Saisine du juge de l’exécution : 20 juin 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/00923

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Saisine du juge de l’exécution : 20 juin 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/00923

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/00923 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FPEF

Minute n° 23/00144

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORR AINE

C/

Etablissement Public DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES, Etablissement Public TRESORERIE METZ AMENDES, S.C.I. SIFE

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 10 Mars 2021, enregistrée sous le n° 18/02781

COUR D’APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 20 JUIN 2023

APPELANTE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE, représentée par son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES- Centre des Finances Publiqu SIP-E de [Localité 7], représentée par M.le Comptable du SIP-E

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ

TRESORERIE [Localité 6] AMENDES, représentée par M. Le Comptable de la Trésorerie de [Localité 6] Amendes

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ

S.C.I. SIFE représentée par son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 23 Mars 2023 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 20 Juin 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR:

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

Mme BIRONNEAU, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Selon acte notarié du 9 avril 2008, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine (ci-après dénommée la CRCA) a prêté à la SCI SIFE une somme de 703 000 euros pour l’acquisition d’un terrain et la construction d’un bâtiment à usage professionnel à Fénétrange (département de la Moselle).

Le prêt était stipulé remboursable en 249 mensualités de 5 335,29 euros chacune, au taux d’intérêt contractuel de 6,40% l’an et en garantie du remboursement des sommes dues, la CRCA a fait inscrire au Livre Foncier le 10 avril 2008 une hypothèque conventionnelle.

Selon acte de prêt notarié du 27 janvier 2009, la CRCA a prêté à la SCI SIFE une somme de 250 000 euros pour la construction d’un bâtiment à usage professionnel.

Le prêt était stipulé remboursable en 240 mensualités de 1 849,24 euros chacune, au taux contractuel de 6,40% l’an et en garantie du remboursement des sommes dues, la CRCA a fait inscrire au Livre Foncier le 27 janvier 2009 une hypothèque conventionnelle.

Les échéances de ces deux emprunts ne sont plus remboursées depuis le 15 mars 2011.

Suite à un commandement de payer aux fins de saisie immobilière du 25 mai 2012, demeuré infructueux, la CRCA a sollicité la vente forcée des biens immeubles appartenant à la SCI SIFE, dans le cadre des articles 141 à 170 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Par ordonnance du 23 août 2012, confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Metz du 16 avril 2014, le tribunal d’instance de Sarrebourg a ordonné la vente forcée par adjudication aux enchères publiques des immeubles appartenant à la SCI SIFE.

Selon le cahier des charges établi le 28 février 2017 par Maître [M], notaire commis par le tribunal d’instance, les inscriptions hypothécaires enregistrées au Livre foncier étaient alors les suivantes :

hypothèques conventionnelles au profit de la CRCA, en date des 10 avril 2008 et 28 janvier 2009,

hypothèque judiciaire au profit de la SARL SERHIC inscrite le 12 mars 2010,

hypothèques légales inscrites le 14 mars 2013 et le 3 février 2014 au profit du Pôle de recouvrement spécialisé de Meurthe et Moselle et de la Trésorerie de Fénétrange ;

hypothèque légale inscrite le 9 novembre 2015 au profit de la Trésorerie de Metz Amendes.

Selon procès-verbal d’adjudication du 22 mars 2017, l’immeuble a été adjugé pour la somme de 310 000 euros.

Parallèlement à cette procédure de vente forcée, le comptable du SIP de [Localité 7] a notifié entre les mains de Maître [M], deux avis à tiers détenteurs : l’un d’un montant de 18 060,32 euros le 22 mars 2017, l’autre de 3 179 euros le 17 Août 2017.

Le 23 mars 2017, le comptable de la Trésorerie de Metz Amendes a notifié entre les mains de Maître [M] deux avis à tiers détenteurs: l’un de 1 282,40 euros, l’autre de 17 500 euros.

A la suite de l’adjudication, Me [M] a dressé le 11 juillet 2018 un état de collocation portant distribution du produit de la vente entre les différents créanciers hypothécaires, conformément aux articles 194 et suivants de la loi du 1er juin 1924.

La répartition a été ainsi faite :

frais de justice : 6 497,73 euros

Trésor Public : 40 021,72 euros

CRCA : 263 620,19 euros

SARL SERHIC : néant

Total de la masse à partager : 310 139,64 euros

Par courrier du 13 juillet 2018, la CRCA, créancier hypothécaire, a contesté l’état de collocation en ce que le Trésor Public serait réglé en priorité par rapport à elle, du fait de procédures à tiers détenteur entreprises postérieurement à l’adjudication.

Selon la CRCA, pour distribuer les sommes dues, il convient de suivre le classement des hypothèques et privilèges, lequel classement favorise la CRCA.

Le 30 juillet 2018, le notaire a procédé à la clôture partielle de l’état de collocation et a invité les parties à faire trancher la contestation.

Selon assignations des 16, 17 et 18 août 2018, la CRCA a saisi le tribunal judiciaire de Metz afin de faire constater ses contestations à l’encontre de l’état de collocation établi par Me [M], faire dire et juger les avis à tiers détenteur émanant de la Direction Générale des Finances Publiques du 17 août 2017 et les avis à tiers détenteur émanant de la Trésorerie Metz Amendes des 23 mars 2017 sans effet et inopposables à son égard, faire modifier l’état de collation, faire dire et juger que la créance émanant du Trésor Public pour un montant de 40 021,72 euros ne prime pas sur sa créance, faire dire et juger que la CRCA se verra allouer la somme de 303 641,91 euros, faire déclarer le jugement commun à la SCI SIFE et faire statuer ce que de droit sur les dépens.

La Trésorerie Metz Amendes et la Direction Générale des Finances Publiques ont conclu au rejet des demandes de la CRCA, expliquant avoir été désintéressées par le notaire avant la procédure de distribution.

Par jugement du 22 juillet 2020, le tribunal a invité les parties à présenter leurs observations sur la compétence matérielle du tribunal judiciaire de Metz pour connaitre de la contestation et sur la compétence du Juge de l’exécution.

Par jugement du 10 mars 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :

déclaré la CRCA recevable en son action en contestation de l’état de collocation,

débouté la CRCA de sa demande en contestation de l’état de collocation dressé le 11 juillet 2018 par Me [M] et en modification subséquente dudit état de collocation,

condamné la CRCA à payer à la SCI SIFE la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du CPC,

condamné la CRCA aux frais et dépens de la procédure.

Au visa de l’article 209 de la loi du 1er juin 1924 et de l’article 122 du code de procédure civile, le tribunal a considéré que la demande de la CRCA n’était pas prescrite, puisqu’elle avait fait délivrer les assignations le 16 août 2018 et le 20 août 2018, soit moins d’un mois après la réunion du 30 juillet 2018.

Sur le fond, il a considéré que le moyen tiré de la primauté du rang attribué à la CRCA en sa qualité de créancière hypothécaire est indifférent, car les avis à tiers détenteurs émis par les services fiscaux, qui n’ont pas fait l’objet de contestation, ont produit pleinement leur effet attributif, le tiers détenteur s’étant libéré des fonds saisis entre les mains du créancier saisissant, de telle sorte que la créance objet de la saisie n’est plus distribuable.

Par déclaration reçue au greffe le 13 avril 2021, la CRCA a interjeté appel aux fins de nullité ou infirmation de ce jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en contestation de l’état de collocation dressé le 11 juillet 2018 par Me [M] et en modification subséquente dudit état de collocation, condamné la CRCA à payer à la SCI SIFE la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la CRCA aux frais et dépens de la procédure.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 6 février 2023, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la CRCA demande à la cour de :

infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de contestation de l’état de collocation dressé par Me [M] le 11 juillet 2008 et en modification subséquente de cet état de collocation, en ce qu’il a condamné la CRCA à payer à la SCI SIFE une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a condamné la CRCA aux dépens de la procédure,

Et statuant à nouveau,

dire et juger que la CRCA est créancier de deuxième rang sur l’état de collocation dressé le 11 juillet 2018 par Me [M],

dire et juger que la CRCA doit être colloquée à hauteur de la somme de 303.641,91 euros,

renvoyer la cause et les parties devant le notaire pour l’achèvement de la procédure de distribution du prix de vente,

débouter la SCI SIFE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tant de première instance qu’en appel,

débouter la DGFIP et la Trésorerie [Localité 6] Amendes de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la DGFIP et la Trésorerie [Localité 6] Amendes, prises en les personnes de leurs représentants légaux, au paiement d’une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la DGFIP et la Trésorerie [Localité 6] Amendes aux frais et dépens des procédures de première instance et d’appel.

La CRCA soutient que le prix de vente de l’immeuble détenu par le notaire dans le cadre d’une vente forcée n’est pas un bien ordinaire et disponible du patrimoine du vendeur.

Elle fait valoir que la distribution des deniers entre les créanciers s’effectue suivant le rang attribué par l’inscription des sûretés au Livre foncier et que pour la clôture de l’état de collocation, le règlement préalable de la somme de 40 021,72 euros par le notaire en raison d’avis à tiers détenteur importe peu.

Elle estime que lorsque la cour aura tranché la contestation et établi l’ordre des créanciers à l’état de collocation, si un règlement téméraire a été effectué au profit de certains créanciers inscrits, le notaire aura éventuellement à en répondre mais dans le cadre d’une autre procédure.

L’appelante rappelle que le classement des privilèges et hypothèques obéit aux règles posées à l’article 2375 du code civil pour les privilèges immobiliers généraux, à savoir les frais de justice et les créances liées au travail et qu’en ce qui concerne les privilèges immobiliers spéciaux, les hypothèques conventionnelles, légales ou judiciaires sont classées en fonction de la date d’inscription qui détermine le rang.

Elle rappelle que ses inscriptions au Livre foncier en sa qualité de créancière hypothécaire de la SCI SIFE sont antérieures à celles prises par la Trésorerie de [Localité 6] Amendes et par la DGFIP et elle en déduit que sur l’état de collocation, elle doit figurer avant le Trésor public, créancier de troisième rang et qu’elle doit être colloquée à hauteur de 303 641,91 euros.

En réplique à la partie adverse, la CRCA soutient que le notaire n’avait pas la qualité de tiers saisi, dans la mesure où il ne détenait pas les fonds résultant de la vente pour le compte du débiteur mais pour le compte de la masse des créanciers.

Elle considère également qu’à la date où les avis à tiers détenteur ont été notifiés au notaire, les fonds résultant de la vente de l’immeuble n’étaient pas disponibles car revenant à la CRCA, créancière hypothécaire de premier rang et créancière poursuivante.

La CRCA souligne que dans le cahier des charges de la vente, elle figurait en premier rang, avant la société SERHIC créancière de deuxième rang et le Trésor Public qui figurait au troisième rang.

Elle indique que la mise en ‘uvre d’une mesure d’exécution, soit la délivrance d’un avis à tiers détenteur, ne peut pas modifier l’ordre des privilèges ni le classement des créanciers poursuivants, lequel est établi par la loi.

Elle relève que si la cour retenait cette hypothèse, il suffirait alors qu’un créancier de rang inférieur fasse signifier un acte d’exécution pour devenir prioritaire et bénéficier d’un meilleur rang.

Elle souligne enfin que la Trésorerie de [Localité 6] Amendes et la DGFIP figurent bien dans l’état de collocation établi le 11 juillet 2018, ce qui signifie que le notaire les a considérées comme étant toujours des parties poursuivantes en dépit du règlement intervenu.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 17 janvier 2023, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la DGFIP et la trésorerie de [Localité 6] Amendes demandent à la cour de :

débouter la CRCA de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l’encontre de la DGFIP SIP-E de [Localité 7] et de la trésorerie de [Localité 6] Amendes ;

confirmer le jugement entrepris,

condamner la CRCA aux entiers dépens d’instance et d’appel et à verser à la Direction Générale des Finances Publiques et à la Trésorerie [Localité 6] Amendes, prise en la personne de leurs comptables respectifs, la somme de 1000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La DGFIP et la Trésorerie [Localité 6] Amendes exposent que dès réception des avis à tiers détenteurs par le notaire, celui-ci les a réglées et qu’il n’y a pas eu de contestation, de sorte que la créance, objet de la saisie, n’est plus distribuable.

Elles affirment qu’il appartenait au notaire, en sa qualité de tiers détenteur du produit de la vente, d’apprécier le caractère disponible des fonds qu’il avait entre ses mains et les suites qu’il devait réserver aux actes notifiés et qu’en l’espèce, il a manifestement considéré les sommes qu’il détenait comme étant disponibles, puisqu’il les a affectées au paiement des créances du SIP de [Localité 7] et de la Trésorerie de [Localité 6] Amendes.

Elles font aussi valoir que dans le cadre de l’état de collocation, les comptables du SIP de [Localité 7] et de la Trésorerie de [Localité 6] Amendes n’ont pas reçu de sommation de produire leurs créances respectives, qu’ils n’ont pas été destinataires de cet état ni été informés de sa clôture partielle, de sorte que celui-ci leur est inopposable.

En réplique à la partie adverse, les intimées affirment que la mesure d’exécution des comptables publics est parfaitement régulière, qu’il a été jugé que l’avis à tiers détenteur comporte l’effet d’attribution et que dès lors, le premier saisissant est le premier payé quel que soit l’ordre de sa créance (Cass. Com. du 11 février 1997, 94-21.784).

Elles indiquent également que de jurisprudence ancienne, le créancier hypothécaire est seulement titulaire d’un droit réel sur l’immeuble de sorte que le prix détenu par le notaire est un bien ordinaire du patrimoine du vendeur, entré dans le gage commun des créanciers et susceptible de saisie par un créancier chirographaire.

Elles soulignent qu’en l’espèce, il n’existait pas de clause de séquestre du prix de vente ni d’attribution préférentielle dans un acte authentique de sorte que de ce fait, le prix détenu par le notaire figurait dans le patrimoine du vendeur et était donc disponible.

Selon la DGFIP et la trésorerie de [Localité 6] Amendes, ce n’est que l’inscription de l’adjudication au Livre foncier qui entraîne la purge de toutes les hypothèques et qui entraîne également le report automatique des droits des créanciers sur le prix de l’adjudication (article 162 de la loi du 1er juin 1924).

Les intimées font valoir que les avis à tiers détenteur sont antérieurs, non seulement à la production de la créance du Crédit Agricole, mais également antérieurs à l’inscription au Livre foncier, que ceux de l’espèce sont définitifs pour ne pas avoir été contestées devant le juge de l’exécution et que pour leur part, désintéressés de leurs créances par le notaire avant la procédure de distribution, les comptables publics n’ont pas été colloqués dans le cadre de l’adjudication.

Dans ses dernières conclusions déposées le 25 octobre 2021, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la SCI SIFE demande à la cour, au visa notamment des articles 194 et suivants de la loi du 1er juin 1924, de :

débouter la CRCA de son appel,

rejeter toutes demandes éventuelles, fins ou conclusions de la CRCA, en ce qu’elles sont mal fondées,

confirmer le jugement rendu par le tribunal Judiciaire de Metz, le 10 mars 2021, sous le numéro de RG 21/00923,

En conséquence,

juger que l’état de collocation peut être clôturé par le notaire, sans tenir compte de la contestation formulée par la CRCA laquelle est mal fondée,

condamner la CRCA au paiement de la somme de 1 000 euros, par application de l’article 700 du code de procédure civile, en faveur de la SCI SIFE, prise en la personne de son représentant légal,

la condamner aux dépens de première instance.

Et également, en cause d’appel,

condamner la CRCA au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dans le cadre de la procédure d’appel, en faveur de la SCI SIFE, prise en la personne de son représentant légal,

condamner la CRCA aux dépens de la procédure d’appel.

La SIFE indique ne pas comprendre la raison pour laquelle elle a été assignée, alors que le notaire l’aurait nécessairement informée d’une modification éventuelle de l’état de collocation et que c’est sans motif valable qu’elle a dû exposer des frais pour assurer sa représentation en justice.

Elle ajoute que, même à démontrer que le privilège du Trésor, actionné par le biais d’avis à tiers détenteur, ne pouvait s’exercer que sur le reliquat du prix de vente, après désintéressement des créanciers hypothécaires, la SCI SIFE ne peut être, en aucun cas, tenue pour responsable de cette situation, ni même être lésée par ce manquement.

Elle estime qu’il appartient à la CRCA d’intenter tous les recours possibles contre l’Etat, par le biais d’un recours indemnitaire, éventuellement sur le fondement de l’enrichissement sans cause ou au titre de la défaillance du service public de la justice judiciaire.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur le classement des créanciers hypothécaires et la distribution des deniers

L’article 200 de la loi du 1er juin 2024 mettant en vigueur la législation française dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle dispose que dans le délai d’un mois après expiration des délais de production, le notaire dresse un état de collocation et cet état doit contenir les créances admises d’après leur rang.

L’article 204 de la même loi précise que pour faire la clôture, le notaire établit le calcul de la masse à distribuer, des frais à la charge de la masse et du montant de la créance de chaque créancier colloqué.

Conformément aux articles 2375 et 2377 du code civil, le classement des privilèges et des hypothèques, nés du chef d’un même débiteur et inscrits sur un immeuble lui appartenant, s’établit de la manière suivante: d’abord les privilèges immobiliers généraux mentionnés à l’article 2375 du code civil qui s’exercent dans l’ordre prévu par ce texte, puis les privilèges immobiliers spéciaux, à savoir les hypothèques conventionnelles, légales ou judiciaires qui sont classées d’après la date de l’inscription qui détermine le rang.

Par ailleurs, l’article 164 de la loi du 1er juin 1924 dispose qu’à partir de la notification de l’ordonnance d’exécution forcée, le débiteur et le tiers acquéreur sont considérés comme séquestres judiciaires des immeubles saisis. L’article 165 précise que les fruits perçus ou loyers et fermages échus après l’inscription de l’ordonnance sont, vis-à-vis des créanciers, assimilés aux immeubles et le montant en est distribué avec le prix de ces biens d’après le rang des hypothèques.

Il se déduit des deux articles précités que l’immeuble et son prix de vente sont indisponibles à partir de la signification de l’ordonnance d’exécution forcée jusqu’à la distribution du prix de vente entre les différents créanciers.

En l’espèce, il résulte des énonciations du cahier des charges établi par le notaire le 28 février 2017 que les inscriptions d’hypothèques les plus anciennes au Livre Foncier concernant les créances de la SCI SIFE sont celles de la CRCA, en date du 10 avril 2008 et du 28 janvier 2009.

Celles afférentes aux créances de la DGFIP et la trésorerie de [Localité 6] Amendes ont été inscrites le 14 mars 2013, le 3 février 2014 et le 9 novembre 2015. Elles sont donc postérieures à celles de la CRCA.

Par ailleurs, une mesure d’exécution forcée, telle la notification d’un avis à tiers détenteur, ne peut pas avoir d’incidence sur le rang de classement des créanciers hypothécaires dans le cadre de la procédure de distribution des deniers par ordre.

Le fait que les avis à tiers détenteurs en litige aient fait l’objet, ou non, d’un recours devant le juge de l’exécution importe donc peu, étant observé que ces avis à tiers détenteurs n’avaient pas été notifiés aux créanciers hypothécaires dont la CRCA.

Ainsi, un créancier hypothécaire de rang subalterne ne peut primer les autres créanciers hypothécaires par la seule mise en ‘uvre d’une mesure d’exécution, à fortiori sur le prix de vente d’un immeuble qui est indisponible conformément aux articles 164 et 165 précités.

Dans ces conditions, la CRCA est fondée à faire valoir sa qualité de créancier hypothécaire de deuxième rang dans la cadre de la procédure de collocation faisant suite à la vente forcée des immeubles de la SCI SIFE, après le privilège de premier rang « frais de justice » (article 2375 du code civil).

La CRCA a déclaré une créance de 1 095 326 euros pour le premier prêt et une créance de 380 658,34 euros pour le second prêt.

Selon le procès-verbal du 11 juillet 2018, la masse active à distribuer est de 310 139,64 euros et le privilège de premier rang « frais de justice » s’élève à 6 497,73 euros.

La CRCA peut donc prétendre à la somme de 303 641,91 euros dans le cadre de la procédure de collocation.

La cour infirme donc le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la CRCA de sa contestation de l’état de collocation dressé le 11 juillet 2018 par Maître [M] et statuant à nouveau, juge que la CRCA est créancière de second rang dans le cadre de cet état de collocation, dit qu’en conséquence la CRCA doit être colloquée à hauteur de 303 641, 91 euros et renvoie la cause et les parties devant le notaire pour l’achèvement de la procédure de distribution du prix de vente de l’immeuble.

II- Sur l’opposabilité à la DGFIP et à la Trésorerie de [Localité 6] Amendes de l’état de collocation du 11 juillet 2018

L’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

L’article 201 de la loi du 1er juin 1924 dispose que :

« Après l’établissement de l’état de collocation, le notaire le tient à la disposition des intéressés qui peuvent en prendre communication ; il fixe un jour auquel doivent être produites les contestations contre l’état.

Le notaire fait ensuite sommation aux intéressés désignés à l’article 196, ainsi qu’au débiteur et au tiers détenteur, de prendre communication de l’état de collocation, et de comparaître au jour fixé pour fournir leurs observations sur cet état, et de présenter au plus tard audit jour leurs contestations, sous peine d’être forclos. En même temps il est donné avis à l’adjudicataire du jour fixé.

Les sommations et avis doivent être signifiés et notifiés conformément aux dispositions de l’article 196. Il y a un délai d’au moins deux semaines entre la signification et le jour fixé ».

Il est constant que la DGFIP et la Trésorerie de [Localité 6] Amendes n’ont pas été destinataires des sommations prévues au texte précité, dans la mesure où le notaire avait manifestement considéré qu’elles avaient été désintéressées suite au règlement effectué sur le fondement des avis à tiers détenteur.

Mais cette carence ne leur a causé grief, dans la mesure où le notaire a retenu leurs créances dans l’état de collocation et les a placées à un rang plus favorable que celui normalement permis par le classement légal des créanciers hypothécaires.

En tout état de cause, si les intimées demandent l’inopposabilité du procès-verbal de collocation dans le cadre de leur motivation, cette prétention ne figure pas au dispositif de leurs écritures.

Il ne sera donc pas statué sur ce point.

III- Sur les dépens et les frais irrépétibles

La cour infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la CRCA à payer à la SCI SIFE la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a condamné la CRCA aux frais et dépens de la procédure et statuant à nouveau, condamne la DGFIP et la Trésorerie de [Localité 6] Amendes aux dépens de première instance et rejette la demande formée par la SCI SIFE en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La DGFIP et la trésorerie de [Localité 6] Amendes qui succombent seront condamnées aux dépens de l’appel.

Pour des considérations d’équité, elles devront payer à la CRCA la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Aucune considération d’équité ne justifie qu’il soit fait droit à la demande de la SCI SIFE en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 10 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Metz en toutes ses dispositions déférées à la cour ;

Statuant à nouveau,

Juge que la Caisse Régionale de Crédit Agricole de Lorraine est créancière de second rang dans le cadre de l’état de collocation concernant la SCI SIFE, établi le 11 juillet 2018 par Maître [M], notaire, et ce après le premier rang « frais de justice »;

Juge qu’en conséquence, la Caisse Régionale de Crédit Agricole de Lorraine doit être colloquée à hauteur de 303 641, 91 euros dans le cadre de la distribution du prix de vente des immeubles de la SCI SIFE ;

Renvoie la cause et les parties devant Maître [M] pour l’achèvement de la procédure de distribution du prix de vente des immeubles de la SCI SIFE;

Condamne la Direction Générale des Finances Publiques-centre des finances publiques- SIP-E de [Localité 7] et la trésorerie de [Localité 6] Amendes aux dépens de première instance ;

Rejette la demande de la SCI SIFE en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Condamne la Direction Générale des Finances Publiques-centre des finances publiques- SIP-E de [Localité 7] et la trésorerie de [Localité 6] Amendes aux dépens de l’appel;

Condamne la Direction Générale des Finances Publiques-centre des finances publiques- SIP-E de [Localité 7] et la trésorerie de [Localité 6] Amendes à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole de Lorraine la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la SCI SIFE en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

La Greffière La Présidente de chambre

 


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