République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 22/06/2023
N° de MINUTE : 23/578
N° RG 22/04477 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UQAA
Jugement (N° 22/00135) rendu le 12 Septembre 2022 par le Juge de l’exécution de Lille
APPELANTE
SA Société Générale venant aux droits de la SA Crédit du Nord société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Caroline Chambaert, avocat au barreau de Lille, avocat constitué assisté de Me Denis-Clotaire Laurent, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉS
Monsieur [W] [L]
né le [Date naissance 1] 1977 – de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 5]
Madame [V] [J] épouse [L]
née le [Date naissance 2] 1982 – de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentés par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assisté de Me Justine Cordonnier, avocat au barreau de Lille avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 25 mai 2023 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Sylvie Collière, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 9 mai 2023
EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié du 31 janvier 2020, la société Crédit du Nord a consenti à M. [W] [L] et à Mme [V] [J], son épouse, trois prêts d’un montant respectif de 214 428 euros, 70 000 euros et 93 921 euros soit un total de 378 349 euros.
Par courriers du 2 août 2021, le Crédit du Nord :
– a indiqué aux époux [L] qu’il apparaissait que les informations qu’ils avaient communiquées lors de la demande des prêts étaient inexactes et qu’ils avaient remis de faux documents ;
– les a mis en demeure d’apporter les explications nécessaires et les a informés qu’à défaut d’explications satisfaisantes sous quinzaine, la déchéance du terme serait prononcée conformément à l’article 9.1 des conditions générales des prêts.
Par lettres du 13 septembre 2021, le Crédit du Nord, estimant que les explications apportées par les époux [L] par courrier du 12 août 2021 n’étaient pas satisfaisantes, leur a notifié la déchéance du terme des prêts.
Par acte du 29 novembre 2021, les époux [L] ont fait assigner le Crédit du Nord devant le tribunal judiciaire de Lille afin notamment de contester la déchéance du terme.
Selon procès-verbal du 4 mars 2022, le Crédit du Nord a fait procéder à une saisie-attribution sur les comptes de Mme [V] [J] épouse [L] et de M. [W] [L] ouverts dans les livres du Crédit Lyonnais en vue du recouvrement d’une somme totale de 356 065,87 euros.
Fructueuse à hauteur de 15 326,53 euros, cette saisie-attribution a été dénoncée aux époux [L] par acte du 9 mars 2022.
Par acte du 28 mars 2022, les époux [L] ont fait assigner le Crédit du Nord devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lille afin de contester cette mesure d’exécution.
Par jugement contradictoire du 12 septembre 2022, le juge de l’exécution a :
– écarté les moyens d’irrecevabilité soutenus par l’une et l’autre des parties ;
– ordonné aux frais du créancier saisissant la mainlevée de la saisie-attribution effectuée selon procès-verbal du 4 mars 2022, au nom de la société Crédit du Nord, en vertu du prêt notarié reçu le 31 Janvier 2020 par Maître [M] [G], notaire à [Localité 7], pour le recouvrement d’une créance énoncée à un total de 356 065,87 euros et sur quatre comptes de dépôts, un livret de développement durable et un livret A ouverts au nom de Mme [V] [J] épouse [L] et/ou M. [W] [L] auprès de la banque Crédit Lyonnais ;
– rejeté la demande de dommages et intérêts formée par les époux [L] ;
– condamné la société Crédit du Nord à régler aux époux [L] une indemnité de 1 000 euros pour les frais irrépétibles d’instance ;
– condamné la société Crédit du Nord aux entiers dépens ;
– rejeté toute autre demande plus ample ou contraire au dispositif du jugement ;
– rappelé la nature exécutoire de plein droit de la décision.
Par déclaration adressée par la voie électronique le 23 septembre 2022, le Crédit du Nord a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par les époux [L].
Par ordonnance du premier président en date du 28 novembre 2022, le Crédit du Nord a été débouté de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 12 septembre 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions du 15 mai 2023, la SA Société Générale venant aux droits de la SA Crédit du Nord demande à la cour, au visa des articles 1104 et suivants du code civil, L. 111-2, L. 121-2, L. 221-1 du code des procédures civiles d’exécution, de :
– lui donner acte qu’elle se trouve aux droits et obligations du Crédit du Nord ;
– infirmer le jugement déféré dans les termes de son acte d’appel ;
– rejeter la demande des époux [L] tendant à dire nulle la saisie-attribution du 4 mars 2022;
– rejeter la demande des époux [L] tendant à la mainlevée de cette saisie-attribution ;
– dire valable, régulière et opposable la saisie-attribution du 4 mars 2022 en ce qu’elle repose sur un titre exécutoire notarié et une créance certaine, liquide et exigible ;
– rejeter la demande des époux [L] tendant à des dommages et intérêts ;
– rejeter la demande des époux [L] tendant à un sursis à statuer ;
– débouter les époux [L] de tous moyens, fins et conclusions ;
– condamner solidairement les époux [L] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 12 mai 2023, les époux [L] demandent à la cour, au visa des articles L. 111-2, L. 111-7, L. 121-2, L. 221-1 du code des procédures civiles d’exécution, 122 et 760 du code de procédure civile, 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
* ordonné aux frais du créancier saisissant la mainlevée de la saisie-attribution effectuée selon procès-verbal du 4 mars 2022, au nom de la société Crédit du Nord, en vertu du prêt notarié reçu le 31 Janvier 2020 par Maître [M] [G], notaire à [Localité 7], pour le recouvrement d’une créance énoncée à un total de 356 065,87 euros et sur quatre comptes de dépôts, un livret de développement durable et un livret A ouverts au nom de Mme [V] [J] épouse [L] et/ou M. [W] [L] auprès de la banque du Crédit Lyonnais ;
* condamné la société Crédit du Nord à leur régler une indemnité de 1 000 euros pour les frais irrépétibles d’instance ;
* condamné la société Crédit du Nord aux entiers dépens.
– infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté leur demande de dommages et intérêts ;
statuant à nouveau,
– condamner la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord à leur payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère manifestement abusif de la saisie-attribution pratiquée le 4 mars 2022 et dénoncée le 9 mars 2022 ;
à titre subsidiaire,
– suspendre les effets de cette saisie-attribution dans l’attente du jugement à intervenir du tribunal judiciaire de Lille concernant la mise en oeuvre de la clause de déchéance de prêts immobiliers;
– surseoir à statuer et réserver sa décision dans l’attente du jugement à intervenir du tribunal judiciaire de Lille concernant la mise en oeuvre de la clause de déchéance des prêts immobiliers;
en tout état de cause,
– condamner la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord à leur payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur la nullité de l’acte de saisie :
Selon l’article L. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.
Selon l’article L. 111-3, ° du même code, les actes notariés revêtus de la formule exécutoire constituent des titres exécutoires.
Selon l’article R. 211-1 du même code, le créancier procède à la saisie par acte signifié au tiers. Cet acte contient à peine de nullité : (…) 2° L’énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée.
Les époux [L] font valoir d’une part que l’acte de saisie du 4 mars 2022 ‘se dispense d’indiquer les clauses de l’acte authentique et les raisons qui rendraient la créance liquide et exigible’ et ne vise pas le courrier de déchéance du terme du 13 septembre 2021 et d’autre part qu’ ‘à défaut d’avoir un jugement confirmant le caractère exigible de la créance en raison de la mise en oeuvre de la clause de déchéance du terme, le Crédit du Nord ne dispose pas d’un titre exécutoire constatant l’existence d’une créance exigible’.
En l’espèce, le procès-verbal du 4 mars 2022 mentionne que la saisie-attribution est pratiquée ‘en vertu d’un acte authentique (101893901) reçu par Maître [G] [M], notaire à [Localité 7], le 31 janvier 2020 et revêtu de la formule exécutoire’.
Cette mention répond à l’exigence de l’article R. 211-1 2° qui n’impose pas que soient visés précisément la ou les clause(s) de l’acte notarié appliquée(s) par le prêteur, à l’origine de la créance cause de la saisie, ni le courrier de déchéance du terme qui n’est pas un titre exécutoire.
Pour prononcer la déchéance du terme du prêt, le Crédit du Nord s’est prévalu de l’article 9-1 des conditions générales des prêts ainsi libellé :
‘Le prêt, en principal, intérêts, frais et accessoires, deviendra de plein droit exigible par anticipation, dans l’un des cas suivants :
Cette exigibilité sera effective 15 jours après la réception d’une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception restée sans effet dans l’un des cas suivants : (…)
– fourniture de renseignements substantiellement inexacts sur la situation de l’Emprunteur dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du Prêteur ;
(…)
Dans ces hypothèses, la défaillance de l’emprunteur aura comme conséquence la déchéance du terme et l’exigibilité immédiate des sommes dues.’
Cette clause permet au prêteur de provoquer la déchéance du terme du terme, après envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception restée sans effet, sans avoir à recourir à un juge, le titre exécutoire que constitue l’acte notarié de prêt revêtu de la formule exécutoire étant suffisant pour lui permettre ensuite de mettre en oeuvre des mesures d’exécution forcée en vue du recouvrement de sa créance.
La contestation des époux [L] sur la question de savoir si les conditions d’application de la clause susvisée sont réunies, qui se rapporte à l’exigibilité de la créance de la banque et qu’il entre dans les pouvoirs du juge de l’exécution de trancher puisqu’elle s’élève à l’occasion de l’exécution forcée, sera examinée dans la suite de la décision.
C’est donc à juste titre que le jugement déféré a écarté l’exception de nullité de l’acte de saisie-attribution du 4 mars 2022 soulevée par les époux [L].
Sur les conditions d’application de la déchéance du terme et l’exigibilité de la créance :
L’article 9-1 des conditions générales du prêt dont le Crédit du Nord s’est prévalu pour prononcer la déchéance du terme du prêt a été reproduit ci-dessus.
Cette clause doit être interprétée comme limitant la faculté de prononcer l’exigibilité anticipée du prêt aux seuls cas de fourniture de renseignements inexacts portant sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l’octroi du prêt.
La Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord fait valoir que :
– le Crédit du Nord a été amené à vérifier les justificatifs produits par les époux [L] à l’appui de leur demande de prêts ; dans ce cadre, le Crédit Agricole l’a informé par courriel du 21 juillet 2021 que les relevés remis par les époux [L] avaient été falsifiés ; le Crédit du Nord a également fait analyser les bulletins de salaire des époux [L], lesquels se sont révélés en anomalie ;
– la condition de la fausseté des relevés de compte produits par les époux [L] est désormais acquise sans contestation possible puisqu’elle justifie des conclusions déposées par le Crédit Agricole dans l’instance au fond, dans laquelle il a été assigné en intervention forcée ;
– les éléments justifiant la déchéance du terme sont antérieurs au prononcé de celle-ci de sorte qu’elle ne tente pas a posteriori de justifier la mise en oeuvre de la clause résolutoire ; face à la contestation des époux [L] et dans l’incapacité d’obtenir de ces derniers la communication de leurs relevés de compte du Crédit Agricole, elle a été contrainte d’assigner cette banque en intervention forcée pour connaître l’étendue exacte des falsifications apportées aux relevés de compte produits par les emprunteurs ;
– les opérations de falsification de comptes ont eu notamment pour objet de faire apparaître des soldes de compte positifs au lieu de soldes négatifs, les époux [L] sachant que les prêts n’auraient pas pu leur être accordés par le Crédit du Nord si ces soldes négatifs avaient été révélés ; la fraude commise a donc été déterminante de l’octroi des prêts.
Les époux [L] soutiennent notamment que :
– la banque n’apporte pas la preuve que les documents qu’ils lui ont remis sont faux et, si elle a tenté de justifier sa position en procédant à une assignation en intervention forcée du Crédit Agricole dans le cadre de l’instance au fond, elle ne peut justifier la mise en oeuvre de la déchéance du terme par des éléments qu’elle a obtenus a posteriori ;
– il n’est pas démontré que le solde des comptes bancaires ouverts au Crédit Agricole soit une information nécessaire à la prise de décision du prêteur.
Les documents remis au Crédit du Nord dans le cadre de la demande de prêts qui auraient été falsifiés sont d’abord deux bulletins de paye, celui de M. [L] de juillet 2019 et celui de Mme [L] d’août 2019.
La Société Générale n’indique pas de manière précise les falsifications qui auraient été opérées sur ces fiches de paye. L’analyse qu’elle produit semble relever une absence de mention de convention collective sur le bulletin de paie de M. [L]. Or, si le bulletin de paye de M. [L] ne porte effectivement pas mention d’une convention collective, l’appelante n’explique pas en quoi cette absence de mention relèverait une anomalie et a fortiori prouverait une falsification ni, en tout état de cause, en quoi la mention d’une convention collective était un élément nécessaire à la prise de décision du prêteur et de nature à influer sur la décision de celui-ci d’octroyer les prêts. S’agissant du bulletin de paye de Mme [L], l’analyse produite semble relever l’absence du n° IDCC de la convention collective. Or, si sur la fiche de paie qui mentionne la convention collective des personnels des sociétés anonymes et fondations d’HLM, il ne figure effectivement pas le n° IDCC de cette convention collective, il n’est pas plus indiqué par la banque en quoi la preuve d’une falsification serait rapportée, ni en quoi la mention de l’IDDC de la convention collective était un élément déterminant dans la prise de décision du prêteur d’octroyer ou non les prêts.
Il est ensuite fait grief aux époux [L] d’avoir fourni au Crédit du Nord, dans le cadre de leur demande de prêts, des relevés de leur compte ouvert au Crédit Agricole qui auraient été falsifiés.
Le Crédit du Nord s’est borné à produire en première instance pour justifier sa décision de prononcer la déchéance du terme un courriel du Crédit Agricole en date du 21 juillet 2021 lui indiquant : ‘les relevés ont été falsifiés : les soldes de départ et de fins de périodes ne sont pas les mêmes’. Le premier juge a considéré cet élément insuffisant. L’affirmation d’une simple différence entre les soldes réels et les soldes mentionnés sur les relevés de compte remis au Crédit du Nord par les candidats emprunteurs ne pouvait en effet en elle-même justifier la décision de la banque de prononcer la déchéance du terme, alors qu’elle n’était pas en mesure de vérifier si les soldes modifiés l’avaient déterminée à consentir les prêts.
La Société Générale produit en appel les relevés de compte initiaux, annexés aux conclusions du Crédit Agricole qu’elle a, par acte du 21 février 2023, fait assigner en intervention forcée dans le cadre de l’instance au fond pendante devant le tribunal judiciaire de Lille.
La comparaison entre ces relevés de compte (pièce 25 de la Société Générale) et ceux remis par les époux [L] lors de la demande des prêts litigieux (pièce 5 de la Société Générale montre que :
– sur le relevé de compte transmis par le Crédit agricole pour la période du 13 mai au 11 juin 2019, le solde de début de période est débiteur de 294,45 euros, alors qu’il est créditeur de 205,55 euros sur le relevé remis par les époux [L] au Crédit du Nord ; le solde de fin de période est créditeur de 875,79 euros sur le relevé transmis par le Crédit Agricole alors qu’il est créditeur de 896,76 euros sur celui remis au Crédit du Nord ;
– sur le relevé de compte transmis par le Crédit agricole pour la période du 11 juin au 11 juillet 2019, les soldes de début et de fin de période sont créditeurs de 875,79 et de 398,95 euros sur le relevé de compte transmis par le Crédit Agricole, alors qu’ils sont créditeurs de 896,76 euros et de 444,92 euros sur le relevé remis par les époux [L] au Crédit du Nord ;
– le relevé de compte pour la période du 11 juillet au 12 août 2019 mentionne un solde créditeur de début de période de 398,95 euros et de fin de période de 250,29 euros sur le relevé de compte remis par le Crédit Agricole alors que ces soldes sont créditeurs de 444,92 euros et de 2 355,85 euros sur le relevé de compte remis par les époux [L].
Si cette comparaison confirme effectivement les termes du courriel susvisé du 21 juillet 2021 et établit que le Crédit du Nord a octroyé les prêts au vu de relevés de compte falsifiés, il n’est toutefois que partiellement exact, d’affirmer comme le fait l’appelante, que les ‘opérations de falsification de compte ont eu notamment pour objet de faire apparaître des soldes de compte positifs au lieu de soldes négatifs’. En effet, s’il est vrai que le compte des époux [L] ouvert dans les livres du Crédit Agricole n’était pas le 13 mai 2019, créditeur de 205,55 euros, comme mentionné sur le relevé remis par les époux [L] au Crédit du Nord, mais débiteur de 294,45 euros, force est de constater que les 11 juin et 11 juillet 2019, les soldes étaient créditeurs, tant sur les relevés transmis par le Crédit Agricole que sur les relevés remis par les époux [L] au Crédit du Nord, et pour des montants très approchants, soit 875,79 euros et 896,76 euros sur les relevés arrêtés au 11 juin 2019 et 398,95 euros et 444,92 euros sur les relevés au 11 juillet 2019. Enfin, si, sur le relevé arrêté au 12 août 2019 remis par les époux [L] au Crédit du Nord, le solde créditeur de 2 355,85 euros est bien plus élevé que sur le relevé produit par le Crédit Agricole qui n’était que de 250,25 euros, il n’en reste pas moins que ce dernier solde restait créditeur.
Ainsi, les modifications ayant affecté les relevés de compte remis au Crédit du Nord qui n’ont pas eu pour effet de faire apparaître sur la période du 13 mai au 12 août 2019 ‘des’ soldes positifs alors qu’ils étaient négatifs comme soutenu par l’appelante, mais de faire apparaître à une seule reprise le 13 mai 2019, en début de période, un solde positif de 205,55 euros, alors qu’il était en réalité faiblement débiteur pour 295,45 euros ne peuvent être considérées comme ayant été déterminantes de la décision du prêteur d’accorder les prêts, la Société Générale ne démontrant ni même n’alléguant pas que d’autres éléments falsifiés ont été de nature à influer sur la décision du Crédit du Nord.
C’est donc à tort que la banque a prononcé la déchéance du terme sur la base de prétendues anomalies sur deux bulletins de salaire et d’un simple courriel du Crédit Agricole mentionnant seulement des différences de solde de début et de fin de période, sans pousser plus avant les investigations, ce qui lui aurait permis de constater que les modifications, aussi regrettables soient-elles, opérées sur les relevés de compte qui lui avaient été remis lors de la demande des prêts, n’étaient pas de nature à influer sur sa décision d’octroi de ces prêts.
Dès lors, le Crédit du Nord ne pouvait se prévaloir d’aucune créance exigible au sens de l’article L. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution quand il a fait pratiquer la saisie-attribution du 4 mars 2022 et c’est donc à juste que le jugement déféré a ordonné la mainlevée de la mesure.
Sur la demande de dommages et intérêts des époux [L] :
Selon l’article L. 121-2 du même code, le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d’abus de saisie.
Le premier juge a justement retenu que les époux [L] ne démontraient pas de préjudice qui n’aurait pas été réparé par le prononcé de la mainlevée de la saisie-attribution. En effet, s’ils font valoir que la saisie-attribution les a privés de ressources visant à assurer l’entretien de la famille et qu’ils n’ont pas été en mesure de rembourser plusieurs prêts immobiliers, ils ne le démontrent pas, alors en particulier, qu’une somme de 565,34 euros a été retirée par le Crédit Lyonnais des sommes saisies au titre du solde bancaire insaisissable. En outre, le ‘contexte vexatoire’ de la procédure ne saurait résulter d’un courrier de l’avocat de Mme [L] en date du 14 mars 2022 retranscrivant les propos de l’huissier du Crédit du Nord tels qu’ils lui auraient été rapportés par sa cliente.
Le jugement déféré qui a débouté les époux [L] de leur demande indemnitaire sera donc confirmé.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer la décision déférée en ses dispositions relatives aux dépens et fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante en appel, la Société Générale sera condamnée aux dépens d’appel et nécessairement déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des époux [L] la charge des frais irrépétibles qu’ils ont été contraints d’exposer en appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel ;
Condamne la SA Société Générale venant aux droits de la société Crédit du Nord aux dépens d’appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Sylvie COLLIERE