REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRÊT DU 22 JUIN 2023
(n° , 3 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général
N° RG 23/00111 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CG3OD
Décision déférée à la cour
Jugement du 29 novembre 2022-Juge de l’exécution de BOBIGNY-RG n° 22/07546
APPELANTE
LA REPUBLIQUE DU CAMEROUN
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Blaise MOUAFO TAMBO, avocat au barreau de PARIS, toque : C2017
INTIMEE
Madame [Y] [X] veuve [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Michèle DURAND, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, présidente et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Déclarant agir en vertu d’un jugement rendu par le Tribunal de proximité du Raincy le 14 décembre 2020, signifié le 7 janvier 2021, la République du Cameroun a le 13 juillet 2022 délivré à Mme [F] un commandement de quitter les lieux, portant sur un logement sis à [Localité 4] (93), [Adresse 1].
Suivant jugement en date du 29 novembre 2022, le juge de l’exécution de Bobigny, saisi par déclaration au greffe en date du 26 juillet 2022, a accordé à Mme [F] un délai pour quitter les lieux jusqu’au 29 mai 2024, a dit que l’expulsion pourra avoir lieu si les indemnités d’occupation ne sont pas payées, et a dit que passée la date susvisée l’expulsion de Mme [F] pourra intervenir ; en outre celle-ci a été condamnée aux dépens.
Par déclaration en date du 14 décembre 2022, la République du Cameroun a relevé appel de cette décision.
En ses conclusions notifiées le 18 avril 2023, elle fait valoir :
– que le mari de Mme [F] était fonctionnaire d’Etat et s’était vu octroyer un logement de fonction ;
– que l’intéressé ayant fait valoir ses droits à la retraite, puis étant décédé le 31 décembre 2019, elle avait sommé Mme [F] de quitter les lieux ;
– que devant son refus le jugement susvisé a été rendu, ordonnant son expulsion ;
– que l’intéressée ne règle pas les indemnités d’occupation dues ; que l’arriéré s’élève à ce jour à 11 000 euros ;
– que le jugement fondant les poursuites lui avait déjà octroyé un délai d’un an et demi ;
– qu’elle n’a jamais donné son accord pour que la débitrice ne règle que la somme de 300 euros par mois ;
– que l’intimée ne recherche pas de nouveau logement notamment dans le parc privé ;
– qu’elle n’a plus d’enfant à charge.
La République du Cameroun demande en conséquence à la Cour de rejeter l’appel incident, d’infirmer le jugement en ce qu’il a octroyé un délai à Mme [F] et de :
– la débouter de ses prétentions ;
– la condamner au paiement de la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux dépens, qui seront recouvrés directement par Maître Mouafo.
En ses conclusions notifiées le 10 mai 2023, Mme [F] réplique :
– qu’elle est assistante maternelle, a trois enfants à son domicile actuellement, et a besoin d’un logement d’une certaine taille faute de quoi elle perdrait son agrément et se retrouverait au chômage ; qu’il lui serait alors difficile de retrouver du travail, étant âgée de 64 ans ;
– que de plus, elle a un enfant atteint d’une maladie ;
– qu’elle est de bonne volonté, et règle les indemnités d’occupation dues, à raison de 1 000 euros par mois ;
– qu’elle a déposé une demande de logement social, et a également saisi la mairie ainsi que la commission Dalo ; qu’elle effectue également des recherches dans le parc privé.
Elle demande en conséquence à la Cour de :
– confirmer le jugement sauf en ce qu’il a subordonné l’octroi des délais pour quitter les lieux au paiement des indemnités d’occupation, a dit que l’expulsion pourra avoir lieu le 29 mai 2024, et l’a condamnée aux dépens ;
– dire que ladite expulsion ne pourra intervenir qu’en cas de défaut de paiement des indemnités d’occupation 15 jours après le terme échu ;
– dire que son expulsion ne pourra avoir lieu qu’au plus tôt le 29 mai 2024 à minuit ;
– condamner la République du Cameroun au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux dépens.
MOTIFS
Selon les dispositions de l’article L 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution, le Juge peut accorder des délais pour quitter les lieux à des personnes dont l’expulsion a été judiciairement ordonnée, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales ; l’article L 412-4 du même code énonce que la durée des délais prévus à l’article précédent ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans, et que pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.
Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l’atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits de l’occupant, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.
Au cas d’espèce, le jugement fondant les poursuites a été rendu le 14 décembre 2020, soit il y a deux ans et demi. Mme [F] ainsi d’ores et déjà bénéficié de délais de fait. Dans ledit jugement, le tribunal n’a pas condamné la débitrice à payer un arriéré de loyers ; elle bénéficiait d’ailleurs d’un prêt à usage, dans la mesure où son mari avait disposé du logement en tant que logement de fonction, et où après sa mise à la retraite puis son décès, elle était restée dans les lieux durant 25 ans à titre gratuit. L’arriéré d’indemnités d’occupation a crû dans des proportions importantes depuis le prononcé du jugement précité, car il s’élevait au 31 décembre 2022 à 13 000 euros. La débitrice a mis en place un virement permanent de 1 000 euros par mois, mais cette somme ne permet que de régler l’indemnité d’occupation courante et non pas d’apurer, fût-ce pour partie, l’arriéré de la dette. S’il est exact que la débitrice recherche activement un nouveau logement, il n’y a pas lieu de lui octroyer des délais suppplémentaires.
Le jugement est infirmé et Mme [F] sera déboutée de sa demande de délais pour quitter les lieux.
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la République du Cameroun.
Mme [F], qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
– INFIRME le jugement en date du 29 novembre 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné Mme [Y] [F] aux dépens ;
et statuant à nouveau :
– DEBOUTE Mme [Y] [F] de sa demande de délais pour quitter les lieux ;
– REJETTE la demande de la République du Cameroun en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNE Mme [Y] [F] aux dépens d’appel, qui seront recouvrés par Maître Mouafo conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,