ARRET N°227
CP/KP
N° RG 21/01633 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GI43
[Adresse 8]
[Adresse 8]
C/
S.A. TRAXYS EUROPE
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 23 MAI 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01633 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GI43
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 juin 2018 rendu par le Tribunal de Grande Instance de NIORT.
APPELANTS :
Monsieur [V] [M] [D]
né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 4] (79)
Crissé
[Localité 4]
Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant Me Sébastien REY de la SAS AVODES, avocat au barreau de DEUX-SEVRES.
Monsieur [E] [V] [J] [D]
né le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 6] (79)
Crissé
[Localité 4]
Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant Me Sébastien REY de la SAS AVODES, avocat au barreau de DEUX-SEVRES
INTIMES :
S.A. TRAXYS EUROPE
[Adresse 2]
L8009 STRASSEN (LUXEMBOURG)
Ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL
Près la Cour d’ Appel de [Localité 7]
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La société Traxys Europe SA (ci-dessous Traxys) est une société de droit luxembourgeois, spécialisée dans la commercialisation de minerais et métaux.
La société Luxembourg Internationale Mining Company DRC Limited (la société LIMC) est une société de droit congolais spécialisée dans l’exploitation de certains minerais, dont le gérant est M. [E] [D].
Les deux sociétés sont entrées en relation et le 8 octobre 2014, elles ont conclu un contrat de Commercialisation (« Cassitarite Purchase contract » /pièce appelant 1) aux termes duquel LIMC s’engageait à des livraisons mensuelles de cassitérite (étain), extrait au Congo.
Pour permettre à la société LIMC, qui manquait de trésorerie, de procéder à la livraison, la société Traxys s’est engagée, par contrat distinct du 9 octobre 2014, à effectuer une avance de 300.000 $ à sa cocontractante moyennant un intérêt annuel de 7 % (« Pre-export Financement Agreement « / pièce intimée 3) ; il était prévu que la société Traxys soit remboursée au fur et à mesure de l’exécution du contrat de commercialisation en compensation du prix à verser pour les livraisons mensuelles de cassitérite, et à tout le moins avant le 31 décembre 2015.
M. [E] [D] s’est engagé parallèlement comme caution, avec son père M. [V] [D], de manière solidaire et indivisible, par acte notarié du 18 octobre 2014, à payer, dans la limite de 350.000€ (pièce appelant 2) « … toute somme qui pourrait être due à Traxys par le débiteur(LIMC) au titre du Contrat de Commercialisation, en ce compris le prépaiement, de tout contrat de commercialisation signée avec une affiliée, ainsi que tous montant en principal, intérêts, frais et accessoires et le cas échéant pénalités et/ou intérêts de retard afférent à ces contrats… « . Il était précisé également que la société Traxys pourrait « . . . réclamer immédiatement le paiement à l’une et/ou l’autre caution, sans mise en demeure préalable, et sans qu’une procédure quelconque extrajudiciaire, judiciaire ou autre, soit nécessaire… (ni) que le créancier n’ait à exercer préalablement ses recours contre le débiteur et/ou contre l’autre caution… »
Les fonds ont été mis à disposition le 23 octobre 2014 sur le compte de LIMC (pièce intimée 5).
Par contrat du 8 décembre 2014, les deux sociétés ont conclu un second contrat dit , « contrat spot », portant sur la vente d’un lot (18.000kg) de colombo-tantalite, dit coltan (« Spot Purchase contract » / pièce appelant 3).
La société Traxys, dans ce cadre, a procédé à une avance des frais logistiques nécessaires (location de camion) versés auprès de la société belge Polytra, pour un montant de 18.750 $.
Le 11 décembre 2014, la société LIMC établissait une facture d’un montant de 1.002.561,97 $ en prévision d’une livraison, sans précision du minerai concerné, elle était validée par la société Traxys sous réserve de confirmation des poids et vérification du minerai à livrer, et de présentation des documents contractuels (pièce appelant 7).
Au moment de la livraison annoncée du coltan, la société Traxys, estimant que les conditions contractuelles n’étaient pas respectées, a refusé de procéder au règlement avant que la marchandise ait été exportée de république du Congo.
Les parties ont tenté de trouver un arrangement mais n’y sont pas parvenues, aucune livraison ni de cassitérite, ni de coltan, n’ayant en définitive été effectuée.
La société Traxys n’ayant pas obtenu le remboursement du prépaiement, a alors appelé les cautions en garantie par courrier du 3 septembre 2015, à hauteur de 298.371,45 €.
Faute de réaction des cautions, la société Traxys, après avoir diligenté deux saisies conservatoires autorisées par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Niort le 30 novembre 2015, a fait assigner les consorts [D] par acte d’huissier en date du 1er février 2016 en vue d’obtenir leur condamnation à lui régler au titre de leurs engagements en cette qualité, les sommes de 18.500 $ et 300.000 $ (soit un montant total converti au 31 décembre 2015 de 315 804,79 € à parfaire), avec intérêts au taux contractuel et capitalisation de ceux-ci.
Par jugement du 25 juin 2018 le tribunal de grande instance de Niort a :
-condamné solidairement M. [E] [D] et M. [V] [D] à payer à la sociétTraxys Europe S.A la somme de 318.750,00 dollars avec intérêts au taux contractuel échus à la date du jugement et converties en € au taux de change en vigueur à cette même date, soit un montant évalu é à 315.804,79 € (à parfaire) au 31 décembre 2015,
– ordonné la capitalisation des intérêts,
condamné solidairement M. [E] [D] et M. [V] [D] à payer à la société Traxys Europe S.A la somme de 7500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure Civile,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– condamné solidairement M. [E] [D] et M. [V] [D] au paiement des entiers dépens, qui comprendront les frais d’expertise, qui seront recouvrés conformément aux dispositions des articles 696 et 699 du code de Procédure Civile.
– ordonné l’ exécution provisoire de la décision,
Par acte enregistré le 7 août 2018 M. [V] [D] et M. [E] [D] ont relevé appel de cette décision en tous ses chefs expressément énoncés.
Par arrêt du 7 avril 2022, la cour de céans a :
– confirmé en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Niort du 25 juin 2018 ;
Y ajoutant,
condamné solidairement M. [E] [D] et M. [V] [D] à payer à la société Traxys Europe SA les intérêts contractuels échus ce jour depuis la date du jugement du 25 juin 2018 sur la somme de 300 000 $, dans la limite de l’engagement de caution de M. [E] [D] et M. [V] [D] , somme convertie en € au taux de change en vigueur à la date du présent arrêt
condamné in solidum M. [E] [D] et M. [V] [D] à payer à la sociétéTraxys Europe SA la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel ,
débouté M. [E] [D] et M. [V] [D] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné in solidum M. [E] [D] et M. [V] [D] aux dépens d’appel.
Par exploit du 29 avril 2021, M.[E] [D] et M. [V] [D] ont fait assigner la société Traxys Europe devant la cour d’appel de Poitiers en révision de l’arrêt susvisé, en en sollicitant la rétractation, le rejet des demandes de la société Traxys Europe, et sa condamnation à leur payer une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par une décision obtenue par fraude, outre une somme au titre des frais irrépétibles.
Cet exploit a été dénoncé au Procureur général par assignation du 4 mai 2021.
M.[E] [D] et M. [V] [D], dans leurs dernières conclusions du 22 août 2022, demandent à la cour de :
Vu les articles 593 à 600 du Code de Procédure Civile,
-Dire recevable et bien fondé le présent recours en révision dirigé à l’encontre de l’arrêt rendu le 7 avril 2020 par la Cour de céans, qui est dénoncé au Ministère public conformément à l’article 600 du Code de procédure civile,
En conséquence, y faisant droit :
-Rétracter ledit arrêt en ce qu’il a :
Confirmé en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Grande Instance (TGI) de NIORT du 25 juin 2018 ;
Y ajoutant,
– Condamné solidairement Monsieur [E] [D] et Monsieur [V] [D] à payer à la société Traxys Europe les intérêts contractuels échus ce jour depuis la date du jugement du 25 juin 2018 sur la somme de 300 000 dollars US, dans la limite de l’engagement de caution de Monsieur [E] [D] et Monsieur [V] [D], somme convertie en euros au taux de change en vigueur à la date du présent arrêt ;
– Condamné in solidum Monsieur [E] [D] et Monsieur [V] [D] à payer à la société Traxys Europe la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
-Débouté Monsieur [E] [D] et Monsieur [V] [D] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
-Condamné in solidum Monsieur [E] [D] et Monsieur [V] [D] aux dépens d’appel.
-Réformé le jugement rendu le 25 juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NIORT en ce qu’il a :
-Condamné solidairement Monsieur [E] [D] et Monsieur [V] [D] à payer à la société Traxys EUROPE la somme de 318 750,00 dollars US avec intérêts au taux contractuel échus à la date du jugement et converties en euros au taux de change en vigueur à cette même date, soit un montant évalué à 315 804,79 euros (à parfaire) au 31 décembre 2015,
-Ordonné la capitalisation des intérêts.
-Condamné solidairement Monsieur [E] [D] et Monsieur [V] [D] à payer à la société Traxys EUROPE la somme de 7500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
-Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
-Condamné solidairement Monsieur [E] [D] et Monsieur [V] [D] au paiement des entiers dépens, qui comprendront les frais d’expertise, qui seront recouvrés conformément aux dispositions des articles 696 et 699 du Code de Procédure Civile.
Ordonné l’exécution provisoire de la décision,
Statuant à nouveau,
-Débouter la société Traxys Europe de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-Condamner la société Traxys Europe au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi du fait de la décision obtenue par fraude,
-Condamner la société Traxys EUROPE au paiement de la somme de 15.000 euros par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
-La condamner également aux entiers frais et dépens, lesquels comprendront ceux d’instance,
d’appel et de recours en révision et qui seront recouvrés par la SELARL LEXAVOUE [Localité 7] en vertu de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
La société Traxys Europe demande à la cour, dans ses dernières conclusions du 26 octobre 2021, de :
Vu les articles 31, 32-1, 122, 199 et suivants et 593 et suivants du code de procédure civile,
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Niort du 25 juin 2018,
Vu l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers du 7 avril 2020,
JUGER irrecevable le recours en révision formé par Messieurs [E] et [V] [D] par assignationen date du 29 avril 2021 ;
JUGER mal-fondé le recours en révision formé par Messieurs [E] et [V] [D] par assignation endate du 29 avril 2021.
En conséquence,
REJETER le recours en révision formé par Messieurs [E] et [V] [D] par assignation du 29 avril 2021 ;
CONFIRMER en toutes ses dispositions l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Poitiers le 7 avril 2020(RG n°18/02355) ;
REJETER l’ensemble des demandes, fins et conclusions de Messieurs [E] et [V] [D] etnotamment la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice prétendument subi.
En tout état de cause,
JUGER que l’action de Messieurs [E] et [V] [D] à l’encontre de Traxys Europe S.A estabusive ;
En conséquence,
CONDAMNER solidairement Messieurs [E] et [V] [D] à payer à Traxys Europe S.A la sommede 50.000 euros en indemnisation du préjudice subi ;
CONDAMNER solidairement Messieurs [E] et [V] [D] au paiement d’une amende civile pourprocédure abusive ;
CONDAMNER solidairement Messieurs [E] et [V] [D] à verser la somme de 15.000 euros àTraxys Europe S.A au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Le Parquet Général conclut :
-au principal, à l’irrecevabilité du recours en révision, au motif :
-d’une part, que les consorts [D] avaient connaissance de la fraude qu’ils allèguent antérieurement à l’arrêt rendu le 7 avril 2020, qu’ils étaient donc en mesure de faire valoir ce moyen avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée,
-qu’il s’en déduit qu’il sconnaissaient de facto l’existence de la fraude alléguée plus de deux mois avant l’introduction de leur recours en révision,
-subsidiairement, au caractère infondé du recours en ce que l’exécution du contrat « SPOT » portant sur le Coltan n’est pas déterminante sur le contrat de commercialisation du 9 octobre 2014 portant sur la livraison de casserite.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En droit, l’article 593 du code de procédure civile dispose :
« Le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force jugée pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit ».
L’article 595 dispose :
« Le recours en révision n’est ouvert que pour l’une des causes suivantes :
1. S’il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;
2. Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d’une autre partie ;
3. S’il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;
4. S’il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
Dans tous ces cas, le recours n’est recevable que si son auteur n’a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu’il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée. »
L’article 596 dispose :
« Le délai du recours en révision est de deux mois.
Il court à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu’elle invoque ».
1) Sur la recevabilité du recours :
En l’espèce, les appelants se fondent sur la première cause de recours en révision, à savoir la fraude en ce que la société Traxys aurait menti lorsqu’elle a prétendu, dans ses écritures d’intimée signifiées le 5 février 2019 devant la cour de céans, que la livraison de coltan n’avait jamais eu lieu, la société LIMC ayant à double titre méconnu ses obligations contractuelles. Ainsi, la société Traxys a pris possession de la marchandise et ne l’a pas payée. Pour caractériser le mensonge allégué, les consorts [D] produisent une attestation de Monsieur [I] [C] [K] faite à Lubumbashi, le 5 mars 2021(photocopie de la carte d’électeur RDC de l’attestant jointe) dans laquelle l’intéressé affirme :
-qu’il a, en sa qualité de transitaire en douanes, employé par la société Mavic Services SA, été en charge de l’exportation de Coltan de LIMC au profit de Traxys,
-que la marchandise a été chargée à Lubumbashi à destination du port de [5],
-que la livraison consistait en une quantité de 24.236,86 kg de Coltan conditionnés dans 31 fûts bleus portant notamment les mentions Traxys LIMC à la peinture planche,
-que les opérations de pesage ont eu lieu en présence notamment des représentants de ces deux sociétés,
-qu’un procès-verbal de constat de chargement des lots a été dressé qui porte le nom du comptoir CEPRODEV,
-que la société Mavic Services SA, agence en douanes, a effectué l’ensemble des démarches nécessaires à l’exportation de la marchandise.
La société Traxys conclut à l’irrecevabilité du recours au motif :
-qu’il est fondé sur le fait que la livraison de Coltan aurait bel et bien eu lieu,
-que pourtant, la société Traxys n’a jamais pris possession du Coltan,
-que même si la transaction avait abouti, les consorts [D] en auraient nécessairement eu connaissance ab initio et auraient pu le faire valoir dès l’origine,
-que dans ces conditions, la fraude alléguée n’a pas pu se révéler « après le jugement », conformément à l’article 595 du code de procédure civile et qu’en toute logique, il s’est écoulé plus de deux mois entre le jour où les appelants ont eu connaissance de la prétendue cause de révision.
Les appelants font valoir sur la recevabilité de leur recours :
-que la certitude que la livraison du Coltan a été effectuée n’a jamais pu être établie devant les premiers juges,
-que l’attestation de Monsieur [I] [C] [K] permet pour la première fois de démontrer que le Coltan a bien été livré à la société Traxys, qu’il s’agit d’une révélation postérieure à l’arrêt objet du recours en révision,
-que cette attestation n’a pu être obtenue que tardivement, à la faveur d’un changement de régime politique en RDC,
-que le recours a été introduit le 29 avril 2021, soit moins de deux mois après l’attestation de Monsieur [I] [C] [K],
-que si les premiers juges avaient été informés que la livraison de Coltan avait eu lieu, ils n’auraient pas condamné les consorts [D] en leur qualité de caution.
Les moyens évoqués ci-dessus appellent les observations suivantes de la part de la cour.
En droit, l’article 595 du code de procédure prévoit que le recours n’est recevable que si son auteur n’a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu’il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.
En l’espèce, il résulte de l’attestation de Monsieur [I] [C] [K] que les opérations préalables au chargement à la livraison (pesée, prélèvements d’échantillons), ont eu lieu en présence notamment de représentants de la société LIMC. M. [E] [D] étant le gérant de cette société il ne pouvait ignorer la réalité de la livraison aujourd’hui alléguée. Dans ces conditions, cette circonstance ne constitue pas un élément qui n’aurait été porté à sa connaissance qu’après l’arrêt dont la rétractation est aujourd’hui sollicitée. Si les appelants prétendent que le témoignage de Monsieur [I] [C] [K] n’a pu être recueilli que postérieurement à l’arrêt du 7 avril 2022, ils pouvaient faire valoir, au sens de l’article 595, la réalité de la livraison, dès avant l’arrêt du 7 avril 2022.
En toute hypothèse, la cour observe que lors des débats ayant donné lieu à l’arrêt du 7 avril 2022, les appelants ne se sont pas défendus sur le fait que la livraison de Coltan aurait été effective et que son paiement constituait la juste contre-partie de la marchandise, mais sur le fait que la société Traxys n’était pas fondée à opposer l’intervention de la société CEPRODEV pour ne pas honorer les engagements qu’elle avait pris. Dans le cadre de leur recours, les consorts [D] affirment que la certitude de la livraison du Coltan n’a jamais pu être établie devant les premiers juges. Or, comme il vient d’être rappelé ci-dessus, la réalité de la livraison n’était même pas alléguée par eux puisqu’ils reprochaient à la société Traxys de ne pas avoir donné suite au contrat SPOT. Il existe donc une contradiction entre le moyen développé préalablement à l’arrêt du 7 avril 2022 et l’élément de preuve produit dans le cadre du recours en révision, contradiction qui jette la suspicion sur le témoignage – au demeurant isolé – de Monsieur [I] [C] [K].
Sans qu’il ne soit besoin de répondre aux moyens des consorts [D] sur le bien fondé de leurs demandes, la cour les déclarera irrecevables en leur recours en révision.
Ils seront dès lors déboutés de leur demande tendant à l’allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la décision prétendument obtenue par fraude.
2) Sur les demandes de la société Traxys :
La société Traxys sollicite la condamnation solidaire de MM. [E] et [V] [D] à lui payer la somme de 50.000 euros en indemnisation du préjudice subi et au paiement d’une amende civile pour procédure abusive.
Sur le premier point, la cour observe que la société intimée ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui lié à l’obligation qui a été la sienne d’assurer sa défense dans le cadre de la présente instance, et qui donnera lieu à une condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera dès lors déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur le second point, la cour constate que si les appelants échouent en leur recours en révision, il n’en reste pas moins qu’ils n’ont fait qu’exercer régulièrement une voie de droit qui leur est ouverte par la loi sans qu’il ne soit démontré à leur encontre quelque volonté de nuire que ce soit. Aucune amende civile ne sera prononcée.
3) Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les appelants qui succombent seront condamnés aux dépens du présent recours en révision et déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Ils seront solidairement condamnés à payer à la société Traxys la somme de 4.000 € de ce chef.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Déclare irrecevable le recours en révision formé par MM. [E] et [V] [D] par assignation en date du 29 avril 2021 contre l’arrêt rendu le 7 avril 2020 (RG n° 18/2355),
Déboute MM. [E] et [V] [D] de leur demande de dommages-intérêts,
Déboute la société Traxys Europe de sa demande de dommages-intérêts,
Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une amende civile,
Déboute MM. [E] et [V] [D] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement MM. [E] et [V] [D] à payer à la société Traxys Europe la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement MM. [E] et [V] [D] aux dépens,
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,