Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00911

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Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00911

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

R.G. : J.E.X. N° RG 22/00911 – N° Portalis DBVS-V-B7G-FW4L

Minute n° 23/00202

S.A.S. EOS FRANCE

C/

[O]

COUR D’APPEL DE METZ

3ème CHAMBRE

J.E.X.

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

APPELANTE :

S.A.S. EOS FRANCE représentée par son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Christine SALANAVE, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

Madame [L] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés devant Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries.

A l’issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre

ASSESSEURS : Monsieur MICHEL, Conseiller

Monsieur KOEHL, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame CHU KOYE HO, Greffier

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Madame PELSER,Greffier placé à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 2 avril 2003, le tribunal d’instance de Saint-Avold a condamné solidairement M. [V] [S] et Mme [L] [O] à payer à la SA Soficarte la somme de 5.188 euros avec intérêts au taux de 16,20 % à compter du 13 mars 2001 au titre de l’offre préalable d’ouverture de crédit souscrite le 16 avril 1993.

Le 6 juillet 2016, la SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Soficarte, a cédé à la SAS Eos Credirec sa créance détenue à l’égard de M. [S] et Mme [O]. Le 19 décembre 2018, la cession de créance et un commandement aux fins de saisie-vente ont été signifiés aux débiteurs.

Le 27 juin 2020, la SAS Eos Credirec devenue SAS Eos France par suite d’un changement de dénomination sociale, a fait pratiquer une saisie attribution des comptes bancaires de Mme [O] ouverts auprès de la Caisse d’Epargne Lorraine Champagne Ardenne en vertu du jugement du 2 avril 2003 pour recouvrement de la somme de 10.598,99 euros, soit 5.188 euros en principal, 7.780,99 euros au titre des intérêts, 69,08 euros au titre de la provision pour intérêts à échoir, 884,04 euros de provision pour frais, et après déduction des versements intervenus à hauteur de 3.323,12 euros.

Par acte d’huissier du 28 juillet 2020, Mme [O] a fait citer la SAS Eos France devant le juge de l’exécution de Saint-Avold. Au dernier état de la procédure, elle a demandé au tribunal d’invalider la saisie attribution du 27 juin 2020 du fait de la prescription et ordonner sa mainlevée, dire et juger que le plan de surendettement n’est pas caduc à son égard, subsidiairement cantonner le montant de la saisie attribution à la somme de 2.469,10 euros correspondant à un principal de 1.864,88 euros et 604,22 euros d’intérêts contractuels sur deux ans du fait de la prescription, réduire le taux d’intérêt et lui octroyer des délais de grâce outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS Eos France a conclu au rejet des demandes et à la validité de la saisie attribution, sollicitant une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 24 mars 2022, le juge de l’exécution a :

– fixé le montant restant dû par Mme [O] à la SAS Eos France en vertu du jugement du tribunal d’instance de Saint-Avold du 2 avril 2003 à la somme totale de 2.277,05 euros

– dit que les sommes saisies au titre de la saisie attribution du 27 juin 2020 seront payées à la SAS Eos France à concurrence du montant restant dû fixé par le jugement et ordonné la mainlevée pour le surplus des sommes saisies

– rejeté la demande de délais de paiement

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la SAS Eos France aux dépens.

Le premier juge a dit que le délai de prescription de 10 ans applicable à l’exécution des décisions judiciaires prévu par l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution a été interrompu par le commandement de payer du 3 juin 2014 qui a fait courir un nouveau délai de 10 ans et qu’à la date de la saisie-attribution du 27 juin 2020, le titre exécutoire que constitue le jugement n’était pas prescrit. Sur les intérêts, il a retenu l’application de la prescription biennale prévue par l’article L. 218-2 du code de la consommation, dit que le délai de prescription a été interrompu par la signification de la cession de créance avec commandement de payer aux fins de saisie vente du 19 décembre 2018 et que les intérêts et frais d’exécution antérieurs au 19 décembre 2016 sont prescrits. Il a relevé que la cession de créance n’a été signifiée à Mme [O] que lors du commandement de payer aux fins de saisie vente du 19 décembre 2018 qui a interrompu la prescription, de sorte que les intérêts et frais d’exécution antérieurs au 19 décembre 2016 sont prescrits et que les intérêts et frais d’exécution non prescrits ne peuvent être demandés à Mme [O] dans la mesure où elle n’a eu connaissance du changement de créancier qu’à la date de la signification du commandement de payer. Il a considéré que les versements antérieurs au commandement de payer du 19 décembre 2018 devaient être décomptés en priorité du capital restant dû et a réduit le taux contractuel au taux légal et supprimé la majoration prévue par l’article 1343-5 du code civil, eu égard au fait que le créancier est un fonds de recouvrement qui a bénéficié de la cession d’une créance ancienne. Il a en conséquence fixé la créance de la SAS Eos France au titre de la saisie attribution à la somme de 2.277,05 euros, ordonné la mainlevée pour le surplus des sommes saisies et rejeté la demande de délais de paiement en raison de l’effet attributif de la saisie attribution.

Par déclaration d’appel déposée au greffe de la cour le 19 avril 2022, la SAS Eos France a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions hormis celle ayant rejeté la demande de délais de paiement.

Aux termes de ses dernières conclusions du 22 mars 2023, elle conclut à l’infirmation partielle du jugement et demande à la cour de :

– déclarer la contestation de Mme [O] infondée

– valider en intégralité la saisie-attribution pratiquée le 27 juin 2020 sur les comptes bancaires détenus par Mme [O] auprès de la Caisse Epargne

– ordonner le transfert des sommes dans le patrimoine du créancier cessionnaire

– débouter Mme [O] de l’intégralité de ses demandes

– la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, ceux d’appel étant recouvrés par Me Salanave conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Sur son droit à agir, l’appelante expose que la SA BNP Paribas, venue aux droits de la société Soficarte suite à plusieurs fusions-absorptions, a cédé le 16 juillet 2016 à la société Eos Credirec devenue Eos France sa créance à l’égard de Mme [O], à qui la cession a été signifiée à personne par acte d’huissier du 19 décembre 2018, de sorte qu’elle lui est pleinement opposable conformément aux dispositions de l’article 1324 du code civil.

Sur le titre exécutoire, elle indique agir en vertu du jugement définitif du 2 avril 2003 du tribunal d’instance de Saint-Avold régulièrement signifié à Mme [O] et M. [S] et soutient que ce titre n’est pas prescrit comme exactement relevé par le juge de l’exécution, ce qui n’est plus contesté en appel par la débitrice.

Sur le montant de la saisie, elle expose que le titre exécutoire a fixé la créance en principal à la somme de 5.188 euros en tenant compte des versements effectués dans le cadre du plan de surendettement, que ce plan a pris fin en 2009 et n’a pas été respecté et qu’elle a justement imputé les paiements en priorité sur les intérêts et frais par application de l’article 1343-1 du code civil. Elle fait valoir que la cession de créance emportant transfert des droits attachés à la créance du cédant au cessionnaire lequel recueille dans son patrimoine la créance et ses accessoires, c’est à tort que le premier juge a estimé que les intérêts et actes de procédure antérieurs à la signification de la cession de créance ne pouvaient être demandés à la débitrice, que le jugement du 26 mai 2015 ayant autorisé la saisie des rémunérations de Mme [O] ne peut remettre en cause le montant de la créance en principal fixé par le titre exécutoire et que la saisie-attribution est exactement fondée sur une créance en principal de 5.188 euros.

Sur les intérêts, l’appelante soutient qu’ils sont soumis à la prescription quinquennale et non la prescription biennale de l’article L. 218-2 du code de la consommation et que si la cour retenait une prescription biennale, les intérêts seraient limités à la somme de 1.685,52 euros calculés sur la créance en principal de 5.188 euros. Sur l’imputation des paiements, elle expose qu’en l’absence d’autorisation du créancier, les versements effectués antérieurement à la cession ou sa signification doivent s’imputer sur les intérêts conformément à l’article 1343-1 du code civil. Elle ajoute que le juge de l’exécution ne pouvait modifier le dispositif du titre exécutoire en réduisant le taux d’intérêt contractuel au taux légal, l’article 1343-5 du code civil n’étant pas applicable et l’article R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution le lui interdisant expressément. En outre, elle conteste l’application d’une quelconque prescription concernant les frais et dépens et indique que tous les frais sont justifiés tant dans leur principe que dans leur montant et que la demande de délais de paiement est sans objet puisque la saisie a été intégralement fructueuse.

Sur les pratiques commerciales déloyales, l’appelante soutient qu’il n’y a pas lieu à application au présent litige de l’arrêt rendu par la CJUE invoqué par l’intimée laquelle ne rapporte pas la preuve qu’elle aurait commis une pratique entrant dans le cadre de la définition de l’article 2 d) de la directive, que la notion de spéculation est d’ordre purement économique et que la cession de créance se distingue de la subrogation en ce qu’elle permet de recouvrer plus que ce qui a été racheté, avec le risque corrélatif de ne rien recouvrer. Elle ajoute que la mise en ‘uvre d’une mesure d’exécution forcée ne dégénère en abus que s’il est prouvé que le créancier a commis une faute, qu’en l’espèce, il ne lui est reproché aucune faute, que les deux conditions cumulatives pour qu’une pratique commerciale puisse être déloyale au regard de la directive et de la jurisprudence de la Cour de cassation ne sont pas réunies et que le fait de réclamer à un débiteur des intérêts qui sont pour partie prescrits ne saurait être assimilé à de pratiques commerciales déloyales.

Aux termes de ses dernières conclusions du 6 décembre 2022, Mme [O] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions

– subsidiairement le confirmer en ce qu’il a validé la saisie-attribution du 27 juin 2020 pratiquée en vertu du jugement du 2 avril 2003 pour un montant en principal de 1.864,88 euros

– en conséquence cantonner la saisie-attribution pratiquée le 27 juin 2020 en vertu du jugement du 2 avril 2003 à la somme de 1.864,88 euros en principal avec intérêts au taux de 16,20 % du 27 juin 2018 au 27 juin 2020

– fixer le montant restant dû à la SAS Eos France en vertu du jugement du 2 avril 2003 à la somme totale de 2.469,10 euros

– condamner la SAS Eos France au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

Elle expose que selon le jugement du 2 avril 2003, le principal dû s’élevait à 5.188 euros, que des versements ont été effectués pour un montant total de 3.323,12 euros principalement dans le cadre du plan de surendettement dont elle a bénéficié, que le premier juge a justement imputé ces paiements sur le principal comme déjà fait par le jugement du 26 mai 2015 ayant ordonné la saisie des rémunérations, que l’appelante qui vient aux droits de la société Soficarte ne peut avoir davantage de droits que celle-ci et qu’elle est irrecevable à poursuivre le recouvrement forcé de la somme en principal de 5.188 euros compte-tenu de l’autorité de chose jugée attachée au jugement du 26 mai 2015. Elle ajoute que le plan de surendettement n’est pas caduc à son égard en l’absence de mise en demeure et que les sommes payées dans le cadre de ce plan, au cours duquel les intérêts étaient suspendus, doivent être imputées sur le principal, l’appelante ne pouvant invoquer les dispositions de l’article 1343-1 du code civil.

Sur la prescription, elle prétend que l’action en recouvrement des intérêts au bénéfice d’un professionnel à l’encontre d’un consommateur est soumise à la prescription biennale de l’article L.218-2 du code de la consommation et que le cantonnement de la saisie-attribution du 27 juin 2020 qui porte en compte des intérêts contractuels dans la limite de cinq années atteints par la prescription, est justifié. Elle soutient que la prescription biennale s’applique également aux frais d’exécution et que l’appelante ne justifie pas des frais exposés dans le délai de prescription de deux ans.

Elle expose que la SAS Eos France a déjà été sanctionnée sur le terrain des pratiques commerciales déloyales pour avoir violé le principe de la prescription biennale des intérêts d’une dette liée à un crédit à la consommation et constatée par un titre exécutoire, en réclamant le paiement d’intérêts qu’elle savait prescrits, que la Cour de Justice de l’Union Européenne a rappelé dans un arrêt du 20 juillet 2017 que la directive 2005/29/CE du Parlement Européen du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales, s’applique aux sociétés de recouvrement dans leur relation avec des débiteurs défaillants d’un contrat de crédit à la consommation, que le taux contractuel de 16,20 % est exorbitant et que le premier juge a fait une juste application de l’article 1343-5 du code civil en réduisant le taux d’intérêt au taux légal et en supprimant la majoration des intérêts acquis. Subsidiairement, elle demande que la saisie-attribution soit cantonnée à la somme de 1.864,88 euros en principal, augmentée des intérêts au taux de 16,20 % du 27 juin 2018 au 27 juin 2020, soit au total la somme de 2.469,10 euros.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la saisie-attribution

Selon l’article L. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent. Constituent des titres exécutoires, aux termes de l’article L. 111-3 1° du même code, les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire lorsqu’elles ont force exécutoire.

Il résulte par ailleurs de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire, que le juge de l’exécution connaît de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée même si elles portent sur le fond du droit.

En l’espèce, il est constant que la SAS Eos France, qui vient aux droits de la SA Soficarte, dispose d’un titre exécutoire à l’encontre de Mme [O], s’agissant du jugement rendu le 2 avril 2003 par le tribunal d’instance de Saint-Avold, revêtu de la formule exécutoire et signifié à domicile le 9 mai 2003, condamnant celle-ci, solidairement avec M. [S], à payer à la SA Soficarte la somme de 5.188 euros avec intérêts au taux de 16,20 % à compter du 13 mars 2001, au titre d’une ouverture de crédit souscrite le 16 avril 1993.

Il est relevé que l’intimée ne critique pas le jugement en ce qu’il a rejeté le moyen tiré de la prescription du titre exécutoire. Sur la prescription des intérêts, il est rappelé que le délai de prescription du titre exécutoire prévu à l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution n’est pas applicable aux créances périodiques nées en application de ce titre’ et que les créances périodiques nées d’une créance en principal fixée par un titre exécutoire suite à la fourniture d’un bien ou d’un service par un professionnel à un consommateur, qui se prescrivaient antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 par 5 ans conformément aux dispositions de l’article 2277 du code civil, sont soumises depuis l’entrée en vigueur de cette loi au délai biennal prévu à l’article L. 131-7 devenu L. 218-2 du code de la consommation. Il s’ensuit que les intérêts de la créance en principal sont soumis à compter du 19 juin 2008 au délai de prescription biennal, eu égard à la nature de la créance relative à un crédit à la consommation.

Selon l’article 2244 du code civil, le délai de prescription est interrompu par une demande en justice, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou par un acte d’exécution. Si le commandement de payer du 19 décembre 2018 portant signification de la cession de créance à Mme [O], intervenu moins de deux ans avant la mesure de saisie-attribution pratiquée le 27 juin 2020 et dénoncée le 1er juillet 2020, a interrompu le délai de prescription biennale, aucun acte interruptif de prescription n’a été diligenté dans le délai de deux avant le 19 décembre 2018, de sorte que les intérêts antérieurs sont prescrits.

Sur la réduction du taux d’intérêt, selon l’article R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites. Le jugement du 2 avril 2003 ayant condamné Mme [O] à verser la somme de 5.188 euros avec intérêts au taux de 16,20 %, le juge de l’exécution ne pouvait réduire ce taux au taux légal sans modifier le jugement, ce qui lui est interdit. Il s’ensuit que l’intimée est redevable des intérêts contractuels au taux de 16,20 % pour la période non prescrite, soit la somme de 1.685,52 euros admise par l’appelante en cas de prescription biennale.

En application des dispositions de l’article 1343-1 du code civil et en l’absence de consentement du créancier, il convient d’imputer les versements effectués par les débiteurs, notamment dans le cadre du plan de surendettement du 27 juin 2001, pour un montant total de 3.323,12 euros, par priorité sur les intérêts produits par la somme de 5.188 euros à compter du 19 décembre 2018. Il est précisé que contrairement à ce que soutient l’intimée, le jugement du 26 mai 2015 autorisant la saisie de ses rémunérations à hauteur de la somme de 2.541,30 euros a bien imputé les versements sur les intérêts et frais puis le principal.

L’intimée invoque en appel les pratiques commerciales déloyales au sens de l’article L. 121-1 du code de la consommation transposant la directive européenne 2005/29/CE du 11 mai 2005, auxquelles se serait livrée la créancière en lui réclamant des intérêts sur 5 ans alors qu’elle ne pouvait ignorer qu’ils étaient partiellement prescrits. Cependant si un tel comportement peut justifier l’allocation de dommages-intérêts au débiteur en réparation du préjudice qu’il subit, il ne peut être sanctionné par la réduction du taux d’intérêt tel que fixé par le titre exécutoire, de sorte que la demande de ce chef sera rejetée, le caractère exorbitant allégué par l’intimée du taux d’intérêt conventionnel de 16,20 % étant également sans emport.

Sur les frais de procédure, sont portés en compte, aux termes du procès-verbal de saisie-attribution les montants suivants’:

– actes en cours de signification’:131,32 euros

– frais exposés à ce jour’: 376,76 euros

– émolument article A444-31′: 117,23 euros

– provision pour frais et quittance à venir’: 258,73 euros (dénonciation procès-verbal de saisie-attribution’: 107,29 euros ; certificat de non contestation’: 51,48 euros ; signification de l’acquiescement ou du certificat de non contestation’: 94,43 euros ; mainlevée quittance : 5,53 euros).

Il ressort des pièces produites qu’est justifiée la somme de 376,76 euros correspondant aux frais de commandement de payer aux fins de saisie-vente (83,67 euros), de signification de cession de créance avec commandement de payer aux fins de saisie vente aux deux débiteurs (82,13 + 80,73 euros) et au coût du procès-verbal de saisie-attribution (131,32 euros), soit une somme de 377,85 euros, réduite à 376,76 euros sur l’acte de saisie. Sont également justifiés le coût de dénonciation de la saisie-attribution (107,29 euros), le droit proportionnel de l’article A 444-31 du code de commerce à la charge du débiteur dès lors qu’il est condamné en vertu d’une décision de justice (117,23 euros) et les frais de mainlevée (5,53 euros). En revanche, il n’y a pas lieu de porter en compte une somme supplémentaire de 145,91 euros à titre de provision pour frais de certificat de non contestation et signification. Les frais sont donc justifiés pour la somme totale de 606,81 euros.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la créance de la SAS Eos France s’élève à la somme de 4.226,29 euros se détaillant comme suit :

– principal’: 5.188 euros

– intérêts au taux de 16,20 % : 1.685,52 euros

– provision pour les intérêts à échoir dans le délai prévu pour élever une contestation conformément à l’article R.211-1 du code des procédures civiles d’exécution’: 69,08 euros

– frais’: 606,81 euros

– déduction des versements effectués : – 3.323,12 euros.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement, fixer la somme due par Mme [O] à 4.226,29 euros, cantonner la saisie-attribution à cette somme et ordonner la mainlevée pour le surplus.

Il n’y a pas lieu d’ordonner le transfert des sommes dans le patrimoine du créancier cessionnaire puisque ce n’est que la conséquence légale de la mesure de saisie.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Chaque partie succombant partiellement en ses prétentions, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance et d’appel seront partagés par moitié, étant rappelé que les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ne sont pas applicables en Moselle.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement rendu par le juge de l’exécution de Saint-Avold le 24 mars 2022 en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’INFIRME en ce qu’il a fixé le montant restant dû par Mme [O] à la SAS Eos France à la somme totale de 2.277,05 euros, dit que les sommes saisies au titre de la saisie attribution du 27 juin 2020 seront payées à la SAS Eos France à concurrence du montant restant dû fixé par le jugement, et condamné la SAS Eos France aux dépens et statuant à nouveau,

VALIDE la saisie-attribution pratiquée le 27 juin 2020 par la SAS Eos France venant aux droits de la SA Soficarte sur les comptes bancaires détenus par Mme [L] [O] auprès de la Caisse d’Epargne à hauteur de la somme totale de 4.226,29 euros ;

DIT que les sommes saisies au titre de la saisie-attribution seront payées à la SAS Eos France à concurrence de la somme de 4.226,29 euros et ordonne la mainlevée pour le surplus des sommes saisies ;

DEBOUTE la SAS Eos France et Mme [L] [O] de leur demande tendant à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;

CONDAMNE la SAS Eos France et Mme [L] [O] à supporter chacune la moitié des dépens de première instance et d’appel et dit n’y avoir lieu à application de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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