Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/04606

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Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/04606

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 3

ARRÊT DU 22/06/2023

N° de MINUTE : 23/575

N° RG 22/04606 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UQMV

Jugement (N° 22/00107) rendu le 12 Septembre 2022 par le Juge de l’exécution de Lille

APPELANTE

SASU VGL Investissements prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe Talleux, avocat au barreau de Lille avocat constitué substitué par Me Perrine Bailliez, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

Société SCI La Valutte prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés

en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assisté de Me Victor Champey, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 25 mai 2023 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sylvie Collière, président de chambre

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 2 mai 2023

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé signé fin décembre 2012, la société civile immobilière la Valutte (la SCI la Valutte) en qualité de vendeuse et la Sarl Ekinoxinvest en qualité d’acquéreur ont conclu un compromis de vente portant sur un terrain situé à [Localité 5] pour y construire un immeuble à usage de résidence pour seniors, moyennant un prix de deux millions d’euros.

Il était stipulé que l’acte authentique constatant la réalisation de la vente devrait intervenir le 30 juillet 2013 au plus tard.

Les parties avaient en outre convenu d’une indemnité d’immobilisation de 100 000 euros et prévu une clause pénale d’un montant de 200 000 euros.

Par acte du 9 octobre 2014, les sociétés Synap6 et Clover investissements ont vendu à la société Ekinoxinvest leurs parts dans le capital social de la SCCV le jardin des sens.

Par acte du 2 décembre 2014, les sociétés Synap6 et Clover investissements ont vendu à la société Ekinoxinvest leurs parts dans le capital social de la SCCV les jardins du golf.

Par acte du même jour, la société Ekinoxinvest a vendu aux sociétés VGL investissements et CC investissements ses parts dans le capital social de la société Global Ekinox.

Par jugement du 17 octobre 2016, le tribunal de commerce de Lille métropole a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société Ekinoxinvest et a désigné la Selurl [J] [C] prise en la personne de Maître [C] [J] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par courrier du 26 décembre 2016, la société La Valutte a déclaré entre les mains du liquidateur judiciaire une créance d’un montant de 900 000 euros, soit 100 000 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation et 200 000 euros au titre de la clause pénale prévues aux termes du compromis de vente et 600 000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires.

Par ordonnance du 13 décembre 2017, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Lille a autorisé la société La Valutte à saisir à titre conservatoire :

– les parts sociales détenues par les sociétés VGL investissements et CC investissements au capital social de la société Global Ekinox ;

– les comptes courants et droits d’associés ouverts au nom des sociétés VGL investissements et CC investissements dans les livres de la société Global

Ekinox ;

pour garantir sa créance évaluée à 300 000 euros en principal (soit 100 000 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation et 200 000 euros au titre de la clause pénale).

Selon procès-verbal du 9 janvier 2018, la société La Valutte a fait procéder entre les mains de la société Global Ekinox à la saisie conservatoire des droits d’associés ou de valeurs mobilières des sociétés CC investissements et VGL investissements.

Cette mesure a été dénoncée à la société VGL investissements le 10 janvier 2018.

Par acte du 31 janvier 2018, la société La Valutte a fait assigner le liquidateur judiciaire de la société Ekinoxinvest, les sociétés Clover investissements, Synaps 6, VGL investissements et CC investissements devant le tribunal de commerce de Lille Métropole dans le cadre d’une action paulienne visant à faire juger inopposables à son égard les cessions de parts sociales des 9 octobre et 2 décembre 2014 qu’elle estime intervenues en fraude de ses droits.

Par jugement du 4 avril 2019, le tribunal de commerce de Lille métropole a sursis à statuer dans l’attente de l’ordonnance du juge-commissaire désigné dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société Ekinoxinvest, saisi de la contestation de la créance déclarée par la société La Valutte.

Par ordonnance du 14 novembre 2019, le juge-commissaire s’est déclaré incompétent et a invité la société La Valutte à saisir le tribunal de commerce de Lille Métropole.

Par jugement du 25 novembre 2021, signifié le 15 décembre 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a débouté la société La Valutte de toutes ses demandes et en particulier de celle tendant à voir fixer sa créance indemnitaire au passif de la liquidation judiciaire de la société Ekinoxinvest à la somme de 900 000 euros au titre de la résiliation du compromis de vente. Cette dernière a relevé appel de ce jugement par déclaration du 11 janvier 2022.

Par acte du 16 mars 2022, la société VGL investissements a fait assigner la société La Valutte devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lille aux fins d’obtenir la mainlevée de la saisie conservatoire du 9 janvier 2018.

Par jugement du 12 septembre 2022, le juge de l’exécution a :

– rejeté la demande de la société VGL investissements de mainlevée de la saisie conservatoire opérée sur ses droits ou valeurs mobilières détenus par la société Global Ekinox selon procès-verbal signifié le 9 janvier 2018 à la demande de la SCI la Valutte pour la garantie d’une créance en principal de 300 000 euros en vertu d’une ordonnance du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Lille du 13 décembre 2017 ;

– condamné la société VGL investissements à régler à la société la Valutte une indemnité de 1 000 euros pour les frais irrépétibles d’instance ;

– condamné la société VGL investissements aux entiers dépens ;

– rejeté toute autre demande plus ample ou contraire au dispositif du présent jugement ;

– rappelé sa nature exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Par déclaration adressée par la voie électronique le 3 octobre 2022, la société VGL investissements a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions du 18 novembre 2022, la société VGL investissements demande à la cour, au visa des articles L. 511-1, L. 521-1, R. 511-1, R. 512-1, R. 512-2 et suivants, R. 524-1 du code des procédures civiles d’exécution, d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et en conséquence de :

– prononcer la nullité de la saisie conservatoire visant une ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Lille métropole en date du 13 décembre 2017 signifiée le 9 janvier 2018;

– ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire de droits d’associés ou de valeurs immobilières autorisée selon ordonnance du 13 décembre 2017 rendue sur requête à fin de saisie conservatoire du 13 décembre 2017 ;

– condamner la société La Valutte à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens ;

Y ajoutant,

– condamner la société La Valutte à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens en cause d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions du 16 décembre 2022, la société La Valutte demande à la cour, au visa des articles 74 et 564 du code de procédure civile, L. 511-1, L. 521-1, R. 511-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, de :

– juger n’y avoir lieu à mainlevée de la saisie conservatoire du 9 janvier 2018 en ce qu’elle a permis de saisir à titre conservatoire les droits d’associés et valeurs mobilières détenus par la société CC investissements auprès de la société Global Ekinox en l’absence de toute contestation et de toute intervention à l’instance de la société CC investissements ;

– juger et déclarer irrecevable, et en tout état de cause infondée, la demande nouvelle en cause d’appel formée par la société VGL investissements visant à voir prononcer la nullité de la saisie conservatoire du 9 janvier 2018 ;

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause, et y ajoutant,

– débouter la société VGL investissements de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– condamner la société VGL investissements à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société VGL investissements aux dépens dont distraction au profit de Maître Virginie Levasseur, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

Le juge de l’exécution n’était saisi par la société VGL investissements que de la demande de mainlevée de la saisie conservatoire de ses droits d’associés ou de valeurs mobilières pratiquée le 9 janvier 2018 entre les mains de la société Global Ekinox de sorte qu’il n’avait pas à statuer sur la demande de la société la Valutte tendant à voir ‘dire n’y avoir lieu à mainlevée de la saisie conservatoire du 9 janvier 2018, en ce qu’elle a permis de saisir, à titre conservatoire, les droits d’associé et valeurs mobilières détenus par la société CC investissements auprès de la société Global Ekinox, en l’absence de contestation et de toute intervention à l’instance de la société CC investissements’. La cour n’a pas davantage à statuer sur cette demande reprise devant elle.

Sur la nullité du procès-verbal de saisie conservatoire :

La société VGL investissements demande que la nullité de la saisie conservatoire soit prononcée.

Contrairement à ce que soutient la société la Valutte, cette demande avait été formée in limine litis par la société VGL investissements devant le premier juge auquel elle a demandé de ‘dire et juger entachée de nullité la saisie conservatoire visant une ordonnance rendue par M. le président du tribunal de commerce de Lille métropole en date du 13 décembre 2017 signifiée le 9 janvier 2018’. Le juge de l’exécution a statué sur cette exception de nullité et a rejeté la demande de mainlevée de la saisie conservatoire pour vice de forme. Cette demande n’est donc pas nouvelle devant la cour et dès lors, elle est recevable au regard des dispositions des articles 74 et 564 du code de procédure civile.

Selon l’article R. 524-1 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier procède à la saisie par la signification d’un acte à l’une des personnes mentionnées aux articles R. 232-1 à R. 232-4 selon le cas.

Cet acte contient à peine de nullité :

2° L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée.

Selon l’article 649 du même code, la nullité des actes d’huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.

Enfin, l’article 114 dispose que :

Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

En l’espèce, s’il est exact que le procès-verbal de saisie conservatoire de droits d’associé ou de valeurs mobilières du 9 janvier 2018 mentionne que la mesure est pratiquée en vertu d’une ordonnance ‘rendue par le président du tribunal de commerce de Lille métropole en date du 13 décembre 2017’ alors que l’ordonnance du 13 décembre 2017 a été rendue par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Lille, il n’en reste pas moins que la société VGL investissements ne démontre ni même n’allègue le grief résultant pour elle de cette irrégularité.

Ainsi, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette exception de nullité.

Sur les conditions de la saisie conservatoire :

Selon l’article L. 511-1 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

C’est au jour où il statue sur la demande de mainlevée que le juge doit apprécier si les conditions de l’article L. 511-1 sont réunies.

En l’espèce, la société la Valutte fait valoir qu’elle dispose d’un principe de créance à l’encontre de la société Ekinoxinvest pour un montant de 900 000 euros, et au minimum de 300 000 euros, et que la société VGL investissements, faisant partie du même groupe de sociétés, ne pouvait donc ignorer au jour où la société Ekinoxinvest lui a cédé le 2 décembre 2014, pour leur valeur nominale, ses parts sociales dans la société Global Ekinox, in bonis, que cette opération conclue à des conditions avantageuses, avait pour objectif frauduleux de permettre à la société Ekinoxinvest, déjà surendettée, de se défaire de son seul actif de valeur et partant, de réduire à la portion congrue l’assiette du droit de gage de ses créanciers. Elle en déduit que la société VGL investissements a commis, de ce fait, une faute civile de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable en l’espèce, cette faute lui ayant causé un préjudice certain, puisqu’en raison de la cession, elle s’est trouvée privée de la faculté de recouvrer sa créance.

Or, force est de constater que la SCI la Valutte ne justifie d’aucune créance paraissant fondée en son principe à l’égard de la société Ekinoxinvest dans la mesure où, par jugement du 25 novembre 2021, ayant autorité de la chose jugée même s’il est frappé d’appel, le tribunal de commerce de Lille métropole n’a reconnu aucune créance de la société Valutte à l’égard de la société Ekinoxinvest.

Dans ces conditions, et alors que la reconnaissance d’une créance paraissant fondée en son principe de la société la Valutte à l’égard de la société VGL investissements est conditionnée à l’existence d’une créance apparemment fondée en son principe de cette même société à l’égard de la société Ekinoxinvest, il ne peut être retenu que la société la Valutte justifie à l’égard de la société VGL investissements d’une créance paraissant fondée en son principe.

Il convient donc d’infirmer le jugement déféré et d’ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par acte du 9 janvier 2018.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

La solution donnée au litige conduit à infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles. Il convient de condamner la société La Valutte aux dépens de première instance et de la débouter de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance.

Partie perdante en appel, la SCI la Valutte sera condamnée aux dépens d’appel et nécessairement déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel.

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de la société VGL investissements la charge des frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable la demande de la société VGL investissements tendant à voir prononcer la nullité de la saisie conservatoire du 9 janvier 2018 ;

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de la société VGL investissements tendant à voir prononcer la nullité de la saisie conservatoire pratiquée le 9 janvier 2018 ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 9 janvier 2018 entre les mains de la société Global Ekinox des droits d’associés ou valeurs mobilières de la société VGL investissements ;

Déboute les sociétés la Valutte et VGL investissements de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel ;

Condamne la société la Valutte aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier

Ismérie CAPIEZ

Le président

Sylvie COLLIERE

 


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