ARRÊT N°
DR/FA
COUR D’APPEL DE BESANÇON
– 172 501 116 00013 –
ARRÊT DU 23 MAI 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Contradictoire
Audience publique du 16 Mars 2023
N° RG 22/01151 – N° Portalis DBVG-V-B7G-ERBH
S/appel d’une décision du Juge de l’exécution de LONS-LE-SAUNIER en date du 30 juin 2022 [RG N° 22/00226]
Code affaire : 78F
Demande en nullité et/ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d’une saisie mobilière
S.A.S. EOS FRANCE C/ [N] [V] épouse [T], [E] [T]
PARTIES EN CAUSE :
S.A.S. EOS FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Sise [Adresse 4]
Inscrite au RCS de Paris sous le numéro 488 825 217
Représentée par Me Valérie GIACOMONI de la SCP MAYER-BLONDEAU GIACOMONI DICHAMP MARTINVAL, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
Représentée par Me Laurent BOHBOT, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
APPELANTE
ET :
Madame [N] [V] épouse [T]
née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 6], de nationalité française, retraitée,
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Benjamin MARRAUD DES GROTTES, avocat au barreau de JURA
Monsieur [E] [T]
né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 5], de nationalité française, retraité,
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Benjamin MARRAUD DES GROTTES, avocat au barreau de JURA
INTIMÉS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
MAGISTRAT RAPPORTEUR : Monsieur Dominique RUBEY, vice-président placé, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, avec l’accord des conseils des parties.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
Monsieur Dominique RUBEY, vice-président placé, a rendu compte conformément à l’article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :
Monsieur M. WACHTER, Président et Monsieur Jean-François LEVEQUE, conseiller.
L’affaire, plaidée à l’audience du 16 mars 2023 a été mise en délibéré au 10 mai 2023, prorogée au 23 mai 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Faits, procédure et prétentions des parties
Par acte sous seing privé en date du 24 mars 1997, la société Cofidis a consenti à Mme [N] [V], épouse [T] et M. [E] [T] (les époux [T]) une offre préalable de crédit utilisable par fractions et assortie de divers moyens de paiement, dénommée Formule Libravou et portant la référence contrat n°713 467 267.
Faisant suite à des incidents dans le remboursement des échéances, la société Cofidis a prononcé et notifié la déchéance du terme le 20 novembre 1998.
La société Cofidis a déposé devant le tribunal d’instance de Lons le Saunier, le 8 février 1999, une requête aux fins d’injonction de payer pour avoir paiement de sa créance. Cette dernière a été suivie d’une ordonnance rendue en date du 28 avril 1999, portant le numéro 79/99, enjoignant conjointement et solidairement, aux époux [T] d’avoir à payer à la société Cofidis la somme de 42 432,30 francs (soit 6 468,76 euros) outre les intérêts au taux contractuel de 14,40 % l’an à compter du 25 novembre 1998 outre, une somme de 2 754,58 francs (soit 419,93 euros) au titre de l’indemnité légale, ainsi que les entiers dépens.
La société Cofidis a notamment fait procéder à la signification de l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire aux époux [T], par exploit du 16 juillet 1999, en suite de quoi la société Cofidis, par exploit du 27 juillet 1999, a fait signifier aux époux [T], un commandement de payer aux fins de saisie-vente, la signification intervenant à personne.
Par exploit d’huissier en date du 8 mars 2022, dénoncée le 15 mars suivant à Mme [N] [V] épouse [T], la SAS EOS France, déclarant venir aux droits de la société Cofidis en vertu d’une cession de créance, a fait pratiquer une saisie attribution sur les comptes détenus par Mme [N] [V] épouse [T], dans les livres ouverts à la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté, portant sur une créance d’un montant en principal de 6 888,69 euros.
Par exploit du 24 mars 2022, les époux [T] ont fait assigner EOS France devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lons le Saunier, aux fins d’annulation et de mainlevée de la saisie attribution opérée le 8 mars 2022.
Par jugement du 30 juin 2022 le tribunal judiciaire de Lons le Saunier, statuant en qualité de juge de l’exécution, a’:
– ordonné la mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 8 mars 2022 par EOS France sur les comptes détenus par les époux [T] dans les livres du Crédit Agricole de Franche Comté,
– condamné EOS France à payer aux époux [T] la somme de 1 200 euros, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné EOS France aux entiers dépens.
Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré que’:
– la seule production d’une ligne de tableur dépourvue de référence, dont l’origine demeurait indéterminée, non datée et non signée, succédant uniquement à un document intitulé convention de cession de créances, ne permettait pas de constater avec la certitude requise que la créance sur les époux [T] faisait partie des 6559 créances cédées le 28 février 2013, de sorte que EOS France ne pouvait se prévaloir de la qualité de créancier à l’encontre des époux [T], sur la base de cette cession de créances,
– EOS France ne pouvait donc pas se prévaloir de l’ordonnance portant injonction de payer du 28 avril 1999 rendue contre les époux [T]. Pourtant, il devait être constaté que EOS France ne disposait d’aucun titre exécutoire à l’encontre des époux [T].
Par déclaration parvenue au greffe le 15 juillet 2022, la société EOS France a interjeté appel du jugement et, selon ses dernières conclusions n°2 transmises le 6 janvier 2023, elle demande à la cour :
– d’infirmer le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lons le Saunier le 30 juin 2022 (RG N° 22/00226) en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau, de’:
– débouter les époux [T] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
– dire et juger que EOS France, démontre sa qualité à agir aux droits du créancier d’origine,
En conséquence,
– dire et juger valable la mesure de saisie-attribution pratiquée le 8 mars 2022 par EOS France sur les comptes détenus par les époux [T] dans les livres de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté,
– condamner solidairement les époux [T] aux entiers dépens,
– condamner solidairement les époux [T] au paiement d’une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions transmises le 9 décembre 2022, les époux [T] demandent à la cour :
à titre principal, de’:
– constater que la déclaration d’appel qui a été signifiée le 11 août 2022 porte mention de ce que cet acte annule et remplace la signification du 4 août 2022,
– constater l’absence de production de la déclaration d’appel du 4 août 2022,
– prononcer la nullité de la déclaration d’appel du 11 août 2022,
– constater l’inexistence de la déclaration d’appel du 4 août 2022,
– condamner l’appelante aux dépens d’appel,
– condamner l’appelante à verser à l’intimée la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d’appel.
à titre subsidiaire, de’:
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– condamner l’appelante aux dépens d’appel,
– condamner l’appelante à verser à l’intimée la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2023 et l’affaire, appelée à l’audience du 16 mars 2023 suivant, a été mise en délibéré au 10 mai 2023.
Pour l’exposé complet des moyens, tant de l’appelant que de l’intimé, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
En application de l’article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
Motifs de la décision
– Sur les demandes tendant à constater l’absence de production et l’inexistence de la déclaration d’appel du 4 août 2022, ainsi que la nullité de la déclaration d’appel du 11 août 2022,
A titre liminaire, il sera relevé que, bien que relevant, en application de l’article R. 121-20 du code des procédures civiles d’exécution, de la procédure à bref délai prévue à l’article 905 du code de procédure civile, le dossier d’appel a par erreur été orienté vers la mise en état.
Il en résulte que la connaissance des contestations relatives à la caducité ou l’irrecevabilité de l’appel, qui relève de la compétence du président de chambre dans le cadre de la procédure à bref délai, était ici attribuée à la juridiction du conseiller de la mise en état, seul compétent pour en connaître en application de l’article 914 du code de procédure civile.
Dès lors, il appartenait aux époux [T] de saisir le conseiller de la mise en état de leur contestation de la régularité de la déclaration d’appel, ce qu’ils n’ont pas fait, de sorte qu’ils sont irrecevables à faire valoir leurs contestations devant la cour.
Au demeurant, il sera relevé que les intimés commettent manifestement une confusion entre la déclaration d’appel elle-même et sa signification. Contrairement à ce qu’ils soutiennent, il n’y a en effet pas eu deux déclarations d’appel respectivement datées du 4 août 2022 et du 11 août 2022, mais une seule, datée du 15 juillet 2022. Celle-ci a fait l’objet de deux significations successives les 4 et 11 août 2022, qui ont toutes été régulièrement délivrées, ainsi qu’il ressort de leurs énonciations, le doublement de la signification, qui n’a en lui-même pas causé de grief aux intimés, s’expliquant manifestement par l’errement procédural ayant consisté dans la mauvaise orientation du dossier par la cour, lequel n’était en rien imputable à l’appelante. Dans ces conditions, il ne pouvait en tout état de cause être fait droit aux demandes ayant pour objet de contester la validité de deux déclarations d’appel des 4 et 11 août 2022, qui n’ont jamais existé.
– Sur l’identification de la créance cédée et la qualité à agir d’ EOS France,
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Pour obtenir l’infirmation du jugement déféré, EOS France fait valoir qu’elle justifie de la réalité de la cession de la créance litigieuse par les pièces qu’elle produit aux débats.
La cour observe tout d’abord que la convention de cession de créances conclue entre la société Cofidis et la société Contentia France fait 7 pages numérotées. Sur la dernière page est mentionné’: «’Annexe 1′: LISTE DES CREANCES CEDEES’». Un document constitué de 4 pages est agrafé à la cession de créance, il s’agit de deux pages d’extraits de tableur suivies d’une page où figurent deux signatures non identifiées et enfin d’une page où figurent les cachets des deux société susvisées.
Sur la première page agrafée, numérotée 1/98, on peut voir un tampon indiquant «’Annexé à la minute d’un acte reçu par le soussigné, notaire, associé de la société civile professionnelle C.A PROUVOST, S. ROUSSEL, G. DELATTRE’; B. NUYTTEN, B. REYNAERT-DELECLUSE, F.D. GODIN, E. FOSSAERT-REQUILLART’ notaires, titulaire d’un office notarial à [Localité 7], le 11 avril 2013’».
La cour relève que sur la deuxième page, numérotée 92/98, on peut voir l’extrait d’un tableur, sur une seule et même ligne’: «’173467267 Mme [T] [V] [N] [Date naissance 2]/56 [T] [E] [Date naissance 1]/50’».
La cour constate par ailleurs que, selon le tampon notarial, le document sur lequel il est apposé est une annexe d’un acte reçu en étude. La société EOS France entend ainsi démontrer que les extraits de tableur qu’elle produit constituent l’annexe 1 visée dans la convention de cession déterminant les créances qui lui sont été cédées par la société Cofidis. Elle ne démontre cependant pas que l’acte reçu en étude, dont le tableur serait l’annexe, est effectivement la cession de créance intervenue entre elle et la société Cofidis, alors que les dates diffèrent. La cour observe également que, si des symboles tronqués apparaissent sur 3 des 4 pages agrafées au contrat de cession, ces pages ne sont si signées, ni paraphées et qu’il
n’y figure aucune annotation, en-tête ou bas de page les rattachant à un document spécifique et en particulier à la cession de créance intervenue entre les sociétés Contentia France et Cofidis.
Il s’en déduit que la société EOS France échoue en l’état des pièces versées à démontrer que la créance des époux [T] fait bien partie de celles qui lui sont été cédées par la société Cofidis et qu’elle ne démontre donc pas sa qualité de créancier.
Par conséquent, la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a ordonné la mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 8 mars 2022 par EOS France sur les comptes détenus par les époux [T] dans les livres du Crédit Agricole de Franche Comté et déboute la société EOS France de ses demandes.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Déclare irrecevables les demandes formées par M. [E] [T] et Mme [N] [V] épouse [T] tendant au prononcé de la nullité de la déclaration d’appel du 11 août 2022, et au constat de l’inexistence de la déclaration d’appel du 4 août 2022 ;
Confirme , en toutes ses dispositions, le jugement rendu entre les parties le 30 juin 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lons le Saunier’;
Y ajoutant,
Condamne la SAS EOS France aux dépens d’appel ;
Condamne la SAS EOS France à payer à M. [E] [T] et Mme [N] [V] épouse [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SAS EOS France de sa demande formée sur le même fondement.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,