Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/14759

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Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/14759

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général

N° RG 22/14759 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGJDZ

Décision déférée à la cour

Jugement du 30 juin 2022-Juge de l’exécution de Paris-RG n° 22/80562

APPELANTE

Madame [D] [G] épouse [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

INTIMEE

S.E.L.A.R.L. KAEM’S AVOCATS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Marie ELIAS, avocat au barreau de PARIS

MINISTÈRE PUBLIC

Dossier communiqué au ministère public et visé le 23 mai 2023 par Madame Sylvie SCHLANGER, avocat général.

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 24 mai 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Vu l’ordonnance n°RG 21/879 rendue par le président du tribunal judiciaire de Caen le 29 septembre 2021, déclarant exécutoire la décision du délégué du bâtonnier de l’Ordre des avocats du 21 juin 2021 pour la somme de 2190 euros, avec intérêts de droit à compter de la notification de cette décision ainsi qu’aux dépens ;

Vu le commandement aux fins de saisie-vente délivré à Mme [G] épouse [T] le 5 novembre 2021 sur le fondement de cette décision ;

Vu le procès-verbal de saisie-vente délivré à Mme [G] épouse [T] le 25 janvier 2022 sur le fondement de la même décision ;

Vu le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris le 30 juin 2022, annulant la saisie-vente du 25 janvier 2022, mais seulement en ce qu’elle porte sur un ordinateur, rejetant les demandes de dommages-intérêts et les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu la déclaration d’appel formée le 8 août 2022 à l’encontre de ce jugement par Mme [T] ;

Vu l’inscription de faux incidente déposée par Mme [T] le 24 novembre 2022 à l’encontre de l’ordonnance n°RG 21/879 du 29 septembre 2021, constituant le titre exécutoire sur le fondement duquel la saisie-vente susvisée a été pratiquée ;

Vu les dernières conclusions sur l’inscription de faux incidente du 24 novembre 2022, signifiées par Mme [T] le 24 mai 2023, tendant à voir :

juger que Mme le président [J] ne peut connaître ni du fond de l’affaire ni de l’inscription de faux préalablement programmée dans l’attente des arrêts de cassation à intervenir sur le pourvoi n°H2313622 déposé le 21 mars 2023,

Subsidiairement,

juger que Mme le président [J] ne peut connaître ni du fond de l’affaire ni de l’inscription de faux préalablement programmée dans l’attente des arrêts de cassation à intervenir à l’encontre des arrêts du 12 janvier 2023,

débouter la société Kaem’s Avocats de toutes ses demandes,

Au fond, statuant sur l’inscription de faux du 24 novembre 2022,

déclarer recevable l’inscription de faux du 24 novembre 2022,

Subsidiairement,

déclarer irrecevable la demande tendant à « voir prononcer l’absence d’effet dévolutif de l’appel dans l’instance en faux incident car déjà formulée dans l’instance au fond par conclusions d’intimée du 19 octobre 2023 » et fixée pour plaider au 5 juillet 2023 ;

en conséquence, débouter la société Kaem’s Avocats de toutes ses demandes ;

Très subsidiairement,

renvoyer cette fin de non-recevoir tirée de l’absence d’effet dévolutif de l’appel devant la formation collégiale de la cour, statuant dans l’instance au fond,

constater que les mentions visées en tête des présentes constituent des faux intellectuels au sens de l’article 441-1 du code pénal,

en conséquence, déclarer nulle et de nul effet l’ordonnance n°RG 21/879 du tribunal judiciaire de Caen du 29 septembre 2021 ;

débouter la société Kaem’s Avocats anciennement Selarl [F] & David Avocats, de toutes ses demandes,

condamner « les signataires dudit acte de signification » [‘] à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance ;

Vu les dernières conclusions sur inscriptions de faux, signifiées le 2 mai 2023 par la société Kaem’s Avocats, tendant à voir :

déclarer irrecevable la pièce n°10 visée par Me Benoît Henry dans ses conclusions du 13 avril 2023, « cette pièce n’ayant jamais été communiquée sur la procédure »,

déclarer irrecevables les deux inscriptions de faux incidentes déposées par Mme [G] seule au greffe de la cour d’appel de Paris le 24 novembre 2022,

à titre subsidiaire,

dire n’y avoir lieu de statuer sur les deux inscriptions de faux déposées par Mme [G] le 24 novembre 2022,

à titre infiniment subsidiaire,

rejeter les deux inscriptions de faux incidentes déposées par Mme [G] le 24 novembre 2022 comme étant mal fondées et débouter Mme [G]-[T] de ses inscriptions de faux incidentes,

en tout état de cause,

ordonner la cancellation des passages suivants figurant en page 1/13 des conclusions notifiées par Me Henry dans l’intérêt de Mme [T] le 13 avril 2023 :

« Dans sa facture Kaem’s Avocats anciennement Selarl [F] & David Avocats a facturé à Mme [T] un rendez-vous physique avec Maître [Z] [F], alors bâtonnier en exercice, alors que Mme [T] ne s’est jamais rendue à [Localité 4] pour rencontrer Monsieur [Z] [F].

Il s’agit d’une fausse facture que Monsieur [Z] [F] a produite à son successeur aux fins d’obtenir uen ordonnance de taxe à l’encontre de Madame [T].

Cette façon de procéder de l’ancien Bâtonnier du Barreau de Caen, donne le ton de toute cette procédure.

A aucun moment cet avocat ne reconnaitra ses erreurs et manquements, bien au contraire il va arguer tout au long de ses conclusions que des erreurs matérielles se sont glissées dans les documents (SIC!) qu’il a lui-même produits à son successeur (pour faire taxer) et au Président du TRIBUNAL JUDICIAIRE de CAEN.

Une plainte pour fausse facturation, escroquerie et faux en écriture a été déposée par Mme [T] contre M. [Z] [F]. »

ordonner la cancellation du paragraphe suivant figurant en page 6/13 des conclusions notifiées par Me Henry dans l’intérêt de Mme [T] le 13 avril 2023 :

« Là où parallélisme des formes Maître [F] [Z], ancien bâtonnier de [Localité 3], se sentant découvert et traqué dans sa mise en scène frauduleuse, va de nouveau conclure contre Madame [T] apportant une aide inespérée à son époux Monsieur [T] qui cherche partout de l’aide pour gagner son divorce pour faute sans bourse déliée. »

débouter Mme [T] de toutes ses demandes,

condamner Mme [T] à lui payer la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts,

la condamner aux dépens de l’instance d’inscription de faux ainsi qu’à lui verser la somme de 8.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu le visa du ministère public en date du 23 mai 2023 ;

MOTIFS

Sur la recevabilité de la pièce n°10 visée par Mme [T]

La société Kaem’s Avocats demande à voir déclarer irrecevable, comme ne lui ayant jamais été communiquée, la pièce n°10 visée par Mme [T] à l’issue de ses conclusions. Cependant cette pièce n°10, indiquée comme étant la plainte déposée le 11 avril 2023 contre Monsieur [Z] [F] pour escroquerie, faux en écriture, fausse facture, ne figure pas au dossier remis à la cour par Mme [T]. A l’audience du 24 mai 2023, le conseil de Mme [T] indique n’être pas en mesure de communiquer cette pièce.

Il y a donc lieu de déclarer sans objet la demande tendant à voir cette pièce irrecevable.

Sur l’exception dilatoire

Mme [T] soutient tout à la fois que la cour ne peut pas statuer sur les présentes inscriptions de faux dans l’attente des arrêts de la Cour de cassation à intervenir sur des arrêts rendus le 12 janvier 2023 sur d’autres inscriptions de faux déposées par elle et que, parce que le président de la chambre a figuré dans la composition de la formation ayant statué sur deux précédentes inscriptions de faux, il ne peut siéger dans l’attente de l’issue des pourvois en cassation qu’elle a formés contre les arrêts rendus le 12 janvier 2023 dans ces précédentes procédures.

Cependant, il n’y a pas lieu de surseoir à statuer, ni pour le président de la chambre de s’abstenir de siéger, dans l’attente des arrêts de la Cour de cassation à intervenir sur de précédentes inscriptions de faux dans une autre affaire sans lien avec les présentes inscriptions de faux, au seul motif que les arrêts statuant sur les inscriptions de faux précitées ont été frappés de pourvoi en cassation.

Sur l’inscription de faux incidente à l’encontre de l’ordonnance rendue le 29 septembre 2021 par le président du tribunal judiciaire de Caen

A titre liminaire, il convient de relever que la société Kaem’s Avocats évoque deux inscriptions de faux du 24 novembre 2022, qui lui ont été signifiées à la requête de Mme [T] par huissier le 22 décembre 2022, celle arguant de faux l’ordonnance rendue le 29 septembre 2021 par le président du tribunal judiciaire de Caen et celle arguant de faux le procès-verbal de saisie-vente dressé le 25 janvier 2022. Néanmoins une seule inscription de faux, déposée le 24 novembre 2022, est l’objet de la présente procédure et a été fixée à l’audience du 24 mai 2023, soit celle concernant l’ordonnance du président du tribunal judiciaire de Caen en date du 29 septembre 2021.

Au soutien de cette inscription de faux, Mme [T] argue de faux les mentions de l’ordonnance du président du tribunal judiciaire de Caen en ce que celle-ci indique :

que le secrétariat du Conseil de l’Ordre de [Localité 3] lui aurait notifié le 31 mars 2021 une décision rendue par le délégué du bâtonnier le 21 juin suivant, ce qui est matériellement impossible ;

qu’elle n’a pas contesté cette décision du 21 juin 2021, alors que cette décision ne lui pas été notifiée.

Sur la recevabilité de l’inscription de faux, elle soutient que la cour d’appel s’est manifestement fourvoyée dans des décisions du 12 janvier 2023, qu’elle a frappées de pourvoi en cassation ; qu’en ne prévoyant aucunement un régime spécial de formation de l’inscription de faux pour les procédures avec représentation obligatoire dans l’article 306 du code de procédure civile, le législateur a ainsi entendu laisser aux parties la possibilité de déposer directement l’inscription de faux incidente, y compris lorsque la procédure principale est avec représentation obligatoire.

Sur l’absence d’effet dévolutif soulevée par la société Kaem’s Avocats, elle fait valoir que la déclaration d’appel opère effet dévolutif pour l’ensemble du jugement du juge de l’exécution portant sur la nullité de la saisie-vente.

La société Kaem’s Avocats soulève, à titre principal, l’irrecevabilité des inscriptions de faux comme ayant été déposées par Mme [T] seule au greffe.

A titre subsidiaire, elle soutient que la cour n’a pas à statuer sur ces inscriptions de faux dès lors que l’effet dévolutif de l’appel n’a pas opéré, faute par Mme [T] d’avoir mentionné, dans sa déclaration d’appel, les chefs du dispositif du jugement entrepris expressément critiqués.

A titre très subsidiaire et au fond, elle fait valoir que ce n’est pas parce que l’ordonnance du président du tribunal judiciaire contient une erreur purement matérielle concernant la date de la lettre de notification de la décision du délégué du bâtonnier qu’elle constitue un faux.

Selon l’article 306 du code de procédure civile relatif aux inscriptions de faux incidentes, l’inscription de faux est formée par acte remis au greffe par la partie ou son mandataire muni d’un pouvoir spécial. L’acte, établi en double exemplaire, doit, à peine d’irrecevabilité, articuler avec précision les moyens que la partie invoque pour établir le faux. L’un des exemplaires est immédiatement versé au dossier de l’affaire et l’autre, daté et visé par le greffier, est restitué à la partie en vue de la dénonciation de l’inscription au défendeur. La dénonciation doit être faite par notification entre avocats ou signification à la partie adverse dans le mois de l’inscription.

Ce texte est inséré à la sous-section I de la section première du chapitre II du titre VII du livre premier du code de procédure civile, relative à l’inscription de faux incidente soulevée devant le tribunal judiciaire ou la cour d’appel, de sorte qu’il est d’application générale aux procédures devant ces deux juridictions, qui connaissent aussi bien de procédures sans représentation obligatoire que de procédures avec représentation obligatoire.

Il convient, pour l’instance incidente qui résulte de l’inscription de faux, de se référer, à défaut de dispositions particulières, aux règles de procédure applicables au litige dont la juridiction est déjà saisie à titre principal. En conséquence, dans le cas où la représentation des parties par un avocat est obligatoire pour l’instance principale, elle l’est aussi pour la procédure d’inscription de faux incidente.

En l’espèce, l’instance principale n°22/14759 est une procédure d’appel frappant un jugement rendu par le juge de l’exécution. L’article R. 121-20 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que l’appel des jugements rendus par le juge de l’exécution est formé, instruit et jugé selon les règles applicables à la procédure prévue à l’article 905 du code de procédure civile ou à la procédure à jour fixe.

Selon l’article 899 du code de procédure civile, la procédure devant la cour d’appel statuant en formation collégiale en matière contentieuse est, sauf dispositions contraires, avec représentation obligatoire. Or la procédure prévue à l’article 905, applicable devant la cour en matière d’appel contre les décisions du juge de l’exécution, figure parmi les dispositions relatives à la procédure avec représentation obligatoire, de sorte que le ministère d’avocat est obligatoire devant la cour statuant sur les décisions des juges de l’exécution, sans qu’aucune dérogation ne soit prévue. En outre, aucune règle dérogatoire n’existe non plus en ce qui concerne la procédure d’inscription de faux.

En déduisant de l’emplacement des dispositions relatives à l’inscription de faux incidente au sein des dispositions du code de procédure civile que l’inscription de faux incidente à une procédure principale avec représentation obligatoire doit être formée par l’intermédiaire de l’avocat de la partie requérante, la cour n’ajoute aucune condition au texte de l’article 306 dudit code.

Il est constant que Mme [T] a déposé la présente inscription de faux incidente elle-même, sans avoir recours au ministère de son avocat, bien qu’elle ait interjeté appel du jugement rendu par le juge de l’exécution le 30 juin 2022 par acte d’avocat et que la dénonciation de ladite inscription de faux ait été faite par notification entre avocats, par la voie du réseau privé virtuel des avocats, conformément à l’alinéa 4 de l’article 306 précité.

En conséquence, la présente inscription de faux incidente doit être déclarée irrecevable faute d’avoir été formée et déposée par l’avocat de Mme [T], constitué en la procédure d’appel principale. Dès lors il n’y a pas lieu d’examiner les autres moyens développés par les parties.

Sur l’amende civile

Aux termes de l’article 305 du même code, le demandeur en faux qui succombe est condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

L’emploi par le texte précité des termes « est condamné », par opposition aux termes « peut être condamné », impose à la juridiction, sans faculté d’appréciation, le prononcé d’une amende civile en cas de succombance du demandeur à l’inscription de faux. La condamnation de Mme [T], dont l’inscription de faux est rejetée, à une amende civile ne relève donc pas d’une faculté mais d’une obligation.

Par conséquent, la cour condamne Mme [T] au paiement d’une amende civile de 4000 euros en application des dispositions de l’article 305 susvisé.

Sur la demande de cancellation et de dommages-intérêts pour propos diffamatoires

La société Kaem’s Avocats demande à voir ordonner la cancellation des passages suivants figurant :

– en page 1/13 des conclusions notifiées pour Mme [T] le 13 avril 2023 :

« Dans sa facture Kaem’s Avocats anciennement Selarl [F] & David Avocats a facturé à Mme [T] un rendez-vous physique avec Maître [Z] [F], alors bâtonnier en exercice, alors que Mme [T] ne s’est jamais rendue à [Localité 4] pour rencontrer Monsieur [Z] [sic] [F].

Il s’agit d’une fausse facture que Monsieur [Z] [sic] [F] a produite à son successeur aux fins d’obtenir uen [sic] ordonnance de taxe à l’encontre de Madame [T].

Cette façon de procéder de l’ancien Bâtonnier du Barreau de Caen, donne le ton de toute cette procédure.

A aucun moment cet avocat ne reconnaitra ses erreurs et manquements, bien au contraire il va arguer tout au long de ses conclusions que des erreurs matérielles se sont glissées dans les documents (SIC!) qu’il a lui-même produits à son successeur (pour faire taxer) et au Président du TRIBUNAL JUDICIAIRE de CAEN.

Une plainte pour fausse facturation, escroquerie et faux en écriture a été déposée par Mme [T] contre M. [Z] [F]. »

– en page 6/13 §4 des conclusions notifiées pour Mme [T] le 13 avril 2023 :

« Là où parallélisme des formes Maître [F] [Z], ancien bâtonnier de [Localité 3], se sentant découvert et traqué dans sa mise en scène frauduleuse, va de nouveau conclure contre Madame [T] apportant une aide inespérée à son époux Monsieur [T] qui cherche partout de l’aide pour gagner son divorce pour faute sans bourse déliée. »

A cette fin, elle se prévaut des dispositions des alinéas 4 et 5 de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881, selon lesquelles « ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants, ou diffamatoires et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. »

L’alinéa 6 du même texte dispose encore que « pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l’action publique, soit à l’action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l’action civile des tiers. »

Ce texte pose le principe de l’immunité des écrits produits devant les tribunaux afin de garantir le libre exercice du droit d’agir ou de se défendre en justice, en interdisant que des actions ne soient exercées contre des personnes en raison du contenu de l’argumentation présentée au soutien de leur cause. En l’espèce, l’allégation d’une fausse facturation contenue aux conclusions notifiées par Mme [T] le 13 avril 2023 s’inscrit dans le cadre d’une plainte pénale, dont les suites relèvent des pouvoirs du ministère public. Ce principe de liberté susénoncé connaît toutefois des limites, édictées par les alinéas 5 et 6 précités, lorsque les faits diffamatoires imputés sont étrangers à la cause. Cependant en l’espèce, il est incontestable que la prétendue fausse facturation alléguée par Mme [T] et qui est l’objet des passages dont la cancellation est réclamée, n’est nullement étrangère au titre exécutoire argué de faux, à savoir l’ordonnance du président du tribunal judiciaire déclarant exécutoire la décision de taxation d’honoraires du bâtonnier.

Il n’y a donc pas lieu d’ordonner la cancellation réclamée.

Sur la demande en dommages-intérêts

Il convient, en revanche, de faire application des dispositions de l’article 1240 du code civil, également invoqué par la société Kaem’s Avocats, selon lequel tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le droit d’action en justice ne dégénère en abus qu’en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équivalente au dol, de sorte que la condamnation à dommages-intérêts doit se fonder sur la démonstration de l’intention malicieuse et de la conscience d’un acharnement procédural voué à l’échec, sans autre but que de retarder ou de décourager la mise en ‘uvre par la partie adverse du projet contesté, en l’espèce l’exécution du titre exécutoire argué de faux. Le principe du droit d’agir implique que la décision judiciaire de retenir l’irrecevabilité ou le caractère non fondé des prétentions ne suffit pas à caractériser l’abus de l’exercice du droit. Mais en l’espèce, Mme [T] a argué de faux une ordonnance de taxation des honoraires de son ancien avocat dans le but de voir reporter l’examen de l’appel qu’elle avait elle-même formé à l’encontre d’un jugement du juge de l’exécution. Cette attitude, qui a causé un préjudice à la société Kaem’s Avocats, dont la probité a été, à cette occasion, injustement mise en cause par Mme [T], revêt un caractère abusif et Mme [T] sera condamnée à payer à la partie adverse la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de condamner Mme [T] à payer à la société Kaem’s Avocats une indemnité de 3000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en compensation des frais irrépétibles exposés à l’occasion de la présente procédure d’inscription de faux.

PAR CES MOTIFS

Rejette les exceptions dilatoires ;

Déclare sans objet la demande tendant à voir déclarer irrecevable la pièce n°10 visée par Mme [T] à l’issue de ses conclusions signifiées le 24 mai 2023 ;

Déclare irrecevable l’inscription de faux incidente déposée le 24 novembre 2022 à l’encontre de l’ordonnance n°RG 21/879 rendue par le président du tribunal judiciaire de Caen le 29 septembre 2021 ;

Condamne Mme [D] [G] épouse [T] à payer une amende civile d’un montant de 4000 euros ;

Rejette la demande de cancellation présentée par la société Kaem’s Avocats ;

Condamne Mme [D] [G] épouse [T] à payer à la Selarl Kaem’s Avocats une somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamne Mme [D] [G] épouse [T] à payer à la Selarl Kaem’s Avocats une somme de 3000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en compensation des frais irrépétibles exposés à l’occasion de la présente inscription de faux du 24 novembre 2022 ;

Condamne Mme [D] [G] épouse [T] aux dépens de la présente inscription de faux incidente déposée le 24 novembre 2022.

Le greffier, Le président,

 


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