la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
débouté les parties de toutes leurs demandes, autres, plus amples ou contraires.
A l’audience du 2 juin 2022, M. [G], débiteur saisi, a déposé devant le juge de l’exécution des conclusions aux fins de caducité du commandement de payer valant saisie immobilière.
A la même audience, le conseil de Mme [O] a demandé que la vente forcée soit ordonnée.
Par jugement rendu le 3 juin 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bonneville a:
Vu les articles R. 322-19 et R. 121-22 du code des procédures civiles d’exécution,
Vu le jugement d’orientation du 7 octobre 2021,
Vu l’appel interjeté par M. [G] le 23 novembre 2021,
Vu la décision rendue le 6 janvier 2022 par la première présidente de la cour d’appel de Chambéry statuant en référé,
déclaré irrecevable M. [G] en sa demande de caducité du commandement de payer aux fins de saisie immobilière en date du 30 novembre 2016,
déclaré irrecevable Mme [O] en sa demande tendant à ce que la vente forcée du bien immobilier de M. [G] soit ordonnée,
réservé les dépens.
Par déclaration du 4 juillet 2022, M. [G] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées le 29 juillet 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, M. [G] demande en dernier lieu à la cour de :
Vu les articles R. 322-19, R. 311-6 et R. 322-28 du code des procédures civiles d’exécution,
réformer le jugement déféré,
juger la demande de renvoi faite oralement par l’avocat du créancier poursuivant irrecevable et mal fondée au visa de l’article R. 311-6 du code des procédures civiles d’exécution,
en conséquence, prononcer la caducité du commandement aux fins de saisie immobilière en date du 30 novembre 2016 avec toutes les conséquences de droit et notamment, ordonner sa mainlevée au service de la publicité foncière,
juger la demande de renvoi en vente forcée par l’avocat du créancier poursuivant irrecevable, tardive et mal fondée au visa de l’article R. 322-28 du code des procédures civiles d’exécution,
en conséquence, prononcer la caducité du commandement aux fins de saisie immobilière en date du 30 novembre 2016 avec toutes les conséquences de droit et notamment, ordonner sa mainlevée au service de la publicité foncière,
condamner Mme [O] aux entiers dépens.
Par ordonnance du 12 janvier 2023, le président de la chambre a déclaré irrecevables les conclusions d’intimée déposées par Mme [O] le 12 octobre 2022 et dit que les dépens suivront ceux de l’instance au fond.
La Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes, le Trésor public et la société R’Biole, créanciers inscrits, n’ont pas constitué avocat devant la cour. La déclaration d’appel et les conclusions de l’appelant leur ont été signifiées par actes délivrés le 9 septembre 2022, déposés à l’étude pour le Trésor public et la société R’Biole, et par acte délivré à une personne habilitée pour la Banque populaire.
L’affaire a été clôturée à la date du 20 février 2023 et renvoyée à l’audience du 21 mars 2023, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 25 mai 2023.
MOTIFS ET DÉCISION
Mme [O] ayant été déclarée irrecevable en ses conclusions, elle est réputée s’approprier les motifs du jugement déféré, conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile.
M. [G] fait grief au jugement déféré d’avoir déclaré irrecevable sa demande de caducité du commandement alors que la demande de report de la vente faite par le conseil de Mme [O] à l’audience du 2 juin 2022 a été faite oralement et non par voie de conclusions écrites, en contravention avec l’article R. 311-6 du code des procédures civiles d’exécution.
L’article R. 311-6 du code des procédures civiles d’exécution dispose que, à moins qu’il en soit disposé autrement, toute contestation ou demande incidente est formée par le dépôt au greffe de conclusions signées d’un avocat.
En l’espèce, la lecture des pièces de la procédure de première instance, transmises à la cour, révèle que, à l’audience du 2 juin 2022, Mme [O] a déposé des conclusions aux fins de vente forcée de l’immeuble saisi.
Le juge de l’exécution a relevé, à juste titre, dans sa décision que, compte tenu du sursis à l’exécution du jugement d’orientation ordonné par la Première présidente de la cour d’appel, l’audience d’adjudication n’avait pas encore eu lieu ni été fixée.
En effet, l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution dispose que, lorsque l’appel est formé contre un jugement ordonnant la vente par adjudication, la cour statue au plus tard un mois avant la date prévue pour l’adjudication. A défaut, le juge de l’exécution peut, à la demande du créancier poursuivant, reporter la date de l’audience de vente forcée. Lorsqu’une suspension des poursuites résultant de l’application de l’article R. 121-22 interdit de tenir l’audience d’adjudication à la date qui était prévue et que le jugement ordonnant l’adjudication a été confirmé en appel, la date de l’adjudication est fixée sur requête par ordonnance du juge de l’exécution. Les décisions du juge de l’exécution rendues en application du présent alinéa ne sont pas susceptibles de recours.
Il y a lieu de noter que les pièces de la procédure de première instance révèlent encore que, par ordonnance du 20 juin 2022, le juge de l’exécution, saisi par Mme [O] sur le fondement des dispositions de l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution, a fixé la date d’adjudication au 13 octobre 2022.
L’article R. 322-19 n’exige pas que la requête soit déposée le jour même où est rendu l’arrêt confirmatif de la cour d’appel, les parties ne disposant, le 2 juin 2022, d’aucune copie certifiée conforme de cet arrêt dont elles n’avaient pas même pris connaissance, de sorte que le moyen développé par M. [G] quant au fait qu’aucune requête n’a été déposée le 2 juin 2022 est inopérant.
Ainsi, l’audience du 2 juin 2022 n’était pas une audience d’adjudication, mais une simple audience de mise en état de l’affaire dans l’attente de la décision de la cour, aucune audience de vente forcée ne pouvant être fixée avant l’arrêt rendu le 2 juin 2022 compte tenu du sursis à l’exécution ordonné. Aussi, à supposer même que le renvoi de cette audience ait été demandé oralement (ce qui ne ressort pas des pièces de la procédure, notamment des notes d’audience), cela n’est pas de nature à entraîner la caducité du commandement de payer.
Enfin, et pour les mêmes motifs, la caducité du commandement de payer prévue par l’article R 322-27 du code des procédures civiles d’exécution en l’absence de réquisition de la vente au jour fixé, n’est pas encourue dès lors que l’audience du 2 juin 2022 n’était pas une audience d’adjudication.
M. [G] demande encore que soit déclarée irrecevable, tardive et malfondée la demande de Mme [O] tendant à ce que soit ordonnée la vente forcée, en invoquant les dispositions de l’article R. 322-28 du code des procédures civiles d’exécution.
Toutefois, ce texte dispose que la vente forcée ne peut être reportée que pour un cas de force majeure ou sur la demande de la commission de surendettement. Or encore une fois l’audience du 2 juin 2022 n’était pas une audience d’adjudication, de sorte que le moyen est sans fondement, aucun renvoi de la vente forcée n’ayant été demandé.
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
M. [G] qui succombe en son appel, supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt de défaut,
Confirme le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bonneville le 3 juin 2022 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [L] [G] aux entiers dépens de l’appel.
Ainsi prononcé publiquement le 25 mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente