COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/06/2023
la SCP CORNU-SADANIA-PAILLOT
la SCP CRUANES-DUNEIGRE, THIRY ET MORENO
ARRÊT du : 22 JUIN 2023
N° : 108 – 23
N° RG 20/02752
N° Portalis DBVN-V-B7E-GIPH
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 10 Décembre 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265264711763924
Monsieur [V] [O]
né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Ayant pour avocat Me Sabine CORNU-SADANIA, membre de la SCP CORNU-SADANIA-PAILLOT, avocat au barreau de TOURS
Madame [J] [C] épouse [O]
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Ayant pour avocat Me Sabine CORNU-SADANIA, membre de la SCP CORNU-SADANIA-PAILLOT, avocat au barreau de TOURS
D’UNE PART
INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265259488593575
La C.R.C.A.M. DE LA TOURAINE ET DU POITOU
Agissant par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Ayant pour avocat postulant Me Valerie DESPLANQUES, membre de la SCP VALERIE DESPLANQUES, avocat au barreau d’ORLEANS et pour avocat plaidant Me Viviane THIRY, membre de la SCP CRUANES-DUNEIGRE, THIRY ET MORENO, avocat au barreau de TOURS,
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 29 Décembre 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 30 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du JEUDI 04 MAI 2023, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l’article 805 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 22 JUIN 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Par actes sous signatures privées, la société Caisse régionale de crédit agricole de la Touraine et du Poitou (ci-après le Crédit agricole) a consenti à la SARL Gokart, représentée par son gérant, M. [V] [O], une série de prêts :
– le 21 juillet 2006, un prêt n° 0008081720 d’un montant de 50 000 euros, remboursable en 60 mensualités de 918,12 euros incluant les intérêts au taux conventionnel de 3,88 % l’an, garanti par les cautionnements solidaires de M. [O] et de Mme [J] [C], son épouse, donnés le même jour dans la limite de 50 000 euros chacun et pour une durée de 84 mois,
– le 25 octobre 2006, un prêt n° 00018178635 d’un montant de 50 000 euros, remboursable en 60 mensualités de 924,21 euros incluant les intérêts au taux conventionnel de 4,15 % l’an, garanti par le cautionnement solidaire de M. [O], donné le même jour dans la limite de 50 000 euros et pour une durée de 84 mois,
– le 30 octobre 2006, un prêt n° 00016066972 d’un montant de 80 000 euros, remboursable en 84 mensualités de 1 083,59 euros incluant les intérêts au taux conventionnel de 3,73 % l’an, garanti par un nantissement sur le fonds de commerce de location de karting de la société Gokart et par les cautionnements solidaires de M. et Mme [O], donnés le même jour dans la limite de 80 000 euros chacun et pour une durée de 108 mois,
– le 26 juillet 2010, un prêt n° 00079382994 d’un montant de 100 000 euros, remboursable en 60 mensualités de 1 864,30 euros incluant les intérêts au taux conventionnel de 4,50 % l’an, garanti par un cautionnement solidaire de M. [O], donné le même jour dans la limite de 100 000 euros et pour une durée de 84 mois.
La société Gokart a été placée en redressement judiciaire le 12 avril 2011 par le tribunal de commerce de Tours.
Par courrier du 16 mai 2011, le Crédit agricole a déclaré sa créance entre les mains de Maître [R], mandataire au redressement judiciaire de la société Gokart.
Par jugement du 3 juin 2014, le tribunal de commerce a prononcé la résolution du plan de redressement qui avait été arrêté le 2 octobre 2012, et ouvert à l’égard de la société Gokart une procédure de liquidation judiciaire.
Suivant courrier du 4 juillet 2014, le Crédit agricole a accepté la proposition d’admission de créance qui lui avait été adressée le 10 juin précédent par le liquidateur judiciaire et selon ordonnances du juge-commissaire en date du 16 septembre 2015, la créance du Crédit agricole a été admise au passif de la liquidation judiciaire de la société Gokart comme suit :
– 7 152,02 euros à titre chirographaire, outre intérêts au taux de 6,88 %, au titre du prêt n° 0008081720,
– 11 114,64 euros à titre chirographaire, outre intérêts au taux de 7,15 %, au titre du prêt n° 00018178635,
– 39 575,29 euros à titre privilégié, outre intérêts au taux de 6,73 %, au titre du prêt n° 00016066972,
– 108 186,51 euros à titre chirographaire, outre intérêts au taux de 7,50 %, au titre du prêt n° 00079382994.
Par acte du 14 octobre 2016, le Crédit agricole a fait assigner M. et Mme [O] en paiement de leurs engagements de cautions devant le tribunal de grande instance de Tours.
Par jugement du 10 décembre 2020, en retenant en substance, de première part que M. et Mme [O] étaient irrecevables en leurs demandes, prescrites, tirées de l’irrégularité du taux effectif global mentionné aux contrats de prêts ; de deuxième part que les cautions n’établissaient pas la disproportion de leurs engagements à leurs biens et revenus ; de dernière part que le Crédit agricole justifiait avoir satisfait à ses obligations d’information à l’égard de chacune des cautions (information annuelle et information des premiers incidents de paiement de la débitrice principale), le tribunal judiciaire de Tours a :
– révoqué l’ordonnance de clôture du 24 septembre 2020,
– ordonné le rabat de l’ordonnance de clôture au 8 octobre 2020,
– déclaré irrecevable les demandes visant l’annulation des contrats de prêt susvisés fondés sur l’irrégularité du calcul des TEG,
– condamné solidairement M. [V] [O] et Mme [J] [C] épouse [O], pour les causes sus-énoncées, à payer à la Caisse régionale de crédit agricole de la Touraine et du Poitou, les sommes suivantes :
‘ 7 428,09 euros, outre les intérêts au taux de 6,88 % à compter du 12 août 2016, au titre du prêt n°00008081720,
‘ 39 969,67 euros, outre les intérêts au taux de 6,73 % à compter du 12 août 2016 au paiement, au titre du prêt n°0016069972,
– condamné M. [V] [O] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole de la Touraine et du Poitou les sommes suivantes :
‘ 11 484,33 euros, outre les intérêts au taux de 7,15 % du 12 août 2016 au paiement, au titre du prêt n°00018178635,
‘ 100 000 euros outre les intérêts au taux de 7,50 % du 12 août 2016 au paiement, au titre du prêt n°00079382994,
– dit que cette décision sera exécutée selon les modalités qui seront prévues par la commission de surendettement pour le traitement de la situation de surendettement de M. [V] [O] et de Mme [J] [C] épouse [O],
– condamné in solidum M. [V] [O] et de Mme [J] [C] épouse [O] au paiement des dépens et dit qu’il sera fait application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Annie Cruanes-Duneigre, Viviane Thiry et Maxime Moreno, avocats associés,
– débouté les parties pour le surplus de leurs demandes,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
M. et Mme [O] ont relevé appel de cette décision par déclaration du 29 décembre 2020, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause leur faisant grief.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 20 mars 2023, M. et Mme [O] demandent à la cour, au visa des articles L.341-4, L. 341-6, L. 341-1 et L. 313-9 du code de la consommation, L. 313-22 du code monétaire et financier, et 1134 anciens et suivants du code civil, de :
– infirmer le jugement du 10 décembre 2020 en toutes ses dispositions,
– débouter le Crédit agricole de l’ensemble de ses demandes dirigées contre M. et Mme [O],
– subsidiairement, ordonner une expertise judiciaire avec mission donnée à l’expert d’évaluer les parts de la SCI GK et de Gokart au jour où les cautions ont été données,
– inviter la Caisse régionale de crédit agricole mutuel à produire un décompte de sa créance expurgé des intérêts et indemnités,
– le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 mars 2023, le Crédit agricole demande à la cour, au visa des articles 1104, 1353 alinéa 2 anciens et suivants, 2288 et suivants du code civil, L.341-1, L.341-4 anciens et suivants du code de la consommation, L. 110-4, L. 624-2, L. 626-11 et suivants du code de commerce, 3, 6, 16, 122, 144 et 146 du code de procédure civile, de :
– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours le 10 décembre 2020 en toutes ses dispositions, ci-après rappelées en ce qu’il a :
« – révoqué l’ordonnance de clôture au 24 septembre 2020,
– ordonné le rabat de l’ordonnance de clôture au 8 octobre 2020,
– déclaré irrecevable les demandes visant l’annulation des contrats de prêt susvisés fondés sur l’irrégularité du calcul des TEG,
– condamné solidairement M. [V] [O] et Mme [J] [C] épouse [O], pour les causes sus-énoncées, à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole de la Touraine et du Poitou, les sommes suivantes :
‘ 7 428,09 euros, outre les intérêts au taux de 6,88 % à compter du 12 août 2016, au titre du prêt n°00008081720,
‘ 39 969,67 euros, outre les intérêts au taux de 6,73 % à compter du 12 août 2016 au paiement, au titre du prêt n°0016069972,
– condamné M. [V] [O] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole de la Touraine et du Poitou les sommes suivantes :
‘ 11 484,33 euros, outre les intérêts au taux de 7,15 % du 12 août 2016 au paiement, au titre du prêt n°00018178635,
‘ 100 000 euros outre les intérêts au taux de 7,50 % du 12 août 2016 au paiement, au titre du prêt n°00079382994,
– dit que cette décision sera exécutée selon les modalités qui seront prévues par la commission de surendettement pour le traitement de la situation de surendettement de M. [V] [O] et de Mme [J] [C] épouse [O],
– condamné M. et Mme [O] au paiement des dépens,
– débouté les parties pour le surplus de leurs demandes,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire »,
Et y ajoutant,
– rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de M. et Mme [O],
– condamner M. [V] [O] et Mme [J] [C], épouse [O], en outre, au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [V] [O] et Mme [J] [C] [O], enfin, au paiement de tous les dépens de l’instance, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– accorder à la SCP Valérie Desplanques, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, le droit de recouvrer directement contre les parties condamnées ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu de provision.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 30 mars 2023, pour l’affaire être plaidée le 4 mai suivant et mise en délibéré à ce jour.
A l’audience, la cour a invité le Crédit agricole à produire sous quinzaine, à toutes fins utiles, un décompte de chacun des quatre prêts garantis imputant, à compter du 31 mars suivant la date de leur souscription, l’intégralité des paiements réalisés par la débitrice principale sur le capital, et a autorisé les cautions à formuler le cas échéant leurs observations au moyen d’une note en délibéré à transmettre contradictoirement dans les huit jours de la production des décomptes.
Le Crédit agricole a communiqué les décomptes par voie électronique le 17 mai 2023.
M. et Mme [O] ont formulé leurs observations selon les mêmes modalités le 25 mai suivant.
SUR CE, LA COUR :
Sur la demande de décharge tirée de la disproportion manifeste des engagements des cautions à leurs biens et revenus :
Selon l’article L. 341-4 du code de la consommation, devenu l’article L. 332-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à son abrogation issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Au sens de ces dispositions, qui bénéficient tant aux cautions profanes qu’aux cautions averties, la disproportion s’apprécie à la date de conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l’engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d’autres engagements de caution, dès lors que le créancier avait ou pouvait avoir connaissance de cet endettement.
C’est à la caution qui se prévaut des dispositions de l’article L. 332-1 de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle invoque et, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [O], ni la loi ni la jurisprudence n’impose au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement.
Si le créancier le fait, il est en droit de se fier aux renseignements communiqués par la caution, sauf existence d’anomalies apparentes.
Si le créancier ne le fait pas, il s’expose à ne pas pouvoir se prévaloir de la garantie si la caution rapporte la preuve de sa disproportion manifeste au jour de sa conclusion sans que lui-même parvienne à démontrer qu’au jour où il l’a appelée, le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation.
La disproportion manifeste de l’engagement d’une caution commune en biens s’apprécie en prenant en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs incluant les revenus de son époux (v. par ex. Com. 6 juin 2018, n° 16-26.182).
Au regard des règles qui viennent d’être rappelées, il convient d’examiner successivement les engagements de caution litigieux, en commençant par étudier les cautionnements qui ont été donnés par M. et Mme [O], avant d’examiner ceux qui n’ont été souscrits que par M. [O].
* sur les cautionnements du prêt n° 0008081720 donnés le 21 juillet 2006 par chacun de M. et Mme [O]
En 2006, M. et Mme [O], qui étaient mariés sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts et qui avaient un enfant à charge, justifient avoir perçu des revenus annuels de 61 450 euros.
Le patrimoine de M. et Mme [O] était alors activement composé de leur résidence principale de [Localité 5] et d’une résidence secondaire située à [Localité 8], et de parts sociales dans deux sociétés.
Le 2 mai 2014, lorsqu’ils ont saisi la commission départementale de surendettement, M. et Mme [O] ont évalué leur résidence principale à 300 000 euros.
Pour soutenir que leur résidence principale doit être estimée en 2006 à seulement 198 000 euros, les appelants s’appuient sur une estimation réalisée en janvier 2015 par la société Serexim, spécialiste de l’évaluation des biens immobiliers, laquelle a estimé la valeur vénale de cet immeuble entre 266 000 et 281 000 euros, puis appliquent, non pas sur cette valeur, mais sur une moyenne qu’ils réalisent entre la valeur vénale, la valeur judiciaire et la valeur dite « vente rapide » de leur maison retenue par la société Serexim, une décote qu’ils calculent selon l’évolution de l’indice du coût de la construction entre 2006 et 2015.
Cet indice ne traduit nullement l’évolution des prix du marché immobilier qui ont commencé à décroître en 2007 et ne sont repartis à la hausse qu’en 2016.
Au regard de ces éléments, la résidence principale des cautions sera estimée en 2006 à 273 500 euros, sur la base de l’estimation moyenne de sa valeur vénale par le cabinet d’expertise Serexim.
La résidence secondaire de M. et Mme [O] a été évaluée en janvier 2016 entre 180 000 et 190 000 euros par le cabinet Avenir et Transaction, et les cautions l’ont eux-mêmes évaluée à 200 000 euros en mai 2014, lors du dépôt de leur dossier de surendettement.
Si cette maison a été vendue 100 000 euros en 2021, ce prix ne peut être considéré comme révélateur de sa véritable valeur vénale, puisque l’immeuble avait été saisi, et a été vendu à une SCI constituée par des proches de M. et Mme [O].
Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être exposées pour procéder à l’évaluation de leur résidence principale, la valeur de la résidence secondaire des appelants sera estimée, en juillet 2006, à 195 000 euros.
En 2006, M. [O] était propriétaire de 1067 parts sociales de la SARL Gokart, dont le capital social de 306 800 euros était divisé en 1534 parts d’une valeur nominale de 200 euros chacune.
Pour soutenir que la valeur des parts sociales de M. [O] dans la société Gokart était proche de zéro, les appelants affirment que la situation de ladite société était très mauvaise, qu’elle avait bénéficié en 2004 d’un mandat ad hoc, et que seul l’examen du bilan peut permettre de déterminer la valeur de la société en juin 2006.
M. et Mme [O], à qui incombe pourtant la charge de la preuve de la disproportion de leurs engagements de caution à leurs biens et revenus, ne produisent aucun justificatif de mandat ad hoc, ni le bilan 2006 de la société Gokart qui aurait effectivement permis à la cour d’apprécier si, à l’époque de la souscription des engagements litigieux, la société Gokart se trouvait dans une situation financière telle que la valeur des parts sociales de M. [O] devrait être fixée en-deçà de leur valeur nominale.
Dès lors, en l’absence de tout élément permettant de fixer la valeur des parts sociales de M. [O] dans la SARL Gokart à une valeur distincte de leur valeur nominale, et sans qu’il y ait lieu d’ordonner une expertise pour pallier la carence des appelants dans l’administration de la preuve, la valeur de ces parts, en juillet 2006, sera estimée à 213 400 euros (1067 x 200).
En juillet 2006, M. et Mme [O] étaient en outre détenteurs de 90 % des parts sociales de la SCI GK, qui avait acquis le 14 octobre 2005, au prix de 341 216,68 euros, un ensemble immobilier situé dans la zone industrielle de La Ville-aux-Dames (37), qui a été revendu le 4 juin 2010 au prix de 895 000 euros.
Pour financer l’acquisition et l’amélioration de cet immeuble, la SCI avait souscrit deux prêts, l’un de 176 000 auprès de la Caisse de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou ; l’autre de 185 000 euros auprès de la Banque populaire Val de France.
En juillet 2006, les encours de prêts s’élevaient à 344 582 euros (167 495,75 + 177 086,80), en sorte que, sur la base d’une valeur vénale de l’immeuble estimée à 500 00 euros à cette époque, l’actif net de la SCI peut être évalué à 155 418 euros.
Dès lors, la valeur des parts sociales de M. et Mme [O] dans la SCI GK à l’époque de la souscription des premiers engagements litigieux sera évaluée à 139 876 euros.
Le patrimoine, mobilier et immobilier, de M. et Mme [O], au 21 juillet 2006, peut donc être évalué à 821 776 euros (273 500 + 195 000 + 213 400 + 139 876).
A la même époque, M. et Mme [O] indiquent qu’ils étaient engagés par quatre prêts qu’ils avaient personnellement souscrits avant la conclusion de l’engagement de caution en cause.
Les appelants justifient avoir souscrit le 13 février 2006 auprès de la société Crédit lyonnais un prêt immobilier destiné à un rachat de créances d’un montant de 77 161 euros, dont l’encours au 21 juillet 2006 était de 63 051,18 euros.
Le prêt de 30 000 euros qu’ils indiquent avoir souscrit auprès de la Banque Hervé (HSCBC) n’a en revanche pas été contracté par M. et Mme [O], mais par la SARL Gokart.
Le prêt Crédit mutuel du 15 septembre 2014 a lui aussi été souscrit par la société Gokart, et non par M. et Mme [O], comme le prêt Banque populaire du 7 juin 2006.
Pour évaluer le passif des appelants, il n’y a pas lieu non plus de tenir compte des prêts souscrits par la SCI GK, qui ont été pris en considération pour évaluer l’actif net de cette société et, par voie de conséquence, la valeur des parts sociales des appelants dans ladite SCI.
L’encours de prêt de M. et Mme [O] à la date du 21 juillet 2006, exclusivement constitué du prêt souscrit auprès de la société Crédit Lyonnais, s’élevait donc à 63 051,18 euros.
A cette date du 21 juillet 2006, M. et Mme [O] justifient qu’ils s’étaient déjà rendus caution à plusieurs reprises.
Il résulte des productions :
– que M. et Mme [O] s’étaient rendus cautions solidaires d’un prêt souscrit le 15 septembre 2004 par la société Gokart auprès du Crédit agricole, et que l’encours de leurs engagements, au 21 juillet 2006, s’élevait à 98 079,04 euros,
– que M. et Mme [O] s’étaient portés cautions solidaires d’un prêt souscrit le 15 septembre 2004 également par la société Gokart, auprès de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 5] Maginot, et que l’encours de leurs engagements au 21 juillet 2006 s’élevait à 144 294,99 euros,
– que M. [O], seul, s’était porté caution solidaire le 25 juin 1998 de tous les engagements souscrits par la société Gokart envers la société BNP, dans la limite de 91 469,41 euros (600 000 francs), et que l’encours de son engagement, au 21 juillet 2006, s’élevait à environ 36 300 euros (solde débiteur compte à vue),
– que M. [O] s’était porté caution solidaire envers la Banque Hervet, avec le consentement exprès de son épouse, d’un prêt souscrit le 1er août 2005 par la société Gokart, et que l’encours de son engagement, au 21 juillet 2006, s’élevait à 23 490,65 euros,
– que M. [O] s’était rendu caution solidaire envers la Banque populaire Val de France, avec le consentement exprès de son épouse, d’un prêt dit Socama souscrit le 7 juin 2006 par la SARL Gokart, et que l’encours de son engagement, au 21 juillet 2006, s’élevait à 24 350,57 euros.
Les appelants ne peuvent inclure dans leur passif le cautionnement « tous engagements » que M. [O] aurait donné le 15 mars 2006 à la Banque populaire Val de France à hauteur de 15 000 euros, sans justifier de l’éventuel encours de cet engagement au 21 juillet 2006.
Bien que le cautionnement notarié donné par M. et Mme [O] à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 5] Maginot, en garantie du prêt souscrit le 15 septembre 2004 par la société Gokart, ait été déclaré disproportionné par un jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Tours du 6 juillet 2021, confirmé par un arrêt de la chambre des urgences de cette cour rendu le 23 mars 2022, ce cautionnement antérieur à l’engagement litigieux doit être pris en considération (v. par ex. Com. 29 septembre 2015, n° 13-24.568).
Les encours de cautionnements de M. et Mme [O] au 21 juillet 2006 peuvent donc être évalués à une somme totale de 242 374 euros (98 079,04 + 144 294,99), et les encours de cautionnements de M. [O] à 84 141 euros (36 300 + 23 490,65 + 24 350,57).
Au regard de l’ensemble de ces éléments, dont il résulte que M. et Mme [O], époux communs en biens qui avaient alors un enfant à charge, percevaient à la date de souscription du premier engagement litigieux des revenus mensuels de l’ordre de 5 120 euros, disposaient d’un patrimoine, mobilier et immobilier, de l’ordre de 821 776 euros, avaient un endettement commun de l’ordre de 305 425 euros (encours prêt 63 051,18 + encours cautionnements 242 374), auquel s’ajoutait l’endettement personnel de M. [O] d’un montant d’environ 84 141 euros, les cautionnements donnés par chacun des appelants le 21 juillet 2006 à hauteur de 50 000 euros n’apparaissent pas disproportionnés à leurs biens et revenus.
* sur les cautionnements du prêt n° 00016066972 donnés le 30 octobre 2006 par chacun de M. et Mme [O]
La situation, au 30 octobre 2006, est sensiblement la même qu’au 21 juillet 2006.
Il convient d’ajouter à l’endettement commun des époux [O] l’encours du cautionnement donné le 21 juillet 2006 au Crédit agricole (50 000 euros), et à l’endettement personnel de M. [O] l’encours de son cautionnement du 25 octobre 2006 (50 000 euros).
Sans même qu’il soit utile de procéder au calcul exact des encours de prêt et de cautionnements au 30 octobre 2006, lesquels avaient légèrement diminué à raison des échéances qui avaient été réglées sur les prêts, contractés par les appelants, ou garantis par eux, entre le 21 juillet et le 30 octobre 2006, il apparaît qu’au 30 octobre 2006, les cautionnements donnés par chacun de M. et Mme [O] à hauteur de 80 000 euros étaient d’un montant qui restait largement inférieur à la valeur nette de leur patrimoine (821 776 – 305 425 – 84 141 – 50 000 -50 000).
M. et Mme [O] échouent donc à démontrer, là encore, que leurs engagements du 30 octobre 2006 étaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus de l’époque.
* sur le cautionnement du prêt n° 00018178635 souscrit le 25 octobre 2006 par M. [O]
Ainsi qu’il a déjà été dit, la disproportion manifeste de l’engagement d’une caution commune en biens s’apprécie en prenant en considération tant les biens propres et les revenus de la caution, que les biens communs incluant les revenus de son époux (v. par ex. Com. 6 juin 2018, n° 16-26.182).
C’est donc de manière inexacte que les appelants soutiennent que pour apprécier la disproportion alléguée du cautionnement donné le 25 octobre 2006 par M. [O], il conviendrait de ne prendre en considération que ses revenus, à l’exclusion de ceux de son épouse commune en biens.
A la date du 25 octobre 2016, le patrimoine de M. et Mme [O] était d’une valeur nette, déduction faite de l’ensemble de leur endettement commun et de l’endettement personnel de M. [O], de 382 210 euros (821 776 – 305 425 – 84 141 – 50 000), très nettement supérieure au montant du cautionnement en cause (50 000 euros).
Dans ces circonstances, les appelants n’établissent pas que le cautionnement donné le 25 octobre 2006 par M. [O] était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
* sur le cautionnement du prêt n° 00079382994 donné le 26 juillet 2010 par M. [O]
Pour que la cour apprécie l’éventuelle disproportion du dernier cautionnement litigieux en considération des seuls revenus et biens propres de M. [O] en 2010, les appelants ne peuvent faire utilement valoir, sans le démontrer au demeurant, que M. [O] ignorait que les biens communs étaient susceptibles d’être engagés par le cautionnement qu’il avait donné seul, avec le consentement de son épouse commune en biens, ou encore que l’acceptation de son épouse serait irrégulière, faute de référence à la date de souscription du prêt principal, alors que
la disproportion manifeste de l’engagement de la caution commune en biens s’apprécie, on l’a dit, en considération, tant des revenus et biens propres de la caution que des biens communs, incluant les revenus de son épouse, et cela sans qu’il y ait lieu de tenir compte du consentement exprès du conjoint donné conformément à l’article 1415 du code civil, lequel détermine seulement le gage du créancier, de sorte que, quand bien même les biens dépendant de la communauté ne pourraient être engagés pour l’exécution de la condamnation éventuelle de M. [O], ces biens doivent être pris en considération pour l’appréciation de la proportionnalité de son engagement (v. par ex. Com. 15 novembre 2017, n° 16-10.504 ; 6 juin 2018, préc.).
En 2010, M. et Mme [O] n’avaient plus d’enfant à charge.
Ils justifient avoir perçu, au cours de l’année 2010, un revenu annuel de 36 399 euros.
En sus de leur résidence principale et de leur résidence secondaire qui peuvent être respectivement évaluées, comme en 2006, à 273 500 euros et 195 000 euros, M. [O] et son épouse commune en biens étaient propriétaires en 2010 d’un terrain attenant à leur résidence principale acquis le 21 mai 2007 au prix de 100 000 euros, revendu en octobre 2016, avec l’autorisation du juge en charge du surendettement, au prix de 89 000 euros.
En retenant, compte tenu de l’évolution des prix du marché immobilier entre 2007 et 2016, que ce terrain n’avait déjà plus en 2010, à une période où la « crise » du marché immobilier était amorcée, qu’une valeur de 89 000 euros correspondant au prix auquel il a été vendu, le patrimoine immobilier de M. et Mme [O] peut être évalué, en 2010, à 568 500 euros.
La structure du patrimoine mobilier de M. et Mme [O] a changé en 2010.
Le 4 juin 2010 en effet, l’immeuble de la SCI GK a été vendu au prix de 895 000 euros.
Puis le 31 décembre 2010, il a été décidé d’une fusion-absorption de la SCI GK par la SARL Gokart, avec effet rétroactif au 1er novembre 2009.
Déduction faite du passif de la SCI apporté (396 325 euros), étant précisé que les prêts que la SCI avait contractés auprès du Crédit agricole et de la Banque populaire Val de France ont été remboursés sur le prix de vente de l’immeuble, il résulte de l’extrait du traité de fusion produit aux débats que l’apport net de la SCI à la SARL Gokart s’est élevé à 500 023 euros et que la SARL Gokart a procédé à une augmentation de son capital de 439 560 euros, pour porter celui-ci à 1 185 184 euros par la création de 1080 nouvelles parts d’une valeur nominale de 407 euros, attribuées à M. et Mme [O].
Alors que ce traité de fusion est contemporain de la souscription de l’engagement de caution de M. [O] du 26 juillet 2010, les appelants ne peuvent sérieusement soutenir que la valeur de leurs parts sociales dans la SARL Gokart à cette date serait nulle, au motif que ladite société aurait été placée en liquidation judiciaire en 2011, ce qui inexact puisque ladite société a été placée en liquidation judiciaire en 2014, après l’adoption, en 2012, d’un plan de redressement qui montre que, à cette époque encore, la situation de la société Gokart n’était pas définitivement compromise.
M. et Mme [O] ne peuvent pas plus utilement faire valoir que « la simple lecture du bilan 2010 » de la société Gokart permettrait de constater que la valeur des parts sociales de la société était nulle à cette époque, alors qu’ils ont choisi de ne produire qu’un extrait de ce bilan, sur 2 pages, dont il résulte uniquement que l’exercice 2010 a été déficitaire, ce qui n’est pas suffisant pour éclairer la cour sur la valeur économique de la société.
En l’absence d’éléments permettant d’estimer la valeur des parts sociales de la société Gokart à une valeur distincte de celle de leur valeur nominale, fixée à 407 euros dans le traité de fusion-absorption, étant si besoin rappelé que M. [O] était le gérant des deux sociétés parties à ce traité intervenu le 31 décembre 2010 avec effet rétroactif au 1er novembre 2009, c’est-à-dire à une époque contemporaine de la souscription de son engagement de caution en cause, la valeur des parts sociales de M. et Mme [O] dans la SARL Gokart au 26 juillet 2010 sera évaluée, sans qu’il y ait lieu là encore d’ordonner une expertise, à la valeur à laquelle M [O] les avait lui-même estimées au traité de fusion, soit :
– valeur des 1067 parts sociales de M. [O] : 434 269 euros
– valeur des 1 080 parts de M. et Mme [O] : 439 560 euros
Total valeur des parts sociales de M. et Mme [O] dans la SARL Gokart : 873 829 euros
Le patrimoine, mobilier et immobilier, de M. et Mme [O], au 26 juillet 2010, sera donc évalué à 1 437 329 euros (273 500 + 195 000 + 95 000 + 873 829 euros).
A cette époque, M. et Mme [O] indiquent qu’ils avaient déjà souscrit quatre prêts.
Les appelants justifient avoir souscrit auprès du Crédit agricole, le 16 octobre 2008, un prêt dont l’encours au 26 juillet 2010 était de 119 509,86 euros.
Sur le prêt immobilier qu’ils justifient avoir souscrit en mars 2007 auprès de la société Crédit lyonnais pour financer l’acquisition du terrain attenant à leur résidence principale, l’encours au 26 juillet 2010 était de 110 277 euros.
M. et Mme [O] justifient avoir emprunté à M. [P] [O], selon acte sous signatures privées du 7 avril 2008 enregistré le 22 décembre 2011 au service des impôts des entreprises, une somme de 8 000 euros, remboursable au terme de 10 ans avec intérêts au taux de 5 % l’an. Au 26 juillet 2010, l’encours de ce prêt remboursable à terme était donc de 8 000 euros.
Les appelants justifient enfin avoir emprunté à M. [F] [O], selon acte sous signature privée du 15 février 2010, une somme de 2 500 euros, pareillement remboursable au terme de dix années avec intérêts au taux de 5 % l’an. L’encours de ce prêt à la date de souscription du cautionnement en cause était donc de 2 500 euros.
Au vu de ces éléments, les encours de prêts de M. et Mme [O] au 26 juillet 2010 seront donc évalués à 240 287 euros (119 509,86 + 110 277 + 8 000 + 2 500).
A cette date, M. et Mme [O] n’établissent pas qu’ils demeuraient liés, ou que M. [O], seul, demeurait lié par l’un des cautionnements pour lesquels des encours ont été justifiés en 2006, mais les appelants établissent qu’ils avaient souscrit depuis cette époque de nouveaux engagements de caution.
Il résulte des productions :
– que M. [O] s’était rendu caution solidaire envers le Crédit industriel de l’Ouest, le 25 janvier 2010, du remboursement d’un prêt souscrit le 21 janvier précédent par la SARL Ancenis Karting, et que l’encours de son engagement, au 26 juillet 2010, s’élevait à la somme de 60 000 euros correspondant à la limite de son engagement.
Les appelants ne peuvent inclure dans leur passif les cautionnement « tous engagements » que M. [O] aurait donnés à la Banque populaire Val de France le 15 décembre 2007 à hauteur de 97 500 euros et encore le 20 février 2008 à hauteur de 120 000, sans justifier de l’éventuel encours de ces engagements « omnibus » au 26 juillet 2010.
Ils ne peuvent pas davantage inclure dans leur passif le cautionnement du solde débiteur du compte courant de la société Gokart donné le 28 avril 2008 par M. [O] à la Caisse d’épargne Loire-Centre, sous fournir le moindre justificatif de l’encours de cet engagement au 26 juillet 2010.
Contrairement à des engagements antérieurs jugés disproportionnés, les cautionnements antérieurs judiciairement annulés, qui sont réputés n’avoir jamais existé, ne peuvent être pris en considération dans l’évaluation du passif des appelants au 26 juillet 2010.
Il n’y a donc pas lieu de tenir compte des engagements de caution que M. [O] avait souscrits le 26 mars 2008 et le 16 juin 2009 à l’égard de la Banque Hervet, devenue la société HSBC, qui ont tous les deux été annulés par un arrêt de cette cour en date du 17 septembre 2015, produit par l’intimé.
Si M. [O] justifie s’être rendu caution solidaire envers la Banque populaire Val de France, le 22 et le 24 mai 2007, du remboursement de deux prêts souscrits par la société Gokart dont les encours théoriques, selon les tableaux d’amortissement produits, s’élèvent respectivement au 26 juillet 2010 à 59 409,95 euros et 11 204,20 euros, les appelants ne fournissent aucun justificatif de l’encours réel de ces prêts au 26 juillet 2010, et ce en dépit des observations du Crédit agricole qui relève qu’il résulte des propres pièces de M. et Mme [O] que sur le produit de la vente de l’immeuble de la SCI GK, intervenue le 4 juin 2010, le notaire chargé de cette vente a réglé à la Banque populaire Val de France, en sus de la somme de 95 000 euros, à titre d’accord « trésoriel », une somme de 141 125,17 euros à titre de remboursement de prêt par anticipation.
Faute de s’expliquer sur cette situation relevée par l’intimé, et de produire le justificatif de l’encours de prêts éventuellement encore garanti par M. [O] au 26 juillet 2010, les engagements de caution ainsi donnés par M. [O] à la Banque populaire ne peuvent pas être pris en considération dans l’évaluation de son endettement à la date de souscription du cautionnement litigieux.
Les encours de cautionnements de M. [O] au 26 juillet 2010 seront donc évalués à la somme de 60 000 euros.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, dont il résulte que M. et Mme [O], époux communs en biens qui n’avaient plus d’enfant à charge à cette époque, percevaient à la date de souscription du dernier engagement litigieux de M. [O] des revenus mensuels d’environ 3 030 euros, disposaient d’un patrimoine, mobilier et immobilier, de l’ordre de 1 437 329 euros, avaient un endettement commun de 240 287 euros (encours de prêts), auquel s’ajoutait un endettement contracté personnellement par M. [O] à hauteur de 60 000 (encours de cautionnements souscrits antérieurement à la garantie litigieuse), le cautionnement donné par M. [O] le 26 juillet 2010 à hauteur de 100 000 euros n’apparaît pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
Dès lors que les appelants n’établissent pas que les engagements de caution litigieux étaient, ne serait-ce que pour certains d’entre eux, manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus lors de lors conclusion, rien ne justifie de décharger M. et Mme [O], ou M. [O], seul, des engagements en cause.
Sur le montant de la créance du Crédit agricole :
– sur le moyen tiré d’une erreur dans le calcul du taux effectif global de trois des prêts garantis
Les appelants soutiennent qu’alors que le taux effectif global des prêts du 21 juillet 2006, du 25 octobre 2006 et du 26 juillet 2010 ressortit respectivement à 4,82 %, 5,9 % et 5,17 %, le TEG mentionné sur chacun de ces contrats de prêts est de 3,94 % ; 4,21 % et 4,62 %.
Ils en déduisent qu’il convient d’ordonner au Crédit agricole de produire de nouveaux décomptes exempts d’intérêts, et que l’intimé ne peut leur opposer une fin de non-recevoir tirée de la prescription alors que le délai de la prescription quinquennale a commencé à courir à leur égard, non pas à la date de conclusion des contrats de prêts conclus par la société Gokart, comme l’a retenu le premier juge, mais au jour où, en leur qualité de cautions, ils ont été mesure d’apprécier l’irrégularité, soit au jour de la réclamation du Crédit agricole.
Le Crédit agricole rétorque que le point de départ de l’action en contestation du TEG est la date de conclusion du prêt, fait valoir que sa créance a été admise par des ordonnances du juge-commissaire qui retiennent les intérêts qu’elle avait déclarés au taux conventionnel majorée de trois points et en déduit, en soulignant que l’état des créances qui a fait courir le délai de contestation a été publié au Bodacc le 11 octobre 2015, que la critique de M. et Mme [O], à la supposer non atteinte par la prescription, est irrecevable en ce qu’elle se heurte à l’autorité de la chose jugée.
Le Crédit agricole ajoute qu’en toute hypothèse les appelants ne démontrent pas que le calcul du taux effectif global serait erroné.
M. et Mme [O] ne formulent aucune demande reconventionnelle tirée d’une éventuelle erreur dans le calcul du taux effectif global des prêts garantis ; ils s’opposent seulement à la demande en paiement du Crédit agricole incluant des intérêts aux taux contractuel. Dès lors que les appelants ne prétendent pas obtenir un avantage autre que le rejet partiel de la demande en paiement de l’établissement bancaire, le moyen tiré d’une erreur dans le calcul du taux effectif global constitue une défense au fond, sur laquelle la prescription est sans incidence.
Lorsqu’une créance a été irrévocablement admise au passif d’une société, faute de réclamation dans le délai légal, la chose ainsi jugée s’impose à la caution solidaire, qui ne peut contester ni le principe, ni le quantum de l’admission. Dit autrement, une fois la créance irrévocablement admise au passif par le juge-commissaire, la caution ne peut plus soulever d’exceptions inhérentes à la dette, mais uniquement des exceptions qui lui sont personnelles.
Au cas particulier, la créance du Crédit agricole a été admise au passif de la liquidation judiciaire de la société Gokart, avec intérêts au taux contractuel majorée de trois points, par des ordonnances du juge-commissaire en date du 16 septembre 2015.
L’état des créances a été déposé au greffe du tribunal de commerce de Tours, qui l’a fait publier au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales le 11 octobre 2015.
Dès lors qu’ils n’ont pas présenté de réclamation dans le délai d’un mois prévu à l’article R. 624-8 du code de commerce, les appelants ne peuvent plus contester le quantum de l’admission, de sorte que l’exception qu’ils tirent d’une erreur dans le calcul du TEG ne peut qu’être déclarée irrecevable en ce qu’elle se heurte à l’autorité de la chose jugée.
– sur le moyen tiré d’un manquement du créancier à son obligation d’information
Aux termes du premier alinéa de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable aux cautionnements donnés avant le 1er janvier 2022, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise sous la condition du cautionnement par une personne physique sont tenus au plus tard avent le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution ainsi que le terme de cet engagement.
A son alinéa 3, l’ancien article L. 313-22 précise que le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information, puis ajoute que les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
En l’espèce, pour démontrer avoir rempli ses obligations, le Crédit agricole verse aux débats la copie de quelques lettres d’informations qu’il affirme avoir adressées à M. et Mme [O], puis une série de documents intitulés « contrôle infos caution ».
Outre que la seule production de la copie de lettres d’information ne suffit pas à justifier de leur envoi (v. par ex. cass 1re Civ. 6 septembre 2017, pourvoi n° 16-18.258), les documents intitulés « contrôle info caution » sont peu compréhensibles, et ne renferment ni la preuve de l’envoi des lettres d’informations destinées à chacun de M. et Mme [O], ni celle de ce que le contenu de ces lettres aurait satisfait aux exigences informatives prescrites par la loi -étant précisé sur ce dernier point que, au moins durant le plan de redressement de la société Gokart, les lettres présentées comme ayant été adressées aux cautions comportent des informations erronées sur le terme de l’obligation de la débitrice principale.
Par infirmation du jugement entrepris, le Crédit agricole sera dès lors déchu des intérêts, à compter du 31 mars 2007 pour les trois cautionnements souscrits en 2006, et à compter du 31 mars 2011 s’agissant du cautionnement donné en juillet 2010.
Au vu des pièces produites, notamment les contrats de prêts, les tableaux d’amortissement, les déclarations de créance au passif de la débitrice principale, les décomptes en date du 12 août 2016, ceux produits en cours de délibéré à la demande de la cour , et les observations de M. et Mme [O] sur ces derniers décomptes, la créance du Crédit agricole sera arrêtée ainsi qu’il suit :
– sur la créance au titre du prêt garanti n° 0008081720 :
En vertu du contrat de prêt, la première mensualité de remboursement était exigible au 15 août 2006, et selon le tableau d’amortissement, le capital restant dû à la date du prononcé de la déchéance des intérêts (31 mars 2007) est de 43 879,46 euros.
Selon les décomptes du Crédit agricole, la première échéance impayée a été celle du 15 décembre 2010. Il s’en déduit que les 52 premières mensualités ont été réglées par la débitrice, dont 44 échéances représentant un montant total de 40 397,28 euros postérieurement au 31 mars 2007 (44 x 918,12).
En conséquence, à l’égard des cautions, le capital restant dû s’élève à 3 482,18 euros (43 879,46 – 40 397,28).
La déchéance du prêteur du droit aux intérêts contractuels ne fait pas obstacle au cours des intérêts moratoires au taux légal, conformément aux dispositions de l’article 1153, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
En conséquence, et sous réserve des décisions le cas échéant arrêtées dans le cadre de la procédure de traitement de la situation de surendettement des appelants, la créance du Crédit agricole envers M. et Mme [O] est productive d’intérêts au taux légal à compter de l’assignation en paiement du 14 octobre 2016, premier acte valant sommation de payer dont il est justifié.
– sur la créance au titre du prêt garanti n° 00018178635 :
Selon le contrat prêt, la première échéance de remboursement était exigible le 15 novembre 2006 et selon le tableau d’amortissement, le capital restant dû au 31 mars 2007 représente 46 217,47 euros.
Selon les décomptes, la première échéance impayée a été celle du 15 novembre 2010. Il s’en infère que 43 mensualités de 924,21 euros peuvent être être tenues pour avoir été réglées par la débitrice principale postérieurement au 31 mars 2007, pour un montant total de 39 741,03 euros.
A l’égard de la caution, le capital restant dû s’élève donc à 6 476,44 euros (46 217,47 – 39 741,03 ).
La créance du Crédit agricole à l’égard de M. [O] sera donc arrêtée à cette somme de 6 476,44 euros et, sauf décision contraire de la commission ou du juge du surendettement, cette créance sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2016.
– sur la créance au titre du prêt garanti n° 00016066972 :
Selon les modalités qui viennent d’être explicitées, la créance du Crédit agricole à l’égard de M. et Mme [O] sera arrêtée comme suit :
– capital restant dû au 31 mars 2007 : 75 799,36 euros
– règlements postérieurs de la débitrice principale à déduire : 46 051,99 euros (42 mensualités de 1 083,59 euros + 1 échéance partiellement réglée le 15/10/2010 à hauteur de 541,21 euros)
– Solde dû par M. et Mme [O] : 29 747,37 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2016 (sous réserve des décisions arrêtées dans le cadre de la procédure de surendettement).
– sur la créance au titre du prêt garanti n° 00079382994 :
Selon les mêmes modalités, sauf à rappeler que pour la garantie de ce prêt, le Crédit agricole a été déchu des intérêts à compter du 31 mars 2011, la créance de l’établissement bancaire à l’égard de M. [O] sera arrêtée ainsi qu’il suit :
– mensualités échues et impayées au 31 mars 2011 : 9 321,50 euros
– capital restant dû au 31 mars 2011 : 89 456,89 euros
– règlements postérieurs de la débitrice principale à déduire : néant
– Solde dû par M. [O] : 98 778,39 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2016 (sous réserve des décisions arrêtées dans le cadre de la procédure de surendettement).
Selon l’article 2288 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, celui qui se rend caution d’une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.
Dès lors que les appelants ne justifient d’aucun fait ni d’aucun paiement libératoire au sens de l’alinéa 2 de l’article 1315 ancien du code civil, M. [O], seul ou solidairement avec son épouse, ainsi qu’il a été indiqué et ainsi qu’il sera rappelé dans le dispositif (partie finale) de cette décision, sera condamné à régler au Crédit agricole les sommes sus-énoncées.
Sur les demandes accessoires :
M. et Mme [O], qui succombent au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devront supporter in solidum les dépens de l’instance d’appel et seront déboutés de leur demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur ce dernier fondement, il n’apparaît pas inéquitable, compte tenu de la situation financière actuelle de M. et Mme [O], de laisser au Crédit agricole la charge des frais qu’il a exposés à hauteur d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise, seulement en ces chefs ayant statué sur les dépens et sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en ce qu’elle a précisé que les condamnations seraient exécutées selon les modalités prévues dans le cadre de la procédure de traitement de la situation de surendettement de M. et Mme [O],
L’infirme pour le surplus de ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Constate que l’exception soulevée par M. et Mme [O], tirée d’une erreur dans le calcul du taux effectif global des prêts garantis, est une défense au fond, et rejette en conséquence la fin de non-recevoir tirée de la prescription d’une prétendue action en contestation du taux effectif global (TEG),
Déclare l’exception tirée d’une erreur dans le calcul du taux effectif global des prêts garantis néanmoins irrecevable, en ce qu’elle se heurte à l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions d’admission des créances de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou au passif de la société Gokart,
Dit que la Société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou a failli à son obligation annuelle d’information à l’égard de M. et Mme [O] et déchoit en conséquence la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou des intérêts à compter de la date de la première information exigée par la loi au titre de chacun des quatre engagements de caution litigieux,
En conséquence :
Condamne solidairement M. [V] [O] et Mme [J] [C] épouse [O] à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, en exécution de leurs engagements de caution du prêt n° 0008081720, la somme de 3 482,18 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2016,
Condamne solidairement M. [V] [O] et Mme [J] [C] épouse [O] à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, en exécution de leurs engagements de caution du prêt n° 00016066972, la somme de 29 747,37 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2016,
Condamne M. [V] [O] à payer à la ociété Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, en exécution de son engagement de caution du prêt n° 00018178635, la somme de 6 476,44 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2016,
Condamne M. [V] [O] à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, en exécution de son engagement de caution du prêt n° 00079382994, la somme de 98 778,39 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2016,
Y ajoutant,
Rejette la demande subsidiaire de M. et Mme [O] tendant à l’organisation d’une expertise destinée à évaluer la valeur de leurs parts sociales dans les sociétés Gokart et GK au jour de la conclusion des cautionnements litigieux,
Déboute M. et Mme [O] de leur demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou formée sur le même fondement,
Condamne in solidum M. [V] [O] et Mme [J] [C] épouse [O] aux dépens d’appel,
Accorde à la SCP Valérie Desplanques le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT