Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRÊT DU 24 MAI 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/07675 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFVIR
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Mars 2022 -Juge de la mise en état de TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY – RG n°
APPELANTE
Mme [L] [M]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Amele FAOUSSI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Isabelle SIMONNEAU de la SELEURL IS AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0578
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.Marc BAILLY, Président de chambre et M. Vincent BRAUD, Président.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M.Marc BAILLY, Président de chambre
M.Vincent BRAUD, Président
MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Yulia TREFILOVA
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M.Marc BAILLY, Président de chambre, et par Anaïs DECEBAL,Greffière, présente lors de la mise à disposition.
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FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 14 avril 2022, Mme [L] [M] a interjeté appel de l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 8 mars 2022 rendue dans l’instance l’opposant à la société Crédit industriel et commercial, qui a déclaré Mme [M] malfondée en ses fins de non recevoir tirées de la prescription et du défaut de qualité à défendre, a dit que les dépens de l’incident suivront le sort de l’instance principale, a débouté les parties de leurs demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et a renvoyé l’affaire à la mise en état (pour avis des parties sur la mise en oeuvre d’une mesure de médiation judiciaire, et le cas échéant conclusions au fond de la défenderesse).
À l’issue de la procédure d’appel les moyens et prétentions des parties s’exposent de la manière suivante.
Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 9 juin 2022 l’appelant
en ces termes, demande à la cour,
‘Vu l’article 12 et suivants du code de procédure civile,
Vu l’article 1240 du code civil,
Vu les articles 1857 et 2224 et suivants du code civil,’
de bien vouloir :
‘INFIRMER l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 8 mars 2022 en ce qu’elle a déclaré Mme [L] [M] malfondée en sa fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à défendre, et l’en débouter,
STATUANT DE NOUVEAU,
DECLARER irrecevable le CIC pour défaut de qualité du défendeur, en ce que Mme [M] n’avait pas la qualité d’associé au jour de l’exigibilité de la créance ;
DEBOUTER le CIC de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions dans le cadre de l’instance en cours devant le tribunal judiciaire de Bobigny n°21/03743 ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
CONDAMNER le CIC à verser la somme de 6 500 euros au titre de l’article 700 CPC,
CONDAMNER le CIC aux entiers dépens.’
Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 17 juin 2022 l’intimé
en ces termes, demande à la cour,
‘Vu l’article 789 du code de procédure civile,
Vu l’article 1103 du code civil,
Vu l’article 1343-2 du code civil,
Vu l’article 1857 du code civil,’
de bien vouloir :
‘Confirmer l’ordonnance de madame le juge de la mise en état en ce qu’elle :
– déclare Madame [L] [M] mal fondée en ses fins de non-recevoir tirées de la prescription et du défaut de qualité à défendre et l’en déboute,
– dit que les dépens de l’incident suivront le sort des dépens de l’instance principale,
– déboute madame [L] [M] et le CIC de leurs demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– renvoie l’affaire à l’audience de mise en état du mardi 12 avril 2022 pour avis des parties sur la mise en oeuvre d’une mesure de médiation judiciaire, et le cas échéant pour les conclusions au fond de la défenderesse,
En conséquence :
Juger l’action du CIC à l’égard de madame [L] [M] recevable et rejeter les fins de non-recevoir tenant à sa prescription et à son défaut de qualité à défendre ;
Juger que madame [L] [M] est associée de la SCI AICHA ;
Débouter madame [L] [M] de ses demandes ;
Condamner madame [L] [M] à payer au CIC la somme de 6 500 euros au titre de
l’article 700 du code de procédure civile.’
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Par acte authentique en date du 23 juillet 2004, la société Crédit industriel et commercial a consenti à la SCI Aicha, deux prêts, de 209 000 et 191 000 euros, destinés à financer l’acquisition d’un ensemble immobilier sis à [Localité 3]. En raison d’impayés la banque a prononcé la déchéance du terme le 7 mars 2007.
Par acte du 18 juin 2007, MMme [M] ont acquis l’intégralité des parts sociales de la SCI Aicha, à concurrence de 50 % chacun.
La procédure de saisie immobilière engagée n’a pas permis de solder la créance du Crédit industriel et commercial, lequel a reçu de la procédure de distribution du prix, la somme de 317 247,04 euros (selon ordonnance d’homologation du juge de l’exécution en date du 31 décembre 2018).
La liquidation judiciaire de la SCI Aicha a été prononcée par jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 4 mars 2021, et la date de cessation des paiements fixée au 4 septembre 2019.
Par acte d’huissier de justice délivré le 15 avril 2021, la société Crédit industriel et commercial a fait assigner Mme [M], en sa qualité d’associée, sur le fondement de l’article 1857 du code civil, en paiement de la somme de 138 036,56 euros, c’est à dire, proportionnellement au nombre de ses parts sociales, à hauteur de 50 % de la créance,.
Devant le juge de la mise en état saisi d’incident, Mme [M] en premier lieu a opposé à la demande de la société Crédit industriel et commercial, la prescription de la créance.
Pour rejeter cette fin de non recevoir le juge de la mise en état, dans l’ordonnance dont appel a retenu :
– que la prescription est quinquennale, le code de la consommation n’ayant pas vocation à s’appliquer puisque la banque poursuit le recouvrement de sa créance à l’encontre de Mme [M] en sa qualité d’associée de la SCI Aicha sur le fondement de l’article 1857 du code civil et non en qualité de consommateur ;
– que l’associé, débiteur subsidiaire du passif social, est en droit d’opposer au créancier la prescription de la créance détenue contre la société ; la poursuite préalable et vaine de la société ne constitue pas le point de départ de la prescription de l’action du créancier contre l’associé, qui est le même que celui de la prescription de l’action contre la société;
– que si selon Mme [M] le délai de prescription quinquennale a commencé à courir à l’encontre du Crédit industriel et commercial au jour du jugement de vente immobilière le 9 octobre 2012, en réalité l’effet interruptif de l’introduction de la procédure de saisie immobilière a pris fin à la date de l’homologation du projet de répartition du prix d’adjudication par le juge de l’exécution, le 31 décembre 2018, date à laquelle un nouveau délai quinquennal a recommencé à courir ;
– que par conséquent, l’assignation étant en date du 15 avril 2021 la société Crédit industriel et commercial n’est pas prescrite en son action.
À hauteur de cour, la question de la prescription ne fait plus débat.
En second lieu, s’agissant du défaut de qualité à défendre de Mme [M], laquelle fait valoir qu’elle n’était pas associée de la SCI Aicha lorsque la créance de la banque à l’égard de cette dernière est devenue exigible, le juge de la mise en état a retenu qu’il résulte de la combinaison des articles 1857 et 1858 du code civil que l’action dont dispose le créancier à l’encontre de l’associé revêt un caractère subsidiaire. Il s’ensuit que la date d’exigibilité de la créance s’entend de la date d’exigibilité de la créance à l’égard de l’associé et non de la société, et en l’espèce la date à laquelle la créance du Crédit industriel et commercial est devenue exigible à l’encontre de Mme [M] en sa qualité d’associée de la SCI Aicha doit être fixée au 4 septembre 2019, date de la cessation des paiements de la SCI ; à cette date Mme [M] était associée de la SCI Aicha.
À l’appui de ses prétentions Mme [M] fait valoir, tout d’abord, que la date d’exigibilité de la créance est nécessairement et strictement la même pour l’ensemble des débiteurs, tout au long de la procédure. Or, en l’espèce, la déchéance du terme rendant exigibles les sommes à devoir, a été prononcée par le Crédit industriel et commercial le 7 mars 2007. Il n’y a pas à rechercher une autre date. D’ailleurs aucune procédure de saisie immobilière n’aurait pu être diligentée en l’absence d’exigibilité de la créance. Ensuite il résulte d’un arrêt de la Cour d’appel de Nouméa rendu après cassation, au visa de l’article 1857 du code civil, ‘que seuls les associés à la date à laquelle le paiement est exigible peuvent être recherchés par les créanciers et que le nouvel associé ne répond que des dettes devenues exigibles postérieurement à son entrée dans la société’. Mme [M] a acquis ses parts postérieurement à la date de l’exigibilité du 7 mars 2007, le 16 juillet 2008, elle ne peut donc être poursuivie.
La société Crédit industriel et commercial répond qu’il ne s’agit pas de retenir la date d’exigibilité de la créance à l’égard de la SCI mais celle fixée par l’article 1858 du code civil, qui impose pour introduire une action à l’égard des associés d’avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale. Par conséquent, ce n’est qu’à l’issue de la procédure de saisie immobilière et de celle de la liquidation judiciaire, et en retenant la date de cessation des paiements du 4 septembre 2019, qu’il convient de se situer, pour engagner les poursuites à l’encontre des associés devant répondre des dettes sociales. En toutes hypothèses, à la date d’introduction des mesures d’exécution le 22 juin 2011, à celle de cessation des paiements du 4 septembre 2019, et à celle du jugement de liquidation judiciaire du 4 mars 2021, Mme [M] était associée de la SCI Aicha.
Sur ce,
Il résulte des termes de l’arrêt de la Cour d’appel de Nouméa rendu après cassation, au seul visa de l’article 1857 du code civil, ‘que seuls les associés à la date à laquelle le paiement est exigible peuvent être recherchés par les créanciers et que le nouvel associé ne répond que des dettes devenues exigibles postérieurement à son entrée dans la société’.
En l’espèce la créance de la société Crédit industriel et commercial est devenue exigible au prononcé de la déchéance du terme, le 7 mars 2007. Cela résulte tant de la lettre recommandée avec accusé de réception émanant de la banque Crédit industriel et commercial à cette date et portant prononcé de la déchance du terme, que de ses nombreuses pièces s’y référant.
Il n’y a pas lieu de retenir d’autre date, comme celle de l’ouverture de la déclaration de cessation des paiements comme le suggère encore la société Crédit industriel et commercial aux termes de ses écritures.
Il est tout aussi établi que Mme [M] a acquis ses parts le 16 juillet 2008, c’est à dire postérieurement à la date de l’exigibilité de la créance, du 7 mars 2007. Conformément à la règle de droit posé par l’arrêt précité, Mme [M] ne peut être poursuivie en sa qualité d’associé de la SCI Aicha, puisqu’elle n’en était pas l’associé lorsque la créance de la banque est devenue exigible.
Par conséquent, la fin de non recevoir opposée par Mme [M] tirée du défaut de qualité doit être accueillie. L’ordonnance dont appel sera donc infirmée en toutes ses dispositions s’y rapportant.
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Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société Crédit industriel et commercial qui échoue en ses prétentions, supportera la charge des dépens et ne peut se voir attribuer aucune somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l’équité il y a lieu de faire droit à la demande de Mme [M] formulée sur ce même fondement mais uniquement dans la limite de la somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l’appel,
CONFIRME l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire du 8 mars 2022 (RG 21/03743) en ce que Mme [L] [M] est déclarée malfondée en sa fin de non recevoir tirée de la prescription,
INFIRME l’ordonnance en toutes ses autres dispositions, et statuant à nouveau des chefs infirmés :
‘ dit que Mme [L] [M] est bienfondée en sa fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir ou à défendre ;
‘ dit que la société Crédit industriel et commercial est irrecevable à agir à l’encontre de Mme [L] [M] en sa qualité prétendue d’associé de la société civile immobilière Aicha ;
‘ condamne la société Crédit industriel et commercial aux entiers dépens de l’instance ;
‘ condamne la société Crédit industriel et commercial à payer à Mme [L] [M] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE PRÉSIDENT LE GREFFIER