COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 22 JUIN 2023
N° 2023/468
Rôle N° RG 22/12916
N° Portalis DBVB-V-B7G-BKCUV
[T] [U] ÉPOUSE [X]
C/
S.A.S. EOS FRANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Hadrien BIANCHI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution d’AIX EN PROVENCE en date du 07 Juillet 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 22/00262.
APPELANTE
Madame [T] [U] épouse [X]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/006309 du 16/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
de nationalité Algérienne,
demeurant [Adresse 2] – [Localité 1]
représentée et assistée par Me Hadrien BIANCHI, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE
S.A.S. EOS FRANCE
représentée par son directeur général, Monsieur [G] [W], domicilié en cette qualité au siège [Adresse 5] – [Localité 6], venant aux droits de la société COFIDIS, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, immatriculée au RCS de LILLE sous le numéro B.325 307 106, dont le siège social est situé [Adresse 4] [Localité 3] , suivant contrat de cession de créances passé en date du 5 janvier 2015,
assigné le 2 Novembre 2022 à personne habilitée,
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 03 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023.
ARRÊT
Réputé Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Une ordonnance rendue le 5 avril 2011 a fait injonction à Mme [T] [U] épouse [X] de payer à la société Cofidis, la somme de 5 481 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision, elle a été notifiée à Mme [U] par acte du 12 juillet 2011 délivré suivant les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, puis, en l’absence d’opposition de sa part, a été revêtue de la formule exécutoire le 26 août 2011.
Le 5 janvier 2015 la société Cofidis, a, dans le cadre d’une cession globale, cédé la créance qu’elle détenait sur Mme [U] à la SAS Eos France, qui reprenant l’exécution de l’ordonnance portant injonction de payer, a signifié l’exécutoire à Mme [U] le 10 janvier 2020 par dépôt de l’acte en l’étude de l’huissier de justice, acte comportant en outre notification de la cession de créance et commandement de payer aux fins de saisie vente.
Puis le 10 décembre 2021, en vertu de l’ordonnance du 5 avril 2011, ladite société a fait pratiquer une saisie-attribution des comptes bancaires de la débitrice pour le recouvrement de la somme de 8249,94 euros en principal, intérêts et frais, qui s’est avérée fructueuse à hauteur de 344,83 euros, déduction faite du solde bancaire insaisissable.
Dans le mois de sa dénonce, Mme [U] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Aix en Provence d’une contestation de cette saisie dont elle a soulevé la nullité en raison d’une part de l’irrégularité de l’acte de signification du 10 janvier 2020 et donc de la prescription du titre, d’autre part de l’absence d’opposabilité de la cession de créance qui ne lui a pas été régulièrement notifiée, demandes auxquelles la société Eos France s’est opposée.
Par jugement du 7 juillet 2022 le juge de l’exécution a :
‘ déclaré recevable l’action en contestation ;
‘ débouté Mme [U] de ses demandes ;
‘ dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ rejeté les autres demandes ;
‘ condamné Mme [U] aux dépens.
L’avis de réception de la lettre recommandée de notification de cette décision à Mme [U] a été signé le 11 juillet 2022. Elle a présenté une demande d’aide juridictionnelle le 20 juillet 2022 qui lui a été accordée par décision du 16 septembre 2022 et elle a relevé appel du jugement rendu par le juge de l’exécution selon déclaration du 28 septembre 2022.
Dans les dix jours de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai du 26 octobre 2022, elle a signifié sa déclaration d’appel à la société Eos France par acte du 2 novembre 2022 ainsi que ses écritures, préalablement transmises au greffe par voie électronique le 27 octobre 2022.
Aux termes de ces conclusions, auxquelles il est expressément fait référence pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [U] demande à la cour de :
– recevoir la concluante en son appel, le dire recevable et bien-fondé ;
– réformer et mettre à néant le jugement entrepris en toutes ses dispositions excepté celles relatives à la recevabilité de son action et aux frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau,
– déclarer la demande de Mme [U] recevable et bien fondée, et en conséquence,
– dire et juger la signification intervenue le 10 janvier 2020 portant notification de l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire inexistante dans la mesure où l’acte n’a pas été délivré au domicile de Mme [U] ;
– dire et juger que la signification à une adresse erronée a causé un préjudice à Mme [U];
– déclarer nul et de nul effet l’acte d’huissier en date du 10 janvier 2020 portant signification de l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire, avec commandement de payer aux fins de saisie vente avec signification d’une cession de créance ;
– dire et juger que la cession de créance n’est pas opposable à Mme [U] ;
– dire et juger prescrite l’ordonnance portant injonction de payer du 26 août 2011 ;
– déclarer nul le procès-verbal d’indisponibilité en date du 28 janvier 2020 dénoncé à la débitrice le 3 février 2020 ;
– déclarer nulle la saisie attribution formée à l’encontre de Mme [U] entre les mains de la Banque Postale en date du 10 décembre 2021 et dénoncée 17 décembre 2021 ;
– condamner la société Eos France à régler à Mme [U] une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’ aux entiers dépens.
A l’appui de ses demandes elle invoque pour l’essentiel l’absence de diligences suffisantes de l’huissier significateur qui s’est contenté de la déclaration d’un facteur pour certifier la réalité du domicile de la destinataire, alors que l’adresse mentionnée à l’acte du 10 janvier 2020 correspond à celle de ses parents avec lesquels elle ne vivait pas et d’ailleurs son nom ne figure pas sur la boîte aux lettres.
Elle affirme que cette irrégularité lui a causé grief puisqu’elle a été privée de la possibilité de former opposition à l’ordonnance signifiée en même temps qu’un commandement de payer aux fins de saisie vente, qu’elle n’a pu mettre en oeuvre des délais de paiement et enfin elle a été privée de la somme de 344,83 euros saisie, alors que ses revenus ne sont constitués que de l’allocation adulte handicapé.
Elle estime que cet acte de signification du 10 janvier 2020 doit être considéré comme inexistant puisque délivré à une adresse erronée ainsi que retenu par une jurisprudence constante de la Cour de cassation, et sans nécessité d’établir l’existence d’un grief.
Elle soutient en conséquence la prescription de l’ordonnance d’injonction de payer revêtue de la formule exécutoire le 26 août 2011, point de départ du délai décennal prévu par l’article L.111-4 du code des procédures civiles d’exécution, et donc la nullité de la saisie-attribution et la saisie administrative de son véhicule par procès-verbal du 3 février 2020.
L’appelante soulève en outre l’inopposabilité de la cession de créance qui ne lui a pas été notifiée puisque l’acte d’huissier du 10 janvier 2020, intitulé « signification d’injonction de payer exécutoire avec signification d’une cession de créance », ne contient pas l’acte de cession de créance, qui ne lui a été signifié que le 3 février 2020.
La SAS Eos France, citée par acte du 2 novembre 2022 délivré à personne se déclarant habilitée, n’a pas constitué avocat, le présent arrêt sera en conséquence réputé contradictoire en application de l’article 473 alinéa 2 du code de procédure civile.
L’instruction de l’affaire a été déclarée close par ordonnance du 4 avril 2023.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
En application de l’article 654 du code de procédure civile la signification doit par principe être faite à personne. À défaut, les articles 655 et 656 du même code autorisent la signification à domicile ou à résidence, et si personne n’a pu ou voulu recevoir copie de l’acte, la signification par remise de l’acte en l’étude de l’huissier de justice s’il résulte des vérifications faites par l’huissier, dont il sera fait mention dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée. Dans ces deux cas, l’huissier laisse au domicile ou à la résidence du destinataire un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l’article 655 et lorsque l’acte a fait l’objet d’un dépôt à l’étude, cet avis mentionne, en outre, que la copie de l’acte doit être retirée dans le plus bref délai à l’étude de l’huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l’intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.
En l’espèce, l’acte de signification de l’ordonnance mentionne que l’huissier s’est déplacé le 10 janvier 2020, au [Adresse 8] où il a constaté l’absence momentanée du destinataire de l’acte , et au titre des vérifications faites que celui-ci était domicilié à l’adresse indiquée, figure la mention : « facteur ».
A titre liminaire il sera rappelé qu’aucune disposition légale n’impose à l’huissier constatant l’absence du destinataire de se présenter à nouveau au domicile pour parvenir à une signification à personne ;
Toutefois les mentions apposées par l’huissier de justice valent jusqu’à inscription de faux, procédure qui n’a pas été engagée en l’espèce, de sorte que la confirmation du domicile par le préposé des postes n’est pas utilement contredite, il demeure que cet acte ne vise que cette seule vérification de l’huissier, insuffisante à elle seule pour assurer la régularité de la signification, et alors que cette adresse, dont Mme [U] indique qu’elle est celle de ses parents et non la sienne, ne correspond pas à celle mentionnée à l’ordonnance d’injonction de payer ;
En outre l’appelante domiciliée [Adresse 2] à [Localité 7], produit le bail souscrit pour ce logement le 21 juin 2011 et ses avis d’impôts sur les revenus 2019 et 2020 mentionnant cette adresse ;
Cependant par application des articles 649, 693 et 114 du code de procédure civile, l’irrégularité affectant les vérifications opérées par l’huissier de justice, n’est susceptible d’entraîner la nullité de l’acte qu’à charge pour celui qui s’en prévaut de prouver le grief que lui cause ce vice de forme ;
Les jurisprudences visées par l’appelante qui prétend que la démonstration d’un grief n’est pas requise, concernent des actes de signification délivrés selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile et ne sont donc pas transposables à l’espèce ;
Et ainsi qu’exactement retenu par le premier juge, le grief tiré de l’absence de possibilité de former opposition à l’ordonnance du 5 avril 2011 ne peut être retenu, dès lors qu’en application de l’article 1416 du code de procédure civile selon lequel lorsque, comme en l’espèce l’ordonnance n’a pas été signifiée à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur, la voie de l’opposition restait ouverte à Mme [U] dans le mois qui a suivi le procès-verbal d’indisponibilité de son véhicule dressé le 28 janvier 2020 , de même que la possibilité en le contestant, de solliciter des délais de paiement ;
Il s’ensuit la confirmation du rejet de la demande de nullité de l’acte de signification du 10 janvier 2020.
Le délai de prescription décennal de l’ordonnance d’injonction de payer a en conséquence été valablement interrompu, en application des articles 2244 du code civil et L. 221-1 et R. 221-5 du code des procédures civiles d’exécution, par ce commandement aux fins de saisie-vente qui, sans être un acte d’exécution forcée, engage la mesure d’exécution forcée, donc interrompt la prescription de la créance qu’elle tend à recouvrer, en sorte que le titre n’était prescrit ni à la date du procès-verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation du véhicule de Mme [U] dressé le 28 janvier 2020 ni lors de la saisie-attribution en cause mise en oeuvre le 10 décembre 2021et que la demande de nullité de ces deux mesures fondée sur la prescription du titre, ne peut prospérer;
Enfin, s’agissant de l’inopposabilité de la cession de créance, il est exact que l’acte de signification du 10 janvier 2020 portant également notification de cette cession, ne contient pas l’acte de cette cession dont il rappelle la date et la nature ainsi que les dispositions de l’article 1324 du code civil suivies de la mention en gras que « à partir de la date de réception de la présente signification, il vous est fait interdiction de payer la société Cofidis. Tout paiement effectué au mépris de cette interdiction sera inopposable à la société requérante, seule en droit désormais, de recevoir paiement de la créance et des intérêts ci-dessus mentionnés » ;
Toutefois l’appelante admet elle même que cette cession lui a été régulièrement notifiée le 3 février 2020, soit préalablement à la saisie-attribution querellée, de sorte qu’elle lui est opposable en application de l’article 1690 du code civil alors applicable ;
Ainsi et au vu des développements qui précèdent, le jugement entrepris mérite confirmation en toutes ses dispositions ;
L’appelante qui succombe en son recours supportera la charge des dépens et sera en conséquence déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après en avoir délibéré, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DEBOUTE Mme [T] [U] épouse [X] de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [T] [U] épouse [X] aux dépens de l’instance qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE