Saisine du juge de l’exécution : 25 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/01663

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Saisine du juge de l’exécution : 25 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/01663

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 25 MAI 2023

N° RG 22/01663 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MULK

S.C.E.A. SCEA DU CHATEAU DE GUILHEMANSON

c/

Société VTB BANK

Nature de la décision : AU FOND

Jonction avec le RG 22/1693

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 mars 2022 par le Juge de l’exécution de LIBOURNE (RG : 21/00055) suivant deux déclarations d’appel des 04 et 06 avril 2022

APPELANTE :

S.C.E.A. SCEA DU CHATEAU DE GUILHEMANSON

Société civile d’exploitation agricole immatriculée au RCS de LIBOURNE sous le numéro 393 684 196, dont le siège social est sis [Adresse 16], agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Eric VISSERON de la SELARL VISSERON, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Société VTB BANK

(Public Joint-Stock Company), société anonyme publique de droit russe,

enregistrée au Registre National Unique des Personnes Civiles de Russie sous le numéro principal 1027739609391, dont le siège est [Adresse 9] Russie, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Rémi HANACHOWICZ de la SCP O. RENAULT ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été examinée le 03 avril 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président

M. Alain DESALBRES, Conseiller

Mme Christine DEFOY, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI

Greffier lors du prononcé : Mme Audrey COLLIN

Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Par requête du 20 février 2019, la société VTB Bank, société anonyme de droit russe, a sollicité du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Libourne l’autorisation d’inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur un immeuble situé domaine de Guilhemanson appartenant à la Société Civile d’Exploitation Agricole Du Château de Guilhemanson (la SCEA Du Château de Guilhemanson), afin de garantir une créance de 40 354 220,14 euros qu’elle indiquait détenir sur un débiteur dénommé [H] [K].

La société VTB Bank affirmait que la SCEA Du Château de Guilhemanson était une société fictive de sorte que le véritable propriétaire du bien était en réalité M. [H] [K].

Par ordonnance sur requête du 5 mars 2019, le juge de l’exécution saisi faisait droit à cette demande. L’hypothèque était inscrite sur le bien par bordereau du 10 mai 2019, puis dénoncée le 20 mai 2019 à M. [H] [K] à cinq domiciles situés en Autriche en application de l’article 9-2 du règlement CE n°1393/2007.

Par ailleurs, la société VTB Bank a justifié avoir assigné notamment M. [H] [K] devant le tribunal régional de Limassol (Chypre) le 20 décembre 2018 afin de solliciter sa condamnation à lui payer la somme de 45 709 862,17 dollars.

Le 23 juillet 2021, la SCEA Du Château de Guilhemanson a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Libourne de demandes tendant notamment à obtenir la mainlevée de l’hypothèque provisoire. Cet acte a été notifié en application de la convention de La Haye du 15 novembre 1965.

Par jugement rendu le 25 mars 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Libourne a, au visa des articles 1371 du code civil, 495 du code de procédure civile, L.511-1, L.5l2-1, R.51l-7 et R.532-5 du code des procédures civiles d’exécution :

– débouté la SCEA Du Château de Guilhemanson de l’ensemble de ses demandes ;

– l’a condamnée aux dépens et à payer à la société VTB la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Par déclaration électronique du 04 avril 2022, enregistrée sous le n° RG 22/01663, la SCEA Du Château de Guilhemanson a relevé appel de cette décision en chacune de ses dispositions reprises expressément et intimé la société VTB Bank.

Suivant une nouvelle déclaration électronique du 06 avril 2022, enregistrée sous le n° RG 22/01693, la SCEA Du Château de Guilhemanson a relevé appel de cette décision en chacune de ses dispositions reprises expressément.

La SCEA Du Château de Guilhemanson, dans ses dernières conclusions d’appelante du 26 septembre 2022, réclame l’entière infirmation du jugement de première instance et demande à la cour, au visa des articles 495 du code de procédure civile et L.511-1, L.511-4, R 511-7, R 512-1 R 532-5 du code des procédures d’exécution :

– de juger la caducité de l’hypothèque judiciaire inscrite par la Société VTB Bank sur l’immeuble lui appartenant sis Commune de [Localité 25] et [Localité 24] cadastré B[Cadastre 2] à [Cadastre 3], B[Cadastre 6], B[Cadastre 7], B[Cadastre 14], B[Cadastre 15], A[Cadastre 4], D[Cadastre 5] à D[Cadastre 8], D[Cadastre 10], D[Cadastre 11], D[Cadastre 12] à D[Cadastre 13], D[Cadastre 17] à D[Cadastre 18], D[Cadastre 19], D[Cadastre 20], D[Cadastre 21] à D[Cadastre 22], D[Cadastre 23] à D[Cadastre 1] en vertu de l’ordonnance en date du 5 mars 2019 ;

– d’ordonner la mainlevée de l’hypothèque judiciaire pratiquée par la société VTB Bank sur l’immeuble précité ;

– d’ordonner à la Société VTB Bank de procéder à cette mainlevée à ses frais, auprès des services des hypothèques et ce, sous astreinte de 10.000,00 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

– de l’autoriser à se substituer à la Société VTB Bank pour procéder à ces formalités en cas de carence de l’établissement financier ;

À titre subsidiaire :

– de juger mal fondée la mesure conservatoire ordonnée le 05 mars 2019 ;

– d’ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire précitée ;

– d’ordonner à la Société VTB Bank de procéder à cette mainlevée à ses frais, auprès des services des hypothèques et ce, sous astreinte de 10.000,00 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

– de l’autoriser à se substituer à la Société VTB Bank pour procéder à ces formalités en cas de carence de celle-ci ;

En tout état de cause :

– condamner la Société VTB Bank au paiement de la somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civil ainsi que des entiers frais et dépens de procédure.

La société VTB Bank, dans ses dernières conclusions d’intimée en date du 5 octobre 2022, demande à la cour, au visa des articles L. 511-1, L. 511-3, L. 511-4, L. 521-1, R. 511-1 à R. 511-8, R. 521-1, R. 524-1 à R. 524-3, R. 531-1, R. 532-3 à R. 532-5 du code des procédures civiles d’exécution, de :

– révoquer en tant que de besoin l’ordonnance de clôture,

– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a :

– débouté la société SCEA Du Château de Guilhemanson de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné la société SCEA Du Château de Guilhemanson à lui régler la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

Y ajoutant :

– condamner la SCEA Du Château de Guilhemanson au paiement de la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés dans le cadre de la présente procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

En tout état de cause :

– débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 mars 2023.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIVATION

Il doit être liminairement observé que la SCEA du Château Guilhemanson n’a pas formé de demande de rétractation de l’ordonnance sur requête rendue par le premier juge.

Sur la caducité de l’hypothèque provisoire

L’article R. 532-5 du code des procédures civiles d’exécution dispose qu’ ‘A peine de caducité, huit jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d’inscription ou la signification du nantissement, le débiteur en est informé par acte d’huissier de justice.

Cet acte contient à peine de nullité :

1° Une copie de l’ordonnance du juge ou du titre en vertu duquel la sûreté a été prise ; toutefois, s’il s’agit d’une obligation notariée ou d’une créance de l’Etat, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il n’est fait mention que de la date, de la nature du titre et du montant de la dette ;

2° L’indication, en caractères très apparents, que le débiteur peut demander la mainlevée de la sûreté comme il est dit à l’article R. 512-1 ;

3° La reproduction des articles R. 511-1 à R. 512-3 et R. 532-6″.

La SCEA du Château Guilhemanson soutient que les formalités prévues aux articles 6 à 10 du règlement CE 1393/2007 de signification et notification des actes à [H] [K] n’ont pas été respectées, s’agissant notamment :

– de l’absence de justificatif de la réalisation de la signification ou même de sa tentative,

– de l’absence d’accomplissement ou de non accomplissement de la signification ou notification,

– l’information du destinataire de son droit de refuser.

En réponse, la société VTB Bank sollicite la confirmation de la décision attaquée ayant rejeté la demande de caducité.

Les éléments suivants doivent être relevés

L’inscription de la mesure de saisie conservatoire au bureau des hypothèques a été prise le 10 mai 2019 et non le 13 mai 2019 comme l’affirme la société VTB Bank dans ses dernières écritures.

Le délai de huit jours imparti au créancier pour signifier la mesure au débiteur commence donc à courir à partir de cette dernière date.

L’envoi par la société VTB Bank de la demande de signification de l’ordonnance du juge de l’exécution aux autorités autrichienne n’est pas contesté par l’appelante comme celle-ci l’indique en page 7 de ses dernières conclusions.

Comme le retient à raison la décision rendue par le juge de l’exécution, cet envoi a été réalisé au cours du dernier jour du délai imparti au créancier dans la mesure où le délai de huit jours avait expiré un samedi.

Les autorités autrichiennes ont bien été destinataires des documents de l’huissier de justice comme l’attestent les cinq accusés de réception portant la date du 24 mai 2019.

Le créancier n’a pas l’obligation de justifier de l’effectivité de la réception de ces actes par le débiteur.

En conséquence, le grief tiré de l’absence de justificatif de la réalisation de la signification ou de sa tentative ainsi que de l’absence d’accomplissement ou de non accomplissement de la signification ou notification doit être écarté.

S’agissant de l’obligation d’informer le débiteur de son droit de refuser de recevoir l’acte, il sera constaté que les cinq dénonces du dépôt d’une inscription d’hypothèque judiciaire provisoires dressés par l’huissier de justice indiquent que les formalités de l’article 9-2 du règlement CE n°1393/2007 du conseil de l’union européenne ont bien été accomplies. Leur respect est de surcroît attestée à la lecture du retour de l’un de ces actes par les autorités autrichiennes, la case relative à l’information du destinataire ayant été cochée (p2).

L’acte authentique faisant foi jusqu’à preuve contraire ou inscription de faux en écriture publique, il apparaît ainsi que M. [K] a reçu l’information prévue par l’article 9-2 de ce règlement.

En conséquence, le jugement entrepris ayant rejeté la demande de caducité présentée par la SCEA du Château Guilhemanson sur ces fondements sera confirmé.

L’appelante soutient en outre, dans la mesure où elle ne disposerait pas de la qualité de tiers compte-tenu de l’affirmation de la société VTB Bank selon laquelle sa personnalité se confondrait avec celle de M. [K], ne pas avoir été destinataire dans le délai de huit jours de la dénonciation de l’hypothèque judiciaire pratiquée sur son patrimoine.

Or, la SCEA du Château Guilhemanson dispose bien de la personnalité morale qui est donc distincte de la personnalité du débiteur. Elle doit donc être considérée comme tiers à la saisie de sorte que l’obligation pour le créancier de lui signifier les bordereaux d’inscription de l’hypothèque provisoire dans un délai de huit jours ne lui est pas applicable. Elle ne peut donc invoquer la violation de ce texte pour solliciter la caducité de la mesure conservatoire.

La SCEA du Château Guilhemanson soutient également que la société VTB Bank n’a pas respecté l’obligation prévue à l’article 495 du code de procédure civile en estimant n’avoir appris l’existence de l’inscription de l’hypothèque provisoire que le 04 décembre 2020.

En réponse, la société VTB Bank sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a considéré que la méconnaissance par celle-ci du respect du texte précité n’entache pas la régularité de l’inscription de l’hypothèque provisoire.

L’article 495 du code de procédure civile énonce que ‘ l’ordonnance sur requête est motivée.

Elle est exécutoire au seul vu de la minute.

Copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée’.

La personne à laquelle la mesure est opposée est la SCEA du Château Guilhemanson dans la mesure où celle-ci est bien celle qui supporte l’exécution de la mesure, en l’occurrence l’hypothèque provisoire sur l’un de ses biens.

L’obligation prévue par l’article 495 précité a pour but d’assurer le respect du principe de la contradiction.

Aucun délai pour l’information prévue à l’alinéa 3 de ce texte n’est cependant prévu.

Lors de la signification intervenue le 10 mai 2019, la SCEA du Château Guilhemanson a bien été destinataire de la copie de la requête et de la décision du juge de l’exécution.

Dès lors, l’appelante ne peut se prévaloir de la violation de l’article 495 précité.

La SCEA du Château Guilhemanson réclame de nouveau la caducité de la mesure en raison de l’absence d’action au fond initiée dans le mois de la saisie par le créancier à son encontre, en sa qualité de propriétaire du bien faisant l’objet de la mesure conservatoire. Elle réclame en conséquence, sous astreinte de 10 000 euros par de retard, la condamnation du créancier à procéder aux formalités de radiation de son inscription au bureau des hypothèques.

En réponse, l’intimée sollicite la confirmation du jugement attaqué qui a estimé que l’obligation d’assigner au fond avait été remplie par l’action initiée le 20 décembre 2018, soit avant la date de l’inscription de l’hypothèque provisoire, par la société VTB Bank à l’encontre de M. [K] devant une juridiction chypriote afin d’obtenir un titre exécutoire.

Selon l’article L. 511-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose que : ‘A peine de caducité de la mesure conservatoire, le créancier engage ou poursuit, dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d’Etat, une procédure permettant d’obtenir un titre exécutoire s’il n’en possède pas’.

L’article R. 511-7 du même code prévoit que ‘Si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire’.

La sanction du non-respect de ce dernier texte est effectivement la caducité de la saisie conservatoire.

L’action au fond dans le mois suivant la mesure conservatoire afin d’obtenir un titre exécutoire doit être intentée à l’encontre du débiteur et non du tiers saisi de sorte que seul M. [K] devait être assigné par la société VTB Bank.

Le créancier justifie avoir intenté une action à l’encontre de son débiteur devant les autorités chypriotes à une date antérieure à celle de la prise d’hypothèque de sorte qu’elle n’a pas l’obligation d’en initier une nouvelle postérieurement à la mesure conservatoire.

En conséquence, le jugement de première instance ayant rejeté les demandes présentées par la SCEA du Château Guilhemanson tendant à obtenir la caducité de la saisie conservatoire sera confirmé.

Sur la demande de mainlevée de la saisie conservatoire

A titre subsidiaire, la SCEA du Château Guilhemanson sollicite la mainlevée de la mesure de saisie conservatoire en soutenant que :

– la détention majoritaire de parts sociales ne peut signifier en soi confusion et fictivité ;

– la créance dont se prévaut la société VTB Bank est sans lien avec la mesure conservatoire pratiquée sur l’immeuble lui appartenant ;

– l’acquisition par ses soins du bien immobilier saisi est intervenue le 15 février 2008, soit sept années avant que le créancier ne prête de l’argent aux sociétés précitées, de sorte que fonds prêtées ne peuvent nécessairement avoir servi à l’acquisition de l’immeuble lui appartenant ; que dès lors, la créance revendiquée par la banque n’a aucun lien avec l’immeuble, objet de l’hypothèque ;

– l’acquisition de biens par le biais d’une société civile constitue le contraire de la dissimulation et de la fraude.

– l’existence d’une menace dans le recouvrement de la créance n’est démontré par la société VTB Bank dans la mesure où celle-ci est largement couverte par les avoirs Chypriotes.

En réponse, l’intimée sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a considéré, sur le fondement des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de procédures civiles d’exécution, que la créance revendiquée était fondée en son principe dans la mesure où il n’était pas contesté que M. [K] était le véritable bénéficiaire des sommes prêtées par la société VTB ; que ces sommes n’ont été que partiellement remboursées ; que les décisions chypriotes et moscovites l’attestent et qu’enfin la déclaration commune du 09 mars 2021 établie que la société VTB et M. [K] ont évalué le montant de cette créance à près de 23 millions d’euros.

L’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que ‘Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire’.

Les éléments suivants doivent être relevés :

Les parts sociales de la SCEA du Château Guilhemanson sont détenues majoritairement par la SCI du Château Fompeyres, dont les parts sociales sont elles-mêmes détenues majoritairement par M. [K] et son épouse.

La société VTB Bank ne se prévaut pas d’un détournement des sommes qu’elle a prêtées à M. [K] pour justifier la mise en oeuvre de la mesure de saisie conservatoire.

Elle démontre, par la production de la déclaration commune du 09 mars 2021 et différentes décisions de juridictions étrangères, notamment moscovites et chypriotes, que la créance revendiquée apparaît bien fondée en son principe, M. [K] l’évaluant d’ailleurs lui-même à la somme avoisinant les 23 millions.

Le lien entre la créance de la société VTB Bank et l’immeuble de la SCEA du Château Guilhemanson faisant objet de l’inscription d’hypothèque provisoire est établi en raison de la fictivité de cette dernière.

En effet, la réalité de l’activité viticole et plus largement agricole de l’appelante n’est pas démontrée par la production de bilans, de comptes de résultat ou de déclarations fiscales. Comme le relève à raison le juge de l’exécution, les seuls documents relatifs à la présence de trois salariés montrent que ceux-ci sont en réalité détachés et n’exercent pas pour le compte de la SCEA du Château Guilhemanson.

Il importe peu de constater que des SCI ont parfois été constituées par M. [K] pour faire transiter des fonds et permettre certaines acquisitions de biens immobiliers, ces éléments ne remettent pas en cause les observations figurant ci-dessus.

Il en est de même pour ce qui concerne le moyen soulevé par l’appelante tiré de l’antériorité de la date d’acquisition de la SCEA par M. [K] à celle de l’emprunt souscrit auprès de la société VTB Bank.

Le juge de l’exécution a parfaitement relevé que le versement par M. [K] d’une caution de 125 millions de dollars entre les mains des autorités judiciaires autrichiennes et le gel de certains de ses avoirs chypriotes ne démontre pas que le débiteur est en capacité de faire face à ses obligations financières envers la société VTB Bank, ayant mis en place des stratégies multiples visant à diluer son patrimoine et masquer sa réelle étendue afin d’éviter toute appréhension de la part de ses créanciers.

L’existence de poursuites pénales lancées par divers pays, se traduisant notamment par la délivrance d’un mandat d’arrêt par les autorités judiciaires américaines et l’interdiction pour le débiteur de quitter l’Autriche, constitue incontestablement une menace quant au recouvrement de la créance par la société VTB Bank.

En conséquence, la décision déférée ayant rejeté la demande de mainlevée de l’hypothèque conservatoire sera confirmée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Outre la somme mise à la charge de la SCEA du Château Guilhemanson en première instance, il y a lieu en cause d’appel de la condamner au versement à la société VTB Bank d’une indemnité complémentaire de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS

-Prononce la jonction des dossiers RG 22/1693 et RG 22/1663 sous le seul numéro RG 22/1663 ;

– Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 mars 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Libourne ;

Y ajoutant ;

– Condamne la SCEA du Château Guilhemanson à verser à la société VTB Bank une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;

– Condamne la SCEA du Château Guilhemanson au paiement des dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme Paule POIREL, président, et par Mme Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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