ARRÊT DU
24 Mai 2023
AB / NC
——————–
N° RG 22/00677
N° Portalis DBVO-V-B7G -DA26
——————–
SA CIC SUD OUEST
C/
[C] [P] [K]
——————-
GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 235-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
Section commerciale
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
SA CIC SUD OUEST pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS BORDEAUX 456 204 809
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Louis VIVIER, substitué à l’audience par Me Frédérique POLLE, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Aurélie LESTRADE, SELARL DECKER, substituée à l’audience par Me Fatima LAGNAOUI, avocate plaidante au barreau de TOULOUSE
APPELANTE d’un jugement du tribunal de commerce d’AUCH en date du 22 juillet 2022, RG 2021 001702
D’une part,
ET :
Madame [C] [P] [K]
née le [Date naissance 3] 1985 à [Localité 4]
de nationalité française, responsable de magasin
domiciliée : [Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Eléa CERDAN, SELARL VALAY – BELACEL – DELBREL – CERDAN, avocate postulante au barreau d’AGEN
et Me Alexandra BOULOC, substituée à l’audience par Me Pauline LOPES, avocate plaidante au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 05 avril 2023, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l’audience
Assesseur : Jean-Yves SEGONNES, Conseiller
qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de :
Benjamin FAURE, Conseiller
en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘ ‘
‘
EXPOSÉ DU LITIGE
Vu l’appel interjeté le 17 août 2022 par la SA CIC SUD OUEST à l’encontre d’un jugement du tribunal de commerce d’AUCH en date du 27 juillet 2022.
Vu les conclusions de la SA CIC SUD OUEST en date du 25 octobre 2022
Vu les conclusions de Mme [C] [K] en date du 20 janvier 2023.
Vu l’ordonnance de clôture du 22 février 2023 pour l’audience de plaidoiries fixée au 5 avril 2023.
——————————————
Le 24 février 2017, la SAS DE LA CHOUETTE a souscrit une convention de compte courant professionnel référencé 19303203094 01 auprès du CIC SUD OUEST.
Le 13 octobre 2017, la SAS DE LA CHOUETTE a contracté un prêt professionnel n° 10057 19053 00020309402 auprès du CIC SUD OUEST d’un montant de 40.858,28 euros au taux fixe de 1,30 %, sur une durée de 57 mois. Ce prêt ayant pour objet le rachat d’un prêt professionnel n° 9542 163627 accordé le 18 juin 2015 par la Banque Populaire Occitane, était garanti par :
– le cautionnement solidaire de Mme [C] [K], gérante de la SAS DE LA CHOUETTE, pour un montant de 49.029,94 euros, incluant principal, intérêts, pénalités et intérêts de retard ;
– un nantissement de fonds de commerce de salon de coiffure exploité [Adresse 1], sous le nom commercial ESPACE COIFFURE.
Par jugement en date du 23 juillet 2019, le tribunal de commerce de TOULOUSE a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS DE LA CHOUETTE, désignant Maître [Y] en qualité de mandataire liquidateur. En application de l’article L643-1 du code de commerce, la totalité des créances non échues est devenue exigible à compter de cette date.
Le 30 juillet 2019, la banque a alors régulièrement déclaré ses créances entre les mains de Maître [Y], ès qualités.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 août 2019, la banque a mis en demeure Mme [K] de régler les sommes dues à hauteur de son engagement de caution, soit la somme de 29.565,72 euros. Le pli n’a pas été réclamé, de sorte que la banque a adressé la mise en demeure par courrier simple le 23 août 2019, en vain.
Au 3 novembre 2021, l’emprunteur restait devoir la somme de 30.383,12 euros, somme qui est réclamée à Mme [K] augmentée des intérêts au taux conventionnel de 1,30 % a compter du 3 novembre 2021 jusqu’à parfait paiement.
Le CIC SUD OUEST a assigné Mme [K] notamment en paiement de la somme due au titre de son engagement de caution.
Par jugement par défaut en date du 28 octobre 2020, le tribunal de commerce a accueilli la demande de la banque. Par jugement en date du 20 octobre 2021, le juge de l’exécution a prononcé la nullité des actes de signification et a jugé le jugement non avenu.
Par acte d’huissier 9 novembre 2021, la banque a de nouveau assigné Mme [K] en paiement de la somme de 30.383,12 euros outre intérêts au taux conventionnel de 1,30 % à compter du 3 novembre 2021 jusqu’à parfait paiement, outre une somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Par jugement en date du 27 juillet 2022, le tribunal judiciaire d’AUCH a :
– débouté la banque CIC SUD OUEST de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné la banque CIC SUD OUEST à verser à Mme [C] [K] la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la banque CIC SUD OUEST aux entiers dépens, liquidés par le greffe à la somme de 69,59 euros.
Le tribunal de commerce a retenu que faute d’avoir fait remplir la fiche de renseignements sur le patrimoine et les revenus de la caution, la banque n’a pas vérifié si l’engagement de la caution était proportionné ou non à ses biens et revenus, de sorte qu’elle a commis une faute de négligence qui doit conduire au rejet de sa demande.
Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d’appel.
La banque CIC SUD OUEST demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
– juger qu’il incombe à la caution de démontrer le caractère disproportionné de son engagement,
– dire qu’aucune disproportion manifeste n’est établie tant lors de la souscription de l’engagement de caution qu’à ce jour,
– juger que Mme [K] est défaillante dans la charge de la preuve qui lui incombe,
– débouter Mme [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner Mme [K], ès qualités de caution de la SAS DE LA CHOUETTE, à payer sans délai au CIC SUD OUEST la somme principale de 30.383,12 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 1,30 % à compter du 3 novembre 2021 jusqu’à parfait paiement,
– condamner Mme [K], ès qualités de caution de la SAS DE LA CHOUETTE, à verser au CIC SUD OUEST la somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [K], ès qualités de caution de la SAS DE LA CHOUETTE, aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Louis VIVIER, sur son affirmation de droit.
Mme [K] demande à la cour de :
– à titre principal confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions
– à titre subsidiaire et s’il était fait droit à la demande de la SA CIC SUD OUEST de condamnation de la caution : juger que la banque SA CIC SUD OUEST a manqué à son devoir de mise en garde de la caution ;
– par conséquence, juger que la BANQUE SA CIC SUD OUEST a commis une faute et devra donc être condamnée à indemniser Mme [K] par l’allocation d’une somme qui ne saurait être inférieure à celle réclamée en justice par la banque SA CIC SUD OUEST, soit à ce jour 30.383,12 euros outre les intérêts conventionnels ;
– condamner la banque SA CIC SUD OUEST à payer à Mme [K] la somme de 30.383,12 euros, outre les intérêts au taux conventionnel, en réparation du préjudice subi ;
– ordonner la compensation des créances respectives ;
– à titre infiniment subsidiaire accorder à Mme [K] un report de sa dette à 24 mois, et à défaut des délais de paiement sur 24 mois ;
– ordonner que les échéances reportées produisent intérêts au taux légal ;
– condamner la banque SA CIC SUD OUEST aux entiers dépens ainsi qu’à la somme de 4.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur le caractère disproportionné de l’engagement de caution :
Aux termes de l’ancien article L. 332-1 du code de la consommation, applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Ce texte n’impose pas au créancier de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, laquelle supporte, lorsqu’elle l’invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
La disproportion doit être manifeste, c’est à dire flagrante ou évidente, au regard de tous les éléments du patrimoine de la caution et pas seulement de ses revenus.
Enfin, la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d’anomalie apparente sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu’elle a déclarée au créancier.
En l’espèce, il revient donc à Mme [K] de rapporter la preuve que ses ressources et son patrimoine au jour de la souscription soit le 19 octobre 2017 sont manifestement disproportionnés au regard de son engagement.
À cette date, Mme [K] perçoit un salaire de 800,00 euros par mois de la SASU LA CHOUETTE emprunteur principal, elle supporte avec son concubin de l’époque les charges mensuelles suivantes :
– prêt immobilier souscrit auprès de la BPO : échéance : 567,39 euros et capital restant dû 113.151,71 euros.
– prêt travaux souscrit auprès de la BPO : échéance : 113,29 euros ; capital restant dû : 1.238,10 euros.
– taxes foncières et d’habitation : 147,00 euros ;
– cotisations santé GROUPAMA : 102,00 euros ;
– frais de crèche pour enfant en bas âge : 311,64 euros ;
– EDF : 197,00 euros.
– total 1.440,00 euros à deux soit 720,00 euros par mois.
Elle perçoit donc un revenu disponible de 80,00 euros par mois avec un enfant à charge.
Le bien immobilier a été acquis pour un prix de 118.685,54 euros et a fait l’objet de travaux pour 3.122,76 euros. Le capital restant dû au jour de la souscription de l’engagement de caution est de 114.389,00 euros, soit une valeur nette d’environ 6.000,00 euros.
Il ressort de ces éléments que l’engagement de Mme [K] à concurrence de 49.029,94 euros, incluant principal, intérêts, pénalités et intérêts de retard est manifestement disproportionné.
Lorsque la caution établit que son engagement est disproportionné, il revient à la banque d’établir que le patrimoine de la caution pouvait répondre à son engagement au jour de la souscription.
Faute pour la banque de produire la fiche d’information, la banque succombe dans l’établissement de la preuve contraire à la disproportion de l’engagement.
Au jour où la banque poursuit la mise en oeuvre de la caution, il lui revient de rapporter la preuve que le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation.
Au jour où la banque poursuit Mme [K], celle ci est salariée moyennant un salaire de 1.573,00 euros en moyenne, elle perçoit une allocation logement de 37,00 euros et une contribution à l’entretien de l’enfant de 215,00 euros ; elle est locataire et supporte un loyer de 472,92 euros et les charges mensuelles suivantes : EDF 107,52 euros ; Véolia 20,00 euros ; mutuelle 82,38 euros ; crédit automobile 180,66 euros ; carburant 150,00 euros ; cantine centre aéré et assurance de l’enfant 80,00 euros ; frais d’avocat hors la présente procédure 367,00 euros. Elle n’a plus aucun patrimoine immobilier.
La banque ne produit aucun élément contraire sur le patrimoine de Mme [K] au jour où elle l’actionne.
Il apparaît donc que le patrimoine de Mme [K] au jour où elle est appelée à exécuter son engagement de caution, ne lui permet pas de faire face à son obligation.
C’est donc à bon droit que le premier juge a débouté la banque de sa demande.
Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.
2- Sur les demandes accessoires :
La SA CIC SUD OUEST succombe, elle supporte les dépens d’appel, augmentés d’une somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant,
Condamne la SA CIC SUD OUEST à payer à Mme [C] [K] la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SA CIC SUD OUEST aux entiers dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,