COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 23 JUIN 2023
N° 2023/213
Rôle N° RG 19/13263 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEYNO
[S] [H]
C/
SASU AUCHAN HYPERMARCHE
Copie exécutoire délivrée
le : 23 juin 2023
à :
Me Jennifer BRESSOL, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Marie-Dominique POINSO-POURTAL, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 11 Juillet 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 18/00115.
APPELANTE
Madame [S] [H]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/12268 du 18/10/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 3] (France)
représentée par Me Jennifer BRESSOL, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Société AUCHAN FRANCE, prise en son établissement AUCHAN [Localité 2], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Marie-Dominique POINSO-POURTAL, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023
Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Mme [S] [H] a été engagée par la société Auchan Hypermarché selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 28 mars 2000 en qualité d’hôtesse de caisse, statut employé, Annexe 130.
La convention collective nationale applicable est celle du Commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
Par avenant du 2 avril 2002, elle est passée à 27 heures et suivant un second avenant du 08 octobre 2011, son temps de travail a été fixé à 30 heures.
Au dernier état de la relation contractuelle, elle percevait une rémunération mensuelle brute de 1.390,30 €.
Elle bénéficie de la reconnaissance du statut de travailleur handicapé depuis le 24 février 2016.
Elle a été licenciée le 7 décembre 2017 pour inaptitude physique avec impossibilité de reclassement.
S’estimant victime d’une discrimination liée à son état de santé, d’un harcèlement moral, contestant la légitimité de son licenciement et sollicitant la condamnation de la société Auchan Hypermarché à lui payer diverses sommes à titre salarial et indemnitaire, Mme [H] a saisi le 23 février 2018 le conseil de prud’hommes de Martigues lequel par jugement du 11 juillet 2019 a:
– dit et jugé Mme [H] mal fondée en son action,
– débouté celle-ci de toutes ses demandes,
– dit qu’elle devrait supporter les dépens.
Mme [H] a relevé appel de ce jugement le 12 août 2019 par déclaration adressée au greffe par voie électronique.
Aux termes de ses conclusions n°2 d’appelante notifiées par voie électronique le 28 janvier 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, Mme [H] a demandé à la cour de:
– dire son appel recevable et bien fondé,
Infirmer le jugement entrepris dans son intégralité,
Statuant à nouveau et y ajoutant:
– dire que la société Auchan France a commis de graves manquements dans l’exécution de ses obligations contractuelles,
– dire l’action de Mme [H] régulière et bien fondée,
En conséquence:
– condamner la société Auchan France à verser à Mme [H] les sommes suivantes:
– 15.000 € nets pour discrimination liée à l’état de santé,
– 15.000 € nets pour harcèlement moral,
– 15.000 € nets pour exécution fautive du contrat de travail,
– condamner la société Auchan France à verser à Mme [H] la somme de 386,76 € bruts à titre de rappel de salaire sur absence pour cause de maladie outre l’incidence congés payés d’un montant de 38,67€ bruts
A titre principal:
– dire que le licenciement de Mme [H] du 7 décembre 2017 est nul en raison des agissements de harcèlement moral et de la discrimination liée à l’état de santé subis,
– condamner en conséquence la société Auchan Hypermarché à verser à Mme [H] la somme de 30.000 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
A titre subsidiaire :
– dire que le licenciement de Mme [H] du 7 décembre 2017 est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison des manquements de l’employeur et de la violation par l’employeur de son obligation de reclassement,
– condamner en conséquence la société Auchan Hypermarché à verser à Mme [H] la somme de 19.464,20 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause :
– condamner la société Auchan Hypermarché à verser à Mme [H] la somme de 4.113,33€ bruts au titre du préavis outre 411,33 € bruts de congés payés afférents,
– condamner la société Auchan Hypermarché au remboursement des sommes versées par Mme [H] par le Pôle Emploi,
– dire que ces sommes porteront intérêts légaux depuis la saisine du conseil de prud’hommes outre la capitalisation des intérêts,
– dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application du Décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la société Auchan Hypermarché en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter la société Auchan Hypermarché de toutes ses demandes,
– condamner la société Auchan Hypermarché à verser à Mme [H] la somme de 3.000 nets sur le fondement de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens pour les frais exposés d’appel.
Madame [H] soutient:
– qu’elle a fait l’objet de mesures discriminatoires en raison de son état de santé et de son impossibilité à tenir son poste dans les mêmes conditions physiques et psychiques qu’un salarié en bonne santé, qu’elle a subi un comportement déplacé de la part de ses collègues de travail (moqueries physiques, insultes, humiliations) à l’origine de la dégradation de son état de santé, faits constitutifs d’un harcèlement moral qu’elle a dénoncé à son employeur par courrier du mois de juin 2015, soit antérieurement à l’accident vasculaire cérébral subi au mois de juillet suivant, lequel n’a réalisé aucune investigation ni pris aucune mesure destinée à faire cesser ce harcèlement manquant ainsi à son obligation légale de sécurité,
– que le licenciement pour inaptitude provoqué par des faits de discrimination et de harcèlement moral est nul,
– qu’à défaut il est dépourvu de cause réelle et sérieuse l’employeur ne justifiant pas avoir respecté les préconisations de la médecine du travail, la salariée ayant occupé le même poste d’hôtesse de caisse sans aucun aménagement de celui-ci durant deux années, la société Auchan Hypermarché ne s’étant saisie de la question qu’au mois d’octobre 2017 et ayant manqué à son obligation de reclassement n’établissant pas son impossibilité de reclassement tant au sein de la société qu’auprès des différentes entités du groupe, l’employeur ne justifiant ni avoir effectué des recherches individualisées auprès des différentes entités du groupe ni du périmètre du groupe.
Par conclusions d’intimée notifiées par voie électronique le 30 janvier 2020 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, la société Auchan France a demandé à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
– débouter Madame [H] de toutes ses demandes,
– la condamner au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La société Auchan France fait valoir en substance :
– qu’elle a réagi immédiatement lorsque Mme [H] a allégué être victime de harcèlement moral alors que celle-ci n’a étayé ses accusations d’aucun élément probant, ayant été reçue par la direction, l’employeur ayant diligenté une enquête par le biais du CHSCT qui n’a pas confirmé l’existence d’un harcèlement moral,
– qu’elle n’a donc pas manqué à son obligation légale de sécurité,
– qu’elle n’a subi aucune discrimination liée à son état de santé alors que si elle a fait un malaise sur son lieu de travail, l’employeur n’a pas été informé qu’il s’agissait d’un accident vasculaire cérébral lequel n’a été reconnu ni en accident du travail ni en maladie professionnelle,
– qu’elle a suivi scrupuleusement les préconisations du médecin du travail , qu’un bilan a été effectué par la psychologue-neuropsychologue les 3 et 10 février 2017 concluant à la nécessité d’adaptations en terme de réduction du temps de travail et de simplification de ses tâches qui ont été mises en oeuvre,
– que le licenciement pour inaptitude prononcé n’est ni nul, ni dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’employeur ayant respecté son obligation de reclassement après avoir voulu provisoirement affecter la salariée sur des tâches de tri caddy à compter du 15 juin 2017, affectation qu’elle a refusée et lui avoir proposé un emploi approprié
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 24 avril 2023, l’audience de plaidoiries étant fixée au 22 mai 2023.
SUR CE :
Sur l’exécution du contrat de travail :
Sur le rappel de salaire sur absence pour maladie :
Madame [H] sollicite le remboursement par l’employeur de la somme de 386,76 € bruts outre les congés payés y afférents à titre de rappel de salaire sur absence pour cause de maladie avec rectification du bulletin de salaire du mois d’août 2017.
La société Auchan France s’y oppose en indiquant que si la salariée a déposé un arrêt de travail allant du 12 au 18 août 2017, elle a vainement fait pratiquer une contre-visite médicale le 18 août 2017 à 9h30, la salariée étant absente de son domicile alors que son arrêt de travail prévoyait qu’elle devait s’y trouver de 09h00 à 11h00 et de 14h à 16h.
De fait, il résulte des pièces produites notamment celles de Madame [H] (pièces n° 8 à 11) que celle-ci ne se trouvait pas à son domicile le 18 août 2017 à 09h30 en violation des autorisations de sortie figurant sur son arrêt de travail de sorte que c’est à juste titre que la juridiction prud’homale l’a déboutée de ses demandes de remboursement de la somme de 386,76 euros bruts outre les congés payés y afférents à titre de rappel de salaire sur absence pour cause de maladie avec rectification du bulletin de salaire du mois d’août 2017.
Sur les faits de discrimination fondée sur l’état de santé – de harcèlement moral et l’exécution fautive du contrat de travail en raison de la violation par l’employeur de l’obligation de sécurité:
En application des dispositions des articles L 1132-1 et L 1134-1 du code du travail, dans leur version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou d’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou renouvellement de contrat en raison , entre autres de son origine ou de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de son état de santé, d’un handicap, de son apparence physique.
L’employeur , tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral prévus par l’article L.1152-1 du code du travail matérialisés par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Pour se prononcer sur l’existence d’une discrimination directe ou indirecte comme d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’une telle discrimination et d’un harcèlement moral au sens des articles L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et harcèlement.
Mme [H] évoque les mêmes faits à l’appui de ses demandes formées pour discrimination en raison de son état de santé ayant été dans l’incapacité de tenir son poste dans les mêmes conditions psychiques qu’un salarié en bonne santé et de harcèlement moral à savoir:
– un comportement déplacé de la part d’autres salariés de l’entreprise,
– des moqueries physiques, des insultes, des intimidations et humiliations,
– des menaces au téléphone poursuivies postérieurement à son licenciement ayant donné lieu à une plainte déposée auprès du parquet d’Aix en Provence,
– du dénigrement et des accusations infondées,
– faits à l’origine de la dégradation de son état de santé,
– une volonté délibérée de sa hiérarchie de l’isoler et de rester passif face aux faits dénoncés en juin 2015 et le 3 avril 2016, une inertie et une complicité de la Direction.
A l’appui de ses demandes, Madame [H] verse aux débats:
– un courrier non daté ( pièce n°20)qu’elle a adressé au directeur d’Auchan [Localité 2] reçu le 24 juin 2015 dénonçant le harcèlement moral subi depuis quelques temps relatant avoir été insultée le 24 décembre 2014 par Mme [K] (hôtesse), avoir été poussée un soir par un agent de sécurité qui ne s’est pas excusé ‘tandis que l’hôtesse de zone [G] [U] en rigolait’, avoir eu des problèmes de santé en décembre 2014, sa chef de caisse, [E] [N] lui ayant demandé de reprendre son activité avant la fin de sa maladie, le fait qu’elle en ait parlé le 9 juin 2015 à sa chef, Mme [I] [W] qui lui a ‘fait comprendre qu’elle ne valait rien, que les video surveillances avaient été effacées’ alors qu’elles sont reliées à une entreprise extérieure et qu’elles confirmeront ses dires ‘du mois de décembre 2014, avril -mai et juin 2015″,
– la réponse du directeur d’Auchan [Localité 2] du 29 juin 2015 (pièce n°21) accusant réception du courrier précédent reçu le 24 juin 2015 mentionnant en objet ‘harcèlement au travail’ la convoquant en entretien le 11 juillet 2015 en présence de son responsable des ressources humaines, M. [B], la salariée étant accompagnée d’une personne appartenant à la maison des syndicats,
– la reconnaissance du statut de travailleur handicapé depuis le 24 février 2016,
– une attestation de Mme [C] ( pièce n°22), amie de Mme [H], établie le 15/05/2018, indiquant qu’elle la connait depuis toujours, ‘je l’ai vue victime d’un harcèlement, d’un acharnement dans son travail occupé depuis 2000, je lui avais conseillé de le signaler quelques jours avant qu’elle ne s’écroule sur son lieu de travail, victime d’un AVC. Sa reprise de travail ratée, pas de compréhension, d’empathie de la part de certains qui lui ont même attribué un QI à 57, mise à un poste qui ne lui permet pas de rebondir, victime de moqueries, licenciée le 7 décembre 2017, ce n’est pas un hasard si elle s’est écroulée sur son lieu de travail’,
– un dépôt de plainte contre X de Mme [H] du 5 avril 2018 relatif à des appels malveillants reçus sur sa ligne fixe et son portable depuis décembre 2014 dans lequel elle indique soupçonner ‘la direction d’Auchan et du personnel de celui-ci d’être à l’origine des faits’, ‘j’ai été licenciée en décembre 2017 suite à un AVC et depuis ces faits, ces personnes prennent un malin plaisir à me téléphoner pour me rendre folle…j’ai constaté que mon compte Facebook a été également piraté…’,
– un dépôt de plainte adressé le 22 novembre 2018 par l’avocat de Mme [H] (pièce n°34),
– deux fiches médicales d’aptitude au poste avec réserves datées des 11/01/2016 et 22/03/2016 (pièces n°24 et 25 de reprise du poste caisse à mi-temps thérapeutique (pas de port de charges supérieures à 10kgs),
– deux fiches médicales d’aptitude au poste avec réserves datées des 10/05/2016 et 02/11/2016
(pièces n°26 et 27) ajoutant ‘pas d’opérations complexes de caisse’,
– un avis médical du 10/11/2016 d’aptitude à la reprise à 30 heures par semaine en accompagnement avec le Sameth avec restrictions : pas d’opérations complexes de caisse et pas de port de charges supérieures à 10 kgs,
– un arrêt de travail du 12 au 18 août 2017.
Si Madame [H] dénonce bien auprès de l’employeur des faits à l’origine selon elle d’une discrimination en lien avec son état de santé et de harcèlement moral, elle n’établit nullement leur matérialité, les pièces produites étant constituées uniquement d’une lettre et de dépôts de plainte émanant d’elle-même et de son conseil, le seul élément extérieur à ses seules allégations étant une attestation émanant de l’une de ses amies ne rapportant aucun fait constaté sur le lieu de travail mais uniquement les paroles de la salariée alors que cette dernière ne produit strictement aucun document médical pour la période du 16 juillet 2015, date d’un accident vasculaire cérébral, au 11 janvier 2016 date à laquelle le médecin du travail l’a déclarée apte à la reprise de son poste d’hôtesse de caisse avec la seule réserve de l’absence du port de charges supérieures à 10 kgs, les autres avis médicaux d’aptitude à un poste aménagé émanant de la médecine du travail la déclarant apte avec réserves n’objectivant en rien une détérioration de l’état de santé de Mme [H] en lien avec ses conditions de travail.
En l’absence de faits matérialement établis, c’est à juste titre, par des dispositions qui sont confirmées que la juridiction prud’homale a débouté Mme [H] de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et discrimination liée à l’état de santé.
Madame [H] n’établit pas davantage le manquement de l’employeur à l’obligation légale de sécurité caractérisé selon elle par l’inertie de la société Auchan France face à sa dénonciation de faits de harcèlement moral laquelle par son inaction a laissé la situation se détériorer.
En effet, il résulte des éléments produits par l’employeur que dès la première lettre de dénonciation de la situation de harcèlement moral reçue le 24 juin 2015, le directeur de la société Auchan [Localité 2] a reçu la salariée le 11 juillet 2015 accompagnée par Mme [J], représentante syndicale au CHSCT, qu’elle a fait procéder à une enquête interne par le CHSCT dès le retour de la salariée d’arrêt maladie en ayant procédé à une réunion des responsables des caisse le 18 janvier 2016 ce que la salariée confirme dans son second courrier de dénonciation des mêmes faits du 3/04/2016 (pièces n°13-14-15 de l’employeur) adressé en copie à l’inspection du travail à laquelle l’employeur a indiqué sans être utilement démenti par les éléments produits par la salariée avoir pris des mesures en prévoyant désormais que les salariés membres de l’encadrement du service Caisse ne s’adresseraient plus à Mme [H] qu’en présence d’une tierce personne et en aménageant le poste de travail au retour de la salariée en janvier 2016 selon les préconisations de la médecine du travail (mi-temps thérapeutique, service provisoire en caisse déchargée de 60% de sa charge de travail), qu’elle justifie avoir de nouveau reçu la salariée le 2/05/2016 également accompagnée (pièce n°16), qu’elle a convoqué une réunion extraordinaire du CHSCT (pièce n°18) afin d’évoquer spécifiquement le retour de l’enquête du CHSCT suite aux courriers de Mme [H] et en présence de celle-ci en ayant convoqué le médecin du travail ainsi que l’inspecteur du travail.
La société Auchan France justifie également avoir lors d’une réunion du CHSCT du 13/12/2016 (Pièce n°22) fait le constat d’une perturbation et d’une désorganisation du service Caisse du fait du comportement de Mme [H] l’ayant amené en accord la SAMETH à faire passer à celle-ci des tests cognitifs afin de vérifier l’adaptation de la salariée à son poste de travail, tests qui se sont déroulés dans le cadre d’un bilan neuropsychologique organisé les 3 et 10 février 2017 sur 4 heures ayant mis en évidence un profit déficitaire et des capacités certaines mais réduites et parasitées, résultats notifiés à la salariée, toujours accompagnée d’une autre salariée, par remise contre décharge (pièce n°24) et l’ayant amenée à proposer à la salariée, en accord avec le médecin du travail et le représentant de la Sameth 13, dispositif pour travailleur handicapé, une affectation à compter du 15 juin 2017 à des tâches exclusives de ‘tri caddy'(pièce n°25)
Il se déduit de ces éléments que contrairement aux affirmations de Madame [H], l’employeur n’a pas manqué à son obligation légale de sécurité en ne restant pas inactif mais en organisant des réunions et des enquêtes systématiques via le CHSCT afin de vérifier la réalité des faits dénoncés par la salariée de même qu’il a procédé à l’aménagement du poste de travail de celle-ci en tenant compte des restrictions médicales mentionnés sur les avis d’aptitude à compter du 11 janvier 2016 ayant été finalement amené à envisager l’affectation de la salariée en dehors du service de caisse en mai 2017 du fait des perturbations causées par le comportement de celle-ci après évaluation de ses capacités par le biais d’un bilan neuropsychologique conduit en accord avec la médecine du travail et le dispositif de soutien aux travailleurs handicapés.
Dès lors, c’est à juste titre par des dispositions qui sont confirmées que la juridiction prud’homale a débouté Madame [H] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.
Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences financières :
Par application des dispositions de l’article L.1226-2 du code du travail, lorsqu’un salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail en application de l’article L.4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités au sein de l’entreprise ou des entreprise du groupe auquel elle appartient le cas échéant situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent une permutation de tout ou partie du personnel.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capaicités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. L’emploi de reclassement est aussi comparable que possible de l’emploi précédemment occupé au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
La proposition de reclassement prend en compte la qualification, l’expérience et le niveau de formation du salarié. Elle doit être précise et mentionner la qualification du poste, la rémunération, les horaires de travail.
Le reclassement doit être recherché parmi les emplois disponibles y compris ceux pourvus par voie de contrat de travail à durée déterminé. Lorsque l’entreprise appartient à un groupe la recherche des possibilités de reclassement doit s’effectuer parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Le refus du salarié d’accepter un poste n’implique pas à lui seul le respect de son obligation par l’employeur auquel il appartient de faire de nouvelles propositions de reclassement ou en cas d’impossibilité de le licencier.
La lettre de licenciement(pièce n°45) est rédigée ainsi qu’il suit :
‘Objet : notification de licenciement pour inaptitude :
(….) Nous vous notifions votre licenciement pour inaptitude (…) motivé sur les éléments suivants:
A l’occasion de la visite médicale du Lundi 25 septembre 2017, le médecin du travail a établi une déclaration dans les termes suivants:
‘Suivi réalisé ce jour avec préconisations : pas de port de charges supérieures à 10 kgs et pas d’opérations complexes de caisse’.
La Direction a donc entrepris conformément aux obligations lui incombant des démarches visant à vous reclasser en vous demandant par courrier AR du 2 octobre 2017 votre mobilité géographique….
Entretemps nous avons commencé les recherches de reclassement, il a donc été envoyé aux différents hypermarché Auchan en France, à tous les supermarchés Atac en France, à la société Immochan, à la société Banque Accord à tous les magasins Little Extra, tous les sites Chronodrive le 29 septembre 2017 par email une demande de reclassement figurant en pièce jointe.
Les réponses ont été les suivantes ….pas de poste disponible, les Halles, Atac Réseau Sud et les Services Centraux à [Localité 4]: pas de poste disponible, les autres services n’ont toujours pas donné de réponse à ce jour.
Nous vous informons que suite à votre commission de reclassement qui a eu lieu sur le magasin le 16 octobre 2017 et pour laquelle vous étiez présente nous avons donc passé en revue les différentes réponses des postes disponibles dans l’entreprise mais aucun poste ne l’était.
Par contre, le médecin du travail et les membres de la commission, de manière unanime ont reconnu que votre reclassement était parfaitement possible sur le poste en magasin qui a été présenté et qui correspondait parfaitement à vos capacités.
Suite aux conclusions de cette commission de reclassement, nous avons également consulté les délégués du personnel, le 26 octobre 2017, ces derniers confirment tous que ce poste est totalement approprié à vos capacités et à vos aptitudes.
Nous vous avons donc proposé par courrier AR du 27 octobre 2017 une affectation sur un poste de collecte et de remise en rayon des produits abandonnés en magasin sur le site d’Auchan [Localité 2]…..
Votre contrat initial de 30 heures ainsi que votre salaire et classification restent pour l’instant inchangés. Vous ne serez plus affectée sur le secteur caisses mais en Direction ….
Nous vous laissons un temps de réflexion jusqu’au 15 novembre 2017 pour nous donner votre réponse impérativement par écrit.
Nous avons reçu votre réponse par courrier AR du 14 novembre 2017 dans lequel vous nous faisiez part de votre refus du poste de collecte et de remise en rayon des produits abandonnés en magasin sur le site d’Auchan [Localité 2].
Nous nous voyons donc contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour inaptitude.’
La lettre de licenciement fixant les limites du litige tout en énonçant que le licenciement est fondé sur l’inaptitude du salarié médicalement constatée se réfère cependant exclusivement à une fiche médicale du 25/09/2017 figurant dans les pièces produites par les parties numérotée 29 pour l’appelante et 33 pour l’intimée qui n’est cependant pas un avis d’inaptitude médicale mais seulement une attestation de suivi individuel établie par le Dr [M] portant sur VIP Périodique, préconisant ‘Pas de port de charges supérieures à 10 kgs et pas d’opérations complexes de caisse’ et mentionnant expressément ‘A revoir en septembre 2018″ .
Cette seule constatation prive le licenciement contesté de cause réelle et sérieuse alors qu’en l’absence de discrimination liée à l’état de santé et de harcèlement moral, c’est à juste titre par des dispositions qui sont également confirmées que la juridiction prud’homale a débouté Madame [H] de sa demande de nullité du licenciement.
S’y ajoute le fait que si le refus d’un poste de reclassement par le salarié inapte peut à lui seul justifier le licenciement pour inaptitude à la condition que l’employeur ait proposé au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, tel n’est pas le cas si l’employeur, comme tel est le cas en l’espèce , ne justifie pas de l’absence de tout poste disponible, la société Auchan n’ayant versé aux débats ni organigramme permettant de vérifier que tous les magasins Auchan ont été effectivement rendus destinataires de la demande de reclassement ni aucun registre d’entrées et de sorties du personnel notamment celui d’Auchan Martigues.
Les dispositions du jugement entrepris ayant débouté Madame [H] de ses demandes de condamnation de l’employeur au paiement d’une indemnité de préavis et des congés payés afférents ainsi qu’à des dommages-intérêts au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse sont infirmées.
L’intimée n’ayant pas contesté à titre subsidiaire le salaire de référence de 1.371,11 € retenu par Madame [H] pour procéder au calcul d’une indemnité de préavis de 3 mois du fait de son statut de travailleur handicapé (article L.5213-9 du code du travail), il convient de condamner la société Auchan France à lui payer une somme de 4.113,33 € bruts outre 411,33 € bruts de congés payés afférents.
Par application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable depuis le 24 septembre 2017, l’employeur est tenu d’accorder au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse une indemnité dont le montant calculé en brut est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau.
En l’espèce, tenant compte d’une ancienneté de 17 années, d’un âge de 42 ans, d’une longue période de chômage (pièces n°31, 32 et 35) au moins jusqu’en février 2019, il convient de condamner la société Auchan Hypermarché à payer à Madame [H] une somme de 19.464,20 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte injustifiée de son emploi.
Sur le remboursement des indemnités chômage à Pôle emploi :
Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Il convient d’infirmer les dispositions du jugement entrepris et de condamner la société Auchan France à rembourser à l’organisme Pôle Emploi concerné six mois d’indemnités de chômage.
Sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation :
Les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à partir de la décision qui les prononce.
Par ailleurs, les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.
Les dispositions du jugement entrepris sont infirmées de ces chefs.
Sur la demande au titre des frais futurs d’exécution:
La présente juridiction ne peut pas se prononcer sur le sort des frais de l’exécution forcée, lesquels sont régis par l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution et soumis, en cas de contestation, au juge de l’exécution. La demande formée de ce chef sera en conséquence rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les dispositions du jugement entrepris ayant condamné Mme [H] aux dépens et débouté celle-ci de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont infirmées.
La société Auchan France est condamnée aux dépens et à payer à Mme [H] une somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Confirme les dispositions du jugement entrepris ayant rejeté les demandes de Madame [H] de:
– remboursement d’une somme de 386,76 € bruts à titre de rappel de salaire sur absence pour cause de maladie outre 38,67 € de congés payés afférents,
– dommages-intérêts pour discrimination liée à l’état de santé,
– dommages-intérêts pour harcèlement moral,
– dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
– nullité du licenciement.
Infirme le jugement entrepris pour le surplus.
Statuant à nouveau et y ajoutant:
Dit le licenciement de Madame [H] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Condamne la société Auchan France à payer à Madame [H] les sommes suivantes:
– 4.113,33 € bruts d’indemnité de préavis outre 411,33 € bruts de congés payés afférents,
– 19.464,20 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la société Auchan France à rembourser à l’organisme Pôle Emploi concerné six mois d’indemnités de chômage.
Dit que les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à partir du présent arrêt.
Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.
Rejette la demande de Madame [H] au titre des frais futurs d’exécution.
Condamne la société Auchan France aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Madame [H] une somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
Le greffier Le président