Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/05088

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Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/05088

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 22 JUIN 2023

N° RG 22/05088 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M6WN

S.C. SCCV DESBIEY

c/

[U] [J]

[W] [T] épouse [J]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 octobre 2022 par le Juge de l’exécution de BORDEAUX (RG : 22/04729) suivant déclaration d’appel du 07 novembre 2022

APPELANTE :

S.C. SCCV DESBIEY agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Arnaud LATAILLADE de la SCP LATAILLADE-BREDIN, avocat au barreau de LIBOURNE

INTIMÉS :

[U] [J]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 4] (19)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

Représenté par Me Thomas RIVIERE de l’AARPI RIVIERE – DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX

[W] [T] épouse [J]

née le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 4] (19) (19)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

Représentée par Me Thomas RIVIERE de l’AARPI RIVIERE – DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 mai 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine DEFOY, Conseillère, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Paule POIREL

Conseiller : Monsieur Alain DESALBRES

Conseiller : Madame Christine DEFOY

Greffier : Mme Chantal BUREAU

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

Par ordonnance du 13 septembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a enjoint à la S.C.C.V Desbiey de communiquer à M. et Mme [J], au contradictoire de la S.A.Albingia, les pièces- suivantes, dans un délai de huit jours suivant signification de cette décision:

– le marché,

– les procès-verbaux de réception signés par le maître de l’ouvrage et toutes les entreprises,

– l’arrêté définitif des comptes complets et détaillés par lot et par entreprise, honoraires techniques inclus,

– le rapport définitif de contrôle technique portant sur la solidité de l’ouvrage, avec avis favorable,

– les contrats de louage d’ouvrage signés avec les huit entreprises étant intervenues,

– les attestations d’assurance responsabilité civile au jour de l’ouverture du chantier s’agissant de la société Eco-Bassin-Plomberie, de la société Loubati, de la société Moussac et de la société EGB Said,

– l’attestation d’assurance des entreprises en charge des lots carrelage, enduit, métallerie et serrurerie.

Cette ordonnance de référé précise que passé ce délai de 8 jours une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard courra pendant deux mois à l’encontre de la S.C.C.V Desbiey.

Par acte d’huissier du 13 octobre 2021 cette décision a été signifiée à la société Desbiey.

Le 22 juin 2022, M. et Mme [J] ont fait assigner la S.C.C.V Desbiey et la S.A Albingia devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de voir liquider l’astreinte sus-mentionnée et d’en voir fixer une nouvelle.

Par jugement du 25 octobre 2022, le juge de l’exécution a :

– liquidé l’astreinte provisoire fixée par ordonnance de référé en date du 13 septembre 202l du juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux à la somme de 6 100 euros,

– condamné en conséquence la S.C.C.V Desbiey à verser à M. [J] [U] et à Mme [W] [T], épouse [J], la somme de 6 100 euros,

– prononcé une nouvelle astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard, passé un délai de quinze jours après la signification de cette décision, et ce, durant soixante jours passés lesquels il pourra de nouveau être fait droit,

– condamné la S.C.C.V Desbiey à verser à M. [J] [U] et à Mme [W] [T], épouse [J], la somme de 800 euros en, application de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté la demande formée par la S.A Albingia sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la S.C.C.V Desbiey aux entiers dépens de l’instance,

– rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit.

La S.C.C.V Desbiey a relevé appel du jugement le 7 novembre 2022 , en intimant les époux [J] et en précisant les chefs de jugement critiqués.

Par ordonnance du 9 décembre 2022 la présidente de cette chambre de la cour a fixé l’affaire à bref délai à l’audience des plaidoiries du 3 mai 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 février 2023, la S.C.C.V Desbiey demande à la cour, sur le fondement des articles L131-3 et L131-4 du code des procédures civiles d’exécution, de :

– infirmer le jugement dont appel et statuer à nouveau :

– juger qu’elle a communiqué les pièces visées par l’ordonnance de référé prononcée le 13 septembre 2021, par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux.

– juger qu’elle justifie de son impossibilité et donc de sa difficulté à communiquer l’assurance décennale et le marché de l’entreprise EGB Said,

– juger qu’elle justifie de ce que la demande formulée est totalement disproportionnée par rapport aux enjeux actuels du dossier,

– débouter M. et Mme [J] de leur liquidation d’astreinte provisoire,

– les débouter de leur demande de liquidation d’astreinte définitive,

– les condamner aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 13 février 2023, M. et Mme [J] demandent à la cour de :

– confirmer la décision entreprise,

– débouter la SCCV Desbiey de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– la condamner au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Thomas Rivière, en vertu des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au soutien de son appel, la SCCV Desbiey fait notamment valoir:

– qu’ elle a communiqué l’ensemble des pièces demandées à l’exception de l’assurance décennale et du marché de l’entreprise AGB Said, qui ne peuvent être produites puisque cette entreprise n’a pas participé à la construction du bâtiment et qu’il apparaît difficile de communiquer des pièces qui n’existent pas et qui concernent une partie qui n’a jamais participé à la construction;

-que le juge qui liquide l’astreinte doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte qu’elle porte aux droits du débiteur, au regard du but légitime qu’elle poursuit ; que la demande est totalement disproportionnée par rapport aux enjeux actuels du dossier, les désordres étant de gravité réduite;

– qu’elle a communiqué à la SA Albingia tous les documents nécessaires pour qu’elle couvre le chantier au titre de l’assurance dommages-ouvrages, qu’il ne ressort du contrat aucune obligation de communiquer des contrats d’entreprises extérieures au chantier et que la société Albingia, qui dispose de toutes les pièces, a renoncé à ses demandes.

Les époux [J] maintiennent pour leur part que la communication des pièces est intervenue plus d’un an après l’injonction faite par le tribunal judiciaire, d’autant que la demande était antérieure ; que cette absence de communication est constitutive d’une faute qui les empêche de recourir à une assurance dommages-ouvrages, et que la communication n’est toujours pas complète, puisque le contrôle technique n’a jamais été communiqué et que l’absence d’assurance dommages ouvrages demeure, la SCCV n’ayant engagé aucune action contre son assureur dommages ouvrages.

Il résulte des dispositions de l’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution, que le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.

Le juge qui statue sur la liquidation de l’astreinte doit en outre apprécier le caractère proportionné de l’atteinte qu’elle porte au droit de propriété du débiteur, au regard du but légitime qu’elle poursuit. Il appartient à ce titre, au juge saisi d’apprécier de manière concrète s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l’astreinte et l’enjeu du litige.

Pour fixer le montant auquel l’astreinte doit être liquidée, il y a lieu en outre de tenir compte de la durée pendant laquelle elle a couru .

Le premier juge a relevé que la SCCV Desbiey n’a pas communiqué le contrat et l’attestation d’assurance de l’entreprise EGB Said , ni l’arrêt des comptes, ni les procès verbaux de réception et l’assurance à la date de l’ouverture du chantier de la société Loubati (2017), pas plus que le rapport final de contrôle technique avec levée des réserves.

Les pièces communiquées établissent que, même s’il est peu lisible, un tableau financier est communiqué en pièce 7 par la SCCV Desbiey..En l’absence d’observation des époux [J] sur ce point , il convient de retenir que l’arrêt des comptes a été communiqué.

La SCCV Desbiey communique par ailleurs en pièce 2 une attestation de cotisation établie par la société PRO BTP par laquelle celle-ci reconnaît que la société Loubati est à jour des cotisations exigibles au 31 décembre 2017.

Le rapport final de contrôle technique en date du 19 octobre 2020, établi par le Bureau Veritas Construction, ainsi que le procès verbal de levée des réserves des parties privatives et communes de la résidence ‘[Localité 6]’, sont par ailleurs communiqués par la SCCV Desbiey en pièces 3, 4 et 5.

Le rapport d’expertise judiciaire de M.[S] en date du 6 décembre 2022, révèle que la SCCV Desbiey a communiqué le 13 juillet 2022 le procès verbal de réception des parties communes et privatives.

Ni le procès verbal de mainlevée des réserves , qui contient la liste des entreprises qui ont concouru à la construction de l’ouvrage, ni le rapport d’expertise de M.[S], ne font par ailleurs état de l’intervention de l’entreprise EGB Said dans la réalisation du chantier de sorte qu’il ne peut être fait grief à la SCCV Desbiey de ne pas avoir communiqué aux époux [J], le contrat concernant l’intervention de cette entreprise et l’attestation d’assurance de cette dernière.

Il n’est cependant pas discuté que ces pièces n’ont pas été communiquées dans les 8 jours de la signification de l’ordonnance de référé qui enjoint à la SCCV de le faire, ni dans le délai de deux mois durant lequel l’astreinte a ensuite couru, ni d’ailleurs jusqu’à ce que le juge de l’exécution ne prononce le jugement dont appel, de sorte que les époux [J] sont bien fondés à en réclamer la liquidation.

Il convient cependant de tenir compte de ce que l’astreinte a été exécutée même si c’est avec retard .

En ce qui concerne le caractère proportionné du montant auquel l’astreinte doit être liquidée , il ya lieu de considérer que l’appartement des époux [J] est affecté de deux désordres qui concernent la climatisation pour un montant de réparation de 938, 30 €, et l’isolation acoustique de la porte et des cloisons du placard dans lequel est positionnée la chaudière de gaz avec un coût de réparation de 6 842,40 €.

C’est en outre de manière inopérante que les [J] maintiennent que la SCCV n’a engagé aucune action contre son assureur dommages ouvrages, le montant auquel l’astreinte doit être liquidée ne dépendant de cet élément.

Dans ces conditions, les diligences accomplies, les difficultés rencontrées pour exécuter l’injonction et l’enjeu du litige, commandent de liquider l’astreinte à la somme de 1500 €.

Le jugement attaqué sera par conséquent infirmé en ce qu’il a liquidé l’astreinte à la somme de 6 100 € et en ce qu’il a prononcé une nouvelle astreinte laquelle est inutile, l’injonction ayant été exécutée .

La demande de liquidation de l’astreinte était justifiée au jour ou elle a été formulée et même au jour où le premier juge a statué puisque celui-ci a exactement relevé plusieurs manquements, à cette date, de la part de la SCCV Desbey qui n’avait pas satisfait à l’injonction.

Les dépens de première instance demeureront par conséquent à la charge de celle-ci.

Le jugement sera en outre confirmé sur le principe et le montant de la condamnation prononcée en première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure à l’encontre de la SCCV Desbiey.

Même si le montant auquel l’astreinte vient d’être liquidé a été réduit , il n’en reste pas moins que la SCCV Desbiey succombe en cause d’appel sur le principe de la liquidation de l’astreinte .Il convient dés lors de laisser également à sa charge le montant des dépens de la procédure d’appel.

Il ne sera par contre pas fait application , pour la procédure d’appel, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit d’aucune des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l’appel qui ne concerne pas la société Albingia:

Confirme le jugement entrepris sur le bien fondé de la demande de liquidation de l’astreinte formulée par les époux [J], ainsi que sur la condamnation prononcée, à leur profit, contre la SCCV Desbiey au paiement de la somme de 800 € , au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et sur la condamnation de la SCCV Desbiey aux dépens de la procédure de première instance.

Déboute en conséquence la SCCV Desbiey des demandes qu’elle formule concernant ces points.

Infirme par contre le jugement en ce qu’il a liquidé à la somme de 6 100 euros, l’astreinte fixée par l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Bordeaux du 13 septembre 2021 et en ce qu’il a prononcé une nouvelle astreinte provisoire de 150 € par jour de retard et statuant à nouveaux sur ces points :

Liquide à la somme de 1500 € le montant de l’astreinte dit n’y avoir lieu de prévoir une nouvelle astreinte .

Condamne en conséquence la SCCV Desbiey à payer cette somme de 1500 € aux époux [J] au titre de la liquidation de l’astreinte sus mentionnée,

Dit n’y avoir lieu à la fixation d’une nouvelle astreinte,

Dit n’y avoir lieu de faire application , pour la procédure d’appel, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une quelconque des parties, et déboute les parties de leurs demandes formulées sur le fondement de ce texte.

Condamne la SCCV Desbiey aux dépens de première instance et de la procédure d’appel, lesquels pourront, pour ces derniers, être recouvrés selon les modalités prévues par l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Mme Paule POIREL, président, et par Mme Chantal BUREAU greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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