MINUTE : 22/2023
DU 22 JUIN 2023
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REFERE N° RG 23/00010 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FEPS
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[B] [O]
c/
[N] [V]
COUR D’APPEL DE NANCY
ORDONNANCE DE REFERE
Le 11 Mai 2023 à neuf heures trente, devant Nous, Pascal BRIDEY, Président de Chambre, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel de NANCY en date du 7 juillet 2022, tenant l’audience de référés, assisté de Chloé LE GALL, directrice des services de greffe judiciaires,
ONT COMPARU :
Monsieur [B] [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
non comparant représenté par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY substituée par maître L’HUILLIER, avocat au barreau de Metz
DEMANDEUR EN REFERE
ET :
Monsieur [N] [V]
[Adresse 2]
[Adresse 5]
non comparant représenté par Me Alexandre GASSE substitué par maître BEDET, avocat au barreau de NANCY
DEFENDEUR EN REFERE
SUR QUOI :
Avons, après avoir entendu à l’audience du 11 Mai 2023, les parties en leurs explications et conclusions et avisé les parties que la décision serait prononcée par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023 et ce, en application de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile, mis l’affaire en délibéré ;
Et ce jour, 22 Juin 2023, assisté de Monsieur Ali Adjal, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire, avons rendu l’ordonnance suivante :
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant convention du 30 juin 2015, Monsieur [N] [V] a cédé 50 % de son cabinet dentaire situé à [Localité 4] au Grand-Duché de Luxembourg à Monsieur [B] [O] pour la somme de 600 000 €.
Pour financer cette acquisition, Monsieur [O] a souscrit le 11 août 2015, un contrat de prêt auprès de la Banque et Caisse d’épargne de l’État(BCEE) à hauteur de 603 500 €.
Monsieur [N] [V], qui s’était porté codébiteur solidaire du remboursement du prêt, a réglé à la banque luxembourgeoise la somme de 449 448,50 € correspondant au solde dudit prêt par suite de la défaillance de Monsieur [O].
Par jugement du 22 novembre 2019, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a condamné Monsieur [B] [O] à payer à Monsieur [N] [V] la somme de 449 448,50 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2018 et la somme de 1000 € à titre d’indemnité de procédure.
Le jugement a été signifié à M. [O] le 28 janvier 2020.
Par acte d’huissier du 18 février 2022, Monsieur [B] [O] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nancy d’une demande d’annulation de l’acte de signification du jugement de condamnation et d’un commandement aux fins de saisie-vente signifié le 8 octobre 2020 sur le fondement de cette décision.
Monsieur [N] [V] s’est opposé à cette prétention et a demandé au juge de l’exécution de constater une situation de litispendance européenne et de se déclarer incompétent au profit du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
Par décision du 3 février 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nancy a ordonné un sursis à statuer sur les demandes des parties dans l’attente de la décision à intervenir dans le litige les opposant devant le tribunal de Luxembourg siégeant en matière civile, saisi d’une opposition au jugement rendu le 22 novembre 2019.
Par assignation du 1er mars 2023, Monsieur [B] [O] a fait citer Monsieur [N] [V] pour obtenir, en application des dispositions des articles 380 et 917 du code de procédure civile, l’autorisation du premier président de la cour d’appel de Nancy de relever immédiatement appel de cette décision de sursis à statuer et la fixation du jour où l’affaire sera examinée selon la procédure à jour fixe.
Au soutien de sa demande, Monsieur [O] conteste la décision de sursis à statuer prise par le juge de l’exécution dans l’attente de la décision de la juridiction luxembourgeoise en faisant valoir, que ce juge avait compétence exclusive pour statuer sur la validité des actes de procédure au regard des règles de procédure de droit français et en l’espèce, pour constater le caractère non avenu du jugement du 22 novembre 2019, non signifié dans les six mois de son prononcé.
Il considère que la mesure de sursis à statuer est inutile et pourrait conduire à un déni de justice d’autant qu’il est demandé au juge luxembourgeois de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du juge français.
En l’état de ses dernières écritures développées oralement à l’audience, Monsieur [N] [V] s’oppose aux prétentions de Monsieur [B] [O] et sollicite sa condamnation au paiement d’une indemnité de 3500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que Monsieur [O] se borne à reprendre l’argumentation développée au fond devant le juge de l’exécution et ne démontre pas l’existence d’un motif grave et légitime lui permettant d’être autorisé à relever appel immédiatement du jugement querellé.
Il soutient que l’action portée devant le juge de l’exécution a été engagée de manière dilatoire alors que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait été saisi le 22 octobre 2020 et que cette juridiction était seule compétente pour statuer sur les demandes formulées par Monsieur [O].
Il estime que le juge de l’exécution français n’a pas compétence pour annuler l’assignation et les actes de procédure ayant conduit à la décision rendue par la juridiction luxembourgeoise.
Il fait observer que Monsieur [O] multiplie les incidents pour tenter d’entraver l’exécution du jugement de condamnation et échapper ainsi à son obligation de remboursement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes des dispositions de l’article 380 du code de procédure civile ‘la décision de sursis à statuer peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime’.
Il convient de rappeler que les deux conditions de gravité et de légitimités sont cumulatives.
Reprenant l’argumentation développée en première instance, Monsieur [O] invoque l’annulation de l’ensemble des actes de procédure ayant conduit au jugement du 22 novembre 2019 et prétend que ce jugement est non avenu pour n’avoir pas été régulièrement signifié dans les six mois de son prononcé.
Mais il est à constater qu’à la suite de la délivrance du commandement de payer aux fins de saisie vente qui lui a été délivré le 8 octobre 2020, le demandeur a saisi le tribunal luxembourgeois le 22 octobre suivant d’une opposition à jugement par la voie de la rétractation.
Ayant fait le choix d’introduire cette action au Luxembourg plusieurs mois avant de saisir le juge de l’exécution français pour contester le caractère exécutoire du jugement de condamnation, Monsieur [O] n’apparaît pas légitime à remettre en cause la compétence du tribunal qu’il a lui-même saisi et dont il n’a aucune raison sérieuse de craindre les conséquences de la décision.
Par ailleurs, le risque de déni de justice qu’il invoque n’est pas avéré : en effet, le litige dont les juridictions luxembourgeoise et française ont été saisies successivement n’a pas le même objet puisque le tribunal de Luxembourg, saisi d’une opposition tendant à faire rétracter son jugement rendu par défaut, doit à nouveau statuer sur la demande en paiement formée par Monsieur [V] alors que le juge de l’exécution français doit statuer sur la validité de la mesure d’exécution pratiquée par le créancier sur le fondement d’un titre exécutoire contesté.
Contrairement à ce que soutient le demandeur, il est constant que la décision du tribunal luxembourgeois est de nature à influer sur la décision du juge de l’exécution saisi de contestations relatives au titre exécutoire contenant condamnation de Monsieur [O] à payer à Monsieur [V] la somme de 449 448,50 €.
Il y a donc lieu de considérer que Monsieur [O] ne dispose d’aucun motif grave et légitime pour relever immédiatement appel de la décision de sursis à statuer prise par le juge de l’exécution le 3 février 2023 mais qu’il a au contraire intérêt à obtenir la suspension d’éventuelles mesures d’exécution diligentées à son encontre dans l’attente de la décision du tribunal de Luxembourg qu’il a lui-même saisi le 22 octobre 2020.
En conséquence, Monsieur [O] sera débouté de toutes ses prétentions et condamné à supporter les dépens de l’instance et à verser à Monsieur [V] une indemnité qu’il est équitable de fixer à 2000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Nous Pascal BRIDEY, président de chambre délégué par Monsieur le premier président, statuant par ordonnance prononcée publiquement par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Rejetons la demande présentée par Monsieur [B] [O] tendant à être autorisé à interjeter appel du jugement de sursis à statuer prononcé par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nancy le 3 février 2023 ;
Condamnons Monsieur [B] [O] à payer à Monsieur [N] [V] une somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejetons toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
Condamnons Monsieur [B] [O] aux entiers dépens.
Et Nous, avons signé, ainsi que le greffier, la présente ordonnance.
Le Greffier, Le Président,
M.ADJAL M.BRIDEY
Minute en quatre pages