COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 25 MAI 2023
N° 2023/393
Rôle N° RG 22/14098 N° Portalis DBVB-V-B7G-BKGYD
[C] [K]
[N] [R]
C/
SA LYONNAISE DE BANQUE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jenny CARLHIAN
Me Agnès ERMENEUX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution de DRAGUIGNAN en date du 23 Septembre 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/03465.
APPELANTS
Monsieur [C] [K]
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 6]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 3]
Madame [N] [R]
née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 7]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 3]
Tous deux représentés et assistés par Me Jenny CARLHIAN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, substituée par Me Marjorie RIDEAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMÉE
SA LYONNAISE DE BANQUE
immatriculée au R.C.S. de LYON sous le numéro 954 507 976,
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]
assignée à personne habilitée le 14/11/2022,
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me Alexia FARRUGGIO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Pierre LOPEZ de l’AARPI TELOJURIS, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 22 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : .
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
La société Lyonnaise de Banque poursuit à l’encontre de monsieur [W] [K] et madame [N] [R], la vente sur saisie immobilière d’un bien dont ils sont propriétaires sur la commune de [Localité 9] (83), selon commandement de payer délivré le 5 février 2021, publié au service de la publicité foncière de [Localité 8], pour avoir paiement d’une somme de 200 802.43 euros arrêtée au 5 février 2021. Elle se prévaut d’un acte notarié établi le 19 février 2008 par Me [J], notaire à [Localité 5], constatant un prêt de 231 530 euros au taux de 4.99 % l’an.
Le juge de l’exécution de Draguignan par une décision du 23 septembre 2022, a :
– dit n’y avoir lieu à sursis à statuer,
– débouté monsieur [K] et madame [R] de toutes leurs demandes et contestations,
– validé la procédure de saisie immobilière,
– constaté la créance de la société Lyonnaise de Banque à hauteur de 199 971.48 euros au 4 novembre 2020, sans préjudice des intérêts postérieurs au taux contractuel non majoré jusqu’à parfait paiement,
– dit n’y avoir lieu à délai de paiement, ou augmentation de la mise à prix,
– autorisé la vente amiable au prix minimum de 280 000 €,
– taxé les frais à la somme de 4 116.49 €,
– ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de vente, dont distraction au profit de Me Cheval.
Il retenait que la déchéance du terme était intervenue valablement le 21 décembre 2015 et que la banque n’y avait pas renoncé malgré le paiement durant 4 ans des échéances par les emprunteurs puisque la Lyonnaise de banque leur réclamait toujours en plus de ces montants, la régularisation de l’arriéré. La prescription de l’action en contestation du TEG était admise dès lors que la lecture du contrat de prêt et de l’acte notarié permettait de relever la discordance de chiffres dès la signature de l’emprunt en 2008. Il écartait la prescription de la créance en raison de versements réguliers des mensualités et de l’exigibilité du capital restant dû depuis la déchéance du terme, refusait de modérer la clause pénale. Sur la base d’une estimation du bien immobilier saisi à 366 000 euros et d’une mise à prix à 90 000 €, il admettait la modification de cette dernière, soulignant que le bien constitue le domicile des débiteurs.
Monsieur [K] et madame [R] ont fait appel de la décision par déclaration au greffe le 24 octobre 2022 après que le jugement ainsi prononcé leur ait été signifié le 11 octobre 2022.
Ils ont été autorisés à assigner à jour fixe par une ordonnance du 3 novembre 2022 et en application de l’article 922 du code de procédure civile, ont déposé au greffe l’assignation ainsi délivrée.
Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 15 mars 2023 auxquelles il est ici renvoyé, les appelants demandent à la cour de :
– accueillir la requête visant à interjeter appel,
– autoriser l’assignation à jour fixe, afin de voir infirmer le jugement du 23 septembre 2022,
Statuant à nouveau,
– ordonner le sursis à statuer,
A titre principal,
– débouter la Lyonnaise de Banque de l’ensemble de ses demandes, à défaut du caractère certain et exigible de la créance,
– déclarer nul et de nul effet le commandement de payer valant saisie immobilière, ainsi que les actes de procédure l’ayant suivie,
– ordonner la mainlevée du commandement de payer et sa radiation,
A titre subsidiaire,
– requalifier l’indemnité contractuelle de 7 % en clause pénale,
– ordonner à la Lyonnaise de banque de communiquer un décompte actualisé tenant compte des intérêts au taux légal,
– débouter la Lyonnaise de banque de l’ensemble de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire,
– leur allouer les plus larges délais de paiement,
A titre encore plus subsidiaire,
– les autoriser à vendre amiablement le bien,
– fixer la mise à prix à une minimum de 180 000 €,
– débouter la Lyonnaise de banque de toutes ses demandes,
En tout état de cause,
– condamner la Lyonnaise de Banque à leur payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la première instance et de 2 000 euros au titre de l’appel et la condamner aux entiers dépens de procédure.
Ils expliquent qu’ils n’ont pu honorer l’échéancier initial de remboursement en raison de problèmes de santé de monsieur [K]. Ils ont assigné la banque le 23 décembre 2021 pour obtenir des dommages et intérêts en raison de son manquement au devoir de conseil, ce qui justifie un sursis à statuer, leur taux d’endettement était en effet trop important lors de la conclusion de l’emprunt, sans souscription d’une assurance, il n’a pas été souscrit de fiche d’information patrimoniale. S’agissant de leur domicile et du lieu d’exploitation à proximité d’un restaurant par monsieur [K], la vente aura des conséquences manifestement excessives pour eux. La Lyonnaise de banque a renoncé à se prévaloir de la déchéance du terme qui exige une manifestation de volonté, en acceptant la reprise du paiement des mensualités durant 4 ans, sans réaction. Elle ne peut donc exiger la somme qu’elle réclame et en outre certaines mensualités sont donc nécessairement prescrites au fur et à mesure de leur exigibilité. De plus il y a discordance dans le montant du capital dû qui ne permet pas de connaître le montant exact de la créance (186 857.19 euros ou 190 258.33 euros ). L’indemnité de 7% est une clause pénale et il doit être ordonné à la banque de verser un décompte actualisé tenant compte des intérêts au taux légal car ils sont débiteurs de bonne foi, ont procédé au paiement de nombreuses échéances, recherchent une solution pour ne pas voir leur domicile vendu à vil prix. Ils ont versé des acomptes réguliers jusqu’en octobre 2019 et il est certain qu’un délai leur permettra d’honorer leur dette. Afin d’être plus proches de la valeur du bien, il convient d’augmenter la mise à prix et permettant à défaut d’enchères une baisse du quart.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 6 février 2023, auxquelles il est renvoyé, la société Lyonnaise de banque demande à la cour de :
– débouter les appelants,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant,
– condamner solidairement monsieur [K] et madame [R] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens d’appel.
Elle expose que les impayés ont existé à partir du mois de juillet 2015, après une lettre de mise en demeure, le 5 octobre 2015, elle a provoqué la déchéance du terme le 21 décembre 2015. En septembre 2020, une partie de la dette a été prise en charge par la compagnie d’assurance, mais le compte n’a pas été soldé. La demande de sursis à statuer est dilatoire, le procès en manquement contractuel étant introduit plus de 13 ans après l’emprunt et l’action prescrite, ce que le juge de la mise en état a retenu dans un décision soumise à la cour d’appel, en date du 25 janvier 2023 qui les déclare irrecevables en leurs demande en réparation. L’acceptation de règlements partiels durant plusieurs années, qui ont chaque fois interrompu la prescription, ne peut être admis comme une renonciation à la déchéance du terme de sa part, cette renonciation ne pouvant être équivoque. La clause pénale ne doit pas être réduite, d’autant que la banque ne réclame pas la majoration du taux des intérêts de retard, ce qui lui aurait été permis selon le contrat. Alors qu’ils ne versent aucune somme depuis octobre 2019, les appelants ne justifient pas de leurs revenus exacts et n’établissent pas être en mesure de payer, s’il était fait droit à leur demande de délais de paiement. Elle même ne s’oppose pas à la vente amiable du bien saisi. Il n’y a pas lieu de modifier la mise à prix afin d’attirer le maximum d’enchérisseurs et il ne peut être autorisé une baisse de la mise à prix à défaut d’enchères, car dans ce cas, c’est le créancier poursuivant qui est déclaré adjudicataire sur la mise à prix mentionnée au cahier des conditions de vente.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
Sur le sursis à statuer :
Monsieur [K] et madame [R] ont introduit le 23 décembre 2021, postérieurement au commandement de payer qui leur a été délivré en février 2021, une action en responsabilité contractuelle à l’encontre de la banque pour solliciter des dommages et intérêts qui viendraient se compenser avec la créance admise en première instance dans la procédure de saisie immobilière au titre du remboursement du prêt consenti par la Lyonnaise de banque. Ce sursis à statuer, compte tenu de la particularité de la procédure de saisie immobilière, s’analyse sur le plan juridique en un sursis aux poursuites, mais qui est strictement encadré en cette matière, une mesure d’exécution engagée sur la base d’un titre exécutoire, que le juge de l’exécution ne peut pas modifier, qui sert de fondement aux poursuites et dont il ne peut suspendre l’exécution, sauf la possibilité d’accorder des délais de paiement mais au regard de la situation personnelle et financière du débiteur, selon le droit commun de l’article 1343-5 du code civil. Au demeurant, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan, le 25 janvier 2023, a estimé l’action en responsabilité prescrite, ce que ne manque pas de souligner le créancier poursuivant pour combattre la demande de sursis à statuer.
Il ne sera pas fait droit au sursis à statuer.
Sur la déchéance du terme :
La Lyonnaise de banque produit à son dossier, les lettres recommandées de mise en demeure préalable à la déchéance du terme adressées à monsieur [K] et madame [R], le 5 octobre 2015, dont ils ont accusé réception le 7 octobre 2015. Il leur était demandé de régulariser les impayés à défaut de quoi la déchéance du terme serait encourue rendant le prêt immédiatement exigible. Par courriers postérieurs du 21 décembre 2015, également réceptionnés par monsieur [K] et madame [R], ils étaient informés de ce que la déchéance du terme était prononcée par l’établissement financier à défaut de régularisation constatée.
Il est acquis aux débats que les appelants ont régulièrement versé des sommes à la suite de cette déchéance du terme, dans l’espoir de redresser la situation et de trouver un nouveau financement. Il n’en résulte pas pour autant que la Lyonnaise de banque ait renoncé à la déchéance du terme acquise, ce qui suppose une manifestation de volonté non équivoque. Le dossier était suivi par madame [B] [S] qui écrivait qu’il restait du retard accumulé à régulariser, au risque de voir engager une procédure de saisie immobilière. Dans un mail du 15 janvier 2020, faisant référence au règlement mensuel des échéances à hauteur de 1433.19 €, elle précisait que cela ne suffisait pas à apurer le retard et que la banque pourrait être contrainte à une saisie immobilière.
Il n’y avait donc pas renonciation à la déchéance du terme et reprise de l’exécution normale du contrat de prêt.
Sur la certitude et l’exigibilité de la créance :
Le commandement de payer valant saisie immobilière, délivré le 5 février 2021, énonce en sa page 7 le décompte de créance et mentionne un capital restant dû au 21 décembre 2015 de 186 857.19 € et des échéances de retard, qui n’ont pas été honorées qui comprennent elles aussi, un montant de 3 401.14 euros de capital, ce qui au total, ainsi que l’explique la Lyonnaise de Banque, aboutit à un capital non payé de 190 258.33 €. Ces éléments sont tout à fait conformes au tableau d’amortissement inséré à l’acte authentique de prêt. De même, l’imputation des sommes versées n’est pas critiquable, chaque versement partiel ayant pour effet de faire obstacle à la prescription de la dette devant être envisagée, à la suite de la déchéance du terme, comme globale, de sorte qu’il n’y a pas lieu de vérifier la prescription de chaque mensualité successivement.
Le premier juge a admis expressément que l’indemnité de 7% et la majoration des intérêts de retard constituent une clause pénale qui peuvent être minorées lorsqu’elles sont manifestement excessives. La Lyonnaise de banque souligne qu’elle n’a pas cumulé les sanctions et calcule le taux d’intérêt à son montant contractuel, sans majoration. La somme de 13 318.08 euros compte tenu de l’exécution partielle de la convention, il restait encore environ 18 ans avant le terme du financement et du taux d’intérêt pratiqué, n’est pas manifestement excessive.
Il sera cependant relevé qu’une erreur de frappe existe sur le montant de la créance, qui selon le commandement de payer est de 199 871.48 euros au 4 novembre 2020, et non 199 971.48 euros comme indiqué au dispositif du jugement de première instance. Le montant de la créance exigible étant soumis aux débats devant la cour, il sera donc rectifié.
Sur les délais de paiement :
L’article 1343-5 du code civil permet au juge, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, de reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Ce qui suppose que la situation du débiteur soit connue. Les appelants exposent le montant de leur charges mensuelles, soit 277 euros environ, mais malgré les observations sur ce point de leur adversaire procédural, ne justifient pas de leurs revenus qui auraient pu être communiqués au travers d’un avis d’imposition récent. Leur déclaration de revenus 2021 ne porte pas les éléments financiers nécessaires, et il peut être retenu que depuis octobre 2019, ils n’ont plus fait de versements, ce qui étaye alors qu’ils sont de bonne foi, leur impossibilité à apurer la dette dans un délai qui serait au maximum de deux années.
Sur les conditions de vente :
La vente amiable autorisée par le premier juge n’est pas contestée.
Concernant la mise à prix à hauteur de 90 000 €, les appelants avaient évoqué devant le juge de l’exécution, une valeur du bien à 366 000 €. Devant la cour il n’est produit aucune estimation de l’immeuble, dont il convient toutefois de retenir qu’il a été acquis en 2008 au prix de 230 000 euros tandis que l’évolution de l’immobilier est plutôt favorable. Afin cependant de conserver une attractivité au bien et d’attirer le maximum de candidats à l’acquisition, de les mettre en concurrence pour obtenir une vente satisfaisante, la mise à prix doit rester intéressante, elle sera fixée à 130 000 €, sans baisse à défaut d’enchères dès lors que le créancier poursuivant se trouvera alors adjudicataire aux conditions originaires du cahier des conditions de vente.
Sur les autres demandes :
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles engagés dans l’instance, il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront traités en frais privilégiés de vente.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,
INFIRME la décision déférée quant au montant de la mise à prix du bien saisi et au montant de la créance,
Statuant à nouveau de ces chefs,
DIT que la créance de la société Lyonnaise de banque est de 199 871.48 euros au 4 novembre 2020 outre intérêt contractuel postérieur de 4.99 % l’an,
FIXE la mise à prix du bien immobilier en cas d’adjudication à la somme de 130 000 €,
CONFIRME pour le surplus le jugement déféré,
Y ajoutant,
DIT n’y avoir lieu à frais irrépétibles,
DIT que les dépens d’appel seront traités en frais privilégiés de vente.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE