Saisine du juge de l’exécution : 23 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/01641

·

·

Saisine du juge de l’exécution : 23 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/01641

C1

N° RG 22/01641

N° Portalis DBVM-V-B7G-LKZF

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE [Localité 6] – [Localité 5]

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 23 MAI 2023

Appel d’une décision (N° RG F 21/00289)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE

en date du 11 mars 2022

suivant déclaration d’appel du 21 avril 2022

APPELANTE :

E.U.R.L. COBRA SECURITE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

SIRET N° : 81346969900058

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Benoît LECLERC de la SCP BITEAU-LECLERC, avocat plaidant inscrit au barreau de CARCASSONNE,

INTIME :

Monsieur [Z] [H]

né le 16 Avril 1986 à [Localité 4] (ETHIOPIE)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/007461 du 10/10/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de GRENOBLE),

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 mars 2023,

Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de M. Victor BAILLY, juriste assistant près la Cour d’appel de Grenoble conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 23 mai 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 23 mai 2023.

Exposé du litige :

Par jugement du 07 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Valence, a :

– Condamné l’EURL COBRA SECURITE à verser à M. [H] les sommes suivantes :

* 3800,12 euros bruts au titre des heures supplémentaires,

* 74,08 euros bruts à titre de solde de salaire de novembre 2019 à mars 2020,

* 409,87 euros bruts au titre des congés payés,

* 1200 euros nets à titre de dommages et intérêts du fait de la réduction des droits maladie et chômage,

* 372,09 euros nets au titre du solde de l’indemnité de fin de contrat,

* 9 236,70 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 500 euros nets au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Dit que la moyenne brute de salaires de M. [H] est de 1 539,45 euros,

– Condamné l’EURL COBRA SECURITE à remettre à M. [H] les bulletins de salaire, l’attestation Pôle emploi, l’attestation de sécurité sociale conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter du 8ème jour à compter de la notification du présent jugement.

– S’est réservé le droit de liquider cette astreinte,

– Condamné l’EURL COBRA SECURITE aux dépens de l’instance.

La décision a été notifiée aux parties et l’EURL COBRA SECURITE en a interjeté appel.

M. [H] n’ayant pas reçu les documents de fin de contrat, il a saisi le conseil de prud’hommes afin de faire liquider l’astreinte à la date du 24 septembre 2021.

Par jugement du 11 mars 2022, le conseil de prud’hommes de Valence, a condamné l’EURL COBRA SECURITE à verser à M. [H] la somme de 45 600 euros au titre de la liquidation d’astreinte prononcée par le jugement du 07 mai 2021.

La décision a été notifiée aux parties et l’EURL COBRA SECURITE en a interjeté appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 novembre 2022, l’EURL COBRA SECURITE demande à la cour d’appel de :

– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [H] la somme de 45 600 € au titre de la liquidation de l’astreinte prononcée par le jugement du 07 mai 2021, outre les dépens,

Statuant à nouveau :

A titre principal,

– Ordonner n’y avoir lieu à liquidation d’astreinte

– Débouter M.[H] de l’intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

– Débouter M. [H] de toute demande de liquidation d’astreinte supérieure à la somme de 456 €  

En tout état de cause,

– Condamner M. [H] à payer à la société COBRA SECURITE la somme de 3000 € au titre de

l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions en réponse, notifiées par voie électronique le 05 décembre 2022, l’EURL COBRA SECURITE demande à la cour d’appel de :

– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud’hommes de Valence en date du 11 mars 2022,

– Confirmer la condamnation de la Société COBRA SECURITE à la somme de 45 600 euros au titre de la liquidation d’astreinte prononcée par le jugement du 7 mai 2021,

– Débouter la Société COBRA SECURITE de toutes ses demandes et notamment de sa demande de réduction à la somme de 456 euros,

– Condamner la société COBRA SECURITE à payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 06 décembre 2022, et l’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 27 mars 2023.

La décision a été mise en délibéré au 23 mai 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

Sur la liquidation de l’astreinte :

Moyens des parties :

L’EURL COBRA SECURITE rappelle avoir interjeté appel et sollicité l’infirmation du jugement du conseil de prud’hommes de Valence du 07 mai 2021 en ce qu’il l’a condamnée à remettre à M. [H] les documents de fin de contrat sous astreinte, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la liquidation de l’astreinte.

Elle affirme en outre que :

– Il est permis à l’employeur de transmettre un seul bulletin de paie récapitulatif suite à une condamnation judiciaire,

– Elle a adressé un bulletin de paie rectifié à M. [H] le 25 octobre 2022, appliquant les bons taux de cotisations et plafonnement, cette modification portant sur une différence de 5 euros entre le brut et le net.

M. [H] soutient que l’EURL COBRA SECURITE est de mauvaise foi, qu’elle s’est rendue coupable de travail dissimulé et qu’elle persiste à ne pas se conformer à la décision.

Il ajoute que l’EURL COBRA SECURITE lui a remis un seul bulletin de salaire rectificatif pour les quatre mois de rappels, alors qu’elle avait été condamnée à remettre quatre bulletins de salaire d’octobre 2019 à janvier 2020, outre que le seul bulletin de paie remis était erroné et a été remplacé par un nouveau le 25 Octobre 2022, lequel n’est toujours pas exploitable par les caisses de cotisations.

Réponse de la cour,

L’article L. 131-3 du code des procédures civiles d’exécution donne compétence au juge de l’exécution pour liquider une astreinte ordonnée par une autre juridiction sauf si le juge qui l’a ordonnée s’en est expressément réservé le pouvoir.

Selon l’article L.3243-2 du code du travail, lors du paiement du salaire, l’employeur remet aux personnes mentionnées à l’article L. 3243-1 du même code, une pièce justificative dite bulletin de paie. Il ne peut exiger aucune formalité de signature ou d’émargement autre que celle établissant que la somme reçue correspond bien au montant net figurant sur ce bulletin.

En application de ces dispositions, il est constant que l’employeur peut remettre au salarié un seul bulletin de paie rectificatif pour l’ensemble de la période en litige. (Soc., 10 octobre 2018, pourvoi n° 17-17.583).

En l’espèce, par jugement du 07 mai 2021, le Conseil de prud’hommes de Valence, a notamment :

– condamné l’EURL COBRA SECURITE à remettre à M. [H] les bulletins de salaire, l’attestation Pôle emploi, l’attestation de sécurité sociale conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter du 8ème jour à compter de la notification du présent jugement.

– s’est réservé le droit de liquider cette astreinte.

Il n’est pas contesté que ce jugement a été notifié à l’EURL COBRA SECURITE le 11 mai 2011.

L’astreinte a donc commencé à courir à compter du 19 mai 2011.

Par arrêt du 23 mai 2023, rendu dans le cadre de l’instance enregistrée sous le numéro RG 21-2495, la cour d’appel a confirmé le jugement du Conseil de prud’hommes de Valence en date du 07 mai 2021, en ce qu’il a condamné l’EURL COBRA SECURITE à remettre à M. [H] les bulletins de salaire, l’attestation Pôle Emploi et l’attestation de sécurité sociale conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter du 8ème jour à compter de la notification du jugement.

Or il ressort des pièces produites que :

– Par courrier recommandé de son conseil en date du 19 Octobre 2021, réceptionné le 25 Octobre 2021, l’EURL COBRA SECURITE a adressé au défenseur syndical de M. [H] :

Un bulletin de paie récapitulatif reprenant le paiement des sommes de nature salariale dues à M. [H] en vertu du jugement, qu’elle a de nouveau transmis après modification par courrier du 25 Octobre 2022,

L’attestation de sécurité sociale conforme au jugement intervenu avec le justificatif de télétransmission à la CPAM,

L’attestation Pôle emploi rectifiée signée par l’employeur.

Dès lors, il est établi que l’EURL COBRA SECURITE a transmis les documents de fin de contrat conformes avec plusieurs mois de retard :

– Le 19 Octobre 2021 pour l’attestation de sécurité sociale et l’attestation Pôle Emploi,

– Le 25 Octobre 2022 pour le bulletin de paie, étant rappelé que la transmission d’un document unique pour l’ensemble de la période en litige est conforme aux dispositions précitées.

Il y a donc lieu d’ordonner la liquidation de l’astreinte, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le montant de l’astreinte liquidée :

Moyens des parties :

L’EURL COBRA SECURITE soutient, au visa des articles L. 131-2 et L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, que le montant de l’astreinte doit être proportionné à l’enjeu du litige.

Elle expose avoir sollicité son expert-comptable dès le prononcé du jugement du 07 mai 2021, lequel s’est trouvé en difficulté pour transmettre les documents demandés compte tenu de l’absence de précision des heures supplémentaires dans le jugement.

Elle indique enfin que le Conseil de prud’hommes a procédé à la liquidation de l’astreinte sans prendre en compte son caractère provisoire, ni l’enjeu du litige.

En réponse, M. [H] affirme que la société COBRA SECURITE ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et invoquer l’application du principe de proportionnalité, alors qu’elle s’est rendue coupable de travail dissimulé et qu’elle ne lui a toujours pas remis les documents conformes.

Réponse de la cour :

Selon l’article L. 131-2 du code des procédures civiles d’exécution, l’astreinte est provisoire ou définitive. L’astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n’ait précisé son caractère définitif.

L’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose par ailleurs que le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.

En application de ces dispositions, l’astreinte, en ce qu’elle impose, au stade de sa liquidation, une condamnation pécuniaire au débiteur de l’obligation, est de nature à porter atteinte à un intérêt substantiel de celui-ci.

Il convient par conséquent de prendre en compte le caractère proportionné de l’atteinte que porte la liquidation de l’astreinte à ce droit substantiel du débiteur de l’obligation, au regard du but légitime qu’elle poursuit.

En l’espèce, l’EURL COBRA SECURITE ne précise pas à quel intérêt substantiel porte atteinte la liquidation de l’astreinte, de sorte que la disproportion alléguée n’est pas démontrée.

En revanche, l’EURL COBRA SECURITE relève à juste titre que le jugement du 07 mai 2021 mentionnait uniquement le total d’heures supplémentaires, sans autres précisions, de sorte qu’elle s’est trouvée en difficulté pour reconstituer mois par mois le nombre, et le taux des heures supplémentaires dues au salarié et établir le bulletin de paie rectifié, sans pour autant qu’elle justifie le délai de 5 mois pour réaliser ce document.

Dès lors, de tels éléments démontrent que l’EURL COBRA SECURITE s’est trouvée confrontée à des difficultés justifiant de liquider l’astreinte provisoire à la somme totale de 8 000 euros, pour la période du 19 mai 2021 au 25 Octobre 2022, en application du jugement du Conseil de prud’hommes de Valence du 07 mai 2021, et de condamner en conséquence l’EURL COBRA SECURITE à payer cette somme à M. [H], et ce par infirmation du jugement entrepris.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de confirmer la décision de première instance s’agissant des dépens.

L’EURL COBRA SECURITE, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.

L’EURL COBRA SECURITE est déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et devra payer à M. [H], une somme qu’il convient de fixer à 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE l’EURL COBRA SECURITE recevable en son appel,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :

– Ordonné la liquidation de l’astreinte fixée par jugement du conseil de prud’hommes de Valence en date du 07 mai 2021,

– Condamné l’EURL COBRA SECURITE aux dépens.

L’INFIRME, pour le surplus,

STATUANT sur les chefs d’infirmation,

CONDAMNE l’EURL COBRA SECURITE à verser à M. [H] la somme de 8 000 euros au titre de la liquidation d’astreinte prononcée par le jugement du conseil de prud’hommes de Valence en date du 07 mai 2021,

Y ajoutant,

CONDAMNE l’EURL COBRA SECURITE aux dépens d’appel,

DEBOUTE l’EURL COBRA SECURITE de sa demande au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE l’EURL COBRA SECURITE à payer la somme de 2 000 euros à M.[H] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x