Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/05484

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Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/05484

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 22 JUIN 2023

N° 2023/217

Rôle N° RG 22/05484 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJHB2

[F] [U]

C/

Société JYSKE BANK A/S

PARQUET GENERAL

Société CHRISTINE RIOUX – MANDATAIRE JUDICIAIRE

S.E.L.A.R.L. RM MANDATAIRES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Olivier AVRAMO

Me Agnès ERMENEUX

Me Christophe BLANC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de Toulon en date du 07 Avril 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 2022F184.

APPELANT

Monsieur [F] [U],

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 6], de nationalité française, demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Olivier AVRAMO, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

Société JYSKE BANK A/S

dont le siège social est sis [Adresse 7] – DANEMARK, prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX – CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

Assistée de Me Aurélie BOULBIN de l’AARPI NGO JUNG & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

PARQUET GENERAL,

demeurant [Adresse 5]

défaillant

SELU CHRISTINE RIOUX – MANDATAIRE JUDICIAIRE

ès-qualités de Mandataire Judiciaire de Monsieur [F] [U] selon jugement rendu par le Tribunal de Commerce de TOULON le 25 janvier 2022, dont le siège social est sis [Adresse 4]

Représentée par Me Christophe BLANC de la SCP DELBOSC CLAVET BLANC CURZU-SFEG AVOCATS, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 05 Avril 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseillère-rapporteur

Madame Agnès VADROT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [F] [U] est propriétaire d’un bien immobilier situé [Adresse 3].

Le 20 octobre 2011, la société JYSKE BANK a consenti à M. [F] [U] et Mme [I] [U] un prêt d’un montant de 400 000 euros remboursable en 140 échéances trimestrielles et a inscrit une hypothèque sur le bien immobilier.

Le 12 mars 2020, en exécution d’un arrêt rendu par la cour de ce siège le 3 juillet 2018, l’URSSAF PACA a fait signifier à M. [F] [U] un commandement de saisie immobilière pour la somme de 683 192, 84 euros en principal.

Le 28 octobre 2021, saisi par l’URSSAF PACA, le juge de l’exécution immobilier du tribunal judiciaire de TOULON a ordonné la vente forcée de l’immeuble de M. [F] [U] et fixé l’audience d’adjudication au 27 janvier 2022.

Le 25 janvier 2022, le tribunal de commerce de TOULON a, sur demande du débiteur, ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de M. [F] [U] et désigné la SELU Christine RIOUX – MANDATAIRE JUDICIAIRE en qualité de mandataire judiciaire de sorte que, le 27 janvier 2022, le juge de l’exécution a constaté la suspension des poursuites.

La société JYSKE BANK ayant formé tierce opposition au jugement du 25 janvier 2022, par jugement du 7 avril 2022, le tribunal de commerce de TOULON a :

-déclaré la tierce opposition recevable,

-rétracté le jugement du 25 janvier 2022 ayant ouvert le redressement judiciaire de M. [F] [U],

-remis M. [U] in bonis,

-laissé les dépens à la charge de la société JYSKE BANK.

Pour prendre leur décision les premiers juges ont retenu que :

La tierce opposition de la société JSKE BANK est recevable au visa de l’article 583 du code de procédure civile en ce que :

-elle n’était ni présente ni représentée devant le premier juge,

-l’ouverture de la procédure collective est intervenue seulement 2 jours avant l’audience d’adjudication,

-en sa qualité de créancier hypothécaire de premier rang la société JYSKE BANK subit un préjudice du fait de l’ouverture de la procédure collective dans la mesure où la vente du bien immobilier l’aurait désintéressée,

M.[F] [U] ne remplit aucune des conditions édictées par les articles L631-1 et suivants du code de commerce pour obtenir l’ouverture d’un redressement judiciaire et a instrumentalisé le tribunal en ce que :

-lors de sa demande d’immatriculation en qualité d’apporteur d’affaires en BTP il a déclaré un début d’activité au 25 janvier 2022 et ne peut être en mesure de présenter des perspectives de redressement,

-le passif déclaré par M. [F] [U] dans sa déclaration de cessation des paiements est constitué de dettes qui n’ont aucun lien avec l’activité d’apporteur d’affaires en BTP.

M. [F] [U] a fait appel de cette décision le 12 avril 2022.

Dans ses dernières conclusions, déposées au RPVA le 12 juillet 2022, il demande à la cour de déclarer son appel recevable et :

A titre principal, de :

-annuler en toutes ses dispositions le jugement frappé d’appel au visa de l’article R662-12 du code de commerce,

-renvoyer le dossier devant le premier juge pour qu’il soit à nouveau statué après dépôt et communication d’un rapport du juge commissaire,

A titre subsidiaire, d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement frappé d’appel et de :

-déclarer la société JYSKE BANK irrecevable et mal fondée en sa tierce opposition,

-débouter la société JYSKE BANK de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

-condamner la société JYSKE BANK aux entiers dépens et à lui payer 4 800 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile,

-préciser que les dépens seront directement recouvrés par son conseil comme en matière d’aide juridictionnelle.

Dans ses dernières conclusions, communiquées au RPVA le 25 juillet 2022, la SELU Christine RIOUX – MANDATAIRE JUDICIAIRE ès qualités demande à la cour d’acter qu’elle s’en remet à sa sagesse et de condamner tout succombant à lui payer ès qualités 1 500 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, notifiées au RPVA le 11 octobre 2022, la société JYSKE BANK demande à la cour :

A titre principal, de confirmer le jugement rendu le 7 avril 2022 par le tribunal de commerce de TOULON,

A titre subsidiaire, en cas d’annulation du jugement rendu le 7 avril 2022 par le tribunal de commerce de TOULON de ;

-rétracter le jugement rendu le 25 janvier 2022 par la même juridiction,

-débouter M. [U] de ses demandes contraires,

-déclarer M. [U] in bonis,

En tout état de cause, de condamner M. [F] [U] aux entiers dépens avec distraction et à lui payer 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses réquisitions, signifiées au RPVA le 3 mars 2023, le ministère public demande à la cour de confirmer la décision frappée d’appel en toutes ses dispositions.

Le 15 juin 2022, en application de l’article 905-1 du code de procédure civile, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l’audience du 5 avril 2023.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 mars 2023 avec rappel de la date de fixation.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens de fait et de droit.

MOTIFS

1)Faisant observer que le juge commissaire n’a pas établi de rapport, M. [U] fonde sa demande d’annulation du jugement attaqué sur la violation de l’article R662-12 du code de commerce.

Or, ainsi que le fait valoir la société JYSKE BANK, s’agissant de statuer sur la tierce opposition formée à l’encontre du jugement d’ouverture de la procédure collective, ce texte n’est pas applicable en l’espèce.

En effet, il ne ressort pas de la compétence du juge commissaire, qui est désigné par le jugement d’ouverture, d’établir un rapport sur l’opportunité d’ouvrir ou non une procédure collective ou de se prononcer sur le bien-fondé de la décision fondant sa propre compétence.

En conséquence, M. [U] sera débouté de sa demande d’annulation du jugement rendu le 7 avril 2022 par le tribunal de commerce de TOULON.

2)Pour remettre en cause la recevabilité de la tierce opposition, M. [U] conteste les qualité et intérêt à agir de la société JYSKE BANK aux motifs que :

-comme tous ses autres créanciers, elle était représentée par la SELU Christine RIOUX – MANDATAIRE JUDICIAIRE,

-elle ne rapporte la preuve ni de moyens qui lui sont propres ni d’une fraude de ses droits.

Il s’évince des dispositions combinées des articles 583 du code de procédure civile et L661-1-1° et L661-2 du code de commerce que le jugement d’ouverture du redressement judiciaire est susceptible de tierce opposition de la part de tout créancier qui évoque des moyens qui lui sont propres ou qui rapporte la preuve d’une fraude de ses droits.

En application de ce texte, le premier moyen soulevé par l’appelant est inopérant.

Sur le second moyen, comme les premiers juges l’ont relevé à juste titre :

-la société JYSKE BANK est un créancier hypothécaire de premier rang qui, en tant que tel, avait intérêt à la tenue de l’audience d’adjudication fixée au 27 janvier 2022 par le juge de l’exécution,

-l’ouverture de la procédure collective le 25 janvier 2022, soit seulement deux jours avant l’audience d’adjudication, pour une activité immatriculée le 25 janvier 2022 par M. [U] lui a nécessairement porté préjudice puisque la vente judiciaire de l’immeuble de son débiteur à l’initiative de l’URSSAF aurait permis de la désintéresser.

La société JYSKE BANK rapporte donc la preuve de moyens qui lui sont propres pour s’opposer au jugement rendu le 27 janvier 2022 et il importe peu que l’ouverture de la procédure collective ne lui ait pas fait perdre son rang et sa qualité de créancier privilégié.

En conséquence, la décision frappée d’appel sera confirmée en ce qu’elle a déclaré recevable la tierce opposition formée par la société JYSKE BANK.

3)En l’occurrence, cette solution s’impose d’autant qu’il apparaît, en outre, que la procédure collective sollicitée par M. [U] a été ouverte en fraude des droits de la société JYSKE BANK et dans le but d’échapper aux poursuites engagées par ses créanciers.

Comme le fait valoir l’intimée et malgré les dénégations de l’appelant, la chronologie des faits révèle que M. [U] :

-par ailleurs bénéficiaire de deux autres immatriculations en tant qu’entrepreneur individuel, a déclaré son activité d’apporteur d’affaires BTP le 25 janvier 2022,

-a le même jour, soit le 25 janvier 2022, déposé une déclaration d’état de cessation des paiements et sollicité un redressement judiciaire pour cette même activité.

M. [U] a procédé de la sorte alors qu’il apparaît que l’activité d’apporteur d’affaires en BTP ne remplit pas les conditions d’ouverture d’une procédure collective telles que prévues aux articles L631-1 et L631-2 du code de commerce puisque ;

-la créance de l’URSSAF, comme celle de la société JYSKE BANK, ne peuvent avoir été générées par l’activité d’apporteur d’affaires en BTP qui a déclaré son état de cessation des paiements le jour même de son immatriculation,

-les factures produites par M. [U] sont toutes postérieures au jugement d’ouverture et sont pour moitié adressées à une société dont il est le gérant (la société Enzo Réalisations),

-à défaut de détail, ces factures ne comportent, en outre, aucun élément susceptible de les rattacher à l’activité d’apporteur d’affaires en BTP,

-M. [U] ne soumet aux débats aucun chiffre précis de l’actif et du passif généré par cette activité et ne justifie pas d’un état de cessation des paiements.

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges que la cour adopte, le jugement frappé d’appel sera confirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné la société JYSKE BANK aux dépens.

4)M.[U] qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d’appel. Il se trouve, ainsi, infondé en ses prétentions au titre des frais irrépétibles.

Il serait inéquitable de laisser supporter à la société JYSKE BANK l’intégralité des frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

M.[U] sera condamné à lui payer 3 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile.

Par contre, aucune considération d’équité n’impose de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SELU Christine RIOUX – MANDATAIRE JUDICIAIRE ès qualités. Elle sera déboutée de sa demande.

La distraction des dépens sera autorisée au bénéfice du conseil de la société JYSKE BANK.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après débats publics et par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

Confirme en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a condamné la société JYSKE BANK aux dépens, le jugement rendu le 7 avril 2022 par le tribunal de commerce de TOULON ;

Statuant à nouveau du chef d’infirmation et y ajoutant :

Déclare M. [U] infondé en ses prétentions au titre des frais irrépétibles ;

Déboute la SELU Christine RIOUX – MANDATAIRE JUDICIAIRE ès qualités, de sa demande au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [U] à payer à la société JYSKE BANK la somme de 3 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile ;

Autorise l’application de l’article 699 du code de procédure civile au bénéfice du conseil de la société JYSKE BANK ;

Condamne M. [U] aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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