Chambre civile
Section 2
ARRÊT N°
du 24 MAI 2023
N° RG 22/00096
N° Portalis DBVE-V-B7G-CDF4
JD – C
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine Juge des contentieux de la protection d’AJACCIO, décision attaquée en date du 15 Décembre 2020, enregistrée sous le n°
[L]
C/
[X] [N]
S.A. CAISSE D’EPARGNE PROVENCE ALPES CORSE
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
VINGT-QUATRE MAI
DEUX-MILLE-VINGT-TROIS
APPELANTE :
Mme [K] [E] [L]
née le [Date naissance 5] 1980 au PORTUGAL
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Elizabeth BELAICHE, avocate au barreau d’AJACCIO plaidant en visioconférence
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2B033-2022-000168 du 10/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIMÉS :
M. [M] [Y] [X] [N]
né le [Date naissance 4] 1976 au PORTUGAL
[Adresse 8]
[Localité 3]
défaillant
S.A. CAISSE D’EPARGNE PROVENCE ALPES CORSE
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentée par Me Pierre-Louis MAUREL, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 9 mars 2023, devant Judith DELTOUR, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Elorri FORT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 mai 2023
ARRÊT :
Rendu par défaut,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Vykhanda CHENG, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Alléguant une offre préalable acceptée le 7 janvier 2017, portant prêt personnel n°4236693030 d’un montant de 48 000 euros remboursable en cent vingt mensualités de 494,46 euros hors assurance, des échéances impayées, des mises en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, par acte du 26 septembre 2019, la S.A. Caisse d’épargne Provence Alpes Corse a assigné M. [M] [X] et Mme [K] [L] devant le tribunal d’instance d’Ajaccio pour obtenir leur condamnation solidaire au paiement outre des dépens, de 39 382,74 euros outre les intérêts conventionnels et de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Ayant relevé d’office la déchéance du droit aux intérêts par jugement rendu le 15 décembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Ajaccio a :
– déclaré recevable la demande en paiement de la société Caisse d’épargne Provence Alpes Corse,
– condamné solidairement M. [M] [X] [N] et Mme [K] [L] épouse [X] [N] à payer à la société Caisse d’épargne Provence Alpes Corse la somme de
29 454,22 euros au titre du contrat de prêt N°4236693030 étant précisé que cette somme ne produira aucun intérêt, que ce soit d’origine légale ou conventionnelle,
– rejeté la demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [M] [X] [N] et Mme [K] [L] épouse [X] [N] aux dépens.
Par déclaration reçue le 11 février 2022, Mme [K] [L] a interjeté appel de la décision en ce qu’elle l’a condamnée à payer à la S.A. Caisse d’épargne Provence Alpes Corse la somme de 29 454,22 euros et l’a condamnée au paiement des dépens. Suivant avis de non constitution du 21 mars 2022, elle a signifié sa déclaration d’appel à M. [X] [N], en application des dispositions de l’article 659 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions communiquées le 26 janvier 2023, Mme [L] a sollicité de :
– déclarer recevable sa déclaration d’appel,
– confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la SA CEPAC quant au crédit n°4236693030, prononcé la déchéance du droit aux intérêts au taux légal de la SA CEPAC quant au crédit n°4236693030, rejeté la demande de la SA CEPAC « visant à se voir octroyer en première instance des frais de justice sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile »,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société Caisse d’épargne Provence Alpes Corse la somme de 29 454,22 euros et l’a condamnée au paiement des dépens,
– dire n’y avoir lieu de condamner Mme [L] en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle a fait valoir que M. [X] [N] était parti au Portugal en emportant les moyens de paiement du compte bancaire commun, que « Mme [Z] » avait interjeté deux appels, que la première déclaration d’appel de Mme [Z] était régulière, que Mme [Z] demandait que sa déclaration d’appel soit déclarée recevable. Elle a soutenu que l’offre de prêt n’était pas régulière, que le jugement devait être confirmé, que l’assurance devait figurer dans l’encadré qui résume les conditions du prêt et que la banque devait être déchue du droit
aux intérêts au visa de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle a exposé que l’ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales avait mis à la charge de M. [X] [P], défaillant, l’ensemble des prêts, ce qui empêchait qu’elle soit condamnée au titre du prêt litigieux. Elle a ajouté qu’elle était bénéficiaire de l’aide juridictionnelle et ne pouvait supporter une condamnation au paiement des dépens.
Par conclusions communiquées le 31 mai 2022, signifiées le 7 juin 2022 à M. [X] [N], en application des dispositions de l’article 659 du code de procédure civile, la S.A. Caisse d’épargne Provence Alpes Corse a demandé de :
– déclarer recevable son appel incident,
– infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné solidairement M. [X] [N] et Mme [L] au paiement de la dette,
Statuant de nouveau,
– condamner solidairement M. [X] [N] [M] et Mme [L] [K] à payer à la Caisse d’épargne Provence Alpes Corse la somme de 39 382,74 euros en principal, majorée des intérêts au taux conventionnel.
– les condamner en outre au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle a rappelé les éléments de fait et la décision du juge des contentieux de la protection et fait valoir que la mention de l’assurance dans l’encadré était facultative, que l’encadré informait l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit sous peine de déchéance du droit aux intérêts et que le délai de rétractation était mentionné à deux reprises et que les emprunteurs avaient renoncé au délai de rétractation, qu’elle avait été sanctionnée doublement par la déchéance du droit aux intérêts moratoires et aux intérêts au taux légal.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er février 2023.
L’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 9 mars 2023. L’affaire a été mise en délibéré pour être rendu par mise à disposition au greffe le 24 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour statuer comme il l’a fait, le juge des contentieux de la protection a relevé les causes possibles de forclusion et de déchéance du droit du créancier à poursuivre les emprunteurs. Ayant exclu la forclusion, il a retenu que l’encadré ne comportait pas mention de l’assurance, et qu’il « ne pouvait être, dans l’esprit de la loi, demandé aux emprunteurs une gymnastique visuelle ajoutée à un calcul mental pour pouvoir connaître la réelle ampleur
de leur engagement », que « la reconnaissance écrite par les emprunteurs dans le corps de l’offre préalable de la remise d’un bordereau détachable n’équivaut pas à la remise effective du bordereau de rétractation par le prêteur », que les intérêts au taux légal majoré étant équivalents au taux conventionnel, le prêteur devait également en être déchu.
M. [X] [N] n’a pas comparu et personne pour lui, il n’a pas été cité à personne, l’arrêt est rendu par défaut en application des dispositions de l’article 474 du code de procédure civile.
Les développements de l’appelante dont l’identité varie en fonction des pièces et des décisions ( [Z] [L] [N], [X] [N], [Z], [L],) relativement à une autre déclaration d’appel ne sont pas justifiés par les pièces qu’elle produit (le jugement, l’ordonnance de non conciliation et douze bulletins de salaires). S’il ressort de la consultation du réseau privé virtuel des avocats qu’elle avait saisi la cour de deux déclarations d’appel, dont elle avait demandé la jonction, qu’il lui a été opposé que la jonction ne créait pas de lien d’instance, cette question a été tranchée dans le cadre de la mise en état.
La recevabilité de l’appel pendant interjeté plus d’un an après le jugement et celle de l’appel incident n’ont pas été contestées. Aucune des parties ne fait état d’une signification du jugement.
Sur l’appel principal
L’ordonnance de non-conciliation rendue le 13 janvier 2021, appliquant le droit national à deux ressortissants portugais mariés au Portugal, a mis à la charge de M. [X] [N], non comparant et non représenté, le crédit contracté auprès de la Caisse d’épargne objet du litige, et également, le crédit contracté auprès du garage Paoli pour l’achat d’un véhicule Mercedes et le crédit à la consommation ayant servi à financer la cuisine. Cependant, il résulte de l’offre de crédit qu’elle a été souscrite par M. [X] [N] et Mme [Z] [L], ensemble, que les obligations sont contractées de manière solidaire et indivisible par les emprunteurs, qui renoncent au bénéfice de discussion ou de division.
Autrement dit, cette décision, qui comme elle l’indique régit que les mesures provisoires entre époux, n’est pas opposable au créancier.
Mme [L] est donc déboutée de ses demandes en cause d’appel, étant relevé qu’en dépit de son appel et de ses développements, elle n’avait pas demandé à la cour dans le dispositif de ses conclusions de statuer à nouveau et de débouter la banque de ses demandes.
Sur l’appel incident
En application des dispositions des articles L312-28, L341-1 du code de la consommation, un encadré, inséré au début du contrat, informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit, sous peine de déchéance du prêteur du droit aux intérêts. L’article
R 312-10 du code de la consommation précise la liste des informations figurant dans l’encadré, qui indique en caractère plus apparents que le reste du contrat, dans l’ordre choisi par le prêteur et à l’exclusion de toute autre information : notamment « le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l’emprunteur doit verser et, le cas échéant, l’ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l’autorisation que l’emprunteur doit rembourser » (d) et les sûretés et les assurances exigées, le cas échéant (h).
Il s’en déduit que le montant de l’échéance qui figure dans l’encadré au titre des informations sur les caractéristiques essentielles du contrat de crédit n’inclut pas le coût mensuel de l’assurance souscrite par l’emprunteur accessoirement à ce contrat.
Pour prononcer la déchéance de la banque de son droit aux intérêts, le premier juge a retenu que le montant de l’échéance qui devait figurer dans l’encadré devait comprendre le coût de l’assurance souscrite et que le coût de l’assurance à laquelle les emprunteurs ont adhéré n’a pas été intégré au montant de la mensualité mentionnée dans l’encadré, qu’ils n’ont pas été informés de la réelle ampleur de leur engagement. En statuant comme il l’a fait, le premier juge a ajouté à la loi et aux règlements qui n’exigent pas que soit mentionnée dans cet encadré le coût de l’assurance.
Surabondamment, en l’espèce, dans l’encadré figure la mention « coût mensuel de l’assurance 49,60 euros (cette prime s’ajoute au montant de l’échéance de l’emprunteur).
S’agissant du bordereau de rétractation, en application des dispositions de l’article L 312-19 du code de la consommation, l’emprunteur peut se rétracter sans motif dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L 312-28.
En l’espèce, les emprunteurs ont demandé le déblocage des fonds avant l’expiration du délai de quatorze jours soit dès le huitième jour suivant la date de leur acceptation de l’offre. Cependant cette option n’empêche pas une rétractation ultérieure.
De plus, l’article L 312-21 du code de la consommation précise qu’afin de permettre l’exercice du droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit. L’exemplaire de l’emprunteur n’est pas produit et la banque ne rapporte pas la preuve que l’exemplaire de l’emprunteur était accompagné de ce bordereau de rétractation.
Suivant les dispositions de l’article L 341-4 du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées notamment par l’article L. 312-21 est déchu du droit aux intérêts. L’article L 341-8 du code de la consommation précise que lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L 341-1 à L 341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu.
Seul le juge de l’exécution peut exonérer ou réduire le montant de la majoration du taux légal prévue par l’article L 313-3 du code monétaire et financier. Le jugement ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a déchu la prêteuse de son droit aux intérêts conventionnels alors que théoriquement, la déchéance du droit aux intérêts ne peut affecter les intérêts légaux.
Cependant en l’espèce, l’appelante ne démontre pas chiffres à l’appui que le raisonnement du premier juge relativement au taux conventionnel et au taux d’intérêt majoré est erroné. Le jugement ne peut qu’être confirmé.
Chacune des parties succombe en son appel et l’appelante est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle.
En conséquence, chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens sans qu’il y ait lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
– Confirme le jugement,
Y ajoutant
– Déboute Mme [K] [E] [L] de ses demandes,
– Déboute la S.A. Caisse d’épargne Provence Alpes Corse de ses demandes y compris en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ,
– Condamne Mme [K] [E] [L] d’une part et la S.A. Caisse d’épargne Provence Alpes Corse d’autre part à payer leurs propres dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT